Georg Henning, Graf von Bassewitz-Behr (1900-1949). Georg grandit dans un domaine du Mecklembourg. Son père meurt précocement et c’est ainsi qu’à 15 ans, il se retrouve chef de famille, exploitant agricole et bientôt membre du Stahlhelm (« Casque d’acier »), la Ligue des soldats du front, organisation d’extrême droite issue de la Première Guerre mondiale, autorisée par les nazis jusqu’en 1935. Dans les années 1930, il tente l’aventure coloniale en s’installant dans l’ancienne colonie du Sud-Ouest africain allemand, mais, déçu par ses prospections, il revient peu après en Allemagne et devient un fervent partisan de l’idéologie nationale-socialiste. Il entre en 1931 à la NSDAP, dans la SS et au NSKK (Nationalsozialistische Kraftfahrkorps : corps de transport nazi), une organisation paramilitaire du parti créée en 1931.
Après Barbarossa, il occupe plusieurs fonctions en Russie, d’abord comme Höhere der SS und Polizeiführer (HSSPF, chef supérieur de la SS et de la police) à Dnipropetrovsk, puis, du 22 novembre 1942 jusqu’au 24 mars 1943, comme HSSPF de la Russie centrale à Moguilev. Du 16 février 1943 au 8 mai 1945, il est HSSPF du Wehrkreis X (HSSPF de la mer du Nord) à Hambourg et à ce titre joue un rôle clé dans la décision de faire du Cap Arcona un camp flottant. Le 1er juillet 1944, il est promu Generalleutnant de la Waffen-SS, après être déjà devenu le 20 avril 1943 SS-Gruppenführer et Generalleutnant de la police.
Comparaissant au procès de Curio Haus, il est acquitté en août 1947, puis livré le 16 septembre 1947 à l’administration soviétique qui le condamne à vingt-cinq ans de travaux forcés pour la mort de 45 000 civils. Il meurt deux ans plus tard au camp de travail de Magadan, en Sibérie orientale.
Karl Kaufmann (1900-1969). Volontaire dans les corps francs après la Première Guerre mondiale, il participe à la fondation de la NSDAP dans la Ruhr. Député au Reichstag à partir de 1930, attaché à l’aile gauche du parti, il est Gauleiter de Nord-Rhénanie (1924) puis de Hambourg (1929-1945). Il y réprime violemment l’opposition communiste et sociale-démocrate. Ainsi, en visite à Hambourg en 1933 sur les sites de Fuhlsbüttel, prison pour les détenus de droit commun reconvertie en centre de détention des prisonniers politiques, il réclame un renforcement des châtiments.
Promu SS-Obergruppenführer en 1942, il est aussi commissaire à la défense pour le nord de l’Allemagne et commissaire du Reich pour la marine, ce qui lui permet de réquisitionner les bateaux encore disponibles pour l’évacuation des prisonniers. C’est lui qui ordonne de diriger vers la baie de Lübeck les évacués de Neuengamme. En mai 1945, il refuse de défendre Hambourg et remet la ville sans combattre aux Britanniques.
Après la guerre, il est arrêté et accusé plusieurs fois, mais à chaque fois relâché pour raisons de santé. Une procédure de dénazification, en janvier, l’innocente.
Wilhelm Dreimann (1904-1946). Policier de formation, c’est en tant que Rapportführer qu’il assure la surveillance du camp de Neuengamme en 1940. SS-Oberscharführer, il gère notamment le comptage à la sortie et à l’entrée du camp, les corvées et les exécutions, d’où son surnom de « bourreau de Neuengamme ». D’après le témoignage de Johann Frahm, il a pendu de ses propres mains au moins les deux premiers enfants de Bullenhuser Damm, puis, avec l’aide de Wiehagen et Frahm, les prisonniers adultes. Il est condamné à mort durant le procès de Curio Haus et exécuté le 8 octobre 1946.
Walter Eisfeld (1905-1940). Membre d’une ligue germanique, il adhère aux jeunesses hitlériennes puis rejoint le parti nazi, la SA en 1925 et la SS en 1929. Il passe dans plusieurs camps avant de devenir commandant du camp de Sachsenhausen. Après une visite d’Himmler, il est rétrogradé et prend la direction d’une annexe de Sachsenhausen, en l’occurrence Neuengamme. Il meurt subitement.
Johann Frahm (1901-1946). Formé au camp de concentration de Sachsenhausen, il prend ses fonctions à Neuengamme à partir de novembre 1942 et passe sous les ordres du chef de rapport Dreimann dans les bureaux du camp à partir de 1944. Il participe au meurtre des adultes et des enfants de Bullenhuser Damm. En mai 1945, il peut se réfugier auprès de sa famille à Clèves. Les enquêteurs britanniques l’arrêtent fin octobre 1945 et il est condamné à mort pour les crimes de Bullenhuser Damm pendant le procès de Curio Haus en 1946. Il est exécuté le 11 octobre 1946.
Kurt Heissmeyer (1905-1967). Médecin à Hohenlychen, il pense accroître ses chances d’être nommé professeur de médecine en réalisant des expériences qu’il croit inédites. À Neuengamme, il injecte le bacille de la tuberculose à des enfants, puis les opère afin de leur retirer les ganglions lymphatiques sous les bras. L’opération procure fièvres et douleurs aux enfants. Heissmeyer entend prouver qu’il est possible de combattre la tuberculose par un vaccin à base de tuberculose produite artificiellement sur la peau – ce qui est faux – et que les personnes « de race inférieure » sont plus vulnérables à la tuberculose.
Après la guerre, il parvient à s’enfuir et peut « pratiquer la médecine » encore vingt ans sans changer de nom et sans être inquiété en tant que pneumologue en RDA. En 1964, il est arrêté et le tribunal de Magdebourg le condamne à la prison à perpétuité pour crime contre l’humanité en 1966. Il demeure persuadé d’avoir fait, à Neuengamme, « de précieuses découvertes, utiles à la médecine » (actes du procès). Il meurt en prison en 1967 d’un infarctus.
Ewald Jauch (1902-1946). D’abord employé comme garde à Neuengamme de 1940 à 1944, il est devenu chef d’appel. À partir de décembre 1944, il est commandant du camp annexe de Bullenhuser Damm. Il prend part lui aussi au meurtre des enfants. Caché en Forêt-Noire à Schwenningen, il est arrêté par la police militaire, condamné à mort durant le procès de Curio Haus de 1946 et pendu le 11 octobre 1946.
Max Pauly (1907-1946). Il tenait un magasin à Wesselburen, une commune dans l’arrondissement de Dithmarse, lorsqu’il devint membre de la NSDAP en 1930 et intégra les rangs SS en 1932. Nommé commandant de Neuengamme à partir d’août 1942, il est responsable de nombreuses décisions graves : de la transmission à Alfred Trzebinski de l’ordre des supérieurs SS de Berlin de faire disparaître les enfants, de l’évacuation éclair de Neuengamme et donc des terribles marches de la mort. Max Pauly est retrouvé le 15 mai 1945 à Flensburg où il s’est réfugié chez sa belle-sœur. Condamné à mort au procès de Curio Haus le 3 mai 1946, il est exécuté à Hameln le 8 octobre 1946, le même jour que le Dr Bruno Kitt, le SS Alfred Trzebinski, Anton Thumann, Johann Reese, Willy Warnke, Heinrich Ruge, Wilhem Bahr, Andreas Brems, Wilhelm Dreimann et Adolf Speck.
Karl Silberbauer (1911-1972). Officier et policier autrichien, membre du SD, Silberbauer a d’abord travaillé pour la Gestapo à Vienne, après l’annexion de l’Autriche en 1938 avant d’être transféré à Amsterdam en novembre 1943. C’est lui qui a arrêté Anne Frank avec sa famille et celle des Dussel, le 4 août 1944, dans l’annexe secrète du Prinsengracht. Simon Wiesenthal le débusque à Vienne en 1963 où il travaille dans la police. Il est suspendu de ses fonctions puis réintégré, l’enquête n’ayant pu fournir aucune preuve de son implication.
