Mattie gloussa quand Peewee se redressa et renifla Bandit, sa furette, qui explorait l’une des tables près du hublot. Elle les avait emmenés avec elle ; elle avait donné un bain aux autres et ne voulait pas qu’ils sortent au cas où ils prendraient froid. Peewee et Bandit avaient pris leur bain la veille.
Elle avait passé les trois dernières semaines cachée dans la soute et était sur le point de devenir folle. Ses animaux et elle avaient visité jusqu’au moindre recoin des baies de stockage. Elle avait même inventé de nouveaux numéros à faire avec eux. Elle alla gratter la tête de Peewee en fixant l’espace du regard. Elle avait entendu Ricki et Nema discuter plus tôt ; ils devraient arriver sur Kassis dans une semaine.
Elle se pencha, souleva Bandit et serra son corps doux contre le sien. Elle ne pouvait pas s’empêcher de penser au mâle appelé Jai. La nuit, elle rêvait d’être dans ses bras, ses lèvres sur les siennes, son corps contre le sien.
— Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?
Elle posa des yeux accusateurs sur Peewee.
— Pourquoi je n’arrive pas à arrêter de penser à lui ? Qu’est-ce qu’il a fait pour que je souffre comme ça ? J’ai toujours une marque là où il m’a mordue, bon sang ! Je croyais que ça disparaissait après quelques jours, les suçons, marmonna-t-elle.
— Aaahooooo, répondit Peewee de sa voix grincheuse.
— Tu n’as pas aidé non plus, tu sais. Tu t’es contenté de rester allongé pendant qu’il m’embrassait ! Tu aurais au moins pu faire semblant de vouloir l’en empêcher.
Peewee poussa un grognement avant d’éternuer bruyamment.
— Je sais.
Mattie caressait Bandit, qui essayait de l’escalader pour se blottir dans son cou.
— Je sais. J’aurais au moins dû lui parler quand il est venu me voir, bougonna-t-elle. Je lui parlerai s’il revient. C’est promis.
Peewee éternua de nouveau et sembla satisfait de l’évolution de leur conversation. Mattie se sentait coupable, à présent. Jai était venu la voir tous les jours et avait souvent apporté de petits cadeaux qu’il avait laissés sur la marche de sa caravane.
Elle toucha du pouce son bracelet tressé et soupira. Il venait même quand elle se cachait dans sa caravane. Il savait qu’elle était là. Il s’asseyait sur la marche et parlait. Par moments, il parlait de son travail, et parfois de sa famille. Il lui posait des questions, mais elle ne répondait jamais.
Elle se contentait de rester assise de l’autre côté de la porte à espérer qu’il continue à parler. Elle adorait écouter sa voix éraillée. Elle pouvait visualiser la grande ferme où vivait et travaillait sa famille. Lorsqu’il lui disait au revoir, elle posait une main sur la porte et s’enjoignait de l’ouvrir pour supplier d’entrer. La nuit précédente, elle l’avait fait, mais il était déjà parti.
— Je ne vais pas l’attendre, dit soudain Mattie avec détermination. Je vais aller le trouver. Je vais lui dire que je le veux… Enfin, l’inviter à dîner. Je vais l’inviter à dîner. Ce serait un bon début, pas vrai, Bandit ? Tu ne m’aides pas non plus, tu sais.
Peewee se leva et agita son énorme queue.
— Allons le chercher, Peewee, lança Mattie d’un ton enthousiaste.
Ils avaient presque atteint la porte quand elle fut projetée contre le dossier d’un siège près d’elle. Elle s’y agrippa et tendit une main vers Bandit, qui s’était réveillée et avait sauté sur le coussin. Elle essaya d’attraper son furet, mais le vaisseau fut de nouveau ébranlé et elle tomba à genoux. Peewee rampa vers elle en gémissant pitoyablement.
— Tout va bien, le rassura Mattie. Bandit, viens, ma chérie. Viens voir maman.
