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— Où est Mattie ? demanda Jai à Banner, qui raccrochait le panneau avant du système de refroidissement.

Un pli lui barrant le front, il observa les cinq chiens allongés par terre, plus ou moins endormis.

— Où est l’Humaine ?

Lyr, qui s’affairait à remettre les moteurs en ligne, leva la tête et fronça les sourcils.

— Elle est retournée au niveau 4. Elle a dit qu’elle devait récupérer des animaux qu’elle avait laissés dans la salle de repos.

— Vous l’avez laissée partir ? questionna Jai, outré. Le vaisseau fourmille de pirates et vous laissez partir une femelle sans protection ?

Lyr rougit et leva les yeux vers Banner, qui avait rejoint Jai, avant de hausser les épaules, sur la défensive.

— Le système d’armement a été remis en ligne, je croyais qu’ils avaient tué ou capturé tous les pirates. Elle avait l’air très inquiète.

— Allez-y, ordonna gravement Banner à Jai. Les ascenseurs devraient fonctionner maintenant.

Le jeune homme acquiesça et demanda rapidement à K’tar un compte rendu de la situation avec les pirates. Il sentit son sang quitter son visage quand il lui signala une prise d’otage au niveau 4. Trois Drakas s’étaient emparé d’une Humaine. Ils avaient déployé une équipe pour les abattre. Jai comprit immédiatement ce qui se passerait. Les Drakas étaient réputés pour leur sauvagerie. Ils tueraient leur otage lentement et leur enverraient des morceaux de la jeune femme un par un jusqu’à ce qu’ils obtiennent ce qu’ils voulaient, ou meurent.

Il ignora l’ascenseur et se dirigea vers le tube d’accès qu’avait emprunté Mattie. En son for intérieur, il savait que c’était elle, l’otage. Il sortirait au niveau 3 et se servirait des conduits pour la rejoindre. Il tuerait ces salauds.

Mattie chercha frénétiquement Peewee du regard. Son regard s’illumina lorsqu’elle vit le museau du gros mastiff dépasser derrière le gros canapé. Les extraterrestres la poussèrent sans ménagement contre la table.

— Reste caché, cria-t-elle en allemand.

Elle poussa un gémissement quand on lui tira les cheveux avec force. Elle ne pouvait pas lâcher la table. Sinon, elle tomberait en arrière contre le mâle qui lui tenait les cheveux ou sur le sol. Aucune de ces perspectives ne lui plaisait. Le mâle rencontra son regard terrifié et sourit.

— Je veux emmener celle-là avec moi quand on part, grogna-t-il.

Le plus grand des trois pirates se tourna vers eux et gronda :

— Ils ne nous laisseront pas partir, espèce d’idiot. Si tu n’avais pas couru après la dernière femelle que tu as vue, on aurait pu se tirer de ce vaisseau de guerre.

Le mâle retroussa les lèvres, révélant ses dents pointues.

— Ils sont protecteurs envers ces femelles. Tu as vu la façon dont les guerriers se sont battus pour protéger l’autre. Ils nous libéreront, dit-il d’un air confiant.

— On aurait dû être prévenus qu’il y avait des femelles à bord, grommela le dernier Draka. Les mâles se battent plus farouchement quand ils protègent des femelles.

— On n’y peut rien maintenant, lança celui qui tenait Mattie.

Il resserra sa prise sur ses cheveux et la regarda lorsqu’elle gémit.

— Je veux la goûter pour voir si elles ont aussi bon goût qu’elles en ont l’air.

— Non, geignit-elle. Pitié.

Les deux autres mâles éclatèrent de rire.

— Elle te supplie déjà, dit l’un. Goûte-la, mais dépêche-toi. Si c’est ma dernière chance de baiser, je veux la faire durer.

Mattie hurla quand l’homme tira sa tête en arrière et lui mordit la gorge. Ses jambes se dérobèrent sous elle et elle tomba contre lui. Entendant le cri de douleur de sa maîtresse, Peewee sortit de sa cachette en grognant d’un air menaçant.

Le mâle qui retenait Mattie la lâcha et elle s’écroula par terre. Elle roula pour se mettre à genoux tandis qu’ils dégainaient leurs épées laser. Saisissant sa gorge sanglante, elle se jeta devant le corps massif de Peewee.

— Reste caché, Peewee. Reste caché, sanglota-t-elle en allemand.

Elle s’interposa entre les hommes qui s’approchaient et son animal adoré.

— Pitié. Il ne vous fera pas de mal. Je vous le jure. Pitié, pitié…

— Qu’est-ce que c’est ? voulut savoir l’homme qui l’avait mordue.

Il fixait la grande bête velue du regard.

— Il… il est très, très spécial, répondit Mattie d’une voix étranglée. Très, très rare. Il n’y en a pas d’autres comme lui dans aucun de vos systèmes stellaires.

Elle savait que c’était la vérité. S’ils croyaient qu’ils avaient une autre créature de grande valeur, ils ne lui feraient peut-être pas de mal ? Elle ne pouvait qu’espérer que l’on viendrait vite l’aider, car elle n’aimait vraiment pas le tour que prenait la situation.