Adolf Speck (1911-1946). Né à Kiel, entré dans la police et la SS, il est envoyé sur le front russe. Au retour, il officie comme surveillant et chef de block à Neuengamme. À l’été 1943, il est en charge de la briqueterie du camp de concentration puis, en décembre de la même année, affecté à la Fertigungsstelle (unité de production). Proche de Max Pauly, il est connu pour sa violence et sa brutalité. La nuit du crime de Bullenhuser Damm, il monte la garde auprès des prisonniers soviétiques avec Wiehagen. Durant le procès de Curio Haus, il avoue avoir abattu l’un des prisonniers pour lui avoir jeté du sel à la figure. Condamné à mort en mai 1946, il est exécuté le 6 octobre dans la prison de Hameln.
Arnold Strippel (1911-1994). SS employé dans des camps de concentration de 1935 jusqu’à la fin de la guerre, il opère à Sachsenburg, Buchenwald, Natzweiler (Sarre), Majdanek et Peenemünde. D’octobre 1943 à mai 1944, il est commandant du camp de détention préventive de Vught, aux Pays-Bas. Muté à Neuengamme, il devient chef de ses kommandos extérieurs.
En 1945, il prend la fuite et vit en partie sous de faux noms. En 1948, il est reconnu à Francfort par un déporté. Comme il n’y a pas encore assez de pièces à conviction contre lui, il est relâché.
Au milieu des années 1960, le procureur de Hambourg fait mener une enquête sur lui et sa participation au meurtre de Bullenhuser Damm. Il a été accusé de complicité par Trzebinski, Dreimann, Jauch et Frahm durant le procès de Curio Haus. Faute de preuves, l’affaire est classée.
Il est condamné en 1970 à six ans de prison pour assistance aux meurtres. Chaque 20 avril, il fête avec ses codétenus à la prison de Butzbach l’anniversaire d’Hitler. Mais à sa sortie il reçoit un dédommagement de plus de 120 000 marks pour « emprisonnement injustifié ». L’enquête reprend en 1979, après que les proches des victimes ont porté plainte. Finalement, il est accusé en 1983 de meurtre dans 42 cas : les 20 enfants, les 4 aides-soignants des prisonniers et les prisonniers de guerre soviétiques. L’affaire est toutefois suspendue par le tribunal de Hambourg car l’accusé est jugé trop fragile pour comparaître. Il est mort en 1994 à Francfort sans jamais avoir payé pour ses crimes.
Anton Thumann (1912-1946). Entré dans la SS en 1932 et à la NSDAP en 1933. Arrivé à Neuengamme en avril 1944 après avoir commandé un camp polonais, il est chef du camp de détention préventive. Il est décrit comme toujours sanglé dans un imperméable noir, schlague à la main, en compagnie de deux chiens-loups. Il terrorise tout le camp, y compris ses subordonnés. Obersturmführer, il participe au drame des enfants de Bullenhuser Damm le 20 avril 1945 et est responsable de l’opération de liquidation de 71 résistants (dont 13 femmes accrochées à des crochets de boucher) dans les derniers jours de Neuengamme. Condamné à mort, il est exécuté le 8 octobre 1946.
Karl Totzauer (1909- ?). Commerçant, il entre en 1938 à la NSDAP et en 1939 dans la SS. Il officie comme garde et interprète. De 1943 à 1945, aide de camp, il est numéro 2 du camp de Neuengamme. Arrêté à la mi-mai 1945 à Rendsburg, il est condamné à vingt ans de travaux forcés par un tribunal militaire britannique et libéré à Werl en 1958.
Alfred Trzebinski (1902-1946). Médecin d’Auschwitz en 1941 puis de Majdanek et enfin, en 1943, médecin-chef à Neuengamme. Il joue un rôle important dans la création de la section spéciale Heissmeyer du département des expériences médicales et est aussi impliqué dans le meurtre des enfants de Bullenhuser Damm. Après la guerre, il essaie de rester incognito, exerçant comme simple médecin-major militaire dans le camp de démobilisation britannique de Hesedorf, mais il est finalement arrêté le 1er février 1946. Condamné à mort au procès de Curio Haus, il est exécuté le 8 octobre 1946.
Robert-Jan Verbelen (1911-1990). Ancien élève d’une école des beaux-arts, militant nationaliste flamand dans l’entre-deux-guerres, il est l’un des chefs, avec Van de Wiele, de la milice SS flamande De Vlag. L’un des plus grands criminels de guerre belges, il réussit à disparaître après guerre et n’est condamné à mort que par contumace en 1947. Une chambre flamande du conseil de guerre du Brabant le reconnaît coupable de crimes de guerre et d’actes de terrorisme aveugles, dont l’assassinat d’Alexandre Galopin, gouverneur de la Société générale de Belgique, du général Émile Lartigue à Woluwe-Saint-Lambert, de l’avocat Raoul Engel à Ixelles, du bourgmestre Georges Pètre à Saint-Josse-ten-Noode.
L’Union internationale de la Résistance et de la déportation le débusque à Vienne en 1962, où il a refait sa vie et fondé une famille. Arrêté, jugé en 1965, il se voit retirer sa nationalité, mais la justice administrative annule cette décision : la demande d’extradition formulée par la Belgique ne peut être satisfaite. Les débats devant le tribunal populaire viennois sont houleux et débouchent sur l’acquittement : le jury admet que Verbelen n’a fait qu’obéir aux ordres du général SS Jungclaus, chef de la police allemande en Belgique dans les derniers mois de la guerre. Verbelen et son défenseur, maître Erich Füehrer – qui a été en 1934 l’avocat de l’assassin du chancelier Dollfuss – plaident que De Vlag n’a fait que répliquer au terrorisme de la Résistance et que, si celle-ci militait pour la Belgique, les SS flamands étaient les soldats de la Flandre.
Heinrich Wiehagen (1911-1945). Blockführer au camp de Neuengamme puis Rapportführer. En septembre 1941, il participe à l’assassinat de 45 officiers et commissaires politiques russes. En août 1942, il pend 13 infirmières russes et polonaises. La même année, il participe au gazage de prisonniers de guerre soviétiques. En 1944 et 1945, il aide à l’exécution de résistants polonais et hollandais. Il assiste Wilhelm Dreimann et Johann Frahm pour la pendaison des adultes dans la chaufferie à Bullenhuser Damm. En mai 1945, il est garde sur les bateaux de prisonniers dans la baie de Lübeck et notamment sur le Cap Arcona. Il est tué par des prisonniers après avoir tiré sur leurs camarades qui tentaient de s’échapper à la nage lors du naufrage du Cap Arcona.
Procès de Curio Haus. De nombreux officiers SS du commandement du camp de Neuengamme furent jugés de 1945 à 1948 par des tribunaux militaires britanniques. Dans ce procès qui se déroule de mars à mai 1946 au Curio Haus de Hambourg, de nombreux accusés sont convaincus de crimes de guerre et pendus à la prison d’Hameln. Mais aucun des nombreux autres coupables de meurtre des déportés du Cap Arcona et du Thielbek n’a été jugé, ni par une cour britannique, ni par une cour allemande. Les responsables du meurtre des 400 déportés du camp de concentration de Stutthof n’ont eux non plus jamais comparu devant un tribunal.
Au procès de Nuremberg, lorsque comparut le chef du camp de Sachsenhausen, il répondit au procureur qui lui demandait pourquoi son camp n’avait pas été liquidé : « Je n’ai pas eu, comme mon camarade Pauly de Neuengamme, la chance d’avoir à ma disposition des bateaux pour m’en débarrasser. »
Anton Kaindl, commandant du camp de Sachsenhausen, avait les mêmes problèmes que Max Pauly, comme le montre l’extrait ci-dessous :
Procureur général : Accusé Kaindl, avez-vous reçu l’ordre de faire sauter le camp pour effacer les traces des méfaits commis ?
