« L'important est de sentir le besoin intérieur d'être.
L'existence sur terre fournit à chacun
L'occasion de connaître la Vie
Et de s'éveiller à la Vie. »3
Dr Jean Klein
Les origines du yoga
Né dans l'Hindouisme, le hatha yoga est une tradition millénaire non encore dépassée par les révolutions scientifiques et technologiques des temps modernes. Il peut se pratiquer par tout le monde, sans aucune crainte de se voir obliger d'abandonner ses croyances ou sa religion. Il existe six systèmes philosophiques aux Indes et le yoga est l'un d'entre eux :
De la plus pure tradition
Cet ouvrage est construit sur le modèle de l'échelle de Patanjali.
Les autres chapitres développent les thèmes de base ou créent une ouverture vers l'intériorité. Ces huit étapes conduisent au but ultime, la présence de la conscience ou l'identification permanente de la personne avec ce qui est appelé Cela ou l'Innommable dans plusieurs livres consacrés à la tradition.
De Rishikesh au Cachemire
Le yoga tantrique non duel du Cachemire ne reconnaît donc qu'une seule vérité, l'énergie omniprésente : il n'y a pas moi et les autres, ni moi et les dieux ou moi et un dieu : tout est un. Il a été diffusé en Occident entre autres par feu le Dr Jean Klein et un de ses fidèles disciples, Éric Baret. Cette approche enseigne qu'il n'y a rien à faire sinon être dans l'écoute qui est la clé parce que déjà en écoute, on est présent. Déjà en observant ce qui se passe en nous, on est présent. Déjà quand on porte notre attention sur la respiration et sur le corps en posture, on est présent. Tous les gens connaissent ces états de présence qui peuvent arriver accidentellement mais parce qu'ils ne savent pas qu'ils y sont, ils ne peuvent pas répéter l'expérience. Ce type de yoga est aussi basé sur les huit échelons de l'Échelle de Patanjali et dans cette pratique, tout compte fait assez semblable dans son contenu à celle de Rishikesh, c'est le contenant qui diffère. Le yoga méditatif du Cachemire est l'approche corporelle d'une démarche intérieure qui vise au passage du mental conditionné dans la liberté du moment présent, il est un outil puissant de transformation intérieure et une voie idéale pour l'éveil de la conscience. Dans mes pratiques personnelles et cet ouvrage en témoigne, mon attitude intérieure a subi quelques transformations pour s'ajuster à cette nouvelle approche :
1. De l'attente des effets
Les asanas ou postures ne sont pas pratiqués comme but en soi. La santé physique et mentale n'est qu'une heureuse conséquence d'une pratique assidue. Être dans l'attente des effets, c'est notre histoire de vie. Avec l'approche cachemirienne, il n'y a pas d'attente, il n'y a que l'instant. La pratique est utilisée comme moyen pour pressentir qui on est vraiment. Mécanismes de défense et réactivité, refus de l'instant présent, ajournements ou remettre à plus tard ou ne pas affronter l'instant, nous sommes dans la vie comme nous sommes dans nos pratiques, l'écoute nous permet de voir cela.
2. Pressentir qui on est vraiment
Feu le docteur Jean Klein écrit : « On pratique le yoga tantrique du Cachemire uniquement pour nous familiariser avec ce que nous ne sommes pas. »4 et Éric Baret écrit à son tour : « Il n'y a rien de personnel dans la pratique. C'est tout l'environnement qui participe à l'instant. Vous rejoignez les cycles de la création. Vous rejoignez la sève qui monte dans les arbres. Vous rejoignez les différentes espèces animales, végétales et ce qui est au-delà de l'humain. Une pose, un pranayama, c'est un événement cosmique. »5 Pour nous familiariser avec ce que nous ne sommes pas et puisque selon cet enseignement, il n'y a rien de personnel dans la pratique, la plus grande question de tous les temps s'impose : « Qui suis-je ? » Dans les années 1970, l'enseignement que j'ai reçu affirmait et à cette époque je comprenais l'affirmation sur le plan intellectuel, elle n'était pas encore passé dans mon senti ni dans mon vécu :
« Je ne suis pas ce corps,
ce corps n'est qu'un instrument de travail.
Je ne suis pas ces pensées,
ces pensées ne sont qu'un mode d'expression.
Je ne suis pas ce caractère,
ce caractère appartient à ma personnalité.
Je ne suis pas cette personnalité.
Mais alors, qui suis-je ?
Je suis le Grand Moi, le Vrai Moi, le Moi Réel.
