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Pas de régimes, mais des autolimites

Ni contraintes ni laisser-aller

« Maître, montrez-moi la voie de la délivrance !

— Qui t’a enchaîné ? interroge le maître, montre-le-moi !

— Personne, répond le disciple.

— Alors pourquoi demandes-tu la délivrance ? »

Henri Brunel, Contes zen

La liberté n’est pas sans autolimites, et c’est paradoxalement dans ces autolimites qu’elle trouve un surcroît de liberté. Se fixer des autolimites (horaires, proportions) est la solution idéale pour les paresseux, les « sans-volonté », les instables. Au Japon, on hospitalise certaines personnes pour les éduquer à leur nouveau régime alimentaire. Le patient (un diabétique, par exemple) suit, chaque jour de son hospitalisation, des cours de cuisine durant lesquels il s’habitue à son nouveau régime, apprenant à mesurer ses portions, établir ses menus et surtout « mémoriser » avec son corps ce qui est nécessaire à sa santé. Ses médecins s’assurent qu’il a intégré concrètement son nouveau style de vie avant de le laisser quitter l’hôpital.

En Occident, les méthodes d’autodiscipline sont relativement peu développées. On pense qu’une personne, ayant saisi l’ampleur de ce qu’il lui était possible de faire sur un plan personnel, saura se discipliner d’elle-même pour atteindre ses objectifs minceur. Mais si l’homme est capable d’accepter un régime spartiate lorsqu’il veut entrer dans son club de foot favori, ce n’est pas comme une discipline académique apprise à l’école ou qu’il applique à tous les domaines de sa vie. Chez un Japonais, au contraire, l’autodiscipline est enseignée dès l’enfance comme une valeur intrinsèque à acquérir ; elle connaît une place à part entière dans sa vie, dont le but est de devenir compétent envers lui-même afin de le devenir dans tout ce qu’il entreprend.

Le self-control a un côté rétrograde en Occident, alors qu’il est considéré en Asie (dans les arts martiaux, par exemple), comme le plus important des trésors. Or l’épicurisme, on l’oublie trop souvent, se fonde sur les mêmes principes : manger peu permet d’accéder à d’autres plaisirs. Manger frugalement n’est pas l’équivalent de faire un régime. Toute personne perdant du poids se sent doublement heureuse : non seulement elle connaît une nouvelle légèreté, mais elle a le contrôle d’elle-même. Plus rien ne s’oppose entre ses désirs et ses actes. Son corps et son esprit sont enfin en osmose. Elle ne se sent plus dépendante de l’extérieur et a l’intime conviction qu’elle peut faire face à n’importe quelle situation puisqu’elle a le contrôle d’elle-même intérieurement. En d’autres termes, elle se sent LIBRE, INDÉPENDANTE, AUTONOME. Se modérer doit être ressenti comme une décision faisant partie intégrante de soi et non comme une contrainte venant de l’extérieur.

Tout d’abord, pesez-vous

Se peser est le premier pas à franchir. Votre meilleure alliée est la balance. Certains nutritionnistes conseillent de l’oublier et de se fier plutôt à un mètre à mesurer ou à son jean le plus seyant. Mais pour garder l’œil sur soi et ne pas tomber dans le laisser-aller le plus complet, le plus sûr est encore de se peser quotidiennement. On ne peut prendre un kilo de graisse en un jour, même si la balance indique ce kilo supplémentaire. Peut-être est-il dû à une rétention d’eau provoquée par un repas trop salé, peut-être à une mauvaise élimination intestinale… Mais si après plusieurs jours vous constatez que votre poids a augmenté sur la balance, vous vous remettrez à moins manger. À l’inverse, toute perte de poids, aussi minime soit-elle, est notre meilleur stimulant et la source d’un vrai plaisir. Un des pires ennemis du bien-être et de la joie de vivre est le sentiment d’échec après avoir fait des écarts. Le seul remède : avoir le courage de se peser, en dépit des débordements d’une journée, d’une semaine ou d’un mois, et de noter son poids jour après jour. Installez votre pèse-personne dans un endroit facile d’accès et trouvez un calendrier présentant l’année sur deux pages avec de l’espace pour noter. Ce feedback « noir sur blanc » vous motivera et vous offrira un suivi de vos progrès ou de vos écarts. Il suffit, bien souvent, de quelques jours d’efforts pour se remettre sur les rails. Ces quelques jours sont très importants, surtout pour le moral. C’est une « lutte » minute par minute, heure par heure, mais lorsque la balance annonce des centaines de grammes en moins, le courage se renforce.

