s'éloigner, titubante.— Mais que vient-il donc de se passer dans votrejolie petite tête ? interrogea Daniel. Pourquoi ce brusquechangement ?Elle secoua ses cheveux et les réajusta, les rassem-blant sous l'épingle d'écaille. Elle se sentait maintenanthonteuse : grands dieux, que lui était-il donc arrivé pourqu'elle se soit ainsi laissée aller ? Comment avait-elle pus'enflammer aussi follement ?Tandis qu'elle réajustait ses vêtements en désordre,elle recouvrait sa lucidité, sa pugnacité. Et, déjà, elleregardait d'un autre œil celui qui, un instant plus tôt, lafaisait défaillir. Ce n'était, après tout, qu'un hommecomme les autres, égoïste, jouisseur, calculateur. Certes,il était un peu plus beau que les autres, un peu plus in-telligent, nettement plus riche : et alors ? Il fallait s'enméfier davantage, voilà tout.— Ellie, vous me paraissez soudain bien lointaine,se plaignit Daniel.— Ce n'est pas parce que vous vous êtes permisdes... des privautés avec moi que je dois me sentirproche de vous.Il fit mine de s'étrangler de surprise.— Des « privautés » ? C'est bien cela que vous ve-nez de dire ? Mais vous déraillez, chère Ellie. Nousvenons de passer un moment merveilleux, intense, bou-leversant pour vous autant que pour moi, et vous m'ac-cusez de « privautés » ! Mais, d'abord, où avez-voustrouvé ce terme insensé ? Personne ne parle plus ainsi !Avez-vous déjà entendu ce mot autour de vous, dans lavie quotidienne, dans votre hôtel, votre restaurant, dansune gare, un aéroport, un cinéma ?Ellie sentit qu'elle rougissait.72