Chapitre 85

Beata avait suivi à moto la voiture de la Section spéciale. Elle aussi passa au rouge. Elle aussi emprunta les lignes du tram, mais elle ne prit pas le sens interdit, de crainte que Baker ne remarque sa filature. D’après la direction que prenait le véhicule de police, le professeur était sans doute raccompagné à l’hôtel, alors elle s’y rendit par un autre chemin. Elle arriva au moment où Charles sortait de la voiture. Elle se félicita de son intuition et transmit sa position à Werner.

Ce dernier, devant son écran, démarra l’installation de surveillance. Le signal lumineux du GPS décrivait le trajet de Charles sur le plan de l’hôtel, dans le hall, puis dans le bar pour quelques dizaines de minutes. À un moment donné, le téléphone de Werner retentit. Il parla un temps. Il vit Charles se déplacer et stationner de nouveau dans le secteur des salles de conférences. Werner pensa que Baker était aux toilettes qui se trouvaient à côté. Puis il vit son déplacement dans l’escalier. Il activa le son dans la chambre du professeur, mais Baker s’arrêta un étage plus bas, dans une autre chambre. Celle de Christa. Werner s’en voulut terriblement de n’avoir pas placé de micro dans sa chambre. Mais les pare-feu d’Interpol auraient rendu l’opération très compliquée.

Un signal sonore très aigu, semblable à celui d’une sirène, retentit, et sur l’écran se mit à évoluer le fameux diable en culotte dans une danse démente de fin du monde. Werner oublia Charles sur-le-champ et appuya sur Enter. La caméra placée sur l’une des tours de la ville italienne s’alluma et afficha un palazzo médiéval. Werner coupa l’alarme et s’intéressa à la vidéo. À la fenêtre de l’unique balcon de la bâtisse que personne ne se souvenait avoir jamais vue ouverte apparurent deux individus qui fixèrent quelque chose à la balustrade. Une fois l’opération réalisée, on vit se dérouler une grande pièce d’étoffe. Une tapisserie bleue se balançait à présent dans la brise. Elle était ornée d’un écu à trois tiares papales composées chacune de trois couronnes posées l’une sur l’autre. Des rais de lumière jaillissaient de la base de chacune des trois tiares. Beaucoup de rouge et de jaune sur fond bleu.

Werner se figea. Il vivait un moment historique. Pour la première fois en plus de cinq cents ans, le blason était exposé. La rencontre allait se produire. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : Charles était entré en possession de la célèbre bible de Gutenberg ou il allait très vite la trouver. Il était temps pour Werner d’entrer en scène. Il alla ouvrir une bouteille de champagne Krug Clos d’Ambonnay, le seul blanc de noirs du top 10 mondial, et manger le hamburger qu’il s’était préparé un peu plus tôt.