« Je n’ai jamais pensé que tu te marierais et aurais des enfants. »
La stupéfaction était générale. Des rires ont fusé. Un homme s’est à moitié étranglé avec une gorgée de café. Un autre, embarrassé, a détourné la tête. Une femme d’un certain âge, avec des cheveux gris coupés au carré, a lâché un glapissement aigu.
« Je dois dire que c’est une première ! » s’est exclamé un chauve en costume et au crâne luisant qui se tortillait dans son fauteuil. Il a balayé des yeux la vingtaine d’hommes et de femmes d’affaires réunis autour de la table de conférence, tous muets d’étonnement devant leurs classeurs, leurs blocs-notes et leurs stylos-billes.
« Je vous inviterais volontiers à dîner, mais ma femme ne serait sans doute pas d’accord », a lancé une voix du fond de la salle.
J’ai cherché des yeux l’auteur de cette intervention, et je lui ai souri.
« La mienne non plus, a renchéri un autre homme. Mais si j’étais célibataire…
– Si j’avais vingt ans de moins, je vous emmènerais faire la tournée des grands ducs ! s’est esclaffé un homme qui ressemblait à un Père Noël en costume trois pièces.
– Bon, qui ne risque rien n’a rien ! » ai-je lancé, les joues en feu, avant de me rasseoir.
Une autre première : je m’étais levée dans une pièce remplie d’inconnus et j’avais demandé si quelqu’un serait intéressé par un rencard. Je n’aurais su dire si, avec ce nouvel épisode, j’atteignais un sommet, ou tombais dans un ravin sur ma route du développement personnel… Qui espérais-je berner ? C’était le second cas de figure. Évidemment.
Quand Paul avait suggéré que je l’accompagne à un petit déjeuner de réseautage au motif que la gent masculine y serait représentée en force, j’avais accepté parce que Matthew Hussey dit qu’on ne doit négliger aucune invitation.
Ce n’est qu’une fois dans le métro, à 6 heures et demie du matin, que Paul m’a annoncé que tous les nouveaux participants étaient tenus de se présenter en quelques mots. « Tu peux dire que tu es journaliste free-lance et dispo pour du rédactionnel, avait-il dit. Ou alors, tu pourrais annoncer que tu cherches un rencard. »
J’ai choisi cette dernière option. Après avoir écouté un type nous vanter ses services d’imprimerie, et un autre nous vendre ses talents pour le marketing en ligne, je me suis levée et, au milieu de trente types en costard, arborant moi aussi un badge autocollant avec mon nom griffonné au feutre bleu, j’ai demandé si quelqu’un serait intéressé par un rencard. À 7 heures et demie du matin.
Alors qu’un an plus tôt j’aurais préféré mourir, maintenant, eh bien, c’était juste un jeudi matin comme un autre. Je me sentais gênée, mais moins que prévu. Et sitôt rassise, les commentaires sont allés bon train. « Bravo ! a lancé une voix de femme du fond de la salle. Je suis également libre à dîner ! Que tous ceux qui sont intéressés veuillent bien faire la queue – et sans se bousculer, s’il vous plaît ! »
Tout le monde a ri. Instantanément, ces hommes et ces femmes d’affaires guindés sont devenus à mes yeux charmants, et humains.
Tandis que la réunion reprenait son cours normal, un homme en blazer bleu marine et qui arborait une grosse chevalière m’a glissé un petit mot : « Je vous invite… »
« Super ! » ai-je répondu par le même canal.
« Un café en sortant d’ici ? »
« Ça marche ! »
À peine avions-nous bu la moitié de nos cafés au lait qu’il a mis la question sur le tapis.
« Vous voulez vous marier ? »
Était-ce une proposition ? Ou simplement de la curiosité ? Impossible à savoir. Mais dans l’un ou l’autre cas, posée de but en blanc dans un Starbucks à 9 heures et demie par un homme dont je ne connaissais même pas le nom de famille, elle restait une question sacrément culottée.
« Euh… en fait, je n’en sais trop rien, ai-je répondu. Je ne sais pas si je veux me marier et avoir des enfants. Je ne crois pas que ce soit le chemin que je vais choisir. »
Il a semblé surpris. Ma prise de parole à la réunion lui avait probablement donné l’impression que j’étais pressée de me caser. Une conclusion tout à fait légitime, au demeurant.
