Vol Abu Dhabi-Bangkok, 7 juillet

En lisant Le Pari biographique de François Dosse :

S’il me fallait choisir entre les archives et les témoins – choix cruel –, je choisirais les archives. Car, paradoxalement, ce sont elles qui sont le plus près de la vie. Elles la donnent à lire au présent, là où le témoin ne peut s’empêcher de reconstruire.

 

François Dosse cite des « Instructions concernant ma biographie » de Bergson pour le moins radicales : « Inutile de mentionner ma famille : cela ne concerne personne. Dire que je suis né à Paris, rue Lamartine. [...] Insister toujours sur le fait que j’ai toujours demandé qu’on ne s’occupe pas de ma vie, qu’on ne s’occupe que de mes travaux. J’ai invariablement soutenu que la vie d’un philosophe ne jette aucune lumière sur sa doctrine, et ne regarde pas le public. »

 

Chez chaque biographe, il reste sans doute, ne serait-ce que sur un mode nostalgique, quelque chose du projet totalisant de Sartre dans ses ouvrages sur Genet et Flaubert : tout savoir, tout comprendre, enfermer en un livre la vérité d’un homme. On peut se persuader de la vanité de ce désir, de son caractère insupportable, il n’en persiste pas moins. « L’illusion biographique » dénoncée par Bourdieu opère d’abord pour le biographe. Car sans ce fantasme, démonté par Derrida à propos du Saint Genet, la recherche, souvent, paraîtrait bien vaine.