Depuis que l’homme est homme et qu’il a pris conscience de sa finitude, depuis qu’il a accusé le tragique de la vie et qu’il en a été affecté, il a tenté vainement de s’émanciper des contingences de sa condition humaine. Alors, ne pouvant pas s’en affranchir, quoi qu’il eût fait ou ait à faire, il a essayé, en désespoir de cause, d’aménager des temps de recréation et de renouveau, de trouver des temps d’évasion mais aussi de rejaillissement et de régénération.
C’est ainsi qu’à travers les âges, dans la longue et lente maturation de l’humanité, des moments « anormaux » d’allégresse ponctuent la vie cyclique des êtres, comme si on voulait interrompre l’écoulement indéfini du temps, se donner l’illusion de pouvoir suspendre son mouvement inexorable et vivre hors du temps, tout simplement.
De ce fait, la fête oppose généralement à la vie régulière, occupée aux travaux quotidiens paisibles ou harassants, l’émoi et la joie d’un temps proprement extraordinaire, tant il est vrai que le souffle puissant de cette effervescence commune est souvent mis en opposition avec les labeurs calmes et fastidieux où chacun s’affaire seul ou en groupe.
Tout groupe humain ressent le besoin d’une structure, d’une organisation du temps. En religion aussi, la temporalité est cyclique. La périodicité des pratiques cultuelles ponctue la vie de l’adepte croyant. C’est le rôle du calendrier qui permet de se reconnaître et de se rencontrer à des dates régulières où la communauté se retrouve pour vivre plus intensément son rite. Pour le peuple juif par exemple, dont le peuple chrétien est l’héritier, suivre le calendrier et le vivre c’est célébrer le mémorial des grandes actions de Dieu envers son peuple. C’est donc un acte de foi.
Les fêtes hindoues sont fixées par un calendrier religieux qualifié de luni-solaire dans la mesure où il prend en compte les phases de la lune et les mouvements apparents du soleil (déplacement dans les constellations zodiacales). Il existe douze mois lunaires qui forment une année lunaire d’environ 354 jours. Les astronomes ajoutent un « mois additionnel » pour rejoindre le cycle solaire afin que les fêtes tombent à la même période chaque année solaire. L’année luni-solaire débute à l’équinoxe de printemps (environ le 21 mars).
Le mois lunaire hindou (composé de trente jours) est divisé en deux « ailes » ou deux « côtés » : la quinzaine de la lune descendante (du lendemain de la pleine lune à la nouvelle lune), dite « sombre » ; la quinzaine de la lune montante (de la nouvelle lune à la pleine lune), dite « claire ». La plupart des fêtes ont lieu pendant la quinzaine de la lune montante, considérée comme la plus propice pour les actes rituels. En revanche, les démons et les morts sont célébrés durant la quinzaine sombre, réputée de mauvais augure.
En dehors des anniversaires des divinités, qui sont surtout célébrés en fonction de leur présence dans tel ou tel temple, sanctuaire ou autel domestique, toutes les fêtes ont un caractère religieux, y compris le nouvel an1. Les dates auxquelles elles ont lieu, à quelques exceptions près, sont celles du calendrier lunaire qui sert toujours de référence à la majorité des Chinois, et pas seulement à ceux qui vivent à la campagne.
Le calendrier chinois est établi sur la base des cycles de la lune. Comme les mois lunaires sont alternativement de vingt-neuf et de trente jours, le décalage par rapport à l’année solaire augmente d’année en année. Pour remédier à ce problème, on ajoute, tous les trois ans environ, un mois intercalaire (runyue). En 2014, par exemple, on a ajouté un neuvième mois intercalaire de vingt-neuf jours, en 2017, on ajoutera un sixième mois intercalaire de trente jours. Telle fête du calendrier lunaire pourra donc avoir lieu, selon les années, avec plusieurs jours d’avance ou de retard par rapport au calendrier grégorien.
Dans la plupart des pays où elles sont célébrées, les fêtes bouddh-iques sont régies par le calendrier lunaire (dont le premier mois correspond au mois de décembre) et sont, pour nombre d’entre elles, désignées par le nom du mois lunaire à la pleine lune duquel elles sont fêtées. C’est surtout au Sri Lanka, en Asie du Sud-Est theravâdin, que l’ensemble de ces fêtes étaient célébrées parmi les « cérémonies des douze mois », s’échelonnant dans un cycle de douze mois comprenant aussi des fêtes non bouddhiques.
