Les chiens

Il nous aimait, avec nos gueules, nos crocs,

L’attaque au moindre bruit de pas, de grincement

De porte : la trique et la gamelle, de quoi

Prendre des forces mais jamais l’avant-goût

Du paradis des chiens, le sucre par plaisir,

L’instant tout seul. La bonne chère, c’était

Pour lui : faisait la fête, chantait aux larmes,

Rond comme queue de pelle sous la lune, doublait

Sa graisse à toutes ventrées, bâfrait la viande

Et les patates avec la sauce, bâfrait

Tous les fromages entre deux trous normands,

Et puis le croustillant du caramel, la pièce montée

Meringue à fond de kirsch, la crème comme éternelle

Ecume : un soir, à son retour on l’a bouffé.

The Dogs

He loved us, with our muzzles and our fangs,

How we’d surge at the slightest footstep, creak

Of a door: truncheon and trough, enough

To gather your strength, but never a foretaste

Of dog paradise, sugar for pleasure,

An instant for itself. Fine food was all

For him: partied, sang his heart out,

Round as a spade handle in the moonlight, doubled

His fat by the bellyful, gobbled up meat

And potatoes in sauce, gobbled up all

The cheeses between two shots of Calvados,

And then the caramel-crisp masterpiece,

Kirsch-flavored meringue, cream like eternal

Sea foam: one night, when he came home, we wolfed him down.