Chapitre 89

Werner s’assurait d’avoir toujours un plan B. Il se réjouit en écoutant le récit complet de la prétendue assistante du vieux professeur Baker. L’histoire de l’infarctus avait bien fonctionné. Werner la félicita d’avoir dissuadé Charles de prendre l’avion pour rentrer. Puis il voulut savoir pourquoi Charles avait besoin de ces photos. La femme n’avait rien appris de concret. Il lui demanda de lui faire parvenir un film avec tous les détails de la cave. Il précisa qu’il ne fallait pas toucher à un cheveu du vieil homme. Quelques minutes après avoir raccroché, une alerte apparut sur l’écran de son ordinateur. Werner cliqua et la page des avis de décès du New York Times s’ouvrit. Eastwood n’avait pas traîné ! Un message codé dans cette rubrique était le moyen utilisé pour convoquer une réunion urgente du Conseil.

Le texte devait contenir trois éléments identifiables : le chiffre 12 au début de l’avis de décès, juste après le nom du faux défunt. La signature, avec le nom de code du membre du Conseil convoquant la réunion, dans la mention du lieu de l’enterrement supposé. Et l’un des vingt-quatre mots sacrés de l’organisation. L’annonce disait ceci : « Naisbith, Franklin, quatre-vingt-trois ans. Que douze anges accompagnent son passage vers l’éternité. Époux aimant d’Isabelle, père de quatre enfants. Ancien ouvrier du textile et fermier. Sa fille préférée, Ozora, annonce que l’inhumation aura lieu demain, 17 juin, au cimetière de Woods, East Side. Attendons tous ceux qui l’ont aimé et respecté. » Tous les éléments étaient là : les douze anges, le nom Ozora, emprunté à Pipo de Ozora, le personnage historique qui avait lutté comme personne pour la création de l’Ordre, et l’arrogance de Martin – Werner ne put s’abstenir d’y penser – qui n’avait pas besoin de pseudo et avait signé de son propre nom, « Woods, East Side ».

Au moment où Werner avait vu la tapisserie déroulée au balcon du Palazzo dei Drappieri, il avait appelé Eastwood pour l’avertir que, dans une semaine, il serait en possession de la bible perdue de Gutenberg. Ce dernier voulait s’en assurer et Werner avait juré sur tout ce qu’il avait de plus cher qu’il tiendrait sa promesse et il avait recommandé à Martin de faire de même. Il ne s’était pourtant pas attendu à ce qu’il convoque la réunion aussi rapidement, dès le lendemain soir. Werner avait hâte d’écouter tout ce qui se dirait, de jubiler lorsque Martin imposerait son favori et quand les onze salopards pour lesquels il avait trimé pendant si longtemps voteraient leur propre fin, à savoir qu’il devienne membre à part entière du Conseil. Si la réunion devait se tenir le lendemain à l’heure habituelle, 21 heures, heure du Pacifique, il serait 6 heures du matin à Prague. Il avait un jour et demi à attendre.