Je suis le Témoin silencieux.
Je suis l'Observateur.
Je suis pure Conscience. »
Malgré tout, on peut penser que si je ne suis pas tout cela, le corps, les pensées, le caractère, la personnalité sont bien à moi, ils sont donc personnels. La tradition enseigne que pour l'ego oui, tout cela est personnel et l'ego en fait toute une histoire, une histoire de vie mais en vérité non, il n'y a rien de personnel dans tout cela. En preuve, quand arrive la nécessité d'une transplantation d'organe pour un individu à la peau jaune, rouge, noire ou blanche, cela ne fait aucune différence : le rein d'une personne du Togo peut se greffer sans problème chez une personne de Tokyo. De la même façon, le ressenti est universel, il n'y a rien de personnel dans les émotions de colère, de peine ou de culpabilité. Par exemple, une femme afghane, russe, italienne, québécoise qui perd son fils vit beaucoup de peine. Le sentiment profond de désespoir suite à la perte d'un enfant est le même pour tous les êtres humains et s'il y a culpabilité psychologique, ce sera le même ressenti de douleur. Le corps et les émotions ne sont pas personnels, c'est le mental qui divise et de tout classer, analyser, comparer, tout cela, ce sont des fonctions du cerveau utiles mais, et la distinction est de la plus grande importance, c'est l'ego qui nous fait miroiter l'illusion d'une fausse identification avec le corps, les pensées, le caractère, la personnalité et nous fait croire que tout cela est le vrai moi. Quand on prend toutes les choses personnellement et l'expérience le prouve bien, c'est une source de souffrance infinie. Ce que quelqu'un dit ou pense ne nous concerne pas, cela révèle seulement ce que porte la personne. Ce que l'on voit et perçoit n'existe que pour nous, traduit ce que l'on porte au plus profond de nous-mêmes comme un révélateur le ferait pour une solution chimique. On peut donc conclure que l'ego nous éloigne de ce que nous sommes vraiment et le plus beau de l'histoire est que pour se sortir de l'impasse, il n'y a rien à faire, on a qu'à observer, à écouter, à prendre conscience. C'est suffisant. Le reste suivra. Pour moi, le yoga méditatif du Cachemire est un excellent moyen pour me rendre compte de ce que je ne suis pas. Donc, si je ne suis pas ce corps et s'il est vrai qu'il n'y a rien de personnel dans la pratique du yoga ou d'une cérémonie du thé ou dans l'art de l'arrangement floral, il est également vrai que dans une pratique, c'est tout l'environnement qui participe à l'instant et dans ce sens, une pose, un pranayama, c'est la conscience qui se regarde.
3. « Le yoga du Cachemire met l'accent sur le corps énergétique et non sur le corps physique » 6, Jean Klein
La pratique avec l'exploration du corps énergétique amène progressivement un déconditionnement du cerveau et pointe vers notre essentielle non-limite. Sans nier quoi que ce soit, on laisse au monde de la dualité les notions physiologiques et anatomiques du corps physique pour s'ouvrir à son aspect vibratoire et s'éveiller à l'espace qui existe dans le corps et entre les articulations. Au début, on se sert de l'imagination pour faire les mouvements proposés, c'est une étape. N'oublions pas qu'imaginer ou visualiser, c'est faire. Le corps énergétique n'a pas d'articulations qui bloquent le mouvement, il jouit d'une complète et totale liberté. Cela fait partie du déconditionnement qui permet une ouverture et avec l'ouverture viennent l'exploration, la disponibilité, l'écoute et de nouveaux sentis.
4. La maîtrise d'une posture et les mémoires
La maîtrise d'une posture
La tradition Rishikesh enseigne que lorsqu'on atteint la maîtrise d'une posture, on peut la garder au moins dix minutes sans fatigue en suivant les recommandations suivantes :
Les centimètres ainsi gagnés et l'aisance ressentie dans la pose sont évidents. Une autre façon de s'assouplir est de garder la posture plus longtemps.
La tradition cachemirienne ne parle pas de maîtriser une posture mais d'être à l'écoute des tensions et des vacuités dans le corps. En prenant une posture, quand une tension ou une rigidité arrête le mouvement, on se détend et on recommence. La deuxième fois, avec un corps plus libre, l'adepte prend conscience qu'il y a plus de fluidité dans son corps et il va un peu plus loin et ainsi de suite. Dans l'approche corporelle, il n'y a rien à atteindre, il n'y a que l'écoute dans l'instant. Ici, pas question de pousser une posture pour en atteindre la maîtrise, cela se fait. Il est étonnant de constater comment le corps se place aisément dans une posture quand on ne force pas. C'est une autre façon de faire très respectueuse de ses propres limites. Avec l'ouverture et la disponibilité, de l'espace se crée et les articulations se libèrent. Le temps ne compte pas.