Bandit refusa de la rejoindre et se précipita plutôt dans un conduit d’aération au niveau du sol, disparaissant à l’intérieur. Mattie rampa vers le couvercle du conduit en jurant et essaya de le retirer. Impossible. L’espace entre les lamelles était juste assez large pour que son petit animal à fourrure s’y glisse. Le couvercle était fixé par des attaches en métal et elle eut beau essayer, elle ne parvint pas à les tourner.
— Bandit ! Je t’en supplie, ma belle, viens voir maman.
Elle voyait les yeux du furet briller dans l’étroit conduit.
— Viens, ma chérie.
Mattie savait qu’elle allait devoir aller chercher les friandises préférées de Bandit si elle voulait la faire sortir. Elle l’avait depuis peu de temps et elle prenait encore facilement peur. La jeune femme savait que son amie à fourrure ne s’éloignerait pas trop de l’ouverture.
— Je reviens, mon cœur, promit-elle en se redressant. Peewee, pas bouger.
Elle espérait que Bandit resterait près de Peewee. Mattie se leva et courut vers la sortie, se cognant contre plusieurs guerriers. Elle entendit les mots « explosifs » et « salle des machines ». Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle comprit que quelqu’un avait fait détoner une bombe au niveau de la salle des machines.
Le niveau où Jai travaille, pensa-t-elle, horrifiée.
— Et s’il y en a d’autres ? murmura-t-elle en courant. Et si une autre bombe explose et qu’il se blesse ou meurt, alors que j’aurais pu empêcher que ça se produise ?
Elle passa à la hâte les portes ouvertes de la soute, se dirigeant aussi vite que possible vers sa caravane. Elle saisit la poignée de la porte et s’élança sur la marche. L’ouvrant, elle appela ses autres chiens.
Elle sauta sur le sol alors qu’ils sortaient en trombe. Elle siffla et partit vers le niveau de la salle des machines, les chiens à sa suite. Elle entra dans l’ascenseur en dérapant au moment même où des alarmes retentirent.
Lançant la commande pour aller à l’étage de la salle des machines, elle regarda les lumières de deux étages s’allumer avant qu’elle atteigne le niveau 6. Les chiens et elle jaillirent de l’ascenseur dès que les portes s’ouvrirent. Elle regarda frénétiquement autour d’elle avant de se tourner vers ses compagnons.
— Cherchez les bombes, ordonna Mattie en allemand tout en leur faisant un signe de la main.
Les chiens partirent dans différentes directions, la truffe sur le sol. Chacun aboyait de façon différente. C’était ce qui lui permettait de savoir lequel avait trouvé quelque chose. Elle suivit Polly, son golden retriever. Rien ne lui échappait : elle était la plus âgée et la mieux entraînée de ses renifleurs.
Mattie leva les yeux lorsque plusieurs guerriers la dépassèrent en courant. Elle contourna de grosses rangées de panneaux. Polly progressait rapidement, comme si elle sentait quelque chose. Elle pouvait se frayer un chemin à travers le labyrinthe de tubes, de tuyaux et de conduits plus vite que Mattie. Polly poussa un aboiement aigu et se dirigea vers un mâle, qui se rendait dans une autre section marquée d’étranges symboles que la jeune femme ne pouvait pas lire. Il tourna la tête en même temps que Polly se figea et grogna.
— Arrêtez-vous ! cria Mattie. À l’aide ! Il a une bombe !
Le mâle lâcha quelque chose sur le seuil de la porte. L’horreur tordit ses traits avant qu’une énorme explosion ne fasse tomber Mattie à la renverse. Elle hurla et se couvrit la tête tout en rampant vers un panneau pour se mettre à couvert.
Elle cria en sentant des mains la saisir et essayer de la retourner. Elle garda ses bras sur sa tête alors qu’on la mettait sur le dos. Elle jeta un œil entre ses bras, mais elle ne vit que le museau et la gueule de Polly, qui poussait les hommes pour la rejoindre.
— Déplacez la créature, dit une voix agitée.
— Non ! Ne la touchez pas ! croassa Mattie.
Le visage d’un homme inconnu apparut au-dessus de la tête de Polly.
— Vous êtes blessée ?
