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Composer ses menus

Bien agencer ses repas

« Bien composer un menu est un fait plus sérieux qu’on ne le croit généralement. Il convient de ne le faire qu’après mûre réflexion. Il doit être énoncé clairement, d’une compréhension facile, combiné dans un sens réellement pratique, ne présenter aucun assemblage de mets disparates. Il doit en un mot donner par sa composition une idée exacte de la valeur du dîner. »

Citation trouvée dans un très vieux livre : Économiser sans se priver

Les nutritionnistes insistent sur l’élaboration de repas équilibrés avec des règles diététiques quotidiennes. Mais si l’on mange varié et en quantités moindres, on n’a pas besoin de remplir des cases « oui », « non » pour savoir si l’on a respecté son équilibre alimentaire. Un bon repas consiste à se nourrir de saveurs que l’on déguste avec plaisir et lenteur. La dimension réelle de la vie se découvre en cultivant la pratique de ce qui est essentiel et en abandonnant ce qui ne l’est pas. Se sustenter avec intégrité, une élégante économie et de la grâce contribue à faire de sa vie une succession de moments simples et pleinement vécus.

Savoir agencer ses repas est la base de toute alimentation saine et de l’équilibre d’une vie, mais il n’est pas nécessaire d’être un génie de la cuisine pour préparer au quotidien des repas équilibrés. Il suffit de suivre quelques règles de bon sens et d’être bien équipé. Si le grignotage, les plats préparés, les surgelés ou l’alimentation « vagabonde » sont passés dans les mœurs, l’impact de repas sains, cuisinés et équilibrés sur notre santé, notre moral et notre psychisme est d’autant plus revigorant et gratifiant.

Imaginer des menus chaque jour : surcharge pour le mental ?

« Une opération qui a lieu deux ou trois fois par jour, et dont le but est d’alimenter la vie, mérite assurément tous nos soins. »

Marguerite Yourcenar, Les Mémoires d’Hadrien

Un des plus grands casse-tête de toute maîtresse de maison a toujours été de savoir ce qu’elle allait préparer à manger. Tous ceux et celles qui n’ont pas, une fois pour toutes, établi leur propre style de nutrition auront à se soucier de ce problème jusqu’à leur dernier jour. Se préoccuper de savoir quoi manger deux fois par jour en moyenne pendant cinquante ans équivaut à se poser 36 500 fois la question. Autant se fixer un programme (que l’on peut toujours changer quand on le désire), un plan d’agencement de ses repas, des règles simples et diététiques.

Toujours privilégier la règle des trois : « une céréale, une protéine, un légume »

« L’homme est le premier artisan de son bonheur comme il l’est de son tourment. »

Cardinal Elchinger

Un bol de riz, un petit poisson, un navet… la règle des trois, pour composer ses repas comme pour faire ses courses, est très simple et déclinable à l’infini. Elle consiste, pour s’assurer un équilibre sans grands calculs de diététique, à composer systématiquement ses repas de ces trois types d’aliments – une céréale, une protéine, un légume – accompagnés par divers condiments et aromates (huiles, noix, fruits secs, herbes aromatiques, olives). Tant de maladies dues à une alimentation irréfléchie pourraient être évitées simplement en se fixant de telles petites règles ! Cela dit, ne faites pas une fixation sur l’obligation de manger absolument « équilibré » chaque jour. Il s’agit là d’une autre contrainte. Notre organisme régule l’utilisation des aliments absorbés sur plusieurs jours, au besoin il les stocke – en particulier dans le foie, pour ce qui concerne les vitamines et les minéraux. Nous ne pouvons ingurgiter en un jour tout ce dont notre organisme a besoin !

 

Choix de céréales

Riz, quinoa, boulghour, pâtes, pain, légumes secs (lentilles, pois chiches, pois cassés…)

 

Choix de protéines

Fromage, œufs, viande, poisson, tofu, légumes secs comme les lentilles, les flageolets, les pois secs (considérés à la fois comme céréales et protéines)…

 

Choix de légumes

Légumes à feuilles, racines, tubercules…

 

Choix d’un fruit

Seuls les fruits devraient être pris en dehors des repas pour assurer une bonne assimilation de leurs enzymes – les fruits rouges tels que les fraises, les baies ainsi que les fruits cuits peuvent être, eux, consommés avec d’autres types d’aliments.