Kaindl : Oui. Le 1er février 1945, j’ai eu une conversation avec le chef de la Gestapo, Miller. À cette occasion, il me transmit l’ordre de détruire le camp par un bombardement d’artillerie ou d’aviation ou par gazage. L’exécution de cet ordre, qui venait d’Himmler, n’était toutefois pas réalisable techniquement.
Procureur général : Auriez-vous exécuté cet ordre si cela avait été possible techniquement ?
Kaindl : Cela va de soi. Mais c’était impossible. Un bombardement d’artillerie ou une attaque aérienne auraient été remarqués par la population locale. Un gazage aurait fait courir des risques à la population locale et au personnel SS.
Procureur général : Qu’avez-vous fait alors ?
Kaindl : J’ai tenu une réunion avec Höhn et d’autres et ensuite j’ai ordonné l’extermination de tous les malades, des prisonniers inaptes au travail et, avant tout, des prisonniers politiques.
Procureur général : Cela fut-il fait ?
Kaindl : Nous avons commencé. Dans la nuit du 2 février, les premiers furent abattus. Il y en avait à peu près 150. Jusqu’à la fin du mois de mars, nous avons réussi à exterminer environ 5 000 personnes.
Procureur général : Qui dirigeait cette extermination en masse ?
Kaindl : L’accusé Höhn que j’avais chargé de cette opération.
Procureur général : Combien de prisonniers se trouvaient alors encore au camp ?
Kaindl : 40 000 à 45 000. Le 18 avril je reçus l’ordre de les embarquer sur des péniches pour les mener par la Spree sur la mer Baltique et de les couler en pleine mer. Le temps nous manquait pour nous procurer suffisamment de péniches pour tant de prisonniers, et parce que l’Armée rouge avançait trop rapidement.
Procureur général : Que s’est-il alors passé ?
Kaindl : J’ai fait évacuer les prisonniers à pied, d’abord en direction de Wittstock, puis vers Lübeck où ils seraient embarqués sur des navires et ensuite noyés.
Procureur général : Tous les prisonniers ont-ils eu des soins lors de cette évacuation ?
Kaindl : Non. 6 000 à 7 000 personnes ne reçurent aucun soin parce qu’il n’y avait plus rien.
Procureur général : Ces gens sont-ils morts d’épuisement et de faim pendant la marche ?
Kaindl : Oui.
Albin Lüdke (1907-1974). Né près de Posen, peintre à Düsseldorf où il adhère à la KPD (Parti communiste allemand) dans les années 1930. Il est arrêté et incarcéré dans le camp de concentration de Börgermoor. Libéré fin décembre 1933, il continue sa résistance et est de nouveau interné en janvier 1934. Libre de nouveau en avril 1935, il est encore arrêté en juillet. Le 1er septembre 1936, il est envoyé au camp de Sachsenhausen. Doyen (Blockältester) des Témoins de Jéhovah, il les respecte. Le 4 juin 1940, Lüdke est envoyé à Neuengamme (matricule 161). Nommé kapo, il exerce sur les détenus un pouvoir quasi illimité, mais n’en abuse en rien, n’ayant jamais frappé un seul détenu. Il est à la tête du groupe de résistance allemande du camp. Aux dernières heures de Neuengamme, il est chargé de reconvertir plus de 350 détenus allemands en soldats pour constituer la formation Dirlewanger encadrée par 280 SS. Il quitte le camp le 29 avril avec ses « soldats » qui reçoivent des uniformes et des armes à Hambourg et s’échappe du groupe à la première occasion. Au procès des responsables du camp, du 18 mars au 3 mai 1946, il est convoqué comme témoin et relate la vie du camp.
Gustave Barlot (1914-1998). Sous-officier dans un régiment de chars de combat (Lunéville), il est blessé le 10 mai 1940. Refusant d’être envoyé à l’arrière, il repart combattre. Ayant entendu l’appel du 18 juin, il décide de gagner l’Angleterre, mais on lui explique qu’il sera plus utile en France. Sa mission sera de s’occuper du matériel : saboter les chars qui pourraient servir aux Allemands, réparer ceux qui serviront aux Français, détourner des armes… Dès septembre 1940, il entre au service du camouflage de matériel de Reims. En mars 1941, il reçoit un ordre de mission qui le mène à Bourg-en-Bresse où il rencontre le général Delestraint. Pendant l’hiver 1941-1942, il reçoit la mission de réarmer secrètement le 8e dragons stationné à Issoire. En octobre 1942, il est envoyé dans le Sud-Ouest pour expédier en Afrique du Nord, via Marseille, 600 véhicules. Lors de l’invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942, il s’efforce de sauver tout l’armement possible et s’occupe lui-même d’éliminer trois traîtres installés à Clermont-Ferrand. Agent de renseignement, il s’enfuit dans les maquis de Bretagne après plusieurs péripéties. Arrêté le 24 mai 1944 par la Gestapo et le SD, il est assommé à coups de crosse, puis emmené à Rennes au siège de la Gestapo où il est incarcéré et torturé. Jeté en prison avec plusieurs fractures et plaies, il reste trois jours dans le coma. Condamné à mort, il échappe au peloton d’exécution grâce à l’avancée rapide des Alliés et est expédié sur un brancard au camp de Royallieu, puis déporté à Neuengamme (matricule 39 345) par le convoi du 28 juillet 1944. Monté sur le Thielbek, il est sauvé. Il a été nommé compagnon de la Libération en 1942.
Roland Beaulès (1922-2014). Arrêté à Trébrivan, village des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor) le 29 juin 1944, il est envoyé à Compiègne, puis déporté à Neuengamme (convoi du 15 juillet, matricule 37 285). Dirigé sur la baie de Lübeck, il monte sur le Cap Arcona, mais en réchappe. En 1996, lors d’une commémoration liée au débarquement de juin 1944 à la mairie de Bailleul (Orne), Roland Beaulès et Pierre Billaux rencontrent Derek Leyland Stevenson, le pilote anglais qui a bombardé les navires. Ce pilote, chef du groupe de chasse de la RAF, avait bien reçu l’ordre de couler les bateaux. Un contre-ordre a ensuite été envoyé, mais Stevenson ne l’a pas reçu.
Pierre Billaux (né en 1925). Adolescent, il manifeste son hostilité à l’Occupant en traçant des V de la victoire sur les murs puis en participant au dépôt d’une gerbe au monument aux morts de Chambois (Orne) le 14 juillet 1942. Agent de liaison du réseau Action vengeance, il est arrêté sur dénonciation d’un collaborateur le 3 mai 1944. Torturé au château de Chambois, il est enfermé à la prison des Ducs à Alençon, puis envoyé au kommando de Bahrsplate (sur la Weser, en périphérie de la ville de Blumenthal), matricule 39 359. Évacué sur la Baltique, il a la chance d’être retransféré du Cap Arcona sur l’Athen, ce qui lui sauve la vie, ce navire n’ayant pas été bombardé par les Britanniques. En 1947, il est libéré et revient vivre à Chambois, où il ouvre un salon de coiffure dans lequel il officie jusqu’à sa retraite, en 1986.
Emil Burian (1904-1959). Déporté à Theresienstadt, Dachau et enfin Neuengamme, ce Tchèque est dirigé sur la baie de Lübeck et monte à bord du Cap Arcona. Protégé à plusieurs reprises grâce à ses talents musicaux, il réchappe au naufrage et reprend sa place de musicien de stature internationale après le conflit. Son magnifique Quatuor à cordes no 4, écrit au lendemain de la guerre, dit bien le déchirement que celle-ci a provoqué en lui. Après 1945, il mettra ses dons au service de l’idéal communiste, tout comme Geschonneck. Si ce dernier reste communiste jusqu’à sa mort, Burian finit par être rebuté par le stalinisme. Le premier meurt à 55 ans, le second à 101 ans.