Mattie secoua la tête et laissa les deux autres hommes l’aider à s’asseoir.
— Non, je ne pense pas.
Elle lança un regard vers l’endroit où s’était trouvé l’homme avec les bombes, mais le grand mâle agenouillé devant elle lui bloquait la vue. En un sens, elle en était reconnaissante, car elle avait le pressentiment qu’elle se serait évanouie.
— Qui… qui êtes-vous ? demanda-t-elle d’un ton hésitant.
— Je m’appelle Banner. Je suis le chef mécanicien. Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?
Il se déplaça, la forçant à se détourner pour éviter de voir l’autre homme, qui devait être mort.
— Je m’appelle Mattie. J’ai entendu qu’il y avait eu une explosion dans la salle des machines. Mes chiens sont entraînés pour trouver des bombes. Je m’inquiétais…
Elle s’interrompit lorsque Banner l’aida à se relever.
— Je m’inquiétais pour Jai, j’avais peur qu’il puisse avoir été blessé dans l’explosion. Je pensais aussi que la personne qui avait mis la bombe en avait peut-être posé une autre. J’avais raison, murmura-t-elle.
Banner l’éloigna du désordre derrière lui.
— Oui, vous aviez raison, répondit-il avant de regarder les deux autres hommes. Il faut que les moteurs soient remis en ligne. Venez avec moi. Je n’ai pas assez de guerriers pour en affecter à votre protection.
Mattie marcha rapidement à côté du mâle qui la tenait toujours fermement par le bras.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? Et s’il y a d’autres bombes cachées ? demanda-t-elle, le souffle court, en tournant dans le couloir.
— Le guerrier que vous avez vu a endommagé le panneau du système de refroidissement, ce qui a désactivé les moteurs. Des pirates nous attaquent. Je ne sais pas s’il y a d’autres traîtres à bord et on m’a prévenu que les pirates sont parvenus à pénétrer dans le vaisseau, grogna Banner. Redirigez le système de refroidissement.
Il assit Mattie sur un siège.
— Restez ici. J’ai prévenu K’tar de ce qui se passe.
— Et Jai ? Il va bien ? demanda Mattie en se mordant la lèvre.
L’expression de Banner s’adoucit alors qu’il la fixait.
— Je n’ai pas de nouvelles pour le moment, admit-il.
Mattie acquiesça et baissa le nez. Elle mit une main sur la tête de Polly et la caressa tendrement pour s’assurer qu’elle allait bien. Elle parcourut la vaste zone du regard, inquiète pour les autres chiens. La salle des machines occupait la moitié de ce niveau. Elle se leva en entendant l’aboiement étouffé d’Oscar. Il avait trouvé une autre bombe.
Mattie regarda nerveusement autour d’elle. Elle ouvrait la bouche pour appeler quelqu’un quand elle perçut un mouvement du coin de l’œil et prit une posture défensive. Un cri lui échappa à la vue du visage lugubre de Jai. Elle courut vers lui, l’enlaçant et enfouissant son visage dans son cou.
— Tu vas bien, dit-elle en reniflant. J’ai eu si peur.
Jai la serra dans ses bras puissants en respirant profondément pour reprendre son calme. Il avait entendu K’tar parler à Manota de la seconde explosion et de Mullox. Il avait dit qu’une femelle humaine et son animal de compagnie avaient empêché le traître de détruire leurs cristaux.
— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda-t-il d’une voix rauque, prenant son visage entre ses mains.
— Oscar ! Oscar a trouvé une autre bombe !
Les yeux de Jai s’écarquillèrent, mais il la lâcha.
— Où ça ?
— Par là, répondit Mattie avant de lui prendre la main et de le tirer à sa suite. Polly, cherche Oscar !
Le golden retriever s’élança et slaloma entre les machines, Mattie et Jai sur ses talons. Le petit aboiement d’Oscar devint plus audible alors qu’ils couraient vers le fond de la salle. Ils contournèrent une série de tuyaux qui montaient au plafond. Oscar essayait de creuser un trou dans l’une des plaques de métal qui recouvraient le sol.
