Beata venait de rentrer du domicile du commissaire Ledvina. Werner l’y avait envoyée pour y placer un dispositif d’écoute moins sophistiqué que la boîte qui se trouvait dans la chambre de Charles, mais parfaitement fonctionnel. Comme le commissaire n’avait ni portable ni ordinateur, Werner devait se contenter d’une surveillance sonore et d’un micro placé derrière la galène du téléphone fixe.
Elle avait sauté par-dessus la clôture dans le petit jardin couvert de vigne et était entrée par une fenêtre entrouverte. Elle avait fait le tour de la maison de cinq pièces sur un seul niveau et avait aussitôt identifié les quatre endroits adaptés à l’installation du réseau de minuscules micros presque indétectables à l’œil nu. Le dispositif d’écoute était relié à l’ordinateur de Werner et l’enregistrement démarrait lorsque le système détectait une voix ou tout autre bruit durant plus de trois secondes.
Elle venait d’installer le dernier micro quand elle avait entendu la clé dans la serrure de la porte d’entrée. Elle avait attendu que la porte s’ouvre, avait encore jeté un œil alentour puis elle était sortie par la même fenêtre. Le portail donnant sur la rue avait été laissé ouvert, si bien qu’elle n’eut pas à sauter de nouveau par-dessus la clôture. Elle enfourcha sa moto garée quelques maisons plus bas. Beata avait encore des micros à installer dans le bureau de Ledvina au siège de la Section spéciale. Elle passa par là-bas, mais des hommes se trouvaient devant le bâtiment. Elle se dit que ce serait plus sûr le soir, d’autant qu’on était dimanche et que, puisque Ledvina venait de rentrer chez lui, il était peu probable que quelqu’un reste sur place, en dehors du gardien et éventuellement d’un surveillant. Elle ne trouverait pas de meilleur moment.
Puis elle avait lu le message de Werner, était passée par la villa pour prendre sur la table l’enveloppe qu’il avait laissée pour elle et avait pris le chemin de l’hôtel de Charles.
Ledvina cependant n’avait pas bougé de sa planque en face de l’hôtel Boscolo. L’homme que Beata avait entendu entrer chez lui était le frère de son ex-femme, avec lequel il avait gardé de bonnes relations. Il lui apportait continuellement à manger et à boire et, en général, il venait aussi regarder les matchs de foot, car Ledvina avait une parabole sur laquelle il avait monté un décodeur universel, dotation du service d’espionnage, grâce auquel il captait presque toutes les chaînes de télévision européennes, y compris les payantes. La contribution de l’ex-beau-frère avait été un immense téléviseur de soixante-quatre pouces. C’est ainsi qu’ils suivaient ensemble tous les championnats des pays européens. Et, quand Ledvina restait au bureau, son beau-frère s’installait seul devant les chaînes pornos – et il y en avait en pagaille.