Le dernier mâle gronda et fit un pas en avant.

— Ça serait juste un autre truc avec lequel on devrait essayer de s’échapper. Tuez-le. On pourra en envoyer des morceaux pour leur montrer qu’on plaisante pas.

— Non !

Mattie secoua la tête.

— Je ne vous laisserai pas lui faire de mal.

Le mâle qui l’avait mordue rejeta la tête en arrière et éclata de rire.

— Tu ne nous laisseras pas.

Il contempla le sang qui s’écoulait de la morsure à son cou avant de baisser les yeux vers ses courbes plantureuses.

— Tu as de la fougue.

Mattie alla s’agenouiller devant Peewee.

— Je ne vous laisserai pas lui faire de mal, dit-elle d’un ton un peu plus assuré. Il fait partie de ma famille.

Elle se leva sur des jambes tremblantes et lâcha sa gorge.

— Tuez-les tous les deux, dit le mâle qui voulait s’en prendre à Peewee.

Il avança et leva son épée pour attaquer Mattie. Le cri de la jeune femme se mêla à celui du pirate quand celui qui l’avait mordue brandit son épée et coupa le bras du mâle. Les hurlements de Mattie continuèrent à résonner tandis qu’il enfonçait son épée laser dans le torse de son camarade. Le dernier homme se contenta de reculer. Il avait beau être plus grand que l’autre, il n’était de toute évidence pas aussi brutal.

— Envoie-leur son corps morceau par morceau, dit froidement le mâle. Dis-leur que la femelle est la prochaine.

Mattie ferma les yeux et tourna la tête pendant que le grand pirate commençait à démembrer le cadavre. Un gémissement lui échappa lorsqu’elle sentit des doigts faire pivoter son menton. Quand la pression devint si grande qu’elle ne put contenir un hoquet de douleur, elle ouvrit les yeux et croisa le regard glacial de l’homme.

— Déshabille-toi, ordonna-t-il.

Mattie trembla violemment et les larmes lui montèrent aux yeux. Quelques-unes roulèrent sur ses joues, mais elle refusait d’obéir. Il allait la tuer de toute manière. Elle préférait attendre la mort en se battant.

— Non, murmura-t-elle.

Le mâle fronça les sourcils et fit descendre sa main sur sa gorge.

— Quoi ? demanda-t-il d’un ton agressif.

— J’ai dit « non ».

Mattie leva le genou et le frappa de toutes ses forces à l’entrejambe. Il resserra sa poigne sur sa gorge jusqu’à ce qu’elle soit certaine qu’il l’écraserait. Il la lâcha soudain lorsque la douleur explosa dans ses testicules. Mattie n’attendit pas plus longtemps. Elle tendit la main derrière elle et prit sur la table une tablette de lecture et de visionnage de vidcoms. Elle l’écrasa sur le crâne de l’homme tout en criant aussi fort que possible à Peewee d’attaquer.

Le mastiff sauta sur ses pieds et chargea l’homme qui s’effondrait. Alors qu’il enfonçait ses crocs dans sa gorge, Mattie saisit l’épée laser qu’il avait lâchée. Elle la brandit pour affronter l’autre grand mâle qui les considérait avec incrédulité, son chien et elle. Il laissa tomber la tête ensanglantée qu’il tenait et leva son épée laser pour l’attaquer. Bandit jaillit de sous la chaise. Tout ce bruit effrayait tant la petite furette qu’elle voulait seulement trouver une cachette en hauteur. Le mâle étant la chose la plus grande et la plus proche d’elle, elle grimpa à toute allure le long de sa jambe.

Le cri surpris du pirate résonna tandis qu’il tournait sur lui-même pour voir ce qui l’attaquait par derrière. Il tournoya et tournoya, glissant sur du sang et renversant une table. Bandit poussa un petit cri avant de sauter de son épaule vers Mattie, qui lâcha l’épée pour l’attraper.

La jeune femme hoqueta et recula quand l’homme se tourna vers elle. Horrifiée, elle le vit relever son épée au-dessus de sa tête. Au moment où il était sur le point de frapper, un trou grésillant apparut entre ses deux yeux. Mattie cria et tomba en arrière sur le canapé alors qu’une silhouette surgissait derrière la chaise, au niveau du conduit où s’était cachée Bandit.

Elle enfouit son visage dans la fourrure de son animal et essaya de se rouler en boule. Quelqu’un ordonna doucement à Peewee de reculer. Elle frissonna en entendant une nouvelle rafale de pistolet laser.

Peu après, elle sentit des mains la parcourir avec urgence. Elles s’arrêtèrent sur le sang qui séchait dans son cou. Un juron bas résonna dans la pièce avant que des bras forts ne les soulèvent, Bandit et elle. Mattie refusait d’ouvrir les yeux. Elle se réfugia dans l’odeur familière de Jai et trembla violemment.

— Je te tiens, retentit sa douce voix. Tu es en sécurité. Je te tiens.

Mattie était incapable de cesser de pleurer assez longtemps pour répondre. Elle se contenta de serrer Bandit contre elle et laissa Jai l’éloigner des affreux hommes qui étaient désormais morts.