CONCLUSION

 

Pour poursuivre la réflexion

 
 
 

Le programme de formation à l’accompagnement proposé dans le présent ouvrage a pu être élaboré et mis en place grâce à un partenariat entre l’Université du Québec à Trois-Rivières, le milieu scolaire et la direction régionale du MEQ (Mauricie et Centre-du-Québec). Il a permis de fournir à des personnes accompagnatrices (principalement des conseillères et conseillers pédagogiques, des membres des directions d’école ainsi que des enseignantes et des enseignants) des moyens de guider l’implantation du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ). Inscrit dans une perspective socioconstructiviste, le programme de formation à l’accompagnement proposé comporte deux visées: le développement de l’individu métacognitif et celui du praticien réflexif. Ces deux visées semblent interagir, chez les personnes accompagnatrices, entraînant ainsi le développement d’habiletés métacognitives et d’habiletés de réflexion relatives à leur pratique professionnelle.

Le processus de modélisation par lequel se termine le programme de formation à l’accompagnement présenté dans cet ouvrage nous amène à proposer un modèle de formation à l’accompagnement socioconstructiviste. Ce modèle est d’abord décrit dans la prochaine section et illustré par des témoignages provenant de deux directions d’école, de deux conseillères et d’un conseiller pédagogiques ainsi que d’un enseignant et une enseignante. Pour conclure la présentation de ce modèle, nous précisons les étapes franchies par les personnes accompagnatrices qui changent leur pratique afin d’y intégrer des interventions axées sur le développement d’habiletés métacognitives et la mise en place d’une pratique réflexive. Enfin, quelques pistes de formation et de recherche sont proposées.

 
 

1. Modèle de formation à l’accompagnement socioconstructiviste

Le modèle d’accompagnement que nous avons élaboré est basé sur les caractéristiques d’un accompagnement socioconstructiviste, abordées au chapitre 2. Le schéma de la page suivante présente, dans sa partie supérieure, les conditions qui rendent possible une telle formation à un accompagnement socioconstructiviste. Une condition est préalable: il s’agit de posséder une culture pédagogique. Parmi les conditions inhérentes à une telle formation, nous avons fait ressortir la nécessité de créer un climat affectif favorable à la coconstruction de connaissances, celle d’accepter de prendre du temps pour laisser émerger les constructions et celle d’accepter d’ajuster les éléments de formation prévus selon le processus de construction enclenché. Enfin, nous avons relevé des actions que doit faire la personne accompagnatrice, à savoir: susciter l’activation des expériences antérieures dans une intention de favoriser la construction des connaissances, provoquer des conflits sociocognitifs et profiter de ceux qui émergent des discussions, coconstruire dans l’action, mettre en évidence les conceptions erronées et profiter des prises de conscience de certaines constructions.

Dans ce modèle, nous visons le développement de l’individu métacognitif et du praticien réflexif tout en suscitant des échanges qui favorisent des discussions de haut niveau intellectuel. Ces discussions mettent les personnes accompagnées dans une position d’individu actif sur le plan cognitif: cette triple visée est représentée par le triangle central dans la figure suivante. Faut-il rappeler qu’autant pour l’individu actif (qui réfléchit sur un objet d’apprentissage, quel qu’il soit) que pour l’individu métacognitif (qui réfléchit sur son processus d’apprentissage) ou pour le praticien réflexif (qui réfléchit sur la pratique professionnelle) il existe des degrés d’activité mentale ou d’engagement dans cette activité. Certaines actions témoignent de ces degrés. À un premier niveau, l’individu décrit une situation; à un deuxième niveau, il fournit des explications, alors qu’à un troisième niveau il fait preuve d’analyse. La démarche de coconstruction présente dans toutes les activités de formation est représentée par la ligne continue à gauche du schéma.

Comme le montre la partie inférieure du schéma, ce processus de coconstruction conduit les personnes accompagnatrices à dégager des caractéristiques d’un accompagnement socioconstructiviste axé sur le développement de la métacognition, à clarifier et s’approprier par l’expérience les concepts d’individu métacognitif et de praticien réflexif et, enfin, à élaborer la structure d’un programme d’accompagnement adapté à leur contexte d’intervention. Si ce sont là les premiers produits tangibles de ce programme de formation à l’accompagnement, les témoignages que nous ont livrés des personnes accompagnatrices permettent de mieux cerner d’autres retombées de ce programme, à savoir les apprentissages qu’il rend possibles.

En ce qui a trait à l’individu métacognitif, les réflexions des personnes accompagnatrices indiquent une appropriation par elles du concept de métacognition et la perception de son importance dans l’apprentissage. Elles font état d’un changement dans leur conception de l’apprentissage. Ces propos témoignent aussi d’une prise de conscience de leur fonctionnement mental et de stratégies d’accompagnement qui s’avèrent les plus profitables pour certaines des personnes accompagnatrices qui nous ont livré ces témoignages. Un dernier témoignage illustre bien les apprentissages réalisés et les déséquilibres cognitifs qui y sont sous-jacents.

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sur le plan de leur pratique, les témoignages de personnes accompagnatrices indiquent des changements de visées dans l’intervention: pour ces personnes, il est maintenant important de rendre l’individu en situation d’apprentissage conscient de son fonctionnement. Les témoignages font aussi foi d’une plus grande capacité à décrire leur pratique et d’un meilleur équilibre par rapport aux trois « temps » de l’intervention, notamment une meilleure planification et une régulation de la pratique grâce à la rétroaction que fournissent les personnes accompagnées.

