VIII

— C’était toi ?

— Quoi moi ?

— T’as balancé quelque chose ?

— Non, c’est quoi ton problème ?

— Bah, laisse tomber, ça devait être des mouches.

— Pas si loin des côtes, et pas en cette saison.

Des rires résonnèrent dans le couloir qui menait à la salle des systèmes de combat.

— Putains de gamins. J’ai envie de les balancer pardessus bord. Tu veux leur filer les jetons ou je m’en charge ? demanda l’un des radaristes assis à sa console.

— C’est à mon tour, laisse-moi faire, répondit son collègue en souriant.

Il fouilla dans un carton situé sous sa console et en retira un masque d’Halloween répugnant qui ressemblait à un visage de cadavre. Il l’enfila et ajusta la ficelle pour pouvoir voir à travers les trous pratiqués au niveau des yeux.

— Admire l’artiste !

Il se dirigea vers la porte ouverte et sauta dans le couloir, hurlant comme une banshee. Le petit groupe d’enfants se mit à crier et à détaler… Tous sauf un.

L’enfant envoya un violent coup de pied dans l’entrejambe du radariste qui s’écroula au sol. Son collègue explosa de rire mais retrouva son sérieux quand il vit l’enfant continuer sur sa lancée, visiblement déterminé à frapper le radariste à la tête de toute la force de ses petites jambes. Une femme plus âgée aux cheveux roux bouclés, attirée par les cris et le raffut, intervint juste à temps.

— Que se passe-t-il ici, Danny ? demanda-t-elle d’un ton autoritaire.

— Mamie, je croyais que c’était un…

Le radariste retira lentement son masque et resta en position fœtale, gémissant de douleur.

— Désolé, monsieur, je savais pas. Je pensais que vous étiez mort, dit le petit garçon, penaud.

Dean s’approcha de l’homme à terre et l’aida à se relever.

— Qu’est-ce que ça veut dire, tout ça ? Vous passez votre temps à effrayer les enfants ou vous ne faites ça que quand vous êtes en service ?

— Je suis désolé, madame, répondit le radariste, encore titubant sous le coup de la douleur. Les gamins faisaient trop de bruit, ils nous rendaient fous, et je pensais que ça serait marrant de…

— Marrant jusqu’à ce que quelqu’un vous colle une balle dans la tête accidentellement ! Donnez-moi ce truc, je vais le jeter par-dessus bord immédiatement. Estimez-vous heureux que je n’aille pas en toucher deux mots à l’amiral.

Le radariste tendit le masque sans se faire prier. Dean le lui arracha des mains comme un serpent fondant sur sa proie.

— Il va falloir vous habituer aux gamins, aussi. Je fais cours à quelques mètres d’ici et ils passeront par ici pour aller en classe.

— Oui, madame. Mes excuses.

— Puisqu’on en est aux excuses, Danny, tu as quelque chose à dire ?

— Je m’excuse de vous avoir donné un coup de pied dans les cou… je veux dire, entre les jambes. Vous m’avez fichu une sacrée frousse.

— Désolé, petit.

— Pas de mal, dit Danny, contrit.

La voix autoritaire de Dean retentit à nouveau :

— Danny, va chercher les autres et ramène-les en classe. L’un des médecins va donner un cours sur les premiers secours dans un quart d’heure.

Elle n’avait pas le temps d’expliquer à Danny la différence entre un médecin militaire et un praticien généraliste.

— D’accord, mamie. C’est comme jouer à cache-cache. Je suis sûr que je peux trouver Laura super vite !

— Même pas cap ! leur parvint une voix de petite fille derrière une lance incendie.

La chasse était lancée.

Dean les regarda déguerpir, les sourcils froncés, avant de suivre Danny vers la salle de classe.

— Les jeunes ne réalisent pas la chance qu’ils ont, dit-elle.