2. MARÉCHAL

Le lendemain, au Caveau, on commença la journée par un événement inattendu. Alzaga avait convoqué tous les agents dans notre salle de réunion, où nous attendait déjà Urquijo, l’avocat. Ses visites au Caveau étaient rares et, quand elles se produisaient, c’était rarement bon signe.

Sa présence m’évoque toujours un gros nuage noir dans un ciel clair, mais cette fois Alzaga commença cette réunion en nous félicitant d’avoir récupéré le Mardud. Alpha et Oméga l’en avaient informé, ce qui ne me surprit pas, étant donné que les deux petits joailliers étaient extrêmement respectueux des règles, et qu’ils n’auraient jamais conservé une telle pièce sans en avoir reçu l’ordre formel du directeur du Corps.

À notre grande surprise, Alzaga ne s’offusqua pas qu’on ait agi dans son dos, mais il nous enjoignit, à mots couverts, de ne pas renouveler des opérations de cette envergure sans l’en informer au préalable. Encore plus étonnant, il ajouta qu’il avait peut-être sous-estimé notre capacité opérationnelle et qu’il fallait peut-être revoir les méthodes de travail qui avaient été établies jusqu’à présent. Allait-on voir la fin de ces ennuyeuses tâches de bureau ? Cependant, toujours fidèle à son âme de bureaucrate, Alzaga demanda à Danny de rédiger un rapport complet sur la mission, ainsi que la transcription intégrale du texte en langue songhaï des marginalia du Mardud. Il demanda à la quêteuse si le rapport pouvait être prêt avant la fin de la journée. Elle répondit par l’affirmative.

On avait l’impression que la réunion s’achèverait de façon cordiale, mais je n’oubliais pas le fait qu’Urquijo était là, promenant autour de lui ses yeux de poisson sans dire un mot. J’étais certain que lorsque l’avocat ouvrirait la bouche, ce serait pour dire des choses que personne n’aurait voulu entendre.

— Avant de conclure, dit Alzaga, je dois vous donner une information. Ou plus exactement c’est Urquijo qui va vous la donner. Je lui cède donc la parole. Je vous demande de lui accorder toute votre attention.

L’avocat, les pupilles fixées sur un vague point situé loin derrière nous, s’éclaircit la gorge et dit :

— Il s’agit de deux nouvelles, en réalité. Une bonne et une mauvaise. La bonne est que Julianne Lacombe, l’agente d’Interpol, n’est plus sur l’affaire du Mardud.

— Pourquoi ? L’affaire a été classée ? demanda Danny.

— Non, l’enquête suit son cours, mais Libéro et moi avons trouvé le moyen de l’écarter. Il s’agit d’une série de mesures techniques légales : l’échange de tirs à l’hôtel Ritz et l’abus de pouvoir qu’a constitué la décision de l’agente d’interroger seule Pharos chez lui ont permis à Libéro de prouver que Lacombe avait outrepassé son rôle de simple agent de liaison. Le bureau d’Interpol en Espagne a pris ces éléments en compte, et elle a été dessaisie du dossier. Elle sera remplacée.

— Formidable, dis-je. Cela signifie qu’elle va cesser de me harceler, n’est-ce pas ?

— Je n’irais pas jusque-là, Pharos. Comme je l’ai dit, j’ai aussi une mauvaise nouvelle.

Silence lourd.

— Vas-y, on t’écoute, dit Labulle.

Urquijo soupira.

— Lacombe a vu Pharos emporter le livre.

— Ce n’était pas le vrai livre, répliquai-je. C’était juste…

— Peu importe, coupa l’avocat. Que tu aies emporté ou non le livre authentique, tes actes sont loin de relever de la légalité. Désolé, Pharos, mais je crains qu’Interpol ne t’ait collé une notice rouge.

J’étais abasourdi ; je dirais même bouche bée. Interpol possède de grosses archives sur les délinquants recherchés, classées par couleurs. Les cas les plus graves sont étiquetés en rouge. Cela signifie que toute police des presque deux cents membres d’Interpol peut arrêter et extrader automatiquement de tels fugitifs. En résumé, il s’agit de l’affiche “On recherche” la plus diffusée sur la planète. Je ne m’attendais pas à être logé à la même enseigne que les assassins, terroristes, ravisseurs d’enfants et autres personnes aussi peu recommandables.

