EN SOIRÉE
Je regarde le verglas qui se colle à la fenêtre avant de reporter mon attention sur l’écran de mon ordinateur pour examiner l’affiche proposée par l’infographiste. La pancarte annonçant les condos à vendre de Nathan regroupe quatre clichés pris selon mes recommandations. L’arbre côtoyant le banc de parc dans chacune des entrées des unités est mis en valeur. De plus, la vue sublime sur Montréal, le parc intérieur verdoyant et la piscine forment une superposition parfaitement réussie. Mon visage et mes coordonnées se trouvent dans le coin inférieur droit.
J’écris mes commentaires à l’infographiste pour qu’il applique rapidement, c’est-à-dire ce soir, les modifications que je veux apporter, car la maquette doit être à l’imprimerie demain. J’ai l’intention que cette affiche soit plantée le plus rapidement possible sur le terrain face à la tour, autant pour prouver à Nathan que je suis efficace que pour stimuler l’événement portes ouvertes dimanche prochain.
Je sursaute au son de la sonnette de l’entrée du bureau. Immédiatement, mes yeux bifurquent vers le bas de mon écran pour vérifier l’heure : vingt heures dix-huit.
Bien qu’il soit rare que des clients se présentent ici, cela se produit de temps à autre. Mais certainement pas lors d’une pluie verglaçante qui dure depuis plus d’une heure. Malgré la musique provenant du haut-parleur connecté à mon ordinateur, je perçois des bruits de pas sur la galerie. J’hésite à sortir de mon bureau car, dès que je le ferai, je serai partiellement à la vue. Mais les lumières allumées dans la pièce trahissent ma présence. Je me concentre pour tenter de comprendre la raison
des sons disparates. J’imagine l’intrus se promener sur la galerie pour tenter de voir à l’intérieur de mon bureau, sauf que les fenêtres se trouvent sur le mur latéral et la galerie ne s’y rend pas. Soudain, les bruits cessent.
Debout au milieu de mon espace de travail, j’apprivoise autant que j’appréhende le silence.
Mon cellulaire vibre sur ma table. Mon cœur bat à vive allure.
Nathan : Je suis à la porte de ton bureau.
Nathan.
Je me précipite à l’entrée et l’aperçois, le capuchon de son hoodie relevé sur sa tête. Sa taille imposante et son regard sombre pourraient facilement créer de l’appréhension. Je déverrouille la porte que Caleb, le dernier à avoir quitté le bureau il y a plus d’une heure, avait fermée en me criant d’être prudente sur les routes.
— Qu’est-ce que tu fais dehors ? C’est verglacé !
— Qu’est-ce que tu fais au bureau ?
— Je travaille. À ton tour de répondre.
— Je m’en allais au… Peu importe, j’ai pensé faire un petit détour par ici pour m’assurer que tu n’y étais pas.
— Déçu que j’y sois ?
— Les routes ne sont vraiment pas belles, Romane.
— Pour toi non plus.
— Je roule prudemment.
— Je roulerai prudemment.
Il m’examine un instant.
— D’accord. Sois prudente en descendant les marches tantôt. Le sel devrait avoir agi, mais la couche supplémentaire de verglas pourrait anéantir son effet.
J’observe les grains bleutés provenant du bac en bois qui expliquent les sons que j’entendais alors que Nathan se déplaçait pour en disperser.
Il tourne les talons.
— Nathan !
Il se retourne.
— Tu as tendance à me rappeler après m’avoir laissé poireauter à l’extérieur.
— Tu as tendance à te pointer à l’improviste.
— Nous avons tous les deux des tendances pernicieuses.
Je fais un demi-sourire auquel il répond de façon similaire.
— Je travaillais sur l’affiche qui sera plantée devant la tour, veux-tu la voir ?
— Est-ce que mon opinion t’intéresse ?
— Ça dépend de sa pertinence.
Son sourire s’agrandit en même temps qu’il accepte mon offre. Il ôte ses bottes dans l’entrée puis me suit dans mon bureau au son de You Are the Reason de Calum Scott.
Il retire son manteau qu’il dépose sur une des chaises d’invité. L’idée de le dévêtir encore plus me traverse l’esprit, mais je la chasse rapidement.
— Tu n’as pas perdu de temps pour les afficher.
Il regarde les condos projetés sur mon mur.
— Juste à côté de la clé, ajoute-t-il.