« Peut-être n’avez-vous pas trouvé la bonne personne ?
– Oui, peut-être », ai-je concédé.
Jusque-là, la conversation était très plaisante, nous avions évoqué ses voyages, ses affaires, et la disparition de ses parents.
« Moi, je suis prêt à me caser et à fonder une famille. J’ai créé ma boîte, je me suis bien débrouillé. Les aventures sans lendemain, ça ne m’intéresse pas – plus. Je veux passer à autre chose. Je veux une vraie relation. »
J’ai admiré son honnêteté et envié sa certitude.
« La semaine prochaine, je suis en déplacement. Mais à mon retour, on devrait dîner ensemble. Je vous recontacte.
– Euh… d’accord. Peut-être… »
Et il est parti.
Dans le métro, en rentrant à la maison après cette nouvelle expérience bizarre, je ne me sentais pas plus avancée que lorsque je m’étais lancée dans ce projet : qu’est-ce que je voulais ? Me marier et me caser ? Avoir des enfants ? Que je sois encore célibataire et sans enfant n’était-il pas le signe que ma voie se trouvait ailleurs ? Ou bien mon indépendance était-elle simplement un symptôme de ma peur ? A-t-on besoin de vivre avec quelqu’un pour jouir d’une belle vie, épanouie et bien remplie, ou peut-on accéder au même résultat en solo ? Ces questions se poseraient-elles encore si je rencontrais le bon candidat – ou étais-je tellement refermée sur moi-même que je ne reconnaîtrais pas cet homme s’il me souriait dans un café ?
Nous vivons dans un monde où le bonheur est assimilé au mariage et aux enfants – et où, le plus souvent, le célibataire est accueilli avec un sourire compatissant et un commentaire du genre « Tu finiras bien pas rencontrer quelqu’un » ou « Ne t’inquiète pas, tu as encore le temps » et cela m’énervait vraiment. Le sous-entendu étant que, si vous ne rencontriez personne, votre vie serait un échec.
En sortant du métro à Archway, j’ai appelé ma mère.
« Où es-tu ? ai-je demandé.
– À la maison, en train de repasser.
– OK.
– Et toi, tu fais quoi ?
– Je reviens d’un nouveau rendez-vous.
– Ah ! Ça s’est passé comment ?
– Il ne me plaisait pas.
– Toi, tu lui plaisais ?
– Il m’a semblé que oui.
– Ah bon ?
– Maman, tu pourrais te dispenser d’avoir l’air de tomber de l’armoire.
– Je ne t’avais jamais vue comme une femme fatale ! »
Elle semblait trouver cette idée très drôle.
« Tu ne trouves pas étrange que toutes mes amies se marient et que je sois toujours célibataire ? »
Jamais encore je ne lui avais posé cette question. Elle a pris son temps pour répondre et, pendant cette plage de silence, j’entendais la radio à l’arrière-plan.
« Bon, tu as toujours été très indépendante…
– On peut être indépendante et néanmoins en couple.
– Je n’ai jamais pensé que tu te marierais et que tu aurais des enfants. »
C’était une sacrée nouvelle à encaisser devant le kebab de Junction Road.
« Tu ne te souviens pas que je te l’avais dit, quand tu étais encore adolescente ?
– Non.
– Tes sœurs et toi me demandiez comment j’imaginais votre vie quand vous seriez grandes, et j’avais répondu que, selon moi, tu ne te caserais pas. Tu t’étais mise très en colère, et ton père m’en a beaucoup voulu.
– Je n’en ai aucun souvenir. Qu’est-ce qui te faisait dire ça ?
– Je te voyais mal supporter une vie domestique. J’ai toujours pensé que tu te sentirais prise au piège. »
Mon premier sentiment a été le soulagement : entendre ma mère me dire que rien ne m’obligeait à suivre la voie de la conjugalité me libérait d’un poids. La seule idée du mariage à la vie à la mort, des gamins, d’un foyer, me donnait bel et bien la sensation d’être piégée – au point que ça me donnait envie de m’arracher la peau…
Et puis, toute la scène m’est revenue et j’ai eu l’impression de recevoir un coup de pied dans l’estomac. Brusquement, je me suis revue dans la cuisine de mon enfance, en train de boire du thé, et je me suis souvenue de la souffrance aiguë que j’avais ressentie en songeant que même ma mère était convaincue qu’aucun homme ne voudrait m’épouser.