Attention à la rigidité en matière de restrictions alimentaires

« L’interdit entraîne la frustration. Aucun aliment ne doit être diabolisé. Chacun doit se savourer avec plaisir et sans culpabilité. »

Ariane Grumbach

Trop de contrôle aboutit à des excès. Or c’est à un rééquilibrage progressif qu’il faut procéder. Seule la souplesse, tel le bambou dans le vent, ne se brise jamais. La notion du « tout ou rien » est un comportement rigide, d’une fragilité dangereuse. Ayez la souplesse de la féminité, non celle d’un militaire. Cela ne vous empêchera pas d’avoir vos propres règles, vos « règles d’or ». Si vous adorez le chocolat, ne vous privez pas d’un petit carré tous les jours. Mais pas plus. Suivre des règles, c’est bien, définir les siennes, c’est mieux. Quand on veut avancer dans la vie, il faut être fidèle à ses choix et s’y tenir. Et, pour cela, le secret est de faire des choix qui apportent du… plaisir ! Pourquoi ne pas vous fixer des principes « temporaires », pour une semaine par exemple, et décider ensuite de les poursuivre ou non ? Vous pouvez alterner une semaine de petits déjeuners protéinés – des œufs, un yaourt, une tranche de jambon ou de viande maigre accompagnés d’un thé ou un café sans sucre – avec votre petit déjeuner habituel et étudier vos sensations. Il est excellent, de toute façon, de rompre parfois avec la routine. Vous pouvez aussi vous offrir un « brunch » le week-end – œufs, pain grillé, confiture… – et vous contenter d’un petit déjeuner plus frugal – café et yaourt – en semaine. Rien ne coûte de faire vos propres essais jusqu’à ce que vous trouviez la formule qui vous réussit. Plus la période durant laquelle vous vous nourrirez bien sera longue, plus la sensation de bien-être qui s’ensuit deviendra un état naturel et s’ancrera en vous. Petit à petit, votre corps apprendra à retenir ces bienfaits et même, après de petits écarts, il reviendra naturellement à la nourriture qui lui apporte le plus de bien-être. En changeant seulement quelques habitudes, vous pourrez perdre plusieurs kilos sans même y penser. Ainsi remplacez vos œufs frits par des œufs à la coque, le porc par le veau, le lait par du lait écrémé, une demi-baguette par deux tranches de pain complet, un verre de bon vin au lieu de deux d’un cru banal, des sauces au citron et un filet d’huile au lieu de la vinaigrette traditionnelle qui en contient beaucoup, du poisson cuit à la vapeur plutôt que dans l’huile…

Dérapages et souplesse

« C’est en prenant conscience de sa richesse intérieure, en la développant, qu’on réduit le besoin de se remplir de nourriture, et non pas en rigidifiant sa volonté. Maigrir est une affaire de métamorphose qui ne peut aboutir que lorsqu’on procède d’une décision personnelle et non de celle d’un médecin ou de son entourage. »

Dr Apfeldorfer, La Clé des kilos en moins

À chaque instant, nous pouvons transformer notre mode de vie et commencer une nouvelle existence. La conviction que la force de changer est en nous est la base de cette transformation. Il suffit, la plupart du temps, d’un petit déclic pour se remettre instinctivement sur les rails et ressentir l’envie de retrouver la forme. On ne peut expliquer d’où vient ce déclic, mais il agit comme un tour de magie. Parfois aussi, c’est le désespoir (souvent dû à trop de poids ou de mal-être), la sensation d’avoir atteint le fond, qui fait qu’on se décide enfin à agir pour « remonter la pente », à l’image du nageur qui, touchant le fond de la piscine, donne un coup de pied vigoureux pour remonter à la surface.

Dès que vous réalisez que vous avez des kilos à perdre, votre santé à reprendre en main, vous êtes sur la bonne voie. L’essentiel est de ne plus vouloir remettre au lendemain votre décision et de commencer dès l’instant ce qui vous redonnera foi en vous. Et si vous trouvez un moyen de perdre du poids sans souffrir, vous aurez d’autant plus l’assurance de pouvoir atteindre vos buts.