Louis Cerceau (1908-1979). Ouvrier communiste travaillant à Domine, il est déporté à Auschwitz (convoi du 6 juillet 1942) en tant que politique, puis évacué sur Gross-Rosen, Dora et Neuengamme, et enfin dirigé sur la baie de Lübeck. Parqué sur l’Athen puis sur le Cap Arcona, il échappe à la mort grâce à une vedette alliée. Après plus de deux ans d’hospitalisation en Suède puis en France, il continue de souffrir du poumon. Son camarade Marcel Cimier, qui a fait presque toutes les étapes de la déportation à ses côtés, reprend son travail de couvreur trois mois après son retour en France, mais meurt à 46 ans.
Maurice Choquet (1927-2001). Instituteur, résistant, arrêté le 11 juillet 1944, déporté le 28 juillet 1944 à Neuengamme à l’âge de 17 ans, matricule 40 422. Le 3 mai 1945, il se trouve dans les cales du Thielbek, mais est libéré à Neustadt le jour même. Militant de la FNDIRP (Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes), syndicaliste et communiste, il est adjoint au maire de Poligny (Jura). Il a laissé un témoignage poignant de son retour à l’hôtel Lutetia (https ://www.youtube.com/watch?v=lswH-0646n0) et a écrit Les Jurassiens dans les camps de concentration.
Rémy Dumoncel (1888-1945). Après des études de droit à Paris, il rejoint, en 1913, la maison d’édition Tallandier à Paris. Pendant la Première Guerre mondiale, il est blessé à cinq reprises. Retrouvant son travail chez Tallandier, il épouse Germaine Tallandier, la fille du propriétaire de la maison, en 1919. Ce catholique et fervent patriote, qui se méfie de l’Allemagne d’Hitler, devient maire d’Avon (Seine-et-Marne) en 1935. Victime des arrestations du 4 mai 1944 à Avon, il est interné à la prison de Fontainebleau, transféré à Compiègne puis déporté à Neuengamme (transport du 4 juin, matricule 33 606) où il meurt le 15 mars 1945. Au total, 23 habitants d’Avon ont été déportés (5 seulement sont revenus).
Après la Libération, sur une fiche de reconnaissance de la qualité de résistant de Rémy Dumoncel, il apparaît comme membre du réseau Vélite-Thermopyles, organe de la France combattante (travaillant donc pour la France libre), avec cette mention : « M. Dumoncel a aidé de tout son pouvoir tous ceux qui se sont adressés à lui pendant l’occupation allemande. Il a fait délivrer des cartes d’identité et d’alimentation pour des jeunes gens du STO et des Juifs de la commune. Bienveillant avec tous, il a pris une large part de responsabilité depuis le début de l’occupation, jusqu’à son arrestation, le 4 mai 1944. »
Ajoutons que, pour leur aide aux Juifs pendant l’Occupation, Rémy Dumoncel et le père Jacques (du couvent des Carmes) à Avon en 1985, Paul Mathéry à Paris en 2003, ont reçu, à titre posthume, la médaille des Justes. Il est honoré à Yad Vashem comme Juste parmi les nations.
André Duroméa (1917-2011). Jeune ouvrier serrurier militant en faveur du Front populaire, il adhère au Parti communiste en 1936. Engagé dans la Résistance, il devient l’un des dirigeants nationaux des groupes armés avec le grade de lieutenant-colonel des FTP. Arrêté par les nazis dans le Sud-Ouest, il est déporté à Neuengamme (transport du 28 juillet, matricule 39 586), rejoint la baie de Lübeck, puis, parqué sur le Cap Arcona, est ramené sur l’Athen et survit. Conseiller général de Seine-Maritime pendant dix-huit ans (1958-1976), il sera également maire du Havre pendant vingt-trois ans (1971-1994) et député.
Enfants de Bullenhuser Damm. Il faudra attendre 1977 pour que le magazine allemand Stern publie une photo collective des enfants prise à l’infirmerie afin que certaines familles, reconnaissant leurs proches, apprennent ce qui leur est arrivé le 20 avril 1945.
Anne Frank (1929-1945). Fille d’un ancien combattant de la Grande Guerre, elle quitte l’Allemagne pour la Hollande avec sa famille pour fuir le nazisme, mais, en mai 1940, les Allemands envahissent les Pays-Bas. Le 6 juillet 1942, Margot, sa sœur, reçoit une convocation pour un « camp de travail ». Leur père, Otto, décide de se cacher avec sa famille dans l’immeuble de son entreprise. Certains employés acceptent de ravitailler l’« annexe » clandestinement. Pour passer le temps, Anne écrit un journal. Le 4 mai 1944, la cachette est découverte. Ses habitants sont emmenés par un train ordinaire au camp de Westerbork et, le 3 septembre 1944, montent dans un train qui part pour Auschwitz. Anne y est internée avec sa mère et sa sœur. Les deux sœurs sont sélectionnées pour être transférées à Bergen-Belsen qu’elles rejoignent le 1er novembre 1944 dans des wagons surchargés. Après quatre jours de voyage sans boire ni manger et une longue marche, elles arrivent à destination. Trois mois plus tard, Anne meurt à Bergen-Belsen, du typhus.
Le Journal d’Anne Frank est aujourd’hui l’un des livres les plus lus au monde. Son auteur est devenu une figure mythique et un symbole de la Shoah auquel des milliers d’inconnus venus de tous les pays rendent encore chaque jour hommage au 263, Prinsengracht à Amsterdam. Il semblerait que la personne qui a dénoncé la famille soit Nelly Voskuijl, la sœur d’Élisabeth « Bep » Voskuijl, la jeune Néerlandaise qui avait aidé les Frank à se cacher.
Georges Gaudray (1921-1978). Ouvrier électricien à la CPDE (Compagnie parisienne de distribution d’électricité) et sympathisant communiste, il est déporté à Auschwitz (convoi du 6 juillet 1942) en tant que politique, puis évacué sur Gross-Rosen, Dora et Neuengamme, et enfin dirigé sur la baie de Lübeck. Parqué sur l’Athen puis sur le Cap Arcona, il échappe à la mort grâce à une vedette. Rapatrié en France via la Suède et l’Angleterre, il reprend son travail à la CPDE et fonde une famille.
Erwin Geschonneck (1906-2008). Allemand issu d’une famille très modeste qui s’installe à Berlin, orphelin de mère après une épidémie de tuberculose, il adhère très rapidement au Parti communiste. Artiste et dramaturge, il travaille avec Bertolt Brecht. Dès 1933, il s’exile volontairement en Russie, puis en Pologne et à Prague où il est arrêté en 1939. Déporté dans différents camps, il finit par rejoindre Neuengamme en octobre 1944 et la baie de Lübeck en mai 1945. Monté sur le Cap Arcona, il réussit à en réchapper. Au lendemain de la guerre, il s’installe en RDA et devient un acteur connu. Il a joué le rôle d’un Juif polonais enfermé dans un ghetto et persécuté par les nazis dans Jacob le menteur et compte dans sa filmographie Der Mann von der Cap Arcona (« L’Homme du Cap Arcona »), 1982.
Rudi Goguel (1908-1976). Issu d’une famille bourgeoise alsacienne, employé, membre du Parti communiste allemand, le KPD, et résistant, il est déporté, dès l’accession au pouvoir d’Hitler, au camp de Börgermoor, au nord-ouest de l’Allemagne, où il compose le Chant des marais, appelé à devenir l’hymne des camps au refrain célèbre. Après de multiples internements et tortures, il arrive à Neuengamme et, emmené en baie de Lübeck, réchappe au naufrage du Cap Arcona. Il finira sa vie en RDA où il exercera comme homme politique au SED (parti communiste) et comme historien, notamment à l’université Humboldt de Berlin. Il meurt à Berlin-Est, non sans avoir publié une autobiographie, Es war ein langer Weg (« C’était un long chemin »), et un témoignage sur le Cap Arcona.
Jacques de Grancey (1894-1973). Chef d’état-major de l’armée des Alpes en 1940, il rejoint la Résistance. Nommé en 1944 par de Gaulle chef militaire de la région Périgord-Limousin, il est arrêté en mars 1944 par la Gestapo et déporté à Neuengamme (transport du 28 juillet 1944, matricule 39 823). Il a été témoin au procès de Curio Haus à Hambourg et devient gouverneur des Invalides de 1964 à sa mort.
