23 mars

Tom Dutoit au café Beaubourg. Un rendez-vous plus riche et utile que je ne l’imaginais. C’est lui qui, plusieurs années durant, a classé et photocopié les papiers de Derrida avant qu’ils ne partent à Irvine. Cela lui a donné une connaissance des textes très précise et très fine. Son point de vue est ouvert, contemporain, et croise subtilement le regard européen et le regard américain.

Au détour de la conversation, il attire mon attention sur 1984 : « l’année la plus importante de ma vie », déclarait Derrida dans un débat tardif. Ce fut, notamment, celle de la naissance de Daniel. Et, souligne Tom Dutoit, même si Derrida était on ne peut plus réticent à l’idée d’un « tournant » dans son œuvre, c’est à partir de cette époque que des thèmes comme le secret, le parjure et le pardon deviennent centraux chez lui.

(Mais ne l’oublions pas, refuser l’idée d’un tournant, c’est aussi pour Derrida se démarquer de Heidegger, à propos duquel ce thème d’une Kehre – souvent traduite comme un tournant – survenue après Sein und Zeit est évoqué de manière quasi obsessionnelle. Et c’est plus encore refuser l’idée d’une œuvre divisée en deux périodes quasi inconciliables, comme celle de Wittgenstein.)