N’oublions pas que la bière est un féculent…

À Pékin, lorsqu’on passe sa commande dans un restaurant, on doit d’abord choisir entre de la bière – considérée là-bas comme ayant la même valeur que toute autre céréale, puisqu’elle est faite avec du houblon –, du riz ou de petits raviolis fourrés – appelés gyoza, fabriqués à base de blé. Pas de riz, donc, si l’on choisit du blé. Pas de bière non plus si l’on choisit du riz. On peut ensuite sélectionner sur le menu toutes sortes de petits plats d’accompagnement, qui sont plutôt des amuse-bouche.

Variété, originalité et herbes aromatiques

Moins on mange, plus on peut se permettre de préparer des repas variés. Il n’est pas besoin d’être Einstein pour accompagner un plat méditerranéen de pain aux olives, un fromage fondant de pain aux noix, ou un plateau de fruits de mer de pain de seigle. Plus que chaque mets, c’est l’association bien pensée des différents ingrédients qui donne du charme ou du caractère à un repas. Vous pouvez parfaitement préparer un dîner simplissime mais sublime en vous offrant une petite tranche de foie gras, une salade frisée, du pain grillé et un verre de bordeaux ; ou bien une minipizza faite maison – la pizza la plus authentique n’est faite que de pâte, quelques tomates et une lichette de fromage – accompagnée d’une coupe de champagne. Pourquoi pas ? Le tout est de toujours allier plaisir, simplicité et originalité afin de rompre avec la routine conventionnelle et ennuyeuse de l’éternel « une entrée, un plat principal, une salade, du fromage et un dessert ». Si vous avez mis du roquefort sur vos endives vous n’avez pas besoin d’en reprendre en fin de repas. Vous pouvez fort bien prendre votre dessert comme un en-cas en fin de soirée ou au petit déjeuner.

Un autre petit secret est de toujours avoir chez soi au moins quatre ou cinq sortes de plantes aromatiques. Une omelette à la ciboulette, un potage au fenouil, une sauce persillée, une salade au basilic… Si vous le pouvez, pourquoi ne pas les cultiver dans un bac sur votre balcon ou le rebord d’une fenêtre ?

S’unir aux saisons et à la nature

« Premier jour de l’an

Dans l’antique bouilloire

L’eau au goût de fleur.

Haïku de Chantal Peresan-Roudil

L’Almanach des gourmands, de Grimod de La Reynière, publié de 1803 à 1812, comportait un « calendrier nutritif » détaillé, mois par mois, des ressources culinaires disponibles selon les saisons. Il contenait également un « itinéraire nutritif », la promenade d’un gourmand à travers les divers quartiers de Paris. Vous aussi, planifiez non seulement vos repas, mais tout ce qui s’y rapporte au fil des saisons. Pique-niques et généreuses salades composées l’été, cueillette des girolles en automne, châtaignes grillées au coin du feu et fruits de mer l’hiver, petits pissenlits frais et tendres au printemps… Il est tellement dommage de ne pas mettre en valeur le charme de chaque saison, de ne pas chercher à en extraire le meilleur, ne serait-ce qu’une fois par saison, pour « marquer » son passage… La lassitude gastronomique conduit à une alimentation malsaine, à la morosité de la vie et à la maladie. Cela peut même nous bloquer dans certains états émotionnels et priver notre organisme de nutriments indispensables. Pourquoi ne pas remettre aussi à l’ordre du jour certaines traditions religieuses ? La plupart avaient pour principal but de réguler nos envies, de ne pas gaspiller et de prévenir la maladie, comme de finir le lundi les restes du repas dominical plus copieux, de manger maigre le vendredi et durant la période de carême, de faire le ramadan, ou encore des jeûnes réguliers, comme le font les Indiens – tous jeûnent à des périodes précises de l’année variant selon les appartenances religieuses – le nombre de ces jours de jeûne peut atteindre plus de 120 !

Toutes ces vieilles traditions sont si simples et si… rationnelles ! De plus, se fixer certains plats à des jours précis évite d’avoir à se casser la tête pour savoir quoi manger et, entre les saisons, les jours de fête et de cérémonie, il y en a suffisamment sur un an pour respecter une alimentation variée. Suivre la nature, suivre des rites… on peut faire de ses repas des poèmes. De petits poèmes éclairs qui nourrissent de tout ce qu’ils ne disent pas.