— Tu aurais dû être plus prudent. Je crois me rappeler que je t’avais mis en garde, dit Alzaga.

— Un moment, protesta Enigma. Interpol ne peut pas, ce serait outrepasser ses compétences. Une notice rouge ne peut être activée que si la police d’un pays souverain prend en charge la notification d’Interpol, et Libéro n’aurait jamais…

— Ce n’est pas Libéro, mais l’OCBC, coupa Alzaga. Apparemment, Lacombe n’a pas déclenché la procédure au nom d’Interpol, mais au nom de la police française, dont elle fait aussi partie.

Urquijo reprit la parole.

— Ce qui, dans une certaine mesure, est une chance pour Pharos, car tant que la police espagnole n’a rien contre lui, il peut circuler sans risquer d’être arrêté et extradé vers la France. L’ennui, c’est que je ne sais pas combien de temps cette situation peut durer… Si j’étais toi, Pharos, je suspendrais tout projet de déplacement dans les prochains jours.

— Mais… tu vas arranger ça, n’est-ce pas ? demandai-je d’une voix blanche. C’est-à-dire… Toi, tu peux l’arranger…

Urquijo allait répondre, mais Alzaga le devança.

— Il y travaille de son mieux, mais il n’est qu’avocat, il ne peut pas faire des miracles – Truchement me regardait d’un air navré. À cause de la notice d’Interpol, tu n’es pas le seul à être dans une situation délicate : tout le Corps est touché. Vu les circonstances, je crois recommandable de suspendre tout type d’activité jusqu’à ce que cette affaire soit réglée.

— Autrement dit, on rentre chez soi et on ne bouge plus, dit Danny.

— Un résumé assez simpliste, mais en gros c’est cela.

— Tu trouves que c’est normal ? demanda Labulle à l’avocat.

Ce dernier détourna les yeux et répondit de façon évasive :

— Je n’ai pas d’avis. C’est une décision qui relève de votre truchement.

— Urquijo recommandait de ne mettre que Tirso en quarantaine, expliqua Alzaga. À mon avis, son problème affecte tout le Corps des quêteurs, c’est pourquoi je suis partisan d’appliquer cette mesure globalement – il y eut des réactions diverses et une avalanche de questions ; Alzaga réclama un peu de calme. Vous conserverez votre salaire, mais vous ne reviendrez pas au Caveau jusqu’à nouvel ordre. Toute activité est suspendue dès ce soir. Je serai dans mon bureau pour dissiper les doutes de chacun. C’est tout.

Alzaga quitta la salle et me laissa seul au milieu d’une mer de regards hostiles.

À la fin de la journée, on alla tous boire un verre au Pavillon du Miroir, en face du Musée archéologique. Cela nous arrivait de temps en temps, mais cette fois il y avait une ambiance d’adieu lugubre.

Enigma, Danny, Labulle et moi, autour d’une table, nous essayions de nous remonter le moral derrière notre bière (à l’exception d’Enigma, qui buvait du vin blanc). Pas facile : notre capacité à voir le bon côté des choses était au plus bas.

— Une chose pareille est-elle déjà arrivée ? soupira Danny. A-t-on déjà suspendu le travail du Corps ?

— Pas que je me souvienne, répondit Labulle en regardant son verre d’un air sombre.

— Je me sens tellement responsable, dis-je.

— Ah, mon chéri, c’est vrai, tu es responsable, répondit Enigma, mais il n’y avait aucun reproche dans le ton de sa voix. Quand même, Alzaga exagère. La mesure me semble disproportionnée. Mettre un quêteur au placard, c’est peut-être déjà arrivé… Mais suspendre le Corps tout entier !

— Cette salope de Française…, grommela Labulle avec mépris. Je me demande pourquoi elle s’est acharnée sur toi : c’est à moi qu’elle a passé les menottes au Ritz, et Danny et toi étiez ensemble le soir où vous êtes allés au Centre islamique.

— Vrai. Mais elle n’a identifié que Tirso, répondit Danny. Cette maudite fiche de police de Lisbonne… On aurait dû en effacer les traces quand c’était encore possible.

— C’était possible ? demandai-je.

