Hokanu restait immobile.
Puis, debout dans un flot de lumière dorée, le fils des Shinzawaï posa ses mains sur l’appui de la fenêtre occidentale. Tournant le dos à Mara, et observant les couleurs d’un merveilleux coucher de soleil, il restait perdu dans une contemplation silencieuse.
Assise sur les coussins de la salle de réunion privée de Kamatsu, Mara était au supplice de ne pouvoir lire les expressions du visage d’Hokanu et de ne pas voir comment il réagissait à sa présence. Sa détresse était encore augmentée par l’attente des paroles difficiles qu’elle n’avait pas encore prononcées. Elle se surprit à copier la manie qu’avait Kevin de tirer sur les franges de ses vêtements ; elle cessa et chassa sa tristesse et sa mélancolie. Elle devait vivre en tant que dame des Acoma, comme son bien-aimé devait rester un libre fils de Zûn.
— Dame, dit doucement Hokanu, les choses ont changé entre nous, depuis la dernière occasion où nous avons parlé. (Une certaine crainte révérencieuse teintait sa voix, et ses mains se serrèrent sur le magnifique bois sculpté de l’encadrement de la fenêtre.) Je suis l’héritier du sceptre des Shinzawaï, mais vous… vous êtes pair de l’empire. Quel genre de vie pourrions-nous mener, avec une telle différence de rang ?
Mara chassa avec difficulté le souvenir d’un esclave barbare espiègle.
— Nous mènerions la vie de deux époux, comme des égaux, Hokanu. Nos familles et nos noms se perpétueront dans nos enfants, et nos deux domaines ancestraux seront gérés par des intendants.
Déconcerté, Hokanu termina pour elle.
— Nous vivrions dans le manoir qui appartenait autrefois aux Minwanabi ?
Percevant une certaine hésitation dans sa voix, Mara demanda :
— Vous craignez la malchance ?
Hokanu laissa échapper un petit rire.
— Vous êtes toute la chance dont un homme a besoin, dame.
D’un air absent, il murmura « Pair de l’empire… » Puis, revenant rapidement au sujet en cours, il ajouta :
— J’ai toujours admiré la demeure des Minwanabi. Si vous êtes à mes côtés, je trouverai certainement le bonheur là-bas.
Sentant qu’était arrivé le moment où il accepterait officiellement la proposition de mariage pour lequel son père Kamatsu lui avait donné sa permission, Mara parla rapidement pour le devancer.
— Hokanu, avant que vous en disiez plus, il y a une chose que je dois vous révéler.
La gravité de sa voix le fit se détourner de la fenêtre. Elle souhaita qu’il ne l’ait pas fait. Sa franchise lui rendait la tâche beaucoup plus difficile. De beaux yeux sombres croisèrent les siens avec ferveur, et Mara lut dans leurs profondeurs une telle admiration qu’elle sentit son cœur se briser. Elle éprouva de grandes difficultés à parler.
— Vous devez savoir que je suis enceinte depuis un mois de l’enfant d’un autre homme, un esclave que je tenais dans la plus haute estime. Il est rentré pour toujours sur sa terre natale, de l’autre côté de la faille, et je ne le reverrai plus jamais. Mais, si je me marie, j’insiste pour que son enfant soit considéré comme légitime.
Aucune émotion ne passa sur le beau visage d’Hokanu.
— Kevin, songea-t-il à voix haute. Je savais que ce barbare était votre amant.
Mara attendit, tendue, rassemblant ses forces pour supporter une explosion de jalousie masculine. Ses mains serrèrent les coussins jusqu’à ce que les franges menacent de se déchirer.
Son inquiétude et sa nervosité ne passèrent pas inaperçues. Hokanu traversa la pièce et lui fit doucement lâcher l’étoffe. Son contact était léger comme une caresse, et sa main tremblait d’une émotion qu’il dissimulait par politesse.
— Dame, je pense que vous n’avez pas choisi de porter cet enfant à la légère, vous connaissant comme je vous connais. Je ne peux donc que croire que Kevin était un homme honorable.
Mara fut tellement surprise qu’un éclair de joie traversa ses yeux. Hokanu lui sourit soudain et lui demanda :
— Avez-vous oublié que j’ai passé du temps sur Midkemia ? Mon frère Kasumi s’est assuré que je connaisse bien leur concept « barbare » d’équité. (Son ton indiquait clairement qu’il utilisait le terme de « barbare » comme une plaisanterie.) La fibre du peuple midkemian ne m’est pas complètement étrangère, dame Mara. (Puis son sourire se transforma en grimace.) C’est moi qui ai choisi de faire venir chez mon père le Très-Puissant « barbare » dénommé Pug, sentant chez lui quelque chose de rare. (Comme le nom ne provoquait aucune réaction chez Mara, il ajouta :) Celui qui se fit connaître sous le nom de Milamber de l’Assemblée.
