Chapitre 63

La limousine venait de démarrer quand une blonde vêtue d’une jupe exagérément courte et juchée sur des talons hauts qui mettaient en évidence la ligne sculpturale de ses jambes entra dans l’hôtel et se dirigea comme une flèche vers la réception. Elle avait les cheveux serrés dans un chignon très soigné et portait sur le nez une paire de grandes lunettes de soleil à monture ronde. Les trois premiers boutons de son chemisier blanc étaient ouverts sur un décolleté plongeant, mis en valeur par son soutien-gorge à balconnet. Elle était très maquillée, mais avec goût.

 

Elle se planta devant l’employé de la réception qui priait en silence pour que la merveilleuse apparition irradiant de sex-appeal soit venue pour lui. Tous ses espoirs s’envolèrent quand, dans un battement de cils parfaitement étudié, elle demanda la chambre du professeur Baker. Ce genre d’apparition n’était pas étranger aux réceptionnistes de l’hôtel Boscolo, si bien que le billet de 100 dollars plié en 4 et glissé dans le creux de sa main ne fit que balayer le reste de scrupules qui auraient pu le faire hésiter. Alors il répondit dans un souffle à la requête et ajouta que le professeur venait de partir avec la femme qui l’accompagnait. La bombe sexuelle le remercia gaiement et repartit, laissant tout le personnel ébahi la suivre de regards humides et rêveurs bien après qu’elle eut disparu de leur champ de vision.

 

Beata monta dans l’ascenseur, adressant un sourire séducteur au petit vieux qui s’y trouvait. Son épouse s’aigrit sur-le-champ, forçant le vieil homme à ravaler son expression réjouie. Beata se dirigea vers la chambre indiquée et tira de sa pochette la boîte de Bella. Elle plaqua l’objet contre la porte et un clic se fit entendre.

Elle entra dans la chambre et chercha où déposer l’appareil de surveillance. Elle finit par le fixer sous le canapé, de façon à ce qu’il soit hors de vue. Avant de descendre, elle jeta encore un œil à la chambre.

 

Dans la villa de Werner défilaient sur l’écran des données analysées à grande vitesse. Il sélectionna celles qui l’intéressaient. Le rayon de détection couvrant des dizaines de mètres et une hauteur de cinq étages, Werner élimina tout signal de téléphone ou d’ordinateur inutile et limita le périmètre d’analyse à la suite de Charles.

 

Au siège de la Section spéciale, le bureau du commissaire était plein. Tout le personnel s’était rassemblé et le chef donnait ses dernières instructions. Le train avait fini par repartir et Ledvina communiquait à ses subalternes les conclusions du terrain. Pendant qu’il parlait, son adjoint projetait sur le mur les clichés récupérés auprès du photographe de la police pour illustrer les propos de son chef. Quand, enfin, chacun aurait pu donner son avis sur qui pouvait avoir commis les crimes et comment l’attraper, personne n’ouvrit la bouche.

Dans un geste théâtral, Ledvina adressa un signe à son assistant pour qu’il projette la dernière photo. Lorsqu’il se glissa entre l’appareil et le mur, on eût dit le Colosse de Rhodes.

— Nous avons affaire, c’est évident, à une espèce très particulière de vampire, conclut-il.

Le brouhaha qui s’éleva suggéra que ces paroles n’obtenaient pas l’effet escompté. Les policiers se montraient plus amusés qu’autre chose, croyant à l’une de ses plaisanteries. Il dut tonner pour faire comprendre qu’il ne rigolait pas et il se pressa de développer ses arguments.