La mémoire des postures
« Le plus grand choc dans une vie, c'est quand on se rend compte que tout ce qu'on pense, dit et fait est mémoire. Très peu de créativité. »7, enseigne Jean Klein. Vouloir maîtriser une posture à tout prix fait partie des ancien- nes mémoires et ce sont des efforts gaspillés tout comme il est bien inutile de viser à quoi que ce soit, il n'y a rien à atteindre, il n'y a que l'instant. Les mémoires nous font répéter les mêmes pensées, les mêmes paroles, les mêmes motivations, les mêmes actions, les mêmes gestes et nous font passer à côté de la disponibilité à l'instant et de sa créativité. Si on répète mécaniquement toujours les mêmes postures parce qu'on s'en souvient, on va s'ennuyer ferme. « Cent fois vous levez les bras, c'est toujours la première fois »1. Il n'y a qu'ouverture et disponibilité. La plupart de notre vécu et de nos ressentis viennent de notre mémoire. Je ne parle pas ici de la mémoire fonctionnelle mais de la mémoire psychologique. C'est tout un bouleversement intérieur quand on prend conscience qu'on ne vit que dans le passé avec nos souvenirs et nos culpabilités et dans le futur, à faire des suppositions et à avoir peur. Dans un cas comme dans l'autre, c'est complètement inutile, ce qui donne raison à l'adage populaire : " Dites-moi votre passé et je prédirai votre avenir. "
5. Le choix et l'enchaînement des postures
Dans l'enseignement du yoga du Cachemire, l'enchaînement se fait naturellement, avec le corps qui se déploie d'une posture à l'autre, dans la pleine conscience. Dans cette approche, on pratique les postures qu'on aime puis, dans l'écoute, le corps en demande d'autres. Il y a exploration.
6. L'écoute est plus importante que la concentration
Il s'agit de porter l'attention sur l'écoute du corps et à ce titre, toutes les sensations sont bienvenues : douceur, fraîcheur, chaleur, tension, vacuité, fourmillements, picotements, pétillements, on assiste à l'éveil de la sensibilité tout en sensualité. Le cerveau, apaisé et silencieux, devient le témoin d'expériences sensorielles qui ne peuvent pas se traduire en concepts. Quand nous sommes dans l'écoute, il y a présence, il y a conscience, il y a Cela. Avec l'écoute, on a déjà pris un recul face au discours mental incessant. Dans l'écoute, on est vigilant, on est dans l'observateur silencieux. Cela suffit. Il n'y a rien d'autre à faire, rien à changer, rien à juger. En posture, on est en mode écoute. On prend l'habitude de l'écoute qu'on transpose ensuite dans la vie de tous les jours. Et c'est ainsi que la vie se transforme : on sort du rêve du monde de la pensée qui tourne toujours autour des mêmes thèmes pour revenir à la réalité. Il faut bien comprendre que tout est là, toujours et tout le temps. C'est parce qu'on vit dans un état de rêve qu'on ne le voit pas.
7. Où situer ce que je suis ? Où situer la conscience ?
Quand on découvre qui on est et si on est bien à l'écoute du phénomène, on se rend compte que la conscience se place assez facilement dans les lobes frontaux, lieux de la machine à penser, ce qui n'est pas l'idéal car assez vite le mental passe ses commentaires et décolle à la vitesse grand V. C'est déjà mieux de la situer dans le cervelet, siège de toutes les énergies qui circulent dans le corps. Là, les pensées sont déjà moins envahissantes mais l'endroit idéal est dans le cœur. C'est la vraie place de la conscience. Pratiquer, observer, rester disponible et à l'écoute puis, on voit la réalité différemment, telle qu'elle est et non pas à travers le voile opaque de la fausse identification au petit moi, à l'ego qui mène à différents concepts, trop souvent source de conflits et de souffrance. On acquiert de plus en plus de profondeur. On est présent au moment qui est là et on a le pressentiment de qui on est en réalité. Puis, les moments de présence s'allongent et deviennent de plus en plus fréquents jusqu'à devenir permanents.
Le pur dénuement
D'une avancée dans le vide
Au-dessus d'un lac37