— Oh, oui, répondit Enigma. Tesla en aurait été capable. Il réussissait très bien ce genre de choses. Même s’il était un traître, il faut avouer qu’il était particulièrement doué pour ce genre de manipulations… Ah, s’il était encore là… Je veux dire, pas lui, bien sûr ; mais quelqu’un comme… Elle s’interrompit soudain et passa le doigt sur le bord de son verre, d’un air songeur.

— Oui, qu’allais-tu dire ? demandai-je.

— Je parlais d’un Tesla qui ne soit pas Tesla. Le même mais différent, si cela existe. Avoir l’un sans le mauvais côté de l’autre… Une façon de refermer le cercle. L’essentiel est de refermer le cercle.

— Quoi ? demanda Labulle.

Enigma nous regarda, gênée.

— Pardon… Je parlais tout haut ? Je ne m’en étais pas rendu compte.

Pendant quelques minutes, chacun se lamenta sur son sort, puis Enigma déclara qu’elle en avait marre de notre défaitisme. Elle s’en alla et Labulle ne tarda pas à lui emboîter le pas.

Avant de partir, la main sur mon épaule, il dit :

— Ne te crucifie pas pour autant, Pharos. Tu t’es bien débrouillé avec le livre… Tu sais…, je préfère qu’on nous emmerde pour un truc qu’on a fait plutôt que de rester les bras croisés. Si tu as besoin de quoi que ce soit, compte sur moi sans hésiter.

Il fit une grimace et partit. Danny avait un demi-sourire amusé.

— Sacré discours, dit-elle en regardant sa bière. Venant de lui, c’est une vraie déclaration d’amour.

— Il fallait bien que je finisse par séduire un des rejetons Bailey ; dommage que ce ne soit pas le bon.

Danny sourit.

— Ne surestime pas ton charme… – elle resta quelques instants silencieuse, sans me regarder, puis : Tu veux que je te dise un truc marrant.

— Ça tomberait bien en ce moment.

— Hier soir, je n’ai pas pu fermer l’œil, à cause de toi.

— Bravo. Mais la prochaine fois, j’espère être là.

— Je vais nuancer mes propos : ce qui m’a ôté le sommeil, c’est une de tes remarques… Tu parlais de creuser un peu l’histoire de ce livre, de voir où ça nous menait… Je crois que j’ai trouvé quelque chose qui pourrait t’intéresser.

— De quoi s’agit-il ?

Danny ne répondit pas tout de suite.

— Je ne sais pas si je dois te le dire… – je la regardai dans les yeux et elle se détourna. Je suis toujours aussi inquiète à propos de ton idée de creuser cette affaire.

— En ce cas, il vaudrait mieux ne pas me tenter par des informations nouvelles. Allons, que crois-tu que je puisse faire ? Je ne suis plus un quêteur, je suis juste un fonctionnaire suspendu.

— C’est amusant, de dire que tu n’es plus un quêteur… Tu n’as jamais eu besoin du Corps pour en être un, quoi qu’en dise Alzaga. Si on te mettait à la rue à l’instant même, tu resterais un quêteur. Ceux qui ont monté ce bazar il y a un siècle, on dirait qu’ils pensaient à toi pour te donner un travail.

— J’aimerais penser que c’est pareil pour toi.

Danny eut un sourire sans joie.

— Avant de te dire ce que j’ai trouvé, réponds-moi en toute sincérité : tu as repensé à ce trésor dont parlait le Mardud ?

— Oui, répondis-je sans hésiter – elle voulait la vérité. Je ne cesse d’y penser depuis que j’en connais l’existence.

— C’est bien ce que je craignais… Enfin… Au moins, je peux te suivre pour surveiller tes arrières quand tu feras une bêtise.

— J’aime te l’entendre dire ; mais je n’ai besoin de personne pour surveiller mes arrières, je sais me débrouiller tout seul.

Danny secoua la tête.

— Bien sûr que tu as besoin de quelqu’un : d’une personne qui soit à tes côtés et te dise qu’il n’est pas toujours bon de se lancer tête baissée sur un chemin sombre juste pour voir ce qu’il y a au bout.

— Tu serais cette personne ?