Jai jura et remit son épée laser à sa ceinture tandis qu’il s’allongeait à côté du foxhound. Mattie appela Oscar alors que Jai tirait prudemment sur l’ouverture du panneau. Trois cylindres remplis de liquide et enroulés par des fils reliés à un minuteur se trouvaient en dessous.
Jai releva brusquement la tête et posa les yeux sur un placard sur le mur. Il courut l’ouvrir ; il contenait une boîte à outils. Il l’emporta au panneau sur le sol. Il en sortit une pince coupante, puis suivit prudemment les fils jusqu’à trouver celui qu’il cherchait. Il le trancha d’un geste rapide. Le minuteur clignota, puis s’éteignit.
Il regarda le visage blême de Mattie , qui serrait le foxhound dans ses bras. Il pencha la tête en entendant un autre hurlement. Les yeux de la jeune femme s’agrandirent de peur.
— Chia, dit-elle.
Jai prit la trousse à outils et hocha la tête.
— Guide-moi, demanda-t-il d’un ton grave.
Mattie emboîta le pas à Oscar et Polly. Ils trouvèrent deux autres bombes programmées pour exploser à différents moments. Durant l’heure qui suivit, Mattie envoya les chiens faire des tours de la salle des machines, jusqu’à ce qu’elle soit certaine qu’il n’y avait plus d’explosifs. Elle se tourna vers Jai, qui aidait à réparer le panneau du système de refroidissement pratiquement détruit. Concluant qu’elle ne pouvait rien faire de plus, elle se mit discrètement en route vers la soute avant de se rappeler qu’elle devait toujours récupérer Peewee et Bandit.
— Je dois aller chercher mon chien et mon furet dans la salle de repos inférieure. Est-ce qu’il y a un moyen d’y aller pendant que les ascenseurs sont hors service ? demanda-t-elle à l’un des hommes qui travaillaient sur la programmation.
Il considéra les chiens, se retourna vers elle et secoua la tête.
— Vous ne pourrez pas emmener vos animaux avec vous. Un vide sanitaire permet d’y accéder, mais ils ne pourront pas y aller.
Il désigna d’un signe de tête une porte latérale fermée.
— Appuyez votre main sur le panneau et je programmerai l’ouverture.
Mattie opina du chef et s’approcha du panneau. Elle pressa sa paume dessus et attendit pendant qu’il la scannait. Un instant plus tard, la porte s’ouvrit. Elle adressa un sourire de remerciement à l’homme avant de dire à ses chiens de ne pas bouger. Elle se glissa dans l’ouverture et commença à descendre pendant que la porte au-dessus d’elle se fermait.
Elle progressa rapidement le long de l’échelle jusqu’à ce qu’elle voie le même symbole que sur les murs de la soute. Elle se pencha en avant et appuya sa main sur le panneau à côté de la porte, qui s’ouvrit silencieusement. Elle était au bon niveau. Elle balaya les alentours du regard avant de s’engager dans le couloir.
Derrière elle, la porte se referma en coulissant. Elle partit dans la direction opposée à celle de la soute, se dirigeant vers une salle de repos au bout du couloir destinée à ceux qui travaillaient dans cette zone. Elle l’avait presque atteinte quand quatre mâles à la peau pâle, différents de tout ce qu’elle avait jamais vu, apparurent au coin du couloir en face de la salle de repos.
Elle écarquilla les yeux et poussa un petit cri lorsque l’un d’eux se précipita vers elle en hurlant. Mattie cria à pleins poumons alors qu’elle essayait d’échapper aux mains du mâle. Il plaqua une main sur sa bouche, interrompant son nouveau hurlement. Le bruit avait suffi à alerter deux guerriers kassisans à la recherche des intrus. Ils parvinrent à abattre l’un des pirates blêmes avant que celui qui tenait Mattie ne mette un pistolet sur sa tempe et ne grogne un avertissement.
— Non ! Pitié, non !
Elle se débattait tandis qu’il passait un gros bras musclé autour de sa taille et la tirait à reculons dans la salle de repos. La porte se ferma, la piégeant avec les trois pirates restants.
— Non !