— C’est parce qu’ils constituent mes inscriptions les plus récentes.
Dos à moi, les mains sur les hanches, il observe mon tableau. Je ne peux m’empêcher de détailler son corps, son dos en V, ses fesses dans son jeans Parasuco.
Je relève mes yeux dès qu’il se tourne.
— Les photos sont bonnes.
— Merci. Regarde !
Je fais apparaître le visuel de la publicité proposée par mon infographiste. Nathan assoit une fesse sur mon bureau et l’examine.
— Je voulais absolument ces quatre images, expliqué-je en m’approchant de la projection au mur.
— Excellente idée, mais…
Il cherche le problème.
— Le dégradé devrait être accentué entre les photos, proposé-je en pointant du doigt les endroits sur la toile géante, et le parc devrait être encore plus dominant.
— Exact.
— Je lui écrivais un courriel à ce sujet lorsqu’un yéti est arrivé sur la galerie.
— Tu me crois si poilu ?
La référence à sa pilosité, à l’idée de son corps nu, me foudroie le bas-ventre. J’indique son visage dont la barbe est parfaitement taillée et ses cheveux longs sur le dessus de sa tête.
— Je n’en ai pas autant ailleurs.
— Je te crois sur parole.
Nous nous toisons un moment.
— Je rencontre trois des quatre clients intéressés cette semaine.
— Bien, dit-il en s’avançant vers moi.
— L’autre couple sera relancé dès demain par Yasmine, la…
Il n’a pas cessé de s’avancer jusqu’à s’immobiliser face à moi. Très proche.
— Veux-tu poursuivre ce qu’on a commencé hier ? proposé-je, frondeuse.
— J’aurais plutôt opté pour recommencer.
Malgré ses paroles, il ne me touche pas. Sa proximité me permet de sentir ses cheveux fraîchement lavés. Je regarde autour de moi.
— Ton bureau est-il un temple sacré ?
Je ne peux pas lui avouer que j’ai toujours refusé les avances de Yanick ici. Je ne voulais pas que les idées de nos collègues soient concrétisées. Je ne voulais pas souiller mon espace de travail, ma vie professionnelle avec du sexe.
Mais avec Nathan, c’est différent. Il n’est pas mon collègue, les soupçons des autres ne sont pas aussi criants que lorsque je fréquentais Yanick. Et personne ne sait qu’il est ici ce soir. En fait, tout est différent avec Nathan.
Mon attirance. Mon incapacité à contrôler la relation. Mon détachement habituel.
— Il n’est pas sacré, mais il pourrait le devenir.
— J’attends ton accord.
Une étincelle traverse son regard alors que j’appuie mon dos contre la toile blanche plaquée au mur. Je lève ma tête, sa bouche s’approche de la mienne. Notre air se mêle, notre regard plonge l’un dans l’autre. Ma poitrine se soulève d’anticipation. Les images sexuelles qui emplissent ma tête me rendent impatiente. M’excitent. Ses yeux baissent un instant sur ma poitrine, qui gonfle de plus en plus rapidement. Qui frôle la sienne. Impudente, je touche la fourche de son jeans pour vérifier son excitation. La dureté de son membre est éloquente. Il soulève un sourcil, son expression renforce l’évidence de son désir.
La provocation que j’ai lancée pour le faire succomber s’est retournée contre moi. Toucher sa queue a fait exploser mon désir de le sentir pour la première fois en moi.
Impatiente de vivre une nouvelle extase avec lui, je cède à notre défi implicite.
Je colle mes lèvres contre les siennes avec passion. Nathan répond avec autant de ferveur. Je glisse mes mains sous son chandail. Je caresse sa peau puis remonte le tissu. Mon amant cesse notre baiser le temps nécessaire pour enlever son chandail. J’admire son corps dont la poitrine est couverte de quelques poils. Une lignée noire s’étire de son nombril jusqu’à l’intérieur de son jeans.
— Moins pire qu’un yéti ?
Je souris avant de le ramener contre moi. Nos lèvres se retrouvent rapidement. Mes doigts jouent dans son dos tandis que les siens se promènent sur mes flancs, avec une tendance marquée pour se tenir à la hauteur de mes seins, me créant des frissons incontrôlables. Nos langues s’enroulent, je fais pénétrer mes mains dans son jeans. Mes doigts caressent ses fesses, les siens détachent les boutons de mon chemisier.