Maurice Guillaudot (1893-1979). Fils d’un garde républicain, militaire, il s’illustre lors de la Grande Guerre et est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1918, à l’âge de 25 ans. Entré dans la gendarmerie lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il essaie en vain de participer à la défense du « réduit breton ». Dès la signature de l’armistice, la Garde républicaine mobile est dissoute par les Allemands. Le chef d’escadron Guillaudot devient commandant de la compagnie de l’Ille-et-Vilaine à Rennes. En juin 1941, il refuse de disperser par la force les familles des victimes qui se sont rendues au cimetière de Rennes pour fleurir les tombes de leurs parents tués au cours du bombardement aérien de la gare de Rennes par la Luftwaffe en juin 1940. Fondateur du réseau Action, chef de la France combattante, il est muté au commandement de la compagnie du Morbihan à Vannes. Dénoncé et arrêté le 10 décembre 1943 à son domicile, Guillaudot, alias « Yodi », résiste à la torture et ne parle pas. Il part pour Neuengamme. Promu colonel par la France libre, puis général de brigade à son retour de déportation, il prend le commandement de la XIe région de gendarmerie à Rennes le 15 août 1945. Le 19 octobre suivant, il est fait compagnon de la Libération. Il meurt à Hédé, en Ille-et-Vilaine, en mai 1979.
Théophile Guillo (1896- ?). Dès la Première Guerre mondiale, il s’illustre et est blessé. Il entre dans la gendarmerie en 1920. Maréchal des logis-chef puis adjudant, sous-lieutenant le 25 juin 1937, il prend le commandement de la section de Ploërmel avec le grade de lieutenant. Réfractaire à toute collaboration avec l’ennemi, il s’engage dans la lutte dès la signature de l’armistice. Son action vise à assurer la protection de la population livrée aux excès des soldats allemands, à aider les réfractaires au STO et à secourir les aviateurs alliés dont les appareils ont été abattus. Il est également chargé de recueillir et d’exploiter le renseignement, de veiller au recrutement, à l’équipement et à l’instruction des maquis. À la fin de 1942, il participe à la mission Cockle qui a pour objet d’organiser la réception des parachutages d’armes destinées à équiper les maquis.
Il fait entrer son commandant, le chef d’escadron Guillaudot, dans le réseau. Lorsque celui-ci fonde le réseau Action, il fait partie de son état-major et est chargé d’organiser les liaisons radio avec Londres. Après l’arrestation de Guillaudot, il devient le chef d’état-major de l’ASM, commandée par Paul Chenailler. Promu capitaine par la France libre, Théophile Guillo, alias « Chuais », est arrêté le 28 mars 1944 à Ploërmel par la Gestapo. Torturé, il ne livre aucun secret et est déporté à Neuengamme. Rentré de déportation le 22 mai 1945, il reçoit à Vannes, le 22 juillet 1945, la Légion d’honneur des mains du général de Gaulle. Il est promu capitaine en 1952.
Noël Happe (1918-2015). Gendarme déporté à Neuengamme à 26 ans lors de la rafle de l’école Alfred-de-Vigny à Loches opérée par la Gestapo et la milice française le 27 juillet 1944 (transport du 28 juillet, matricule 43 729), dans le kommando de Wilhelmshaven. Évacué, il atteint le port de Stade puis doit gagner à pied la baie de Lübeck, mais il embarque en chemin sur une péniche qui remonte le canal de Kiel et il atteint ainsi la baie de Flensbourg d’où il est rapatrié par la Suède. (Témoignage : Mémoire de guerre.)
Arrestation : « J’ai été arrêté, avec mes collègues, parce nous laissions faire les réfractaires au STO, on ne pouvait pas les trouver, on ne voulait pas les trouver. Les miliciens nous l’ont reproché […]. J’ai été arrêté à la gendarmerie de Loches le 27 juillet 1944 à 6 h 30 du matin. De là, on a été emmenés à l’école des filles et on a été allongés à plat ventre avec une surveillance de fusil-mitrailleur. Et c’est là que l’adjudant allemand nous a dit : Elle est belle, la gendarmerie française, le nez dans la poussière ! […] À 20 heures, on nous a embarqués pour la maison d’arrêt de Tours. »
Déportation : « On est partis [le 10 août] en direction de Belfort, mais la Résistance essayait de bloquer le convoi […]. Notre voyage a duré une dizaine de jours. On est arrivés à Belfort, on a été logés au fort Hatry. […] Le 1er septembre, il a fallu déménager en vitesse, […] parce qu’ils avaient eu bruit que la Résistance voulait faire un assaut du fort Hatry […]. Arrivé en Allemagne, le train a fait un détour par Buchenwald, il n’y avait plus de place, alors ils nous ont emmenés à Neuengamme. Là, on nous a débarqués, on nous a mis tout nus, on nous a rasé tous les poils, sur la tête, sous les bras et tout le reste […]. On nous a donné les fameuses tenues rayées. Avec le numéro matricule sur la poitrine, sur la jambe gauche, et une petite plaque autour du cou tenue par une toute petite ficelle. 43 729. Je l’ai toujours gardé en tête, celui-là […]. On n’est restés que trois jours à Neuengamme. Après, on est partis en commando à Wilhelmshaven. Là, on travaillait à l’arsenal […]. J’ai travaillé à la menuiserie, de jour. »
Punitions : « Il ne fallait pas dire qu’on était policier ou gendarme parce que là, c’était la raclée […]. [Au travail] pas question de s’asseoir à côté. Il fallait rester debout. Une fois, j’ai essayé de m’asseoir sur un morceau de bois, mais j’ai reçu à mon tour deux morceaux de bois en travers de la figure […]. Il fallait travailler sans cesse […]. Ils avaient trouvé un pou sur le dessus de ma veste, alors j’ai eu droit à 25 coups. »
Bombardements : « Les avions alliés venaient bombarder. L’arsenal n’a pas été bombardé tout de suite, mais ils avaient bombardé plus loin, sur Hambourg. […] Ils [les Allemands] ont d’abord embarqué tous les malades dans un train qui a été bombardé à Lunenbourg, il y a eu pas mal de morts. Moi, j’avais eu de la chance, on était partis à pied. […] Le train est allé jusqu’au Cap Arcona. Ils ont été mitraillés là-bas. […] On a dit que c’étaient les Anglais qui avaient bombardé, mais ça peut aussi être les Allemands qui l’ont fait pour se débarrasser de ceux qui les encombraient. »
Libération : « Les Suédois sont venus nous chercher et on a débarqué à Malmö. C’était la mission Bernadotte. Là, on a été soignés comme il faut, désinfectés et nourris petit à petit […]. Je pesais 38 kilos. Je suis resté jusqu’au 16 juillet. On a été rapatriés jusqu’au Bourget en avion. »
Lucien Hirth (1923-2008). Alsacien, réfractaire à la Wehrmacht, il est arrêté à Saint-Gervais (Haute-Savoie) par le SD le 20 juin 1944. Détenu à l’école d’horlogerie à Cluses (Haute-Savoie), transféré à la caserne Curial à Chambéry puis au fort Montluc à Lyon et à Compiègne, il est déporté à Neuengamme (convoi du 15 juillet, matricule 37 014). Affecté aux kommandos Hambourg et Brême-Farge (au terrible bunker Valentin), rescapé du Cap Arcona et de l’Athen, il est de retour le 20 mai 1945. Il est mort à Reims en 2008, non sans avoir laissé un témoignage bouleversant, J’étais sur le Cap Arcona et sur l’Athen.
