Décidément, tout me ramène à elle : dans Libération de ce jeudi, un portrait de Sylviane Agacinski. Son petit livre Corps en miettes lui vaut une médiatisation sans précédent, par-delà Lionel Jospin. Certains passages de l’article me sont comme personnellement adressés :
Durant toute la rencontre, Sylviane Agacinski évitera soigneusement toute allusion ou souvenir personnel : « Mes thèmes de travail ne sont pas liés à ma vie privée », prévient-elle. Elle déteste « tomber dans le biographique », mais concède joliment qu’elle a tout « fait dans le désordre » ; « le célibat, puis un enfant, puis un mariage avec un autre [Lionel Jospin]. »
Mais la dénégation est manifeste, tant il apparaît clairement que la maternité fut une expérience décisive et le tournant de sa vie philosophique :
Cet enfant, porté à 38 ans, va bouleverser ses conceptions théoriques. Au tout début des années 60, jeune lycéenne à Lyon, elle lit avidement Le Deuxième Sexe, comprend d’emblée l’enjeu du livre sur l’indépendance économique, elle qui a une mère au foyer. […] Au début des années 70, elle entame une vie intellectuelle très parisienne, au côté du philosophe Jacques Derrida, pape de la déconstruction. « C’était une derridienne très dynamique, se souvient un philosophe de l’époque. Une très jolie femme, totalement fascinée par son cher Jacques. » À l’image d’une Simone de Beauvoir, elle estime que la maternité est incompatible avec le travail intellectuel. « Je n’aimais pas les enfants, cela faisait du bruit, cela m’empêchait de travailler. » En 1984 naît pourtant un fils, dont elle ne souhaite pas évoquer le père, et qui sera élevé avec Lionel Jospin. « Ce fut une jouissance énorme, avoue-t-elle. Avoir un enfant rattache au désir de l’autre, à un rapport sensuel et charnel. [...] » Dès lors, elle délaisse Simone de Beauvoir qui voyait dans le corps féminin et la maternité une aliénation.
Comme n’aurait pas manqué de le dire Derrida, ces quelques lignes mériteraient d’être lues et commentées mot à mot.