Mara ne put contenir un rire quand elle discerna l’ironie de la situation. Pendant qu’elle riait doucement, il ajouta :
— À ma manière, j’ai joué un petit rôle dans les événements terribles que nous avons connus.
La dame des Acoma regarda le visage d’Hokanu, et y lut une rare compréhension. Elle ne connaîtrait peut-être pas le feu de la passion dans cette union avec la maison Shinzawaï, mais Hokanu était un homme qu’elle pouvait honorer, avec qui elle pouvait partager sa vision de l’avenir. Ensemble, ils façonneraient un meilleur empire. Il traversa la pièce pour se placer face à elle, puis s’agenouilla devant elle.
— Vous accepteriez de prendre soin de deux garçons qui ne sont pas vos enfants ? lui demanda-t-elle.
Hokanu la regarda tendrement.
— Mieux. Je pourrai les aimer. (Il sourit devant son profond étonnement.) Mara, avez-vous oublié ? Je suis le fils adoptif de Kamatsu. Bien que nous ne partagions pas le lien du sang entre un père et un fils, il m’a appris la valeur d’une famille forte et aimante. Les mérites d’Ayaki sont évidents. Nous éduquerons l’enfant de Kevin comme son père l’aurait désiré.
Submergée soudain par ses émotions, Mara détourna la tête pour cacher ses larmes. Alors que les bras d’Hokanu se refermaient autour d’elle pour la réconforter, elle s’abandonna à une vague de soulagement. Elle avait simplement espéré qu’il accepterait l’enfant de Kevin. Le soutien complet qu’il lui offrait dépassait de loin tout ce qu’elle avait pu espérer, certainement plus que ce que sa décision capricieuse et entêtée ne méritait. Elle pouvait presque entendre la voix de Nacoya la sermonnant, lui disant que l’homme qui la tenait dans ses bras était exceptionnel, et digne de respect. Elle murmura :
— Les dieux ont choisi sagement, Hokanu, car aucun homme né sur ce monde ne pourrait mieux comprendre et respecter mes aspirations.
— J’accepte votre proposition de mariage, dame, pair de l’empire, murmura officiellement Hokanu dans les cheveux de Mara.
Puis il l’embrassa, d’une manière différente de celle de Kevin. Mara essaya de lui répondre, mais son corps ne pouvait accepter immédiatement ce soudain changement. Sa caresse n’était pas déplaisante, elle était simplement… différente.
Avec sa sensibilité extraordinaire, Hokanu sembla comprendre qu’elle aurait besoin de temps pour s’habituer à lui. Il s’écarta, toujours en la tenant fermement, et une légère touche d’humour éclaira son regard.
— Au nom des dieux, comment pouvez-vous savoir que l’enfant que vous portez est un garçon ?
La dernière appréhension de Mara disparut dans un éclat de rire heureux.
— Parce que, dit-elle, pour une fois plus femme que souveraine, je le veux.
— Alors, ma future épouse dont la volonté est si forte, annonça Hokanu en la relevant, il en sera ainsi. Nous ferions mieux de sortir et d’informer mon père adoptif qu’il devra libérer un peu de temps de la charge que lui a confiée l’empereur pour assister à un mariage.
D’un geste, Mara arrêta la compagnie. Le prêtre de Turakamu tourna son masque rouge dans sa direction, dans un geste interrogateur et cérémonieux. Il attendait dans son costume d’apparat, plus constitué de peintures que de vêtements. Sa chair nue était teinte en rouge, et une cape de plumes et d’os drapée sur ses épaules recouvrait à moitié son collier de crânes d’enfants. Il était venu avec seulement les insignes de sa fonction, sans acolytes pour l’assister dans une cérémonie. Il venait surveiller le déplacement du portique de prière pour l’installer loin de la propriété des Minwanabi.
Mara sortit de son palanquin pour discuter avec lui.
— Ma dame, la salua-t-il avec cérémonie. Vos offrandes généreuses au temple ont été considérées avec faveur.
Mara indiqua un feu qui brûlait à une certaine distance sur la route, dans lequel plusieurs grandes poutres étaient en train de se consumer.
— Qu’est-ce ?
— Le portique de mauvais augure de Desio, qui ne fut jamais terminé. Le temple l’a décrété : par leur chute et leur ruine, les Minwanabi ont démontré sans le moindre doute que leur cause n’avait pas reçu la faveur du dieu Rouge. Le portique ne sera donc ni consacré ni béni, et peut être détruit sans craindre la vengeance divine.
Il indiqua deux grands chariots, tirés par des needra, rangés sur le côté, attendant les poutres démantelées d’un second portique.
