Si le chansonnier est mort, en revanche le poète de romances se porte mieux que jamais. Il chante, comme par le passé, des banalités sentimentales qu’il a grand soin de faire rimer convenablement. Il publie dans le Ménestrel, ou le Troubadour, des petites lignes inégales, avec une marge de chaque côté, et il intitule ces productions lyriques, Brises du Soir, Retour au Village, À toi, les Échos, le Soleil de ma Montagne, les Soupirs, Chaumière, le Chant du Klepthe, le Chasseur tyrolien, etc. Depuis quelques années, le poète de romances ne se contente plus de traduire en vers de huit syllabes les pensées les plus rebattues, pour la consommation des femmes vaporeuses et extatiques, il se livre encore à la chansonnette grivoise, dont un acteur est chargé de faire valoir le patois rocailleux sur un théâtre du boulevard, aux grands applaudissements d’un parterre parisien, le plus débonnaire et le plus accommodant de tous les parterres du monde. Ce poète a le plus souvent une existence toute problématique. Nous en connaissons un qui, dans ses moments perdus, fabrique du cirage anglais. Le poète de romances a toujours une mise élégante, et même recherchée ; il est de toutes les soirées, et il signe hardiment sur ses cartes de visite, Monsieur un tel, Romancier.