Benjamin Jacobs (1919-2004). Né en Pologne dans le village de Dobra, Berek Jakubowicz est le fils d’un marchand de grains et le cadet d’une famille de trois enfants. Il fait un an d’études dentaires avant l’occupation allemande de la Pologne. Déporté avec son père en 1941, il est interné dans deux camps de travail avant d’être envoyé avec son frère et son père à Auschwitz. Là, il réussit à survivre grâce à sa fonction de dentiste du camp. Son père meurt sous les coups, mais Berek et son frère survivent et sont évacués à Dora puis sur la baie de la Baltique. Ils montent sur le Cap Arcona et réussissent à regagner la terre ferme sains et saufs. Berek a laissé un témoignage poignant dans Le Dentiste d’Auschwitz. En 1949, il émigre aux États-Unis et prend le nom de Benjamin Jacobs. Il travaille comme représentant pour une entreprise électronique, puis monte une société avec, entre autres, son frère. Après la mort de ce dernier en 1965, il vend sa société et prend sa retraite en 1987. Il a épousé Else Teichmann, autre rescapée de la Shoah.
Henri Joannon (1901-1985). Né à Murat (Cantal), il y exerce comme pharmacien. Conseiller municipal farouchement antinazi et antivichyste, il est arrêté avec d’autres Muratais (24 juin 1944) et connaît l’horreur des camps et des kommandos à Neuengamme (transport du 15 juillet, matricule 36 770), Hambourg, Brême-Farge. À l’infirmerie (Revier III) du camp de Neuengamme où il est « hospitalisé » après une grave blessure, il retrouve son professeur de biologie de l’université de Lyon, le Dr Florence, appelé à une sinistre fin, et l’un de ses confrères de Carpentras, Moysset. Évacué sur le mouroir de Sandbostel, il y contracte le typhus. C’est là qu’il est finalement libéré, le 29 avril, par l’armée britannique. Il est élu membre de l’Assemblée constituante (1945-1946). Il reprend ensuite son métier de pharmacien jusqu’en 1966, et consacre une partie de son temps à aider les rescapés de la déportation et à édifier des lieux de mémoire, tel le Monument départemental de la déportation de Murat. Il a laissé un témoignage sur cette sombre expérience, Souviens-toi !
Charles-Julien Kaufmann (1909- ?). Transport du 21 mai, matricule 31 938, déporté non racial, médecin. Interné à Neuengamme, évacué sur la Baltique et monté sur le Cap Arcona, il fait fonctionner l’infirmerie jusque dans les cales du navire. Ayant sauté à l’eau, il réussit à échapper aux élèves de l’école de sous-mariniers de Neustadt qui arrosent la plage de tirs et se réfugie dans une cabane. Il fait partie des 12 Français connus ayant survécu au naufrage du Cap Arcona. Il a laissé des témoignages essentiels, sur le Revier et sur les pathologies du camp dans L’Entreprise de la mort lente au camp de Hambourg-Neuengamme (1946) où la tuberculose touche, selon lui, 85 % des détenus.
Lochois déportés. Sur le site Mémoire de guerre, on trouve l’identité complète de 57 des 64 déportés sur plus de 200 personnes arrêtées dans la rafle de l’école Alfred-de-Vigny opérée par la Gestapo et la milice française le 27 juillet 1944. On relève les noms de 36 gendarmes, dont 6 ont été libérés des camps, et de 10 policiers (commissaire, inspecteur, archiviste, gardiens de la paix). Ils étaient accusés de manquer de zèle dans la chasse aux réfractaires du STO et de participer à des parachutages clandestins.
Parmi les Lochois capturés et déportés ce jour-là, se trouvent de nombreuses figures de la ville : l’hôtelier Pierre Bailly, le facteur Ferdinand Boisseau, le boulanger-pâtissier de Beaulieu, René Limousin et aussi Marguerite Mallet, épouse de l’avocat Raymond Mallet, l’un des responsables de l’Armée secrète de la ville ou encore un agriculteur de Luynes, Albert Ouchet. Le cantonnier de Chanceaux-près-Loches est raflé pour avoir donné à boire aux maquisards, tout comme Lucienne Tocheport, épouse de l’industriel René Tocheport, qui a hébergé des maquisards, ou encore Mlle Charlot, modiste rue Quintefol, dont le neveu venait de rejoindre le maquis d’Épernon.
La nouvelle gendarmerie de La Haye-Descartes, inaugurée en janvier 2012, porte le nom d’Yves Luguern. Ce dernier, gendarme à la brigade de La Haye-Descartes pendant l’Occupation, s’est enrôlé dans la Résistance, ce qui lui a valu d’être arrêté lors de la rafle du 27 juillet 1944 par la milice et la Gestapo, puis déporté. Évacué sur la Baltique en avril 1945, il meurt d’inanition sur un des bateaux quelques jours plus tard. Son corps disparaît en mer.
Lycée Lalande de Bourg-en-Bresse. Premier lycée de France à avoir obtenu la médaille de la Résistance (12 janvier 1947). Avant même l’armistice, l’établissement est un foyer de lutte contre l’Occupant. Contactés par Paul Pioda, qui a installé dans son arrière-boutique une bourse de livres, les élèves et les professeurs sont rattachés au Mouvement de libération. Ils diffusent tracts et journaux clandestins… Fin 1942, ils passent aux Forces unies de la jeunesse et multiplient les actions telle la destruction du fichier du STO, rue des Casernes. À partir de 1943, l’établissement est lourdement frappé : Marcel Cochet, Paul Morin et Marcel Thenon sont déportés. Nouvelle épreuve le 5 juin 1944 : la milice investit le lycée en pleines épreuves du baccalauréat. Le lycée compte 32 victimes tuées ou fusillées et une vingtaine de déportés parmi les professeurs et les élèves.
Louis Martin-Chauffier (1894-1980). Archiviste à la bibliothèque Mazarine puis à Florence (1923-1927), il fait paraître son premier roman, La Fissure, en 1922. Dans les années 1920, il se consacre à l’écriture de quatre nouveaux romans avant d’abandonner ce genre auquel il ne reviendra qu’en 1950. Il effectue également des traductions de classiques (Aristophane, Dante…) pour des éditions de luxe illustrées et entreprend la publication de la première édition des œuvres complètes de Gide (1932-1939). En 1938, il devient directeur littéraire de Match et éditorialiste à Paris-Soir. En 1940, il part pour la zone libre avec l’équipe de son journal et devient l’un des fondateurs du Comité national des écrivains. Il entre dans la Résistance, devenant rédacteur en chef de l’un des plus importants journaux clandestins, Libération, de 1942 à avril 1944.
Déporté à Neuengamme puis à Bergen-Belsen, il laisse un témoignage dans L’Homme et la Bête (1947). À la Libération, il poursuit sa carrière de journaliste et continue à faire vivre le journal : il est directeur littéraire de Libération. Durant la guerre d’Algérie, il visite plusieurs sites algériens afin de participer à une commission internationale sur le système concentrationnaire.
Louis Maury (1912- ?). Professeur d’histoire et géographie, il entre dans la Résistance et devient rapidement le chef départemental du réseau Turma Vengeance qui vient en aide aux évadés, aux parachutistes alliés, aux transports d’armes. Il participe à la création des FFI, mais est arrêté le 19 mai 1944 par la Gestapo après une dénonciation et déporté par le convoi du 15 juillet. Ne pesant plus que 35 kilos, il sera de retour à Évreux le 17 juin 1945 et reprendra son poste au collège de la ville. Malgré les souffrances qu’il a endurées, il se prononce dès son retour pour le pardon : « Maintenant, il faut pardonner et nous réconcilier avec les Allemands. » Il a laissé un témoignage sur Neuengamme : Quand la haine élève ses temples (1950).
André Migdal (1924-2007). Il est le quatrième garçon d’une fratrie qui compte onze enfants. La famille habite au 72 de la rue Claude-Decaen dans le 12e arrondissement de Paris. Militant communiste, il est arrêté à l’âge de 16 ans et demi et passe de prison en camp jusqu’à Neuengamme (convoi du 21 mai, matricule 30 655). Il est affecté au bunker Valentin, puis au kommando de Brême-Osterort (Riespott). Évacué en baie de la Baltique, il monte sur l’Athen et réchappe au drame. De retour en France, il retrouve le 72, rue Claude-Decaen : 158 habitants de l’immeuble ont été déportés et ne sont pas rentrés. Son père et sa mère, ses frères Henri et Robert sont du nombre.
