Ellie se sentit brusquement confuse. Il n'y avaitqu'elle pour faire de telles gaffes ! Elle se souvint de ceque lui avait dit sa mère, quelques mois auparavant : «Incapable de tenir ta langue comme tu l'es, il n'est pasétonnant qu'à vingt-sept ans tu n'aies pas encore trouvéde mari ! » Elle n'avait pas tort : Ellie n'était pas dugenre à garder sa langue dans sa poche. Quand elle avaitquelque chose sur le cœur, elle le disait — et parfois leregrettait dans la minute qui suivait. Mais qu'y faire ?Elle était ainsi.— Tu sais, Beth, reprit-elle d'une voix douce, celame paraît vraiment difficile d'arrêter Thackery dans lehall et de lui demander : « Dites-moi, cher monsieur,avez-vous vu James, le mari de ma sœur, ces dernierstemps ?... » Non, franchement, Ce n'est pas possible.— Et pourquoi pas ? demanda Beth, têtue. Ce neserait pas la première fois que tu poserais une questionaussi abrupte. D'ordinaire, ce n'est pas ça qui t'arrête !— Peut-être, mais il s'agit de Daniel Thackery. Jen'ai pas l'habitude de parler à ce genre de personnage. Sije l'aborde ainsi, je suis sûre qu'il va m'envoyer paîtreavec une boutade du genre : « Dites-moi, mademoiselle,pourriez-vous avoir l'amabilité d'aller vous occuper devos oignons ? » Ce sera probablement dit d'une manièreon ne peut plus courtoise, avec son charmant sourire etson beau regard bleu ironique, mais ce sera tout demême une fin de non-recevoir.Beth poussa un soupir à fendre d'âme, et les deuxsœurs restèrent un moment silencieuses.— J'ai une idée ! s'exclama enfin Ellie. Nous allonsl'inviter à dîner. Mais ce sera à toi de faire l'invitation,car c'est toi qu'il connaît. Dis-lui que tu as été enchantéede le voir à ton mariage... bla-bla-bla... Raconte n'im-19