John Brett, Le Val d’Aoste, 1858.
Huile sur toile, 87,6 x 68 cm. Collection privée.
Cecil Lawson et Alfred Parsons, deux jeunes maîtres de ce mouvement, sont au contraire totalement anglais dans leur appréhension de la peinture de paysage. Ils ont effectivement presque totalement éliminé de leurs toiles la figure humaine. Ils cherchent en effet à provoquer notre intérêt et nos émotions par la vision d’un cadre naturel. Mais ils recherchent notre sympathie uniquement avec des paysages qui leur sont davantage familiers qu’à nous.
Je me permets d’ajouter que dans leur interprétation de la nature, ils n’expriment que leur propre point de vue, sans doute romantique dans le cas de Lawson, mais sans grande grâce chez Parsons.
Il existe cependant un artiste anglais qui concentre encore davantage les qualités de ce pays que les deux peintres ci-dessus mentionnés. Il s’agit d’Edwin Edwards, si connu et si honoré dans la France du XIXe siècle. Ses représentations de villages en bord de mer, de falaises, de ports et d’orées de forêts constituent des chefs-d’œuvre dans lesquels nous pouvons retrouver une simplicité de composition et une grande maîtrise du dessin.
Il faut lui accorder qu’il dépeint des sites naturels avec une intense réalité : ses petites villes de province avec leur rue principale au premier plan et la mer au fond ; ses ports et leurs longs bateaux amarrés ; ou encore ses parcs en hiver, aux arbres décharnés et aux branches formant de délicats motifs devant un ciel chargé de neige.
J’ai oublié de mentionner qu’Edwin Edwards est davantage graveur que peintre, ce qui n’a pu échapper à tout amateur d’art. Aucun autre artiste appartenant à l’École anglaise, si ce n’est Frederick Walter, peut investir la réalité avec tant de maîtrise. Enfin je me permets d’ajouter que les peintres de marine sont moins nombreux en Angleterre qu’on ne serait tenté de le croire.
R.W. Macbeth peut aussi se voir attribuer une place importante parmi ces peintres de paysage, en tant que jeune maître de l’École écossaise. Il réussit davantage dans la représentation de scènes rustiques telles que La Récolte des pommes de terre ou Le Retour du marché de St -Yves. Ses peintures de villages de pêcheurs sont admirables. Il a aussi remporté de nombreux prix pour ses gravures.
« Le spectacle de la vie en mouvement est tellement en rapport avec notre inspiration intérieure, avec la loi de notre être, qu’il nous cause toujours une émotion agréable. Nous en sortons souvent si incompréhensible qu’il nous demeure par bien des côtés plus disposés à la sympathie, à l’action, le cœur plus léger, l’esprit plus ferme. »
En cette belle pensée d’un philosophe épris de la nature, d’un observateur très fin qui est aussi un moraliste profond, se trouve expliquée, légitimée la sympathie de des générations de l’époque pour le paysage. Jules Levallois, qui ne songeait, en écrivant ces quelques lignes, qu’à la nature elle-même, a là, nettement et définitivement, formulé la haute moralité de l’art.
Ce chapitre sera court. La peinture d’histoire, ou ce que nous nommons ainsi dans notre classification des genres, n’a jamais eu que d’assez pauvres représentants dans l’école anglaise. Les illustres maîtres de l’art anglais, les Gainsborough, les Reynolds, n’ont jamais été des peintres d’académie. Leurs admirables portraits, leurs compositions même n’étaient pas empruntées à la friperie mythologique, héroïque, pseudo-grecque et romaine qui a envahi les ateliers français pendant la seconde moitié du XIXe siècle et dans laquelle certains historiens d’art ont vu pendant longtemps encore après cette date la formule suprême de l’art.
Les tentatives de ce genre accomplies en Angleterre sont restées tout à fait vaines. Elles n’ont même pas les qualités de science et de dessin qu’avaient acquises au moins, à défaut du sens de l’histoire et de l’antique, les élèves de David, en France.
Aussi les efforts dans cette direction étaient-ils très rares chez les peintres de la jeune école anglaise. Et le résultat de ces rares essais était de nature à décourager ceux qui songeaient à essayer encore.
Qu’est-ce, en effet, que l’œuvre capitale de Poole ? Le titre est singulier : Chanson de Philomèle au bord du beau lac. Mais ce n’est rien que cela ! Imaginez un pot-pourri de tous les styles, de tous les maîtres. Amalgamez Poussin, Le Sueur, le Guide, Titien, copiés gauchement, énervés, maladroitement fondus l’un dans l’autre, et songez à ce que peut donner une telle superposition de pastiches exécutés. Je dois le dire, avec quelque subtilité d’esprit.
Sir Frederick Leighton, qui fut président de la Royal Academy, est à coup sûr le plus noble représentant du grand style dans un pays qui n’en a jamais eu le sens. On peut juger de l’effort de l’éminent artiste par la Pastorale. Leighton a le mérite en outre, dans sa longue frise des Fiancés de Syracuse, d’avoir fait un beau morceau de décoration.
J’adresserai le même éloge et plus sincère encore à William Scott, auteur de quelques grands cartons, projets de peinture pour l’ornementation d’un palais se trouvant dans la campagne anglaise. Il y a là de beaux motifs et bien composés pour entrer dans les lignes de l’architecture.
William Scott, trop peu connu à l’époque, même en Angleterre, est assurément l’un des rares artistes anglais qui ont eu l’intelligence la plus haute de la dignité de l’Histoire. J’ajoute qu’aux dons les plus rares comme peintre, il joignait ceux de poète exquis et délicat. On trouve son nom dans le catalogue de l’Exposition universelle de 1867 qui a eu lieu à Paris.
À la même date et dans le même ordre, le morceau que je préfère entre tous, l’œuvre d’un véritable peintre, c’est la forte étude rapportée de Venise par Prinsep. Il lui avait donné le nom de Bérénice. Je ne sais pourquoi mais dans toute la galerie, je ne vis rien de plus ferme, de mieux peint, de plus harmonieux ni de plus simple en même temps, que cette image de la femme robuste, sûre de sa puissance et de sa beauté, équilibrée dans sa force comme un bel animal. Tel est l’idéal de Prinsep, celui qu’il a poursuivi dans toute sa carrière déjà longue, à cette différence près, qu’au lieu de chercher désormais des titres et des noms romantiques, il s’est tourné vers le réalisme et se contente de donner du style à de simples figures de Blanchisseuses et de Glaneuses.