— J’en ai bien peur ; c’est la seule façon de m’assurer que tu es entre de bonnes mains… Bon, je te dis ce que j’ai trouvé ?

— Bien sûr. Vas-y.

— As-tu déjà entendu parler du maréchal Gallieni ?

— Un nom italien.

— Oui, mais c’est un Français : Joseph Gallieni est un général qui s’est rendu célèbre dans la défense de Paris pendant la Première Guerre mondiale. En pleine bataille de la Marne, il a su renforcer l’armée française en transportant les soldats de la ville jusqu’à la ligne de front. Comme il manquait de véhicules de transport, il a réquisitionné les taxis parisiens et les a utilisés pour déplacer ses troupes. Grâce à cela, l’armée allemande a été contenue et Gallieni est devenu un héros national.

— J’en suis ravi pour lui, mais quel rapport avec le Mardud et son trésor ?

Danny haussa les épaules et but une gorgée de bière.

— Aucun, c’était juste une petite note biographique. Je trouve pittoresque d’emmener une armée au front en taxi… Avant de participer à la Grande Guerre, Gallieni a eu une carrière hasardeuse dans les colonies françaises ; il est allé en Indochine, a été gouverneur général à la Réunion et, le plus important, il s’est battu au Mali en 1880.

Danny me raconta l’histoire de Gallieni au Mali à l’époque coloniale, ce qui complétait l’épopée de Yuder Pacha et la conquête de l’Empire songhaï.

Après avoir été soumis par le conquistador andalou au nom du sultan du Maroc, l’empire se morcela en petits États insignifiants gouvernés par les différentes tribus de la région : l’Empire peul du Macina, l’Empire toucouleur, le royaume du Kénédougou, les royaumes bambaras de Ségou et du Kaarta… On passait plus de temps à prononcer leur nom qu’à raconter leur histoire.

Au début du XIXe siècle, un calife éclairé, Oumar Tall, déclara la guerre sainte contre les tribus bambaras et dogons du Mali, qui n’avaient pas encore été islamisées. Comme toute guerre sainte, elle fut violente et sanguinaire. Les Français, redoutant qu’Oumar Tall ne déstabilise leurs colonies d’Afrique du Nord, envoyèrent leurs généraux les plus moustachus pour éteindre ce brasier.

Joseph Gallieni, à l’époque encore capitaine – il avait gagné du galon à la Réunion –, arriva à Bafoulabé en mars 1880. Alternant démonstrations de force et diplomatie habile auprès des leaders tribaux, Gallieni parvint à mettre un terme à la guerre sainte d’Oumar Tall et à pacifier le Mali. Une fois sa mission couronnée de succès, le territoire fut intégré à l’empire colonial français sous le nom de Haut-Sénégal (composé du Moyen-Niger, d’une partie de l’actuelle Mauritanie, et du Burkina Faso). Quelques décennies plus tard, il deviendrait le Soudan français.

Gallieni fut gouverneur de la colonie entre 1886 et 1891, années fructueuses durant lesquelles il soumit les indigènes et leur inculqua les bienfaits du droit napoléonien, du vin de Bourgogne et du système métrique décimal.

Pendant son mandat, Gallieni ne se contenta pas d’initier les autochtones à la civilisation française, il en profita aussi pour sillonner l’ancien territoire songhaï et collecter des œuvres de l’art indigène et quelques bagatelles archéologiques, qu’il rapporta quand il rentra en France, avec le grade de général, vers 1905.

— Il y a un détail intéressant que j’ai pu vérifier, me dit Danny. Quand Gallieni est passé à Tombouctou, il a essayé de localiser la tombe de Yuder Pacha. Il a même loué les services d’un guide local de l’ethnie arma.

— Il l’a retrouvée ?

— Je ne le sais pas, mais écoute-moi bien, il y a autre chose : en 1916, Gallieni est mort sans descendance et a légué sa collection d’antiquités à différents musées de France. Une assez belle collection, avec des pièces acquises en Afrique, en Indochine et à Madagascar ; la plupart se trouvent actuellement à Toulouse, mais une partie importante fut léguée par Gallieni à son village natal, Saint-Béat, dans les Pyrénées.

— Qu’en a-t-on fait ?

— Elles sont exposées au public, au musée de Saint-Béat, à côté de l’église romane Saint-Privat.