« De toute évidence, elle me connaît vraiment bien, ai-je dit à ma psy le lendemain. Peut-être a-t-elle raison. Peut-être suis-je destinée à une vie en solo.
– Il est difficile de savoir si c’est parce qu’elle a dit ça que vous vivez seule aujourd’hui.
– Certes, mais quel soulagement, quand j’ai entendu ça ! Toute ma vie, j’ai eu l’impression d’être une pauvre fille parce que je ne me mariais pas, ou que je n’avais pas de petit ami, mais peut-être que ce modèle ne me convient pas ? J’aime ma liberté, et j’aime vraiment être seule. Lorsque je réfléchis à ce que je veux dans l’avenir, je pense voyages et rigolade. Je veux connaître une vie sexuelle épanouie et des histoires d’amour, mais l’idée de me caser me donne la sensation d’être prise au piège. Et ma mère a raison, je déteste cuisiner, je déteste la vie domestique.
– C’est une vision très démodée du couple, a objecté la psy. Chaque couple invente son propre modus vivendi.
– Pensez-vous que je puisse être heureuse, si je ne me marie pas ?
– Bien sûr. Vous aurez une belle vie, quelque choix que vous fassiez.
– Mais pensez-vous que je serais plus heureuse si je rencontrais quelqu’un ?
– Oui, si ce quelqu’un est la bonne personne. Mais il faut l’aimer vraiment – aimer son odeur, sa peau. Pas chercher à se caser à tout prix.
– Comment la reconnaître, la bonne personne ? Peut-être que je suis trop difficile.
– Ça, je ne sais pas, mais essayez de garder l’esprit ouvert… »
Garder l’esprit ouvert, c’est bien beau, mais c’est fatigant. Chaque jour, espérer, tout en se défendant de le faire. Dévisager tous les hommes qu’on croise dans la rue et s’interroger : devrais-je lui demander son nom ? lui demander où il se situe dans le débat café au lait vs cappuccino ?
Et pile au moment où je m’apprêtais à abandonner, c’est arrivé. Il est arrivé.
Il patientait au feu pour traverser Old Street. Il était grand, brun, barbu. Il portait une veste en tweed, comme le type sur lequel j’avais flashé à Hampstead Heath. D’ailleurs, je n’aurais pas mis ma main à couper que ce n’était pas lui. Il était tout aussi séduisant. Avec des cheveux poivre et sel…
Bon sang, ne déguerpis pas, Marianne. Fais quelque chose.
Si j’en crois Hussey, même au XXIe siècle, une femme ne peut pas prononcer une phrase plus attirante que « J’aurais vraiment besoin que vous m’aidiez à… » Ce sont des mots qui parlent aux instincts primitifs du mâle (subvenir aux besoins et protéger) et qui hérissent tous mes instincts féministes, mais je l’ai fait ; j’ai joué à la damoiselle en détresse.
« Excusez-moi… » ai-je dit en le regardant. Il avait ses écouteurs et ne m’avait pas entendue.
J’ai effleuré sa manche. Il a sursauté violemment, et quand il a retiré ses écouteurs, j’ai distingué un morceau de musique classique.
« Pardon… Je me demandais si vous pourriez m’aider ? Je cherche le Hoxton Hotel… Savez-vous dans quelle direction je dois aller ? »
Il a hésité une seconde. Il m’a dévisagée, et son regard noisette s’est adouci.
« Oui. Continuez tout droit, puis tournez à gauche au niveau des feux.
– Merci beaucoup. » Je lui ai souri, et il m’a rendu mon sourire.
« Je vais dans cette direction », a-t-il repris.
Nous avons marché côte à côte dans un silence inconfortable. Quand le crachin qui tombait depuis le matin s’est accentué, il a ouvert un parapluie. « Vous voulez le partager ? » a-t-il demandé.
Hussey dit qu’on doit toujours répondre par l’affirmative quand un homme nous propose sa veste ou son parapluie. Ça lui procure un sentiment d’utilité. Je me suis glissée sous son parapluie et nous avons continué de marcher dans un silence toujours aussi inconfortable. C’était beaucoup de promiscuité pour deux inconnus.