Lorsqu’il a terminé sa tâche, il l’ouvre sans le retirer. Ses mains massent mes seins, sa bouche se décolle de la mienne et se dirige vers mon oreille. Sa langue joue avec mon lobe, multipliant le plaisir en moi. Je détache son jeans.
Il se redresse et me jette un regard amusé.
— Je te veux.
— Tu vas m’avoir, ne t’inquiète pas, mon rubis.
Si cette promesse est censée me calmer, elle n’en fait rien.
Depuis le premier regard que j’ai posé sur lui au restaurant, depuis que je l’ai vu confiant avec son ouaté dans ce monde rempli de gens d’affaires aux looks semblables, aux codes similaires, il m’a attirée. Contre mon gré. Contre mes habitudes.
Et je veux le sentir en moi. Je dois le sentir en moi.
Contrairement à mon désir, Nathan s’éloigne de moi. Il fouille dans son manteau duquel il sort son portefeuille. Je le dévore du regard pendant qu’il glisse un condom dans la poche arrière de son jeans. Le haut de son corps nu, son jeans détaché qui laisse paraître son boxer noir me font haleter d’anticipation lorsqu’il revient vers moi. Sur moi.
Il me déleste de ma jupe, qui tombe au sol. Je m’empresse de retirer mes talons hauts et mes bas de nylon. Sa main s’insère dans ma culotte. Je relève la tête, l’appuie sur la toile qui projette le parc derrière moi. Son doigt glisse en moi à quelques reprises, s’humidifie avant de tourner sur ma bille.
Je saisis sa queue sur laquelle je promène ma main. Il mordille mon oreille puis mon cou pendant que nous nous masturbons en simultané. Nos bouches embrassent la peau de l’autre à l’endroit qui nous est accessible. Le cou. La joue. L’oreille.
De son autre main, il saisit l’élastique de ma culotte. Il la descend d’un côté, elle reste accrochée sur ma cuisse. Ses doigts caressent mes fesses et se rendent à mon autre hanche. Sa main abaisse l’autre côté de mon sous-vêtement sans le faire tomber.
Son index cesse ses cercles sur ma bille pour offrir la latitude à son majeur de me pénétrer. Il en bouge le bout à l’intérieur de moi.
— Retire ta culotte.
Je ne veux pas interrompre les sensations engendrées par son majeur. Je ferme les yeux pour me délecter de son intrusion avant de devoir m’en couper temporairement.
— Je n’arrêterai pas, me rassure-t-il.
Je délaisse son pénis pour agripper chaque côté de ma culotte. Je réussis à la faire tomber au sol. Lorsque je pointe mon pied à la verticale pour m’en défaire, le doigt de Nathan me gratte délicieusement bien. Je fais de même avec l’autre jambe.
Dès que ma tâche est accomplie, je glisse mes mains dans les poches arrière de son jeans. J’en sors le condom, sous le regard intéressé de Nathan. Je déchire le sachet que je jette au sol. Un soubresaut de jouissance me surprend. Je m’empresse de dérouler la rondelle sur la verge bandée complètement sortie du boxer. Le regard obscur de mon amant surmonté par sa cicatrice lui procure un délectable air animal.
De sa main libre, Nathan lève mon genou plié puis le tourne pour l’accoler au mur. Ma cuisse arbore un angle ouvert de quatre-vingt-dix degrés. Donnant un accès idéal à mon amant. Exposant mon sexe. Sa main droite tient ma jambe appuyée au mur, son doigt s’extirpe de moi. Il s’active sur ma perle. Je halète de plaisir. Nathan colle son bassin contre le mien. Sa queue se pointe dans mon sexe.
— Prête ?
Il regarde mon corps exposé à lui.
— Pénètre-moi.
Il incline sa tête, son regard démontre la satisfaction que lui procure ma demande.
Son pénis entre en moi alors que son doigt persiste à stimuler mon clitoris. Lorsque je le sens au fond de moi, je place mon talon dans son dos. Pour me stabiliser.
Pour le garder contre moi.
La main de Nathan glisse sur ma fesse pour me soutenir. Son bras me tient fermement alors que je suis debout sur une seule jambe. Nos bassins s’entrechoquent sous les coups qui nous unissent. Nos bouches se retrouvent avant de se quitter pour embrasser d’autres parties de nos corps.
Sa main qui serre fortement ma fesse et sa queue qui me pénètre avec vigueur démontrent sa passion. Tandis que son doigt qui continue de tourner sur mon bourgeon gonflé exprime sa douceur envers moi.