 
 
 
 
 
 
 

2. Étapes du processus de changement1

Les étapes de développement d’habiletés d’accompagnement que nous proposons sont inspirées de Sandholtz, Ringstaff et Dwyer (1997). Nous pensons que, dans une démarche d’accompagnement socioconstructiviste visant le développement de l’individu métacognitif et du praticien réflexif, les personnes accompagnatrices passent par trois étapes: une d’adoption, une autre d’appropriation des moyens et une dernière d’intégration.

 

2.1. Adoption

Au cours de l’étape d’adoption, la personne accompagnatrice s’interroge sur ses pratiques et décide ou non, consciemment ou inconsciemment, de s’engager dans un processus de changement afin que ses interventions développent davantage l’individu métacognitif et le praticien réflexif. La personne accompagnatrice met à l’essai des activités plutôt ponctuelles afin d’apprivoiser la démarche d’accompagnement socioconstructiviste axée sur le développement de la métacognition et d’une pratique réflexive. Certains essais peuvent paraître peu intégrés à la démarche de formation. Ils peuvent prendre la forme d’arrêts ou de pauses systématisés qui, dans l’action, ne sont pas toujours adaptés à ce qui vient de se passer. Cependant, tout au cours de cette étape d’adoption, la personne accompagnatrice tend à ce que ces activités ponctuelles soient de plus en plus intégrées à sa démarche d’intervention et que les personnes accompagnées en voient de plus en plus la pertinence. Notre expérience montre que la présentation d’expériences d’accompagnement au premier temps de la formation, soit celui des premières rétroactions, témoigne de cette étape d’adoption d’une nouvelle pratique.

2.2. Appropriation

À l’étape d’appropriation, les interventions d’accompagnement axées sur la métacognition et la pratique réflexive deviennent plus systématiques et poussées. Elles sont intégrées à la pratique d’accompagnement en ce sens qu’elles font partie de la structure même de l’activité de formation. Il existe donc un changement dans la planification même de l’intervention. On ne se fonde pas exactement sur ce qu’on faisait auparavant pour y intégrer des interventions qui visent le développement d’habiletés métacognitives ou d’une pratique réflexive; on pense plutôt à l’activité dans une optique métacognitive et réflexive. Par ailleurs, selon les observations que nous avons pu faire en cours de formation, les discussions que des personnes accompagnatrices ont après huit ou neuf jours de formation montrent qu’elles peuvent adopter spontanément, au cours d’une activité, la position de l’individu métacognitif ou du praticien réflexif.

 
 

2.3. Intégration

À l’étape d’intégration, l’accompagnement socioconstructiviste axé sur la métacognition et la pratique réflexive fait partie intégrante de la pratique. La personne accompagnatrice devient de plus en plus autonome dans l’élaboration d’interventions de ce type. Non seulement la préparation de l’intervention se fait dans une optique réflexive et métacognitive, mais la spontanéité de la personne accompagnatrice est également mise à profit. Grâce à cette spontanéité et à sa capacité d’observation des réactions des personnes accompagnées, la personne accompagnatrice peut profiter de tous les moments pour faire émerger, chez ces dernières, une réflexion sur leur pratique et sur leur processus d’apprentissage; elle peut aisément dépasser la planification qu’elle a faite. Elle devient aussi beaucoup plus à l’aise pour exposer ses propres prises de conscience comme individu métacognitif et comme praticien réflexif et joue ainsi le rôle de modèle en se donnant en exemple. Il lui reste à développer les habiletés nécessaires pour bien saisir les « déclics métacognitifs et réflexifs » que vivent les personnes accompagnées et, surtout, à en profiter en suscitant des prises de conscience et en favorisant des interactions pour les amener à réfléchir sur leur processus d’apprentissage et sur leur pratique pédagogique. C’est à cette étape que les habiletés d’adaptation et de création d’interventions métacognitives et réflexives sont le plus développées.

Nous savons que toutes les personnes ne passent pas par toutes ces étapes et qu’elles n’avancent pas toutes au même rythme. Les expériences antérieures des individus les amènent à saisir plus ou moins rapidement ce qu’est un accompagnement socioconstructiviste dans une optique métacognitive et réflexive et à en percevoir l’utilité et l’influence positive sur les personnes accompagnatrices.

L’ensemble de cette réflexion laisse entrevoir des pistes de formation et de recherche. L’ensemble du programme de formation à l’accompagnement décrit ici propose de nombreuses pistes d’intervention. Certaines attirent davantage notre attention: ce sont celles relatives à la rétroaction. Comme le soulignent Jonnaert et Vander Borght (1999), la réflexion sur la rétroaction dans une perspective socioconstructiviste s’amorce à peine. Sur le plan de la recherche, le modèle proposé en conclusion de cet ouvrage devra être mis à l’essai dans différents contextes afin de pouvoir juger de sa transférabilité. Par ailleurs, nous considérons qu’il serait utile d’examiner l’influence du présent programme de formation à l’accompagnement sur l’évolution des pratiques d’accompagnement chez les personnes engagées dans une telle formation (pratique réflexive et interventions métacognitives).


1 Ces étapes sont utiles pour animer l’activité « Vers un enseignement métacognitif intégré ».