J’ai paniqué et commencé à parler à tort et à travers, à lui demander où il allait et ce qu’il faisait dans la vie.
Je n’ai pas tardé à apprendre qu’il partait rejoindre son frère et qu’il travaillait pour une association caritative. Une association caritative ! Je l’avais enfin trouvé, mon saint sexy !
« Donc, vous êtes quelqu’un de bien ?
– Ça, je n’en sais rien, mais je fais de mon mieux », a-t-il répondu en regardant le sol.
Un homme altruiste, séduisant mais humble ! Et qui m’abritait sous son parapluie ! Merci Matthew Hussey ! Merci le monde !
« Je continue tout droit, mais le Hoxton est juste là, un peu plus bas, a-t-il dit en me désignant un point sur la gauche.
– D’accord. Merci beaucoup.
– Je vous en prie.
– Ravie de vous avoir rencontré.
– De même. »
Mais ni lui ni moi ne bougions. Je me souvenais d’une scène identique aux tourniquets du métro en janvier, avec l’artiste à la barbe de hipster. Cette fois, je n’ai pas pris mes jambes à mon cou. Je suis restée immobile et j’ai continué à regarder M. Parapluie. Qui me regardait lui aussi. Puis j’ai éclaté de rire. Et il en a fait autant.
« Euh… C’est pas dans mes habitudes de lever des filles dans la rue mais… euh… vous voulez qu’on boive un verre, un de ces quatre ?
– Oui, ce serait super, ai-je répondu d’un ton qui suggérait que cette proposition n’avait rien d’exceptionnel, que je recevais tous les jours des invitations de la part d’hommes séduisants croisés dans la rue.
– Oh ! Oh, OK. Super.
– Tout à fait !
– Bon, je suppose que je devrais noter votre numéro. »
Je le lui ai dicté en essayant de contenir un sourire béat. Du calme. Joue-la cool, Marianne.
« C’est noté. Salut.
– Salut, ai-je répondu en me remettant en marche.
– Je m’appelle Harry, au fait ! a-t-il crié dans mon dos.
– À bientôt Harry Au Fait ! » ai-je crié en retour. Il a eu l’air surpris mais il a souri, et quand je me suis remise en route, je sautillais quasiment.
En fin de journée, j’ai reçu un texto : il voulait savoir si j’étais libre le lendemain soir.
Pendant vingt-quatre heures, mon cerveau a tourné en sur-régime. Je n’arrivais pas à me concentrer sur mon travail. Je ne pouvais rien avaler. J’avais peur de ne pas être assez jolie pour lui – ce qui, d’après Hussey, est une crainte idiote : si un homme souhaite nous revoir, c’est qu’il aime déjà notre apparence. Ensuite, j’ai pensé aux mille et une façons dont je pourrais tout gâcher si jamais il s’avérait le candidat parfait. Je me voyais déjà rencontrer ses amis, qui seraient tous intelligents et couronnés de succès dans leur vie professionnelle, puis je me suis demandé où nous habiterions… Lui vivait au sud de la Tamise, ce qui n’était pas l’idéal mais, s’il le fallait, j’étais prête à essayer Brixton… Je me représentais sa maison, qui était certainement remplie de livres et avait de grandes fenêtres. Je nous ai vus recevoir à dîner et lézarder le dimanche devant le petit déjeuner.
Je me projetais à fond.
Ce qui, pour Hussey, est un autre écueil à éviter : les femmes, explique-t-il, vont trop vite en besogne dans leur tête. À peine rencontrent-elles un homme que déjà elles le transforment en prince charmant. En faisant ça, on s’autorise à éprouver des sentiments pour quelqu’un avant même qu’il ait fait ses preuves, et notre empressement donne l’impression que nous sommes de « moindre valeur ». Nous ne devons pas oublier, insiste-t-il, que même si un homme nous plaît, il doit encore nous démontrer de quoi il est capable.
Nous sommes allés dîner dans un restaurant éthiopien. La suggestion venait de moi. J’en avais repéré un à Tufnell Park, que j’avais toujours eu envie d’essayer. Harry était déjà là quand je suis arrivée. C’était sympa de le revoir. Je me suis sentie timide et mal à l’aise en lui disant bonjour. Il s’est penché pour m’embrasser sur la joue, et j’étais déjà en train de reculer alors qu’il s’apprêtait à enchaîner avec une bise sur l’autre joue. « Je ne sais jamais s’il faut en faire une ou deux, a-t-il dit.