— Cette structure sera convoyée vers le site que vous avez offert. La terre sera à nouveau consacrée. (Derrière le sinistre masque en forme de tête de mort, la voix du prêtre prenait presque le ton d’une conversation familière.) C’était une requête assez étrange, ce déménagement d’un portique de prière, Mara, mais en discutant, nous n’y avons vu aucun blasphème ni sacrilège. Étant donné l’association de ce portique au vœu qui y fut prononcé, il est compréhensible que vous souhaitiez le voir retiré, maintenant que vous prenez possession de ces terres. (Le prêtre haussa les épaules à la façon des Tsurani.) Maintenant que le Grand Conseil n’est plus qu’un corps consultatif, les temples peuvent à nouveau jouer un rôle actif pour veiller au bien-être de l’empire. Votre intervention a compté pour beaucoup dans ce dénouement, et les serviteurs des dieux vous en sont reconnaissants.
Il fit un geste vers un ouvrier qui approchait du montant ouest du portique avec une pelle.
— Doucement ! cria-t-il en guise d’avertissement. Les restes des sacrifiés ne doivent pas être dérangés. Assure-toi qu’il y ait suffisamment de terre autour de leurs tombes !
Le contremaître indiqua qu’il avait bien compris les instructions du prêtre. Satisfait que le problème soit pris en main, le serviteur de Turakamu évoqua amicalement ses souvenirs avec Mara.
— Nous qui servons le dieu Rouge sommes souvent mal compris, dame. La mort fait partie de la vie, et tout le monde finit par arriver un jour au palais de Turakamu. Nous ne sommes pas pressés de rassembler les esprits. Ne l’oubliez pas, si dans l’avenir vous avez besoin de nos conseils.
Mara hocha respectueusement la tête.
— Je m’en souviendrai, prêtre. (Puis elle se tourna vers Lujan et déclara :) Je vais marcher un moment.
Elle descendit, accompagnée de Lujan, la petite éminence pour rejoindre l’embarcadère où des navires attendaient pour leur faire traverser le lac. Sur l’autre rive, baignée de soleil, se trouvait l’immense demeure qui bientôt recevrait les Acoma, leurs invités et leurs émissaires.
— Lujan, murmura-t-elle alors que ses yeux parcouraient le magnifique paysage du lac et des montagnes, et le lointain goulet de la rivière, as-tu pensé à un moment que nous pourrions perdre ?
Lujan rit et Mara ressentit une profonde affection pour cet homme, dont la nature aimable et taquine ressemblait tellement à celle de son barbare désinvolte.
— Maîtresse, je serais un menteur si je disais que je n’ai pas envisagé la défaite en plusieurs occasions. (Plus sérieusement, il ajouta :) Mais jamais, à aucun moment, je n’ai douté de vous.
Mara lui prit la main de façon impulsive.
— Pour cela, je t’en remercie humblement, mon ami.
La dame et le commandant se rendirent ensemble sur le quai où des marins attendaient pour leur faire traverser le merveilleux lac. Lujan, Saric, Keyoke prirent place dans le navire avec Mara, tandis que ses deux chefs de bataillon faisaient monter les soldats acoma sur d’autres embarcations. Bientôt l’eau fut recouverte par la flottille de son armée. Mara regarda l’arrière du navire où Keyoke était assis. Il tenait un paquet comme s’il était fragile et précieux. Sous une étoffe verte parsemée de joyaux reposait le natami des Acoma. Le conseiller pour la guerre des Acoma s’était entraîné inlassablement avec un vieux coffre de bois pour parfaire le maniement simultané de sa charge et de sa béquille. Il considérait cette responsabilité comme le plus grand honneur qui lui ait jamais été accordé, dépassant même les félicitations gagnées sur les champs de bataille.
Les embarcations avançaient rapidement sur l’eau. Souhaitant amèrement que Kevin ait pu se trouver à ses côtés, Mara sortit brusquement de sa rêverie en voyant qu’un magicien l’attendait sur le quai, devant le manoir. Derrière lui se tenaient les prêtres de Chochocan, qui avaient supervisé la bénédiction du nouveau domaine des Acoma, et préparé la prochaine union de Mara avec Hokanu des Shinzawaï.
Les premiers invités arriveraient dans la semaine. Mara en avait éprouvé un grand soulagement, car selon ses estimations, l’enfant de Kevin naîtrait moins de huit mois après son mariage. Sans doute, quelques sourcils se lèveraient-ils, mais il n’y aurait pas de preuve incontestable que son époux ne soit pas le père de l’enfant.
Le navire de tête atteignit le débarcadère. Lujan aida Mara à descendre sur le quai, et la dame s’inclina devant le magicien.
— Très-Puissant, vous nous faites un grand honneur.
Le plus corpulent des deux Robes Noires qui avaient accompagné Fumita dans la salle du Conseil se présenta.
— Je suis Hochopepa, dame.
Mara ressentit une pointe d’inquiétude.
— Y a-t-il un problème, Très-Puissant ?
Le membre de l’Assemblée agita une main potelée.
— Non. Je suis simplement resté pour vous informer que mon collègue a conduit Tasaio ici, puis a assisté à la cérémonie où l’ancien seigneur des Minwanabi s’est préparé à terminer honorablement la guerre de sang et à prendre sa propre vie.
