XXVIII
USS George Washington

Ils seraient bientôt là. Danny essaya de s’échapper en se glissant sous un ventilateur dans une salle des machines. Il ne savait pas précisément où il se trouvait, car les événements s’enchaînaient dans une espèce de brouillard, à un rythme étrange. Les créatures étaient déterminées et le pourchassaient sans relâche. Danny avait les genoux en sang. Il avait l’impression d’avoir rampé pendant des kilomètres.

Il sentit l’emprise glacée de la mort sur ses talons. Les griffes décharnées de la créature se refermèrent sur son pied, l’enserrant comme un étau. Danny ne pouvait plus avancer ; la chose le tirait en arrière pour le tuer. Un rat à l’allure étrange le fixait de ses yeux rouges dans un recoin sombre.

Danny se débattit, hurlant à pleins poumons, essayant de s’échapper de la contrée des cauchemars, le territoire du marchand de sable.

Quelqu’un le secoua, ce qui acheva de le ramener à la réalité. Il était en sécurité, dans les bras de sa grand-mère.

* * *

— Danny, réveille-toi mon grand. Ce n’était qu’un rêve, un mauvais rêve. Réveille-toi.

Danny s’agita sous sa couverture jusqu’à ce qu’il soit sûr qu’il s’agissait bien de sa grand-mère.

— Ils sont sur le bateau, mamie ! s’exclama Danny, encore traumatisé par son cauchemar.

— Non, mon chéri, ils ne sont pas à bord. Ils sont loin, sur la terre ferme. Nous sommes à l’abri. Essaye de te calmer, reprends ton souffle.

— Mamie, je les ai entendus. J’étais au fond du bateau. Je les ai entendus, sanglota Danny.

— Non chéri, ils ne sont pas ici. Calme-toi et essaye de te rendormir, dit Dean en remettant en place une mèche de cheveux de son petit-fils.

— Si, ils sont ici, je sais à quoi ressemblent leurs cris. Je me souviens. Je me souviens du château d’eau. Je me souviens de maman, papa…

Alors que Danny continuait à revivre ces souvenirs douloureux, on frappa à la porte. Dean le borda, l’embrassa sur le front et se dirigea vers la porte. Elle l’entrouvrit pour voir qui cela pouvait bien être à cette heure tardive. Tara était sur le pas de la porte, en robe de chambre.

— Tout va bien, Dean ? J’ai entendu Danny.

— Oui, encore un cauchemar. Ça fait plus d’une semaine maintenant et je ne sais plus quoi faire.

— Besoin d’aide ?

— Non, ça ira. Merci de ta proposition. Il va falloir qu’il se fasse une raison. Il est convaincu qu’elles sont à bord.

— Ces créatures ?

— Oui, il y croit dur comme fer. Il pense en avoir entendu une.

— Où ? Quand ? demanda Tara, soudain apeurée.

— Il y a plus d’une semaine, à l’arrière du navire, dans la zone interdite. Il n’a pas dit qu’il y était allé. Je l’ai découvert la première nuit où il a eu ces cauchemars.

— Qu’en penses-tu ?

— Pour Danny ?

— Non, est-ce que tu penses qu’ils sont à bord ?

Dean pencha la tête sur le côté quelques secondes, réfléchissant à ce qu’elle allait dire.

— Je pense que Danny a beaucoup souffert, pour résumer.

— Tu es une sacrée femme, d’après ce que j’ai vu.

— Merci. Je donne peut-être l’impression d’être une dure à cuire, mais ça fait du bien d’entendre ça.

— Je le pense vraiment. Bonne nuit, Dean.

— Bonne nuit, ma belle. N’hésitez pas à me demander, si Laura ou toi avez besoin de quoi que ce soit. Je sais que sa maman est occupée ces jours-ci avec l’infirmerie.

— Merci, répondit Tara avant de rejoindre la cabine d’à côté.

Dean referma la porte derrière Tara et retourna voir comment allait Danny. La couverture se soulevait doucement, au rythme de la respiration du garçon. La voix de Tara avait dû le calmer suffisamment pour qu’il retrouve le sommeil. Dean alluma sa liseuse et parcourut sa bibliothèque du regard. Elle prit un livre au hasard pour s’endormir plus facilement et tomba sur Freakonomics. Elle choisit une page au hasard et apprit pourquoi les trafiquants de drogue vivaient toujours chez leur mère. Eh oui, à une époque pas si éloignée, il y avait encore des trafiquants de drogue. Dean ne resta pas éveillée bien longtemps et finit par rejoindre les bras de Morphée. Sa dernière pensée avant que le livre ne lui échappe des mains : Reste en vie pour lui. Les créatures n’avaient toujours pas réussi à détruire le lien qui les unissait. Dean s’était fait la promesse qu’elle n’enterrerait pas Danny. Il était le dernier membre de sa famille.