– Désolée. »
Nous avons gagné notre table et tout me mettait mal à l’aise – marcher devant lui, savoir qu’il me regardait marcher… Je me suis assise pile au moment où il contournait la table pour tirer ma chaise.
« Vous avez ruiné mon petit effet, a-t-il plaisanté. J’ai passé la journée à m’entraîner avec ma chaise. »
Je me suis relevée. « Allez-y…
– Non, c’est trop tard », a-t-il répondu avec un sourire.
Une fois la commande passée, la conversation s’est engagée. Nous avions choisi une grande crêpe accompagnée de diverses garnitures. J’étais gênée de manger devant lui. Plus nous discutions, plus il me plaisait. Il était intelligent, drôle. Il semblait être quelqu’un de bien. Il avait son propre appart, un bon boulot, une vraie vie d’adulte – peut-être trop adulte, comparée à la mienne. Il m’a questionnée sur mes anciennes relations amoureuses et je me suis sentie rougir en lui disant qu’il n’y en avait eu aucune sérieuse. Il a proposé de me raccompagner chez moi et quand il a glissé son bras autour de ma taille, là encore, je me suis sentie mal à l’aise. Mon corps s’était raidi.
« J’ai passé une très bonne soirée », a-t-il dit.
Je n’ai rien répondu.
« Et toi ? a-t-il insisté en souriant.
– Euh… oui. » J’étais pétrifiée, comme une imbécile. Arrête de te comporter comme une conne, Marianne. Sois normale !
Matthew Hussey dit qu’une importante part des rencontres consiste à favoriser une atmosphère de tension sexuelle, et être à l’aise avec ça.
Je ne le suis pas.
« Les femmes que cette tension met mal à l’aise, écrit-il, repousseront souvent les marques d’affection d’un homme et changeront de sujet lorsqu’il tentera de communiquer son désir à lui. Parfois, la femme fera retomber la tension en se fermant lorsque la conversation déviera vers un territoire plus intime. Si vous ne souhaitez pas aller plus loin dans la relation, cela n’est pas un problème. Mais si vous êtes intéressée, cette dérobade peut le refroidir. »
C’est exactement ce que je fais : je refroidis n’importe qui.
D’après Hussey, beaucoup de femmes qui ont réussi dans la vie peuvent converser avec qui que ce soit mais quand il s’agit de se montrer joueuse, féminine, aguichante, elles sont terrifiées. Eh bien voilà. C’est exactement moi.
Flirter me plonge dans un tel embarras que même mes dents en rougissent.
Harry m’a raccompagnée. Devant ma porte, il s’est avancé pour m’embrasser et j’ai paniqué. Je lui ai planté un baiser sur la joue et j’ai grimpé quatre à quatre les marches en lançant « Bonne nuit ! » du même ton que j’aurais dit au revoir à ma grand-mère. Et quand, en haut du perron, je me suis retournée, il avait déjà commencé à s’éloigner.
Mon cœur a chaviré.
Le lendemain, je lui ai envoyé un message pour le remercier de cette charmante soirée. Il n’a pas répondu de la journée. À 20 heures, j’ai reçu un texto disant qu’il était lui aussi ravi de m’avoir rencontrée. Sans cependant proposer qu’on se revoie. Il fallait que je rattrape le coup !
Tu veux qu’on se revoie ? lui ai-je demandé par SMS.
Deux heures plus tard, la réponse : Je vais être souvent en déplacement dans les semaines à venir. Question timing, ça tombe mal.
J’avais tout gâché.
Pendant des années, j’avais cru que j’étais célibataire parce que je n’étais pas assez jolie, pas assez mince, pas assez blonde. Quelles conneries ! Ça me crevait les yeux, maintenant : je n’avais pas de mec parce que j’étais terrifiée.
J’étais visiblement capable d’en rencontrer – et plus facilement que je ne le pensais. Je bavardais sans problème avec eux. Mais quand je rencontrais un type susceptible de me plaire, là je fuyais à toutes jambes, épouvantée. Et aucun tuyau en matière de séduction ne pourrait probablement m’aider. Quand on est célibataire depuis si longtemps, c’est que la racine du mal est plus profonde qu’il n’y paraît…