Deux jours de dérapage, deux jours de rattrapage

« C’est la voie de la discipline qui mène à la liberté. »

Inayak Khan,

Notes from « The Unstuck Music »

Manger plus légèrement après des excès est une façon naturelle de se nourrir : toute personne ayant une bonne régulation pondérale et qui mange davantage pendant un ou deux jours (s’alourdissant un peu) va naturellement moins manger le ou les jours suivants. Et s’alléger à nouveau. S’autoriser des excès est naturel, mais pour ces transgressions-là, il faut aussi avoir ses principes. Comme : « Deux jours de dérapage, deux jours de rattrapage ».

Si vous avez vraiment envie de faire des écarts de temps en temps, faites-les intelligemment. Si vous êtes lasse de votre potage sans graisses, pourquoi ne pas y ajouter un peu de beurre ou de parmesan au lieu de vous ruer sur le pot de confiture ? Si vous êtes tentée par un croissant (ou deux…), souvenez-vous qu’un seul croissant contient plus de matière grasse qu’un quart de baguette beurrée. Quitte à craquer, autant le faire pour un petit plaisir pas trop méchant. Ce sont ces compromis qui font, à long terme toute la différence. Changez lentement mais sûrement vos mauvaises habitudes ; aimez-vous. De vous seule dépend la liberté de choisir votre nourriture.

Avoir ses propres « règles d’or »

« Manger bien et juste. »

Précepte de Molière

Comment protégez-vous votre seul et véritable trésor, votre corps ? Ce corps, c’est votre unique demeure. Savez-vous ce que vous voulez vraiment ? Êtes-vous suffisamment claire avec votre rapport au plaisir pour vous dire fermement : « Non, ça, je n’en veux pas, j’ai le choix de ne pas tout manger et de ne me régaler que de ce qu’il y a de meilleur pour moi » ? Il est certes impératif de prendre du plaisir à manger ce que l’on aime, ce qui est bon pour soi, mais il faut pour cela avoir ses propres principes. Et les respecter quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, que l’on soit seul ou à deux, en famille ou entre amis, en semaine ou le week-end, chez soi ou en voyage. On dit que Jackie Kennedy, la femme la plus élégante du monde, avait un principe auquel elle ne dérogea jamais : un thé, un jus d’orange et une biscotte sans beurre pour son petit déjeuner. Et pourtant, les occasions de mille petits déjeuners sublimes et copieux n’ont probablement pas manqué de se présenter…

Avoir ses propres principes ne signifie pas vivre ou se nourrir avec rigidité. Toutes les façons de manger sont permises, et même bénéfiques. On peut très bien manger « italien » (spaghettis et chianti) un jour, « chinois » (bol de soupe-bouchées vapeur) l’autre, « campagnard » (pâté, cornichons, pain complet et un verre de vin), « raffiné » (un peu de foie gras et du champagne) aux repas suivants, etc. L’important est de se fixer des « règles d’or » et d’utiliser son imagination et sa créativité pour que, quoi que l’on mange ou que l’on boive, cela reste dans les limites que l’on s’est fixées. On peut toujours décider une fois pour toutes qu’une seule tranche de pain, une demi-banane, une cuillère de confiture, une demi-tranche de foie gras nous suffisent.

Quelques suggestions de « règles d’or »

Fixez-vous des règles, mais veillez à ce qu’elles restent en nombre restreint, sinon, vous risquez de ne pas les respecter. Leur choix doit être effectué avec d’autant plus de soin !

Voici quelques exemples :

Chez soi

— ne pas manger ou boire en préparant la cuisine ;

— ne JAMAIS manger directement ce qui sort du réfrigérateur ou du placard : toujours placer la nourriture sur une assiette, dans un bol…

— même s’il ne s’agit que d’un snack, manger assis, afin d’en profiter au maximum ;

— commencer tous ses repas par une soupe ou une salade ;

— à la fin du repas, avant de débarrasser la table, emballer immédiatement les restes dans un film cellophane pour ne pas être tenté d’en reprendre un peu ;

— toujours avoir un en-cas dans son sac – fruits secs, barre protéinée pour ne pas céder aux snacks de la rue.