Danny avait trouvé la liste des pièces que Gallieni avait léguées à Saint-Béat. Elle m’en montra une copie, pas très longue : une petite dizaine d’objets.

— Regarde les deux premières pièces, trouvées par Gallieni à Tombouctou, comme c’est consigné ici – elle me désigna l’en-tête de la liste. Un devant d’autel et… un timon en or. Tu te rends compte ? Un timon en or.

— Des objets très précieux, en effet, mais je ne comprends pas pourquoi c’est si important.

— Rappelle-toi ce que Yuder Pacha a écrit dans le Mardud… J’en ai fait la transcription aujourd’hui pour le foutu rapport d’Alzaga, et c’est encore frais dans ma mémoire. Yuder Pacha parle de trois reliques liées au trésor qu’il recherchait : une tête, une brique… et un timon en or ; il disait aussi qu’il voulait qu’on l’enterre avec ces reliques.

Je me pinçai la lèvre inférieure, pensif.

— Je comprends : Yuder Pacha parle d’un timon en or et nous savons que des siècles plus tard le maréchal Gallieni était sur la piste de la tombe de Yuder Pacha à Tombouctou… Nous ignorons s’il l’a trouvée, mais savons qu’à sa mort il a légué un timon en or à la ville de Saint-Béat. Ou bien il s’agit d’un hasard extraordinaire, ou bien le maréchal a découvert ce qu’il cherchait.

— C’est exactement ce que je pense. Combien de timons en or ont été fabriqués au Mali pour que Gallieni puisse les trouver ?

J’aurais aimé voir une photographie de la pièce, mais Danny n’en avait pas. La seule façon de voir le timon était d’aller à Saint-Béat.

Je demandai à Danny où se trouvait cet endroit.

— C’est un petit village de montagne au bord de la Garonne. La frontière espagnole est à quelques kilomètres de là.

C’était tout ce que je désirais savoir. On discuta encore un peu des découvertes du maréchal Gallieni, puis on régla nos consommations.

Quand on sortit, il faisait plutôt froid et le ciel était bouché, la pluie était imminente. Je boutonnai mon manteau jusqu’au cou en me demandant quel serait le climat dans les Pyrénées. Danny me parlait, mais je l’écoutais à peine.

— Excuse-moi, tu disais ?

— Je te demandais si tu avais des projets, maintenant qu’on nous a accordé des vacances forcées.

— Oh, ça… Rien de particulier : rester à la maison, je suppose. Étant donné qu’Interpol a mon signalement, je préfère ne pas tenter le sort.

— Autrement dit, si j’ai envie de passer chez toi dans les jours qui viennent, tu seras là, hein ? – je balbutiai une réponse inconsistante ; elle secoua la tête. Bon Dieu, Tirso, si tu veux me mentir, essaie au moins de t’appliquer.

— Je ne te mens pas, je te dis simplement que je n’ai pas de projet à court terme. Oui, je pense bien rester par ici, mais… Qui me dit que je n’en aurai pas marre de la ville ? Je déciderai peut-être de faire une petite virée. Je ne peux pas passer mes journées roulé en boule sur mon canapé.

— Une petite virée ? Quelque part du côté des Pyrénées ?

— Je ne sais pas ce que tu veux que je réponde à ça.

— Juste la vérité : tu envisages d’aller à Saint-Béat ?

— C’est probable… – répondis-je à contrecœur ; je m’attendais à des reproches, mais elle se contenta de me regarder. Allez, dis-le, dis que je suis un inconscient.

— Ce que je pourrais te dire n’a pas d’importance, mais je pense que c’est un peu téméraire que tu partes tout seul – Danny enfonça les mains dans les poches, retint son souffle et dit : Je pourrais peut-être t’accompagner… Après tout, c’est moi qui ai retrouvé l’endroit où est le timon de Gallieni.

— Ah ça… C’est une sacrée surprise, j’aurais juré que tu cherchais à me convaincre de rester à la maison.

— Je suis une très mauvaise conseillère – elle sortit un paquet de cigarettes de son blouson et en alluma une. Je passerai te prendre demain matin à sept heures, on prendra ma voiture… Et mets des vêtements chauds dans ta valise ; là-haut, il fait un froid de canard.