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Origines des classes scolaires


Comment on est passé de l’indétermination médiévale à la rigueur du concept moderne, comment et quand la classe scolaire a acquis son aspect actuel de classe d’âge.

Dès le début au moins du XVe siècle, on a réparti sous un même maître et dans un seul local la population scolaire en groupes de même capacité, et l’Italie est restée longtemps fidèle à cette formule de transition. Puis au cours du XVe siècle, on a affecté un professeur particulier à chacun de ces groupes, tout en les maintenant au sein d’un local commun, formation qui subsistait encore dans l’Angleterre et la seconde moitié du XIXe siècle. Enfin on a isolé les classes et leurs professeurs dans des salles spéciales, initiative d’origine flamande et parisienne, qui donna naissance à la structure moderne de la classe. Nous assistons alors à un processus de différenciation de la masse scolaire, telle qu’elle existait inorganisée à la fin du XVe siècle. Ce processus correspond à un besoin, encore nouveau, de proportionner l’enseignement du maître au niveau de l’élève. C’est là l’essentiel. Ce souci de se mettre à la portée des écoliers s’oppose à la fois aux méthodes médiévales de simultanéité ou de répétition, et à la pédagogie humaniste qui ne distinguait pas l’enfant de l’homme, et confondait l’instruction scolaire — une préparation à la vie — et la culture — une acquisition de la vie. Cette distinction des classes témoigne donc d’une prise de conscience de la particularité de l’enfance ou de la jeunesse, et du sentiment qu’à l’intérieur de cette enfance ou de cette jeunesse, il existait des catégories. L’institution du collège hiérarchisé avait, dès le XIVe siècle, retiré l’enfance scolaire du méli-mélo où, dans la société commune, les âges étaient confondus. L’établissement des classes au XVIe siècle détermina des subdivisions à l’intérieur de cette population scolaire.

Ces catégories, ébauchées parfois à partir d’une opportunité qui ne correspondait pas encore à ce que, plus tard, on leur demandera en ressources d’ordre, de discipline, d’efficacité pédagogique, étaient-elles alors des catégories d’âge ? Sans doute, Baduel voyait-il en 1538 dans l’ordre des classes un moyen de répartir les élèves selon « leur âge et leur développement ». En ce premier tiers du XVIe siècle, Thomas Platter échouait, au terme d’une jeunesse vagabonde, dans une bonne école de Schlestadt où fréquentaient à la fois neuf cents discipuli ; or il ne trouvait déjà pas très normal que son ignorance le situât à dix-huit ans au milieu des enfants, puisqu’il éprouva le besoin de noter ce trait comme une anomalie : « Quand j’entrai à l’école, je ne savais rien, pas même lire le Donat, et j’avais pourtant dix-huit ans. Je pris place au milieu de petits enfants ; on eût dit d’une poule au milieu de ses poussins. »

Ne soyons toutefois pas dupes de ces quelques indices, qu’on risque de grossir en les isolant. Il y avait parfois coïncidence entre l’âge et le degré, mais pas toujours, et quand il y avait contradiction, on s’en étonnait juste un peu, souvent aussi, pas du tout. En réalité, on restait toujours plus attentif au degré qu’à l’âge. Au début du XVIIe siècle, la classe n’avait pas l’homogénéité démographique qui la caractérise depuis la fin du XIXe siècle, sans cependant jamais cesser de s’en approcher. Les classes scolaires qui s’étaient formées pour des raisons non démographiques, serviront peu à peu à encadrer des catégories d’âges, imprévues à l’origine. Il existait donc un rapport encore inaperçu entre la structuration des capacités et celle des âges, inaperçu, parce que étranger aux habitudes les plus communes. Le besoin nouveau d’analyse, de division, qui caractérise la naissance de la conscience moderne dans sa zone la plus intellectuelle, c’est-à-dire dans la formation pédagogique, provoqua à son tour des besoins et des méthodes identiques, soit dans l’ordre du travail — la division du travail — soit dans la représentation des âges — la répugnance à mêler des esprits et donc des âges trop différents. Mais ce souci de séparation des âges n’a été théoriquement reconnu et affirmé que plus tard, alors qu’il s’était déjà imposé dans la pratique après des tâtonnements longs et empiriques. Et ceci nous amène à étudier de plus près le problème des âges scolaires et de leur correspondance aux classes.