Chapitre 135

À 11 heures moins le quart, les dix membres du Conseil convoqués par Martin s’installèrent dans leurs loges. Nombre d’entre eux étaient très énervés d’avoir été convoqués de nouveau. Une troisième fois en si peu de temps, c’était le signe que quelque chose ne tournait pas rond. Les plus calmes nourrissaient l’espoir que Martin avait mis la main sur la bible et mis Werner hors d’état de nuire. Maintenant, il voulait sans doute leur annoncer la nouvelle avec son habituelle théâtralité. Quand l’horloge sur la console centrale afficha 11 heures, une voix retentit dans les haut-parleurs :

— Aujourd’hui est une journée spéciale. Une des fêtes les plus attendues depuis la création de notre organisation. Pour qu’elle soit conforme au programme du jour, vous devez absolument occuper, sans exception, les confortables fauteuils qui se trouvent dans vos loges. Je vous prie donc de rejoindre vos places.

L’entrain dans la voix du présentateur et l’effet de cirque à deux sous que cela produisait ne correspondait pas vraiment au profil des dix membres du Conseil, mais ils étaient curieux de voir ce qui allait se passer. Huit d’entre eux s’assirent dans leurs fauteuils respectifs. Le neuvième ne se soumettait jamais, par principe, à aucun ordre ni même à aucune suggestion de quiconque, et le dernier était trop occupé à ingurgiter la salade de homard qui se trouvait dans son assiette.

À l’instant où ils s’assirent, un mécanisme se déclencha sous la pression de leur corps et leurs fauteuils s’animèrent. Leurs jambes et leurs avant-bras furent immobilisés par des anneaux d’acier. Un autre passa autour de leur cou, les empêchant de bouger. Ils tentèrent de se débattre, mais les bracelets, telles des menottes, se resserraient dès que la personne bougeait et meurtrissaient la chair. La panique les saisit. Comme les loges restaient dans l’ombre, personne ne pouvait voir ce qu’il se passait ailleurs. Les seuls à ne pas comprendre que quelque chose de grave se passait étaient ceux qui avaient refusé de s’asseoir.

La lumière s’alluma dans la loge d’Eastwood. Les membres furent confrontés à une vision d’une extrême violence. Au centre de la loge se trouvait la tête de Martin plantée sur une pique. La panique se généralisa. Celui qui mangeait s’étouffa avec un morceau de homard, toussa et recracha, y compris par le nez. La lumière s’alluma dans sa loge. Du plafond s’écoula un liquide qui lui rongea la peau. Il se mit à hurler et à se rouler par terre alors que sa chair fondait sur ses os. Celui qui ne s’était pas assis par principe se dirigea vers la porte et frappa à toute force, essayant de sortir. La lumière s’alluma dans sa loge et tous les hommes assis assistèrent horrifiés à la chute d’une herse dont les longues pointes transpercèrent son corps de haut en bas.

Les haut-parleurs craquèrent un peu et la voix se fit de nouveau entendre :

— Ça, c’était mon bonus pour ceux qui ont obtempéré et se sont assis : une minute pour imaginer leur propre fin. C’est le cadeau signé Werner Fischer !

Chacun des huit membres put voir ce qui arrivait aux autres. Des pals d’environ dix centimètres de diamètre sortirent l’un après l’autre du plancher de chaque loge et s’élevèrent en direction des fauteuils. Ils en traversèrent l’assise et, chacun leur tour, le corps des huit.

— Je vous ai concocté mon exécution favorite, ironisa Werner. L’empalement.

Les pals s’élevaient lentement à travers le corps des membres du Conseil pour qu’ils sentent la pénétration à travers leurs entrailles. La plupart avaient perdu connaissance. Finalement, les pals ressortirent par leur gorge, leur visage ou par l’avant, entre le cou et les épaules.

L’alarme d’évacuation s’était déclenchée dans tout l’Institut. Les employés, qui n’avaient aucune idée du massacre en cours dans la zone interdite, se pressaient de respecter strictement le protocole. En quelques minutes il ne resta plus personne dans tout le bâtiment. Ils s’éloignèrent dans les autocars spécialement affrétés pour l’évacuation, et, alors qu’ils arrivaient dans la zone de sécurité, ils entendirent une énorme explosion et virent le ciel s’éclairer à l’horizon. Les véhicules s’arrêtèrent et les employés en descendirent pour observer le ballet des langues de feu qui embrasaient tout le site.