Mara fut rejointe par ses conseillers alors que le Très-Puissant ajoutait tristement :
— Je vous en prie, suivez-moi.
Il précéda le groupe acoma sur des chemins spacieux, du côté opposé à l’immense demeure. Plus de dix mille personnes les y attendaient silencieusement, en rangs. Elles se tenaient devant un grand bûcher pavoisé de rouge. Mara leva les yeux vers les quatre corps autour desquels on avait enroulé un linceul, allongés pour leur dernier repos.
Des larmes inondèrent ses yeux quand elle vit que deux d’entre eux étaient ceux d’enfants. Des domestiques avaient tenté de les rendre présentables, mais leurs blessures ne pouvaient être dissimulées. Tasaio avait tranché leurs jeunes gorges. Écœurée à la pensée que le jeune garçon aurait très bien pu être Ayaki, Mara sentit que Lujan prenait son bras.
— Je les aurais épargnés, murmura-t-elle, hébétée.
Le Très-Puissant la regarda avec tristesse.
— La lignée des Minwanabi est éteinte, dame Mara. L’Assemblée en témoigne officiellement. Maintenant que ma mission est terminée, je vais prendre congé. Que votre vie soit longue et heureuse, grande dame.
Hochopepa mit la main dans la poche où il gardait son talisman de transport. Un bourdonnement résonna dans l’air, et il disparut.
Mara resta déconcertée devant une véritable armée d’anciens serviteurs minwanabi qui avaient survécu. Ceux des six premiers rangs avaient tous revêtu la robe grise des esclaves. Derrière eux se trouvaient des rangs de soldat, leurs armes et leurs casques déposés à leurs pieds, la tête inclinée dans la défaite.
Un vieil homme vêtu comme un esclave mais avec un port aristocratique, s’avança et se prosterna devant Mara.
— Ma dame, dit-il respectueusement.
— Parle, le pria Mara.
— Je suis Incomo, ancien premier conseiller du seigneur des Minwanabi. Je me présente pour vous aider dans les dispositions que vous décréterez pour nous qui avons servi cette malheureuse maison.
— Ce n’est pas à moi de décider de votre destin, murmura Mara, encore secouée par la vue des cadavres des enfants.
Incomo leva des yeux sombres et vides.
— Dame, mon ancien seigneur a demandé à tous ses parents de rejoindre leur maison ancestrale. Après l’avoir ordonné, il a regardé chacun de ses parents tuer ses épouses et ses enfants, puis tomber ensuite sur son épée. Puis il a attendu, et cela fait moins d’une heure qu’il a pris la vie de sa propre famille. Ce n’est que lorsqu’ils ont tous été morts qu’il est tombé sur sa propre épée. (Saisi d’une peur panique, Incomo accomplit son dernier devoir envers son maître.) Le seigneur Tasaio m’a prié de vous dire qu’il préférait voir ses enfants dans le palais de la mort, à ses côtés, que de les savoir vivants, dans une maison acoma.
Mara eut un frisson d’horreur.
— Quel monstre meurtrier ! Ses propres enfants ! (Une rage aveugle la secoua, puis se transforma en chagrin alors qu’elle regardait à nouveau les silhouettes du petit garçon et de la petite fille sur le bûcher.) Accordez-leur tous les honneurs, dit-elle doucement. Un grand nom s’éteint aujourd’hui.
Incomo s’inclina.
— Je suis votre esclave, maîtresse, car la maison de mon maître n’existe plus. Mais, je vous en supplie, ayez pitié de moi. Je suis un vieil homme, mal adapté aux durs travaux. Accordez-moi le droit à une mort honorable.
Mara faillit hurler dans son indignation alors qu’elle disait :
— Non !
Elle foudroya du regard l’homme stupéfait alors qu’elle criait :
— Relève-toi !
Surpris par cette démonstration inconvenante d’émotion, Incomo fut abasourdi.
Mara ne pouvait plus supporter la vue de cette attitude servile un instant de plus. Prenant ses bras d’une poigne étonnement forte, elle releva le vieux conseiller.
— Tu n’as jamais été vendu en esclavage par Tasaio, n’est-ce pas ? (Incomo ne put répondre, car il était trop décontenancé.) Tu n’as jamais été condamné à l’esclavage par une cour impériale, n’est-ce pas ?
— Non, dame, mais…
— Qui a dit que tu étais un esclave ?
Son dégoût était palpable alors qu’elle tirait le vieil homme vers l’endroit où se tenait son propre conseiller. À Saric, qui portait les robes de cérémonie d’un conseiller, elle déclara :
— Ta formation par Nacoya a été malheureusement trop courte. Prends cet homme honorable comme adjoint, et écoute-le bien. Il se nomme Incomo et, comme tous les anciens ennemis de Tasaio le savent, il donne d’excellents conseils.