C’est de fait au Sri Lanka, mais surtout en Thaïlande et en Birmanie, pays à population très majoritairement bouddhiste, que ces fêtes se sont perpétuées dans leur ensemble. La Thaïlande est pour sa part la dernière monarchie où ont encore cours les rites royaux de ces célébrations, autrefois partout pratiqués. Ces dernières années, dans les pays où l’idéologie collectiviste avait entraîné la suppression ou la désacralisation des fêtes bouddhiques, certaines d’entre elles ont été remises à l’honneur et sont parfois l’occasion de rassemblement de bouddhistes venus d’autres aires culturelles.
Le calendrier d’Israël est luni-solaire. En effet, si la nouvelle lune annonce le nouveau mois, les fêtes de pèlerinage doivent toujours tomber aux mêmes saisons : Pessah au printemps, Chavouot en été et Souccot en automne. Pour éviter le glissement dû à la différence du nombre de jour entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire, la tradition juive ajoute un mois – désigné communément par la formule « adar beth » (adar b) ou adar II – sept fois en dix-neuf ans, générant ainsi des années de douze mois (ou douze lunaisons) et des années de treize mois (ou treize lunaisons).
Le calendrier chrétien que nous connaissons a demandé beaucoup de temps avant d’être fixé. Il comporte deux types de fête :
En étudiant chaque fête, nous verrons les raisons des choix de ces dates qui ont pris place peu à peu, à des époques différentes selon les régions et les moyens de communication reposant sur l’ardeur des missionnaires et des envoyés du pape. C’est en 389 que l’empereur Théodose supprime le calendrier des fêtes païennes romaines pour lui substituer celui des fêtes chrétiennes – tout au moins celles dont la date était déjà fixée –, après avoir fait du christianisme la religion d’État.
Toutes les fêtes religieuses célébrées par les musulmans suivent le calendrier liturgique islamique organisé à partir des douze lunaisons de l’année lunaire. Elles ne « reviennent » donc jamais à date fixe dans le calendrier grégorien, ce qui n’est pas sans occasionner quelques problèmes d’organisation et d’anticipation dans les sociétés sécularisées. Ainsi, le premier ramadan mettra trente-deux ans et demi pour retomber un 9 décembre.
Chaque mois lunaire débutant avec l’apparition (visible à l’œil nu) du croissant de lune, les dates du calendrier islamique indiquées ci-après sont estimées avec un décalage possible d’un jour en plus ou en moins. Le jour commence au coucher du soleil, en avance de six heures sur notre jour civil.
En outre, le calendrier liturgique islamique lunaire diffère légèrement entre les sunnites et les chiites ; dans certains cas rares, des écarts de près de deux jours peuvent se produire. Cependant, dans la quasi-totalité des pays musulmans, on adopte le calendrier grégorien pour tout ce qui concerne les affaires civiles : l’année scolaire et judiciaire par exemple. C’est pour cette raison que la presse écrite, les radios et télévisions établissent toujours des correspondances entre le calendrier hégirien et le calendrier grégorien.
Rappelons que l’ère islamique commence en 622 de l’ère commune. Après des calculs savants de rapports et de correspondance, on s’est accordé sur la date du 16 juillet 622 pour marquer l’origine conventionnelle du temps islamique. Elle commémore l’hégire – l’exil ou la migration – du prophète Muhammad de La Mecque vers Yathrib, la future Médine. C’est le deuxième calife, Umar Ier (634-644), qui a fait de cette commémoration le premier jour de l’année hégirienne.
Cet ouvrage vous propose de découvrir les principales fêtes de l’hindouisme, du taoïsme, du bouddhisme, du judaïsme, du christianisme et de l’islam. Sous forme de fiches, vous découvrirez pour chaque fête sa date et sa signification, ses origines, ses rituels et sa symbolique.
Nous espérons que cet ouvrage collectif contribuera à faciliter le dialogue et la compréhension des croyances de chacun.
1. On pourra consulter à ce sujet le film Nouvel An chez les Fan, réalisation Patrice Fava, diffusion CNRS Images, 2013.