– Et voilà, monsieur, comment j’ai fini garagiste. La vocation de soigner, toujours, mais le matériel, rien d’autre, c’est le dernier refuge de l’innocence. Une bagnole c’est sans ruse, un tas de ferraille et de filasse plus ou moins électrifié ; pas le moindre « rêve identitaire ». Et l’électronique, me direz-vous ? De la chirurgie. On tranche et on remplace. L’élément foutu finit à la poubelle, on le change et la voiture est comme neuve. Je me trompe ?
– …
– Tenez, j’ai préparé votre facture. On a dit une vidange et les pneus, hein ? Le graissage est pour moi.
– …
– Il faudra changer les plaquettes, un de ces jours.
– …
– En tout cas, merci de m’avoir écouté.
– …
– Oui… vingt ans… jour pour jour.
– …
– Une fameuse droite, quand même. Regardez cette bosse sur mon poing, c’est le souvenir que j’en garde, un rhumatisme à l’articulation métacarpo-phalangienne du majeur ; je me suis cassé la main, sur ce coup-là. Quelqu’un a crié : « Galvan, non ! » Mais si. Un direct du droit qui a propulsé notre ancien patient dans son ancien lit. Quand ils m’ont enfin regardé, j’ai dit : « Il lui manquait la traumatologie. »