En 1948, il épouse Jeannine Rodde dont le père et le grand-père ont été fusillés au Mont-Valérien le 12 août 1942. Depuis son retour de déportation, André Migdal n’a de cesse de témoigner, en France et en Allemagne, multipliant les interventions, les conférences et les écrits. Citoyen d’honneur de la ville de Brême, président de la section de la FNDIRP pour le 10e arrondissement de Paris, président du comité du souvenir du camp de Voves, il a laissé un témoignage sur le drame de la Baltique, Les Plages de sable rouge.
Willi Neurath (1911-1961). Né à Erfurt le 22 août 1911. Après ses études, il est employé comme imprimeur à la Kölnischen Zeitung et, de 1927 à 1930, apprend le métier de relieur. Il ne trouve pas de travail et devient responsable d’une association de chômeurs en Rhénanie. Sa tâche principale consiste à recruter pour le Parti communiste (KPD) dont il suit les cours de formation à Laichlingen, près de Solingen. À l’arrivée des nazis au pouvoir, il entre en résistance, mais il ne peut plus compter sur le parti pour subvenir à ses besoins après son interdiction. Employé dans une usine de caoutchouc, il est arrêté le 23 novembre 1935. Condamné pour haute trahison à cinq années de détention le 23 novembre 1936, emprisonné successivement à Siegburg, Esterwegen (où est mort Carl von Ossietzky) puis Vechta, il est libéré le soir de Noël 1940 et travaille comme relieur au Kölnischen Zeitung. En août 1942, il épouse la sœur d’un de ses amis, Eva Ruth Pakullis. De nouveau arrêté le 23 avril et emprisonné à Cologne, il est envoyé à Buchenwald avant de se retrouver à Neuengamme le 16 octobre 1944 sous le matricule 57 680. Embarqué sur le Cap Arcona, il échappe au naufrage. Présente par hasard dans les parages, sa femme le reconnaît parmi les blessés rassemblés par les Britanniques. Après la guerre, Neurath s’éloigne du Parti communiste et rejoint le Parti social-démocrate.
Waldy Nods (1929-2015). Le fils de Waldemar, dit Sonny Boy, est élevé par un oncle après l’arrestation de ses parents puis placé dans une famille d’accueil lorsqu’il est avéré que ses parents ne reviendront pas. Il se marie et vivra en Hollande jusqu’à sa mort.
Henri Noirot (1879-1972). Industriel, licencié en droit, juge au tribunal de commerce, c’est un notable rémois. Conseiller municipal depuis 1935, il est maintenu à son poste en 1940 par le gouvernement de Vichy. Président du conseil d’administration de Nord-Est, l’un des deux seuls journaux à continuer de paraître dans la Marne sous le contrôle de la censure allemande, il est nommé maire-adjoint en 1941. En août 1943, considéré par le préfet Peretti della Rocca comme « entièrement acquis au redressement national et au gouvernement », il est appelé à remplacer Joseph Bouvier, démissionnaire, à la mairie de Reims.
Le 15 juin 1944, la Gestapo, qui lui reproche son peu d’empressement, l’arrête, ainsi que plusieurs personnalités de son entourage. Il part, par le convoi du 28 juillet 1944, pour le camp de Neuengamme (matricule 39 327) où il est affecté au block des « personnalités ». Pris en charge par la Croix-Rouge, il est transféré en autocar le 12 avril 1945 à Theresienstadt, puis à Brezani (ou Breshan) où il est libéré le 8 mai 1945.
Robert T. Odeman (1904-1985). Né Martin Hoyer, il prend le nom de scène de Robert T. Odeman au début de sa carrière de musicien et d’acteur. Pianiste classique, il donne des concerts à travers toute l’Europe. En 1935, il ouvre un cabaret à Hambourg. Un an plus tard, les nazis ferment l’établissement, accusant son propriétaire de subversion. Il déménage à Berlin où il a une relation avec un garçon qui le dénonce à la Gestapo. En novembre 1935, il est arrêté, conformément au § 175 de la loi du 20 juillet 1935 qui criminalise l’homosexualité masculine, et condamné à vingt-sept mois de prison. Relâché, il reste sous l’étroite surveillance de la police. En 1942, arrêté de nouveau, il se retrouve à Neuengamme. Évacué sur la Baltique, il réussit à s’évader lors d’une marche forcée avec deux autres « 175 ». Après la guerre, Robert T. Odeman retourne à Berlin où il travaille comme auteur-compositeur jusqu’à sa mort.
Vladimir Ouchakoff (1928-). Fils d’un Russe blanc installé en Grèce et d’une Grecque, né à Athènes le 4 novembre 1928, il fréquente, avec son frère, le jardin d’enfants allemand puis l’école allemande. Après l’occupation de la Grèce, les Ouchakoff rejoignent la résistance hellénique. Le 17 avril, c’est l’ensemble de la famille qui est arrêté. Alors que la mère reste jusqu’à la fin de la guerre détenue au camp de Chaidari, le père, Ivan, et ses fils, Michael et Vladimir, sont déportés en Allemagne en compagnie d’un grand nombre de Grecs dont de nombreux « musulmans » (détenus en très mauvais état physique et psychique). Tandis que Michael demeure dans un camp près de Brunswick, Vladimir est déporté avec son père à Neuengamme. Considéré comme russe par les nazis, il porte le R sur son vêtement. Sa passion des échecs lui permet de nouer quelques liens avec des déportés allemands et polonais. Inséparable de son père, il réussit à être affecté au même atelier que lui, monte avec lui sur l’Athen et subit à ses côtés les bombardements. Les deux hommes en réchappent alors même que Michael, le frère de Vladimir, interné à Bergen-Belsen, y meurt. En août 1945, il rentre en Grèce avec son père et finit ses études au lycée technique. Il habitera à Athènes sa vie durant.
Sam Pivnik (1926-). Natif de Bedzin, dans le sud-ouest de la Pologne, près de la frontière allemande, il est contraint de vivre dans le ghetto de Kamionka à Bedzin, à partir du début de 1943, et de partir pour Auschwitz le 6 août 1943. Le père et la mère de Sam Pivnik, sa sœur cadette Chana et ses jeunes frères Meir, Wolf et Josef sont assassinés dès leur arrivée. Sa sœur aînée, Haendel, survit une dizaine de jours avant de mourir en chambre à gaz. Sam reçoit le matricule 135 913. Évacué dans d’autres camps, il termine son parcours en baie de la Baltique et monte sur le Cap Arcona. Il survit au drame. Il est l’auteur de Rescapé. Auschwitz, la marche de la mort.
Marcel Prenant (1893-1983). Fils d’un professeur de médecine, normalien ès sciences, agrégé, militant communiste. Résistant, arrêté en 1944 par la Gestapo, il est déporté en juin à Neuengamme (il témoignera au procès de Hambourg et appellera à « éclaircir, autant que nous le pouvons, la situation des disparus et à exiger le châtiment exemplaire des bourreaux nazis et [de] leurs complices »). Pour lui, la poursuite des traîtres est « non de vengeance, mais de justice et de salubrité publique ». Après sa libération, il est délégué à l’Assemblée nationale consultative et membre du comité central du Parti communiste. Amené par ses convictions politiques à défendre les thèses soviétiques dans l’affaire Lyssenko qui commence en 1948, il a l’honnêteté intellectuelle de reconnaître qu’il s’agit d’une escroquerie scientifique.
Edmond Radziejewski (1928- ?). Arrêté en septembre 1944, il est incarcéré au fort de Brehm, envoyé au camp de Stutthof puis, à la mi-octobre, à Neuengamme. Envoyé dans des kommandos extérieurs, il travaille notamment dans les ateliers de Blohm & Voss, les chantiers navals du Cap Arcona. Il survit à la tragédie de la baie de Lübeck. Après un séjour dans des camps pour personnes déplacées à Stuttgart et à Munich, il retourne vivre en Pologne.