Le vieillard regardait bouche bée sa nouvelle maîtresse, qui lui souriait d’une façon étonnamment amicale. Elle le laissa à sa surprise pour se tourner vers un Saric ironique et presque rieur. Elle ajouta :
— Si tu as l’ambition de devenir premier conseiller, tu écouteras tout ce que te dira ce sage vieillard.
Mara se détourna et l’ancien conseiller minwanabi demanda :
— Maître, qu’est-ce que cela veut dire ?
Saric rit doucement.
— Vous découvrirez que notre maîtresse a l’habitude de faire les choses à sa façon, Incomo. Vous allez aussi comprendre que l’on vous a donné une nouvelle vie.
— Mais libérer un esclave ?
En l’entendant, Mara se retourna, furieuse.
— Tu n’as jamais été réduit en esclavage ! Dans ma maison, tu ne le seras jamais. C’est par tradition que les hommes libres deviennent des esclaves quand leur maître disparaît, ce n’est pas la loi ! Maintenant, sers-moi convenablement, et cesse de discuter.
Alors qu’elle continuait à avancer, Saric haussa les sourcils et dit avec son humour très personnel :
— Elle est pair de l’empire. Qui osera lui dire non si elle change une autre tradition ?
Incomo ne pouvait que rester muet et hocher la tête. L’idée de travailler pour une maîtresse qui n’était pas affligée d’un caractère fantasque, ou qui n’avait pas une inclination démente pour la cruauté, lui semblait une vision de perfection divine. Ne sachant pas trop s’il rêvait, le vieil homme secoua la tête d’émerveillement. Il leva la main et fut choqué de découvrir que des larmes coulaient sur son visage. Se forçant à prendre une attitude impassible plus honorable, il entendit Saric murmurer.
— Quand on s’est réconcilié avec la mort, une nouvelle vie est un grand choc, non ?
Incomo ne put que hocher la tête, muet, alors que Mara dirigeait son attention vers les prêtres de Chochocan. Ces derniers terminaient leurs rites sur les corps du seigneur des Minwanabi, de son épouse et de ses enfants. Comme ils allumaient leur torche pour enflammer le bûcher funéraire, Mara regarda une dernière fois le profil net et dur de l’homme qui avait failli la détruire, et qui avait manigancé la mort de son père et de son frère.
— Notre dette est effacée, murmura-t-elle. (Puis elle éleva la voix pour une déclaration plus solennelle.) Soldats des Minwanabi ! Rendez les honneurs à votre maître !
D’un même geste, les guerriers qui attendaient reprirent leurs casques et leurs armes. Ils se mirent au garde-à-vous, saluant leur ancien maître pendant que son corps terrestre et son armure extravagante étaient engloutis par les flammes.
Alors que la fumée s’élevait vers le ciel, Irrilandi avança et reçut la permission de réciter la longue liste des honneurs que Tasaio avait gagnés sur le champ de bataille, d’une voix presque tremblante de gratitude. Mara et la suite acoma restèrent debout et écoutèrent avec une politesse parfaite, et par respect pour elle le commandant déchu omit les noms du père et du frère de Mara quand il mentionna la bataille qui avait mis fin à leur vie. Quand l’éloge funèbre fut terminé, Mara se tourna vers les personnes rassemblées devant elle. Pour se faire entendre par-dessus le rugissement des flammes, elle cria :
— Ceux qui parmi vous étaient conseillers, hadonra, serviteurs, intendants, écoutez-moi. Nous avons besoin de vous. Servez-moi à partir de ce jour, comme les hommes et les femmes libres que vous êtes. (Plusieurs personnes en robe grise se levèrent avec hésitation, puis avancèrent pour se placer sur le côté.) Ceux qui étaient esclaves, servez-moi aussi, dans l’espoir qu’un jour, cet empire trouvera la sagesse de vous accorder la liberté qui n’aurait jamais dû vous être confisquée.
Ceux-là suivirent le mouvement, plus confusément.
Puis Mara cria aux soldats :
— Braves guerriers, je suis Mara des Acoma. La tradition dit que vous devez maintenant mener une existence sans maître et devenir des guerriers gris, et que les officiers doivent mourir.
Les hommes du premier rang qui avaient autrefois porté un plumet écoutèrent ces paroles avec stoïcisme. Ils s’attendaient à cette fin, et avaient mis leurs affaires en ordre en prévision.
Mais Mara ne leur ordonna pas de tomber sur leurs épées.
— Je trouve que cette pratique est un crime et un déshonneur pour des hommes restés loyaux envers leur seigneur légitime. Ce ne fut pas votre choix d’être dirigés par des hommes malveillants. Que le destin décrète votre mort sans les honneurs de la bataille est une stupidité que je n’ai pas l’intention de perpétuer !
Mara murmura au commandant qui attendait à ses côtés :
— Lujan, l’as-tu trouvé ? Est-il ici ?