Son odeur m’enivre lorsque mes sensations se décuplent.
J’appuie ma tête au mur lorsque mes petits cris s’ajoutent aux soubresauts incontrôlables de mon corps. Le sexe de Nathan ralentit son mouvement pour faire place à son doigt qui est majoritairement porteur de mon plaisir. Je me concentre strictement sur la jouissance qui s’installe en moi. Je sens sa langue dans mon cou lorsque j’éclate. Je tremble contre lui, sûre d’être soutenue malgré la faiblesse de mon corps.
Quand l’orgasme commence à s’estomper, Nathan reprend lentement la pénétration. Faisant durer le plaisir que je viens de ressentir. Lorsque sa verge cogne ma bille, des rappels d’extase se projettent en moi. Ma zone intérieure est surstimulée. Je saisis sa nuque et dirige sa tête vers mon sein. Il le lèche avec ferveur. Me faisant soupirer de plaisir. J’entends un premier grognement de sa part. Je sens sa queue gonfler davantage en moi. Je joue dans ses cheveux, portée par le bonheur corporel que je ressens aux différents points érogènes qu’il stimule. Ses coups vont plus loin, s’étirent alors qu’il surfe sur l’orgasme. Je mordille son oreille lorsqu’il atteint son paroxysme. Je serre encore plus ma jambe autour de son corps. Pour lui signaler que je le veux profondément en moi. Qu’il peut aller se perdre dans mon corps.
Son râle souffle près de mon oreille. Nos poitrines se gonflent à un rythme rapide. Sa tête est posée dans mon cou, la mienne est échouée sur son épaule. Il relâche doucement ma jambe pour que je retrouve mon équilibre. Je me sens encore tremblotante. Sa tête se redresse. Il capte mon regard en retirant lentement son sexe du mien.
Le moment suivant dictera l’avenir de notre relation. Pour la catégoriser comme étant du sexe insignifiant ou du sexe affectif.
Sa bouche trouve la mienne. Il m’embrasse longuement alors que sa main replace mon soutien-gorge avec respect.
— Es-tu correcte pour marcher ?
— Tu te crois si exceptionnel que je ne pourrais pas marcher ?
Son sourire craquant répond en partie à ma question espiègle.
— Il y a quelques secondes, je n’aurais pas parié sur toi pour une course de dix mètres.
— Je peux très bien marcher, merci, réfuté-je, maligne.
Il me laisse de l’espace.
Lorsque je me penche pour ramasser ma culotte, il me tape doucement les fesses. Je me redresse et lui jette un œil, surprise et enjôlée par ce geste affectueux post-sexe.
— Je réserve les vraies tapes pour plus tard.
Cette promesse de moments ultérieurs me poursuit tout au long de mon habillage. Quelques minutes plus tard, nous sommes vêtus pour affronter le froid. J’étais sur le point de fermer les lumières lorsque Nathan m’annonce ses plans.
— Je vais te suivre jusque chez toi.
— Ce n’est pas sur ta route vers le penthouse.
— Mon plan de route a changé.
— Ce n’est pas parce que tu viens de baiser ta courtière que tu dois changer tes plans.
— Baiser ma courtière ? relève-t-il, effronté. Tu ne crois pas qu’on a fait l’amour ?
Cette mention à notre intimité récente, malgré l’orgasme puissant que j’ai vécu, réveille à nouveau mes sensations internes.
— Je ne sais pas, admets-je, éhontée. Quoique, dans mon cas, je t’ai laissé accéder à mon intimité pour la deuxième fois.
Il plisse les yeux devant mon ton défiant.
— Tu parles des lieux ou de ton corps ?
— Les deux. Je t’ai laissé me… toucher, choisis-je délibérément, chez moi et dans mon bureau.
— Est-ce que ça signifie que tu m’as réellement laissé accéder à toi, Romane ?
Sa question est pertinente. Dérangeante.
— Un peu plus que toi, osé-je répliquer.
Son silence est éloquent.
Je me tourne et j’éteins les lumières du bureau. Mon amant glisse sa main sur mon ventre et appuie mon dos contre sa poitrine.
— Tu es dangereusement près de m’atteindre, Romane. Mais pour que je te laisse accéder à ma personne…
Sa bouche effleure mon oreille.
— … tu dois me laisser accéder à celle qui ne vise pas la clé d’or.