Plume et les culs-de-jatte
. . . Il y avait un homme en face de Plume, et dès qu’il cessait de le regarder, le visage de cet homme se défaisait, se décomposait en grimaçant, et sa mâchoire tombait sans force.
Ah! Ah! pensait Plume. Ah! Ah! Comme elle est encore tendre ici la création! Mais quelle responsabilité pour chacun de nous! Il faudra que j’aille dans un pays où les visages soient plus définitivement fixés, où l’on puisse fixer et détacher ses regards sans catastrophe.
Je me demande même comment les gens d’ici peuvent vivre; sûrement j’y contracterais bientôt une maladie de cœur. Et il se jeta dans une chaise à porteurs. Il arriva à une réunion de culs-de-jatte qui se tenait dans un arbre. Continuellement, il fallait aider de nouveaux culs-de-jatte à monter dans l’arbre, qui en était déjà tout noir. Ça leur fait tellement plaisir! Ils contemplent le ciel à travers les branches, ils ne sentent plus le poids de la terre. C’est la grande réconciliation.
Mais Plume, des culs-de-jatte plein les bras, se plaignait intérieurement. Non, il n’est pas travailleur. Il ne sent pas le besoin ardent du travail.
«Pour la tombe de votre père, achetez un petit chien.» Ils insistent, lugubres, comme des infirmes.
Fatigue! Fatigue! On ne nous lâchera donc jamais?