Deux journées à l’IMEC. Peu de surprises, même si je trouve ici un peu plus de lettres d’Hélène Cixous qu’elle-même ne semblait le penser : cela me permet notamment de mieux dater leur rencontre.
Je poursuis l’exploration un peu laborieuse des coupures de presse. Une chose me frappe : le vrai regain d’intérêt pour Derrida au moment de Spectres de Marx, en 1993. C’est comme si la gauche et l’extrême gauche s’étaient rendu compte qu’elles avaient en Derrida une grande figure autour de laquelle se rassembler.
Au déjeuner, intéressante conversation sur les difficultés de la transmission entre père et fils, aujourd’hui, surtout dans le monde intellectuel et artistique. Selon mon interlocutrice, ça ne circule pas, ou douloureusement : figés dans un fantasme d’éternelle jeunesse, les pères n’acceptent pas de laisser la place à leurs fils. Alors que le passage de relais du père à la fille (Mitterrand et Mazarine par exemple) se ferait de manière plus heureuse, parce que sans rivalité. L’hypothèse mériterait d’être creusée.
Lecture d’Aparté. Conceptions et morts de Sören Kierkegaard, le premier livre de Sylviane Agacinski, paru en 1977. Je le lis moins pour son contenu (pourtant intéressant) que pour les signes de connivence que j’espère y trouver. Et j’en découvre plus d’un. Par moments, j’ai l’impression – pur fantasme peut-être – que Jacques et Sylviane n’ont cessé de dialoguer par livres interposés, de Glas à La Carte postale, en passant par le collectif Mimesis et Aparté. Ce dialogue – éminemment crypté – s’est poursuivi bien après leur rupture sur un mode beaucoup plus explicite et presque toujours agressif.
Le silence de Sylviane est pour moi comme un aiguillon, une incitation à chercher au-delà des faits. Ce manque, qui à certains égards m’obsède, est comme une métaphore de l’incomplétude de toute biographie. Si je peux approcher leur histoire de l’extérieur, je ne saurai rien de leur intimité. De même, l’abondance des documents et témoignages ne me permettra jamais d’atteindre pleinement celui que fut Jacques Derrida. Il restera toujours du secret, de l’inaccessible. Quelque chose de lui – l’essentiel peut-être – continuera de m’échapper.