La veille de Noël
— Nous avons reçu une lettre de Me Churchward, annonça Merryn.
Il était très tard et elle était assise devant la cheminée, blottie dans les bras de son mari. La pièce n’était éclairée que par les flammes qui crépitaient dans l’âtre et une bougie posée sur la coiffeuse. Les bûches de pin et de pommier parfumaient l’atmosphère.
Garrick ne portait que sa chemise et son pantalon. Merryn était vêtue d’un adorable ensemble de tulle et de dentelle que Tess lui avait offert. Elle avait tenu à lui donner ce cadeau un jour avant Noël, chuchotant que Garrick l’apprécierait certainement. De fait, le vêtement avait eu l’effet escompté. Merryn se sentait belle et aimée. Joanna avait eu la délicatesse de laisser aux jeunes mariés une aile entière de la maison. Mais Merryn soupçonnait ses sœurs de célébrer Noël de la même façon que son mari et elle.
Elle déplia la lettre du notaire et se mit à lire.
— Il s’excuse tout d’abord de nous ennuyer avec ces affaires pendant la période de Noël… Pauvre Churchward ! Crois-tu qu’il existe une Mme Churchward, pour passer ces jours de fête avec lui ?
— Si c’est le cas, je ne pense pas qu’elle puisse être aussi heureuse que moi en ce moment, répondit Garrick.
Il souleva une mèche de ses cheveux et l’embrassa avant de la laisser glisser entre ses doigts.
— Tu veux absolument lire cette lettre maintenant ? murmura-t-il en posant les lèvres dans son cou.
Merryn le repoussa avec douceur.
— Ecoute… Il dit que Tom Bradshaw a disparu. Crois-tu qu’il réapparaîtra un jour ? demanda-t-elle, laissant la lettre tomber sur ses genoux.
— S’il ose se montrer, je le ferai arrêter pour tentative de meurtre !
Le ton féroce de Garrick rassura Merryn. Elle reprit la lettre et poursuivit sa lecture. Soudain, elle se figea.
— Qu’y a-t-il ? demanda Garrick.
— Me Churchward…
Elle s’arrêta, la voix un peu enrouée.
— Il dit qu’il a reçu une lettre de Mme Alice Scott de Shipham, au sujet de sa nièce, Susan Scott. Mme Scott désire savoir si Joanna, Tess et moi accepterions de faire la connaissance de Susan…
Sa voix se brisa, et ses yeux s’emplirent de larmes.
— Tu lui as écrit, c’est ça ? chuchota-t-elle en soutenant le regard sombre de Garrick. Bien qu’ils aient répondu par la négative la première fois, tu as écrit de nouveau. Tu n’as pas baissé les bras.
Garrick lui prit tendrement la main.
— C’était très important pour toi. Je vous avais caché si longtemps l’existence de Susan… Je ne parvenais pas à me le pardonner. Je voulais te rendre heureuse.
Merryn lui caressa les cheveux.
— C’est la plus belle chose que tu pouvais faire pour moi. Le plus beau des cadeaux.
Elle l’embrassa. Garrick l’attira sur le tapis, et lui rendit son baiser. L’amour reprit ses droits, et la lettre de Me Churchward fut momentanément oubliée.
— Il est presque minuit, déclara Merryn beaucoup plus tard. C’est bientôt ton anniversaire, Garrick Charles Noël Farne. Que puis-je t’offrir, en remerciement de ta générosité ?
Garrick se mit à rire doucement, et resserra les bras autour d’elle.
— Tout ce que je désire est en ce moment dans mes bras.
Il se leva, la souleva et l’emmena dans le grand lit à baldaquin. Puis il alla ramasser la lettre froissée sur le tapis, la lissa, et lut le dernier paragraphe à la lueur de la bougie.
« Je saisis cette occasion pour vous présenter mes excuses. Je viens de me rendre compte que lorsque j’ai envoyé les documents concernant Fenners à Tavistock Street, j’y ai inclus par erreur une copie du testament de lord Fenner. Ce testament était censé rester dans mon étude avec des documents confidentiels. J’espère que sa lecture n’aura pas eu de fâcheuses conséquences… »
Un sourire apparut sur les lèvres de Garrick. Il laissa la lettre retomber sur la table. Churchward ne commettait jamais d’erreur ni d’étourderie. Il savait parfaitement, en ajoutant ce document aux autres, que Merryn allait découvrir la mention du portrait de Stephen, et qu’elle s’attacherait à apprendre la vérité.
Bien que le notaire n’ait nullement l’apparence d’un ange de Noël, il leur avait fait un cadeau inestimable.