Lujan inclina la tête pour lui parler à l’oreille.
— Je pense qu’il se trouve sur la droite, au premier rang. Cela fait des années que je ne l’ai pas vu, et je ne suis pas très sûr de moi. Mais je vais le trouver. (S’écartant de sa maîtresse, il cria de sa voix de commandement :) Jadanyo, qui fut autrefois le cinquième fils des Wedewayo !
Le soldat ainsi nommé s’inclina dans une profonde révérence et s’avança. Il n’avait pas vu Lujan depuis son enfance et pensait qu’il était mort lors de la destruction des Tuscaï. Il écarquilla les yeux.
— Lujan, mon vieil ami ! C’est bien toi ?
Lujan le présenta d’un geste à Mara.
— Maîtresse, cet homme est Jadanyo, mon cousin issu de germain par le sang. C’est un soldat honorable et digne de servir.
La dame inclina la tête vers l’ancien guerrier minwanabi.
— Jadanyo, tu es appelé pour entrer au service des Acoma. Le désires-tu ?
L’homme bredouilla et, stupéfait, eut du mal à trouver ses mots.
— Qu’est-ce que cela veut dire ?
Lujan lui adressa un sourire espiègle et lui répondit d’une voix moqueuse :
— Dis oui, espèce d’idiot, ou est-ce que je dois lutter avec toi pour te soumettre comme je le faisais lorsque nous étions enfants ?
Jadanyo hésita, les yeux écarquillés. Puis, avec un cri joyeux, il déclara :
— Oui ! Dame, j’accepte de servir une nouvelle maîtresse.
Mara le salua officiellement, puis fit signe à Keyoke de s’avancer.
D’une voix qui avait autrefois commandé des armées, son conseiller pour la guerre infirme cria :
— Irrilandi, qui était mon ami d’enfance, présente-toi !
Il fallut un certain temps au commandant des armées minwanabi pour reconnaître son ancien ami et rival, resplendissant dans les vêtements rutilants d’un conseiller. Regardant sa béquille avec stupéfaction, et son visage taillé dans la pierre encore vigoureux et fier, il quitta sa place devant ses soldats déshonorés. Selon la tradition, il s’attendait à mourir aujourd’hui, avec tous ses officiers. Trop vieux et trop expérimenté pour espérer un miracle, il écoutait, incrédule, les paroles de Keyoke.
— Maîtresse, cet homme est Irrilandi, le frère d’un homme qui a épousé la sœur de l’épouse de mon cousin. Il est donc mon cousin et est digne d’entrer au service des Acoma.
Observant l’ancien commandant de Tasaio, et touchée par le courage d’acier qui masquait une émotion terrible, Mara murmura :
— Irrilandi, je ne tuerai pas des hommes braves parce qu’ils ont accompli fidèlement leur devoir. Je t’appelle au service des Acoma. Désires-tu le rejoindre ?
Le vieil officier étudia les yeux de la dame pendant un long moment, muet. Puis la retenue, les soupçons et l’incrédulité cédèrent la place à une joie d’enfant.
— De tout mon cœur, ô la plus généreuse des maîtresses, de tout mon cœur.
Mara lui donna son premier ordre.
— Rassemble tous tes soldats et compare leurs lignées avec celles de ma suite. La plupart ont des liens de parenté avec des soldats qui servent les Acoma, ou tout du moins ils en auront, au moment où le dernier d’entre vous aura prêté serment. Tous ici sont dignes ; mais que les formes soient observées pour que tous puissent légalement reprendre leur devoir. S’il y en a parmi vous, officiers ou soldats ordinaires, qui pensent ne pas pouvoir donner leur loyauté à ma maison, ils ont ma permission de tomber sur leur épée ou de partir en paix, comme ils préféreront. (Une poignée de soldats sortirent des rangs et partirent, mais près de neuf hommes sur dix restèrent. Mara ajouta :) Maintenant, Irrilandi, viendras-tu devant le natami des Acoma et prêteras-tu serment d’obéissance, pour pouvoir commencer la tâche qui t’attend ?
Le vieil officier s’inclina profondément pour exprimer sa gratitude, et quand il se releva avec un sourire éclatant, les rangs de soldats sans maître explosèrent de joie, poussant des acclamations et des cris incontrôlables. Le nom « Acoma ! Acoma ! » résonna dans l’air matinal, jusqu’à ce que Mara soit presque assourdie par la clameur. Les vivats continuèrent sans faiblir durant de longues minutes, pendant que le bûcher des Minwanabi se consumait, oublié.
Par-dessus le vacarme, Mara dit à Saric et Incomo :
— Organisez la troupe et préparez les hommes à prêter serment devant le jardin sacré. Je vais maintenant placer le natami dans sa nouvelle demeure.
