Je t’entends encore m’apostropher, m’attraper dans le détour :

— Robert, dors-tu ? Si tu dors, va te coucher !

— Va chez Gérard m’acheter d’huile !

— Mon linge est chesse, viens m’aider à le décrocher !

— Va te coucher, y a pus d’argent à faire !

— Veux-tu ben rentrer, y mouille à scieaux !

— Écoute l’oiseau qui chante : « Cache ton cul, Frédéric, Frédéric, Frédéric » !

— Tu vas pas aller te baigner, mouiller ton costume de bain qui prend deux jours à chesser, y est trois heures de l’après-midi, la journée est finie !

— Ferme la porte, je chauffe pas pour dehors !

— Va aider M. Dumoulin, y est trois pieds d’eau par-dessus la tête dans sa cave !

— Si ton oncle Roger te répète encore que je mène pus grand train, dis-y que c’est parce que j’me suis acheté des bottines de feutre !

— T’as été nommé thuréféraire à l’église, tu dis ? Que c’est que ça mange en hiver, ça, un thuréféraire ?

— Si le curé te demande comment ça se fait qu’on te voit pas plus souvent à l’église, réponds-y : « Vous pouvez pas me voir, j’y vas pus ! » Pis sauve-toi en courant, si tu veux pas recevoir sa main dans face !

— Irais-tu à l’épicerie, j’ai le cœur en dessous du bras !

— Hormis un miracle, t’aimeras pas ce que je t’ai cuisiné à midi !

— Comprends-tu ça, toi ? J’ai du chagrin que le chien soit mort, pis je l’haïssais pour m’en confesser !

— Où j’ai mis ton windbreaker ? Fouille-moi ! Si tu t’accrochais aussi !

— Reste pas dans porte, déshabille-toi !

— Ta chambre est une vraie soue à cochons, pis je te dis qu’a sent pas le pin de nos bois !

— Quand tu penses que tu l’as, tu l’as pas ! Le bon Dieu donne pas, y fait juste prêter !

— Sainte Catherine de l’Enfant-Jésus qu’y fait chaud ! Si y peuvent reprendre les écoles !

Ton langage, ta langue, ton jargon, tes locutions lapidaires, ton sabir vernaculaire, ton lexique allégorique, les mots qui venaient avec leur musique, leur sens clair comme de l’eau de roche, les sous-entendus affleurant comme la crème sur le lait, ta grammaire déraillée, mais si aisément déchiffrable ! Ton parler me manque. À coup sûr, tu m’as légué la parole qui surestime le réel, le dramatise, à l’aide de beaux mensonges signifiants. Tu m’as légué l’exagération qui fait voir.