David Rousset (1912-1997). Petit-fils de deux grands-pères pasteurs, il fait ses études à la Sorbonne et rejoint les Étudiants socialistes dès 1931. Enseignant, il se rapproche de Trotski qu’il rencontre en France et est exclu de la SFIO en 1935. L’année suivante, il est l’un des fondateurs du Parti ouvrier internationaliste (POI). Il se consacre à l’action trotskiste anticolonialiste en Algérie et au Maroc. En 1938, il est correspondant des revues américaines Fortune et Time.
Durant l’Occupation, il participe à la reconstitution du POI clandestin. Arrêté par un inspecteur français et deux Allemands, le 16 octobre 1943, pour avoir entrepris un travail politique en direction des soldats de la Wehrmacht, torturé, emprisonné à Fresnes, il est déporté à Buchenwald puis à Porta Westfalica et Neuengamme. Évacué sur Wöbbelin, il échappe à la baie de la Baltique. Après la guerre, il publie L’Univers concentrationnaire, ouvrage fondamental sur les camps nazis, qui obtient le prix Renaudot en 1946 et, en 1947, un roman sur les camps nazis, Les Jours de notre mort, fondé sur des témoignages de déportés refondus en plusieurs personnages.
Il reprend son combat contre les guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie. Dans la même période, il s’éloigne du trotskisme et, avec Jean-Paul Sartre, crée en 1948 le Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR). Après la publication en 1947 du livre de Kravtchenko, J’ai choisi la liberté, et le procès intenté pour diffamation par l’auteur aux Lettres françaises, journal littéraire proche du PCF, Rousset crée en octobre 1950 la Commission internationale contre le régime concentrationnaire (CICRC).
Au début des années 1960, David Rousset réalise pour divers journaux, dont Le Figaro et Le Monde, des interviews de personnalités du tiers-monde. Son soutien à la décolonisation de l’Algérie le conduit à soutenir de Gaulle en 1965 à l’élection présidentielle.
Pierre Saufrignon (1921-). Pour échapper au STO en Allemagne, ce jeune étudiant s’engage dans la police à Bordeaux. Refusant de dénoncer ses compatriotes, il prend contact avec la Résistance, notamment le réseau Navarre (futur réseau Alliance de Loustaunau-Lacau). Arrêté le 24 janvier 1944, il sera interné au fort du Hâ puis déporté à Neuengamme (transport du 21 mai, matricule 31 249), envoyé au bunker Valentin, évacué sur Sandbostel et libéré le 29 avril 1945. Cinquante ans après les événements, il écrit son histoire, Mémoire oblige.
Adrien Saunois (1905-1945). Originaire d’Origny-en-Thiérache (Aisne), agent P2 (agent travaillant en permanence pour la Résistance) du réseau Buckmaster, il récupère du matériel largué lors des parachutages, stocke des armes à son domicile ainsi que du ravitaillement et des postes émetteurs. Déporté à Neuengamme et évacué en baie de la Baltique, il meurt durant le naufrage du Cap Arcona. Jean-Claude Saunois, son fils, a raconté que l’héroïsme avait longtemps été considéré comme quelque chose dont on ne parlait pas chez lui et rapporte avoir appris par des survivants que son père, Adrien Saunois, résistant de l’Organisation civile et militaire, avait péri dans la baie de Lübeck. Isabelle Saunois, sa petite-fille, une jeune réalisatrice, a tourné un documentaire passionnant, Ma mémoire d’Adrien, sorti en 2010.
Kurt Schumacher (1895-1952). Docteur en philosophie, volontaire de 1914, grand mutilé de guerre, membre du Parti social-démocrate à partir de 1917 et député au Reichstag (1930-1933), il répond à Goebbels qui reproche à son parti de soutenir Hindenburg et le traite de déserteur à une session du Reichstag (23 février 1932) que le nazisme est un « appel au salaud qui dort dans l’homme ». Il est arrêté le 6 juillet 1933, à Berlin par la Gestapo qui lui fait payer ses déclarations en l’internant dans divers camps de concentration dont Neuengamme du 24 août au 20 septembre 1944.
Henri Solbach (1917-2007). Résistant arrivé à Neuengamme (transport du 24 mai 1944, matricule 30 678), il parle et écrit l’allemand. Affecté au kommando de Watenstedt, il fait une tentative d’évasion, mais est repris et ramené au camp central où il échappe à l’exécution grâce à des complicités. Il survit au naufrage du Cap Arcona.
Jacques Sourdille (1922-1996). En juin 1940, âgé de 18 ans, il envisage de gagner l’Angleterre pour rejoindre les FFL, mais n’y réussit pas. Réfractaire au STO, il devient agent de renseignement pour le réseau clandestin Claude François. Arrêté à Flers en mai 1944 par la Gestapo, il est déporté à Neuengamme et évacué sur la Baltique. Il reste sur les pontons pendant les bombardements du Cap Arcona. Il est l’un des 3 survivants sur les 47 hommes que comptait son kommando. Cinq années de sanatorium seront nécessaires à son rétablissement. Il devient ensuite sénateur des Ardennes de 1989 à 1996 et secrétaire d’État à la Recherche.
Miroslav Tamchyna (1922-2002). Sportif, il se cache douze jours durant au Havre dans une cave jusqu’à ce qu’une embarcation le fasse passer en Angleterre. Il entre alors dans l’armée d’exil tchécoslovaque. Après le débarquement de Normandie, il est capturé en Hollande et, blessé, part directement pour le camp de concentration de Neuengamme à sa sortie de l’hôpital (matricule 66 633). À partir d’octobre 1944, il est affecté au kommando extérieur de Brême-Schützenhof. De retour au camp central aux derniers jours de l’évacuation, il est affecté à la corvée du ramassage des morts. Il rejoint ensuite le Cap Arcona, au naufrage duquel sa solide constitution lui permet de survivre malgré ses 49 kilos. Au lendemain de la guerre, il épouse la fille du pêcheur qui l’avait caché au Havre.
Johann Trollman (1907-1943). Boxeur sinto (tzigane) légendaire, connu sous le nom de Rukelie, il monte sur le ring en 1932 pour le titre national des mi-lourds. Dénigré par la presse nazie qui le dit « très efféminé », il anéantit la défense « aryenne » de son adversaire, l’Allemand Adolf Witt. À la surprise générale, les juges déclarent le match nul sous les huées du public, tant et si bien qu’ils finissent par reconnaître la victoire de Trollman. Le boxeur tzigane reçoit le titre, et pleure d’émotion. Peu après, les autorités nazies lui retirent la ceinture de champion à cause de ses larmes : « Mauvais comportement que de pleurer sur le ring. » Le sport occupant une place centrale dans l’idéologie nazie, il est hors de question de laisser gagner un Untermensch. Stérilisé, envoyé sur le front russe, il est arrêté à son retour par la Gestapo en 1942, déporté et incarcéré à Neuengamme. Là, repéré par un commandant du camp, il sert d’entraîneur, le soir, à ses troupes. En 1943, un kapo qu’il a vaincu lors d’un combat l’exécute pour se venger. En décembre 2003, la fédération allemande de boxe lui a rendu, post mortem, son titre de champion de boxe d’Allemagne.
Bertrand de Vogüé (1901-1987). Négociant en champagne à Reims, adjoint au maire de cette ville de 1936 à 1944, il est arrêté le 15 juin 1944 avec le maire, Henri Noirot, ainsi que neuf autres élus. Tous sont envoyés dans des camps annexes de Neuengamme. À son retour de captivité, Bertrand de Vogüé entretient la mémoire de ce petit groupe de déportés spéciaux en rédigeant les bulletins d’information. Il a laissé un témoignage de son expérience de « notable » au camp, Les Aventures de Monsieur Ducancé (1946), qui comporte un calendrier précis des aventures des « Ducancé », de l’arrivée du premier contingent à Neuengamme le 18 juillet 1944 – en référence au camp C réservé aux personnalités – jusqu’au retour en France à l’hôtel Lutetia le 18 mai 1945.