Il existe, c’est de plus en plus clair pour moi, une sorte de coupure entre le premier et le second Derrida. Entre l’homme de la déconstruction et l’homme de l’éthique et du retour au politique. Entre le défenseur intransigeant du primat de l’écriture et l’infatigable orateur des dernières années. Entre le philosophe qui refusait de se laisser photographier et la vedette d’au moins deux films de long-métrage.
Cette coupure, à quel moment la situer ? Vers 1982, après l’emprisonnement à Prague ? Ou pendant les années 1970, à l’époque du GREPH (le Groupe de recherche sur l’enseignement philosophique) et des États généraux de la philosophie ? Au moment où la déconstruction commence réellement à s’imposer aux États-Unis ?
Ce qui me paraît net, c’est que la fonction purement « critique » s’estompe quelque peu face au besoin d’édifier, certes avec d’infinies précautions, quelque chose comme une nouvelle éthique, une nouvelle pensée de la justice et de la politique.