Un prêtre de Chochocan, le dieu Bon, et Keyoke accompagnèrent Mara jusqu’au jardin de méditation. Devant l’enclos, une pelle dans la main, le jardinier qui s’occupait habituellement de l’endroit patientait. Il s’attendait à ce que le natami des Minwanabi soit enterré face contre terre, selon la coutume séculaire pour une maison tombée devant des conquérants. Le moment était enfin venu, et Keyoke tendit le natami des Acoma à sa maîtresse. L’escorte s’arrêta devant l’entrée, pendant que le prêtre et le jardinier accompagnaient Mara à l’intérieur.
Le jardin était beaucoup plus grand que celui du domaine Acoma. Il était impeccablement entretenu, planté de fleurs odorantes et d’arbres fruitiers et orné d’une série d’étangs reliés par des cascades murmurantes. Émerveillée, Mara contempla ces lieux d’une beauté à couper le souffle. À moitié étourdie, elle demanda au jardinier :
— Quel est ton nom ?
Tremblant d’appréhension, le serviteur respectueux répondit :
— Nira, grande maîtresse.
Mara murmura :
— Tu fais honneur à ta charge, jardinier. Un grand honneur.
Le visage de l’homme à la peau tannée s’illumina sous le compliment. Il s’inclina et posa son front sur la terre qu’il avait si amoureusement soignée.
— Je remercie la grande dame.
Mara lui fit signe de se relever. Elle descendit les sentiers ombragés vers l’endroit où reposait la vieille roche qui portait l’emblème des Minwanabi. Pendant un long moment, elle regarda le talisman qui ressemblait tant au sien ; hormis pour la gravure usée par le temps, elle aurait pu être la sœur jumelle de celle qu’elle portait. Se souvenant avec amertume que toutes les grandes maisons de l’empire partageaient un ancêtre commun, elle renouvela son vœu de travailler à leur avenir commun. Finalement, elle ordonna au jardinier :
— Retire le natami avec révérence.
Nira s’agenouilla pour obéir à son ordre alors qu’elle se tournait vers le prêtre.
— Je n’enterrerai pas le natami des Minwanabi.
Elle n’avait pas besoin d’un acte symbolique pour célébrer la fin d’un combat qu’elle avait mené durant la plus grande partie de sa vie. Elle avait risqué beaucoup, perdu de nombreux êtres chers, et la pensée de la destruction, même rituelle, de la mémoire d’une famille l’attristait au plus haut point. Trop facilement, bien trop facilement, la maison vaincue aurait pu être la sienne.
En admettant ses propres forces et faiblesses, et en pensant à l’héritage qu’elle laisserait à son fils et à son futur enfant, elle inclina la tête vers le talisman familial des Minwanabi.
— Autrefois, des hommes héroïques ont porté ce nom. Il n’est pas convenable qu’ils soient oubliés parce que leurs descendants ont déchu et oublié leur grandeur. Le natami des Acoma reposera ici, où moi et mes enfants pourrons nous asseoir en paix avec les esprits de nos ancêtres. Mais une place sur une colline surplombant le domaine sera réservée à la pierre minwanabi. Je veux que les esprits de ces grands hommes voient que leurs terres ancestrales sont bien soignées et entretenues. Ainsi, eux aussi reposeront en paix.
Elle ordonna au jardinier :
— Nira, je te laisse libre de choisir le site. Plante une haie et un jardin de fleurs et ne laisse aucun pied parcourir ces lieux sauf les tiens, et ceux de tes successeurs. Que les ancêtres qui ont participé à la fondation et à la prospérité de cette terre connaissent le soleil et la pluie, pour que le souvenir d’une grande maison perdure.
L’homme s’inclina profondément, et creusa la terre d’une main experte autour de l’ancienne pierre. Alors que le prêtre de Chochocan entonnait une bénédiction, ses mains pleines de cals sortirent le talisman et le mirent de côté. Mara déposa la pierre de sa propre famille entre les mains du prêtre du dieu Bon. Il leva le natami des Acoma vers le ciel et récita son incantation la plus puissante pour implorer la faveur éternelle de Chochocan. Puis il rendit le natami des Acoma à Mara, qui à son tour le donna au jardinier.
— Voici le cœur de ma lignée. Occupe-t’en comme s’il s’agissait de ton propre enfant, et tu seras connu comme l’homme qui aura fait un grand honneur à deux grandes maisons.
— Maîtresse, répondit Nira, inclinant la tête avec respect au-dessus de sa nouvelle charge.
Comme tous les autres serviteurs du domaine, il s’était attendu à être réduit en esclavage, mais il découvrait avec bonheur qu’on lui avait offert une nouvelle vie.
Le prêtre consacra le sol autour du natami alors que Nira tassait la terre autour de la pierre. À la fin du rituel, le serviteur de Chochocan fit tinter un petit carillon de métal et sortit, le jardinier sur ses talons.