Au restaurant

— commander ses sauces à part ;

— faire emballer les restes pour les emporter à la maison (pratique très courante ailleurs qu’en France !) ;

— ne pas manger de pain ;

— partager une entrée, un dessert…

Chaque jour de sa vie

— un verre d’eau au lever et un au coucher ;

— trois repas légers par jour ;

— excepté les légumes, ne jamais se resservir ;

— ne consommer qu’un seul carré de chocolat (le meilleur) à la fois ;

— à deux jours de « dérapage », deux de « rattrapage » ;

— manger avec les autres pour le plaisir, seul pour la santé ;

— des soupes en hiver, des salades de crudités en été ;

— ne pas prendre plus de cinq repas à l’extérieur par semaine ;

— ne manger que dans des restaurants de qualité, ou emporter son sandwich ;

Le seul vrai régime qui soit

« J’attribue ma force d’endurance à des habitudes gardées depuis longtemps de respecter, chacun des jours de ma vie, les lois simples de la santé et les lois de la façon de manger. Cela n’est plus une affaire d’autorefus. C’est comme un instinct. J’ai fait de la façon de se nourrir avec régularité une habitude si longue que cela n’est même plus un sujet de réflexion. Cela se fait naturellement. J’attribue toutes mes facultés d’endurance au travail à de bonnes habitudes alimentaires, à une attention constante aux lois du sommeil, à l’exercice physique et à la gaieté. »

Solon Robinson, Facts for Farmers, 1869

Relativement peu de choses suffisent à satisfaire nos besoins, contrairement au principe de notre société dans laquelle nous sommes sans cesse exhortés à consommer davantage. Le corps a besoin d’un peu de tout ; ce qu’il faut arriver à faire, c’est découvrir soi-même ce qui nous est le plus nécessaire à tel moment donné. Tous ceux et celles qui ont suivi des régimes amincissants « sérieux » peuvent conclure qu’il n’y a, en fin de compte, que très peu de différences entre chacun d’entre eux :

 

— des produits de qualité « bio » (cela devrait aller sans dire) ;

— pas ou très peu de sucre ;

— deux ou trois cuillerées à soupe par jour d’une excellente huile (huile d’olive, de noix, de pépins de raisin…) ;

— des légumes et des fruits quotidiennement ;

— du poisson, des œufs ou de la viande non grasse deux ou trois fois par semaine ;

— peu de sel – le remplacer par de la moutarde, des herbes, des épices… ;

— préférer le poisson à la viande, le fromage de chèvre à celui de vache ;

— ne pas faire cuire trop longtemps les légumes – cela tue les vitamines ;

— manger des produits frais ;

— éviter les toxines (alcool, tabac…) ;

— éviter les graisses saturées, qui, une fois dans votre corps, ressemblent exactement à du lard fondu ;

— manger des aliments de saison ;

— boire suffisamment d’eau ;

— marcher, bouger – ce sont les muscles qui brûlent les calories ;

— dîner légèrement – on ne peut digérer et dormir à la fois ;

— prendre un petit déjeuner copieux pour moins manger à midi ;

— compenser les excès par un ou deux jours de diète ;

— bannir les interdits – un corps tyrannisé se venge ;

— éviter les grignotages – cinq heures entre chaque repas) ;

— manger lentement et bien mastiquer ;

— toujours penser à sa santé en choisissant sa nourriture ;

— cuisiner ses propres repas ;

— dormir à heures régulières et si possible avant minuit ;

— prendre le temps de ne rien faire ;

— éviter le stress, la routine qui font manger non par faim mais par besoin de réconfort ;

— rire. Beaucoup rire.

 

Voilà donc le régime universel. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde doive le suivre… Ce n’est qu’un modèle qui, en général, convient à la majorité. Il faut avant tout se connaître, ne pas se faire violence et savoir se détacher des conventions. Si vous ne pouvez rien avaler le matin, n’avalez rien. Si vous n’aimez pas le poisson, ne jamais en manger ne va pas vous tuer – des milliers de bouddhistes sont végétariens : vous pouvez compenser par du tofu, des haricots secs riches en protéines, eux aussi. L’important est que vous vous sentiez bien dans votre corps et votre tête.