Mara resta seule avec la pierre qui liait les esprits de ses ancêtres à la renaissance sur la Roue de la vie. Sans se soucier de ses riches vêtements de soie, elle s’agenouilla et passa ses doigts sur la surface rocheuse, suivant les fines lignes usées par l’âge de l’emblème au shatra.
— Père, dit-elle sereinement, voici notre nouveau foyer. J’espère que le site vous plaît. (Puis elle ajouta quelques paroles pour le frère défunt dont l’absence faisait encore saigner son cœur.) Lanokota, repose bien et dans la paix.
Puis elle pensa à tous ceux qui étaient morts à son service, les amis proches et estimés, et tant d’autres qu’elles avaient à peine connus.
— Brave Papéwaio, qui a donné ta vie pour sauver la mienne, j’espère que tu reviendras sur la Roue de la vie comme un fils de cette maison. Et Nacoya, mère de mon cœur, sache que la femme que tu as élevée comme ta propre fille chante tes louanges.
Elle pensa à Kevin, son bien-aimé, maintenant rentré dans sa famille, et pria pour qu’il trouve une vie heureuse sans elle. Des larmes coulèrent sur ses joues, qu’elle versa pour les défaites et les victoires, les joies et les peines. Le jeu du Conseil tel qu’elle l’avait connu avait changé à jamais, grâce à elle. Mais elle connaissait bien son peuple, et elle savait que sa nature n’accepterait que lentement ce nouvel ordre ; les courants de la politique continueraient à être agités de remous, et elle devrait travailler dur pour maintenir la paix. La richesse qu’elle gagnerait grâce à ses concessions commerciales midkemiannes l’aiderait à entreprendre de tels efforts, mais les difficultés à venir pour établir fermement le règne d’Ichindar exigeraient autant d’efforts que tous les plans qu’elle avait conçus pour vaincre ses ennemis.
Mara se leva, à la fois dégrisée et enivrée par le poids de ses nouvelles responsabilités. Inspirée par les magnifiques jardins et par les vieux arbres si tendrement entretenus, elle arriva à la porte qui marquait l’entrée du jardin sacré de sa famille. Elle y retrouva le groupe intime de ses conseillers, et des milliers de soldats minwanabi à genoux, Lujan à leur tête.
— Maîtresse, dit-il d’une voix joyeuse, tous ces hommes acceptent d’entrer au service des Acoma.
Mara lui rendit son salut. Comme lorsqu’elle avait rendu l’espoir et l’honneur à une bande de hors-la-loi sans maison alors qu’elle n’était encore qu’une toute jeune fille sans expérience du pouvoir, elle déclara :
— Fais-leur prêter serment pour qu’il prenne leur service dans l’honneur, commandant Lujan.
Fier de porter son casque à plumet, le commandant des armées des Acoma dirigea les guerriers dans la courte promesse qu’il avait lui-même prononcée quelques années auparavant, lorsqu’il avait été l’un des premiers soldats de l’empire à recevoir la grâce d’une seconde chance de mener une vie honorable.
Alors qu’il finissait et rassemblait les hommes qui venaient de se vouer au natami des Acoma, les yeux de Mara se portèrent vers les rives lointaines du lac. Un mouvement attira son attention, et son esprit fut submergé par un tourbillon d’émotions. Posant une main sur l’épaule de Keyoke, elle murmura :
— Regarde !
Le vieux conseiller pour la guerre tourna son regard vers l’endroit qu’elle désignait.
— Mes yeux ne sont plus très jeunes, maîtresse. Que voyez-vous ?
— Des shatra, fut la réponse pleine de révérence de Mara. Par la grâce divine, ils viennent nicher dans les marais de nos nouveaux rivages.
Depuis sa place près du jeune Saric, Incomo intervint :
— Les dieux semblent satisfaits de la générosité de votre cœur, maîtresse.
— Nous ne pouvons que l’espérer, Incomo.
Elle déclara alors à ses conseillers :
— Venez. Préparons notre nouvelle demeure. Mon futur époux arrivera bientôt, en compagnie de mon fils et héritier.
Mara conduisit ses anciens et ses nouveaux conseillers vers le manoir qu’elle avait tant admiré, et qui était maintenant devenu son foyer, un toit sous lequel s’uniraient deux grandes maisons vouées au progrès de l’empire.
Mara des Acoma passa devant les rangs de ses nouveaux soldats, des hommes qui, à peine quelques jours auparavant, avaient été ses ennemis jurés, rêvant de détruire et d’anéantir sa maison. La plupart de ceux qui la regardaient croyaient maintenant fermement qu’elle pouvait accomplir des miracles, car non seulement elle avait vaincu trois seigneurs de la plus puissante maison de l’empire, mais elle avait pardonné à leurs serviteurs et les accueillis comme s’ils ne lui avaient jamais fait aucun mal. Une telle générosité et une telle sagesse les protégeraient et les rendraient prospères.
Et elle portait le titre le plus ancien et le plus honorable qui ait jamais été accordé : pair de l’empire.