Épilogue

« Sympa d’être de retour », soupira Danny en ajustant sa cravate.

Il regardait le Jésus noir écaillé dans le chœur de l’église. La statue était jadis clouée au lutrin par les mains ainsi que par les pieds, mais sa moitié inférieure avait fini par s’effriter jusqu’à disparaître, la rapprochant ainsi davantage de son Père spirituel.

« Tu trouves que c’est “sympa” d’être de retour, toi ? releva Dimple, en berçant dans ses bras un bébé endormi.

— Ouais, façon de parler, fit-il en haussant les épaules. T’essaies de la réveiller ou quoi ?

— Non.

— Arrête de la secouer comme ça alors, renchérit Nikisha qui faisait de la place à Nicky et Amara, désormais âgés respectivement de quatorze et sept ans.

— Faut jamais dire à une jeune maman ce qu’elle doit faire, commenta Prynce, assis sur le banc de derrière et passant la tête entre ses sœurs.

— Qu’est-ce que t’en sais ? Viens te mettre à côté de nous ! dit Nikisha en se poussant un peu. Amara, toi et Nicky allez de l’autre côté avec Marley et tata Tracy.

— D’accord, mais passe-moi ton téléphone !

— Qu’est-ce qu’on dit ? demanda Nikisha à sa fille en lui faisant les gros yeux.

— S’il te plaît », ajouta Amara.

Elle faillit soupirer mais se ravisa.

Nikisha lui tendit le téléphone.

« Tiens. »

Amara le saisit avant que sa mère ne change d’avis, puis traversa l’allée avec Nicky, tandis que Prynce s’installait à leur place.

« Ta copine n’est pas là ? lui demanda Dimple.

— Laquelle ? répondit-il sans aucune ironie. Bon, Bébé a l’air en pleine forme !

— Arrête de l’appeler Bébé ! Elle s’appelle Ève.

— Désolé… Ève a l’air en pleine forme, rectifia-t-il. Mais comme tu lui as donné le nom d’une vieille dame, je crois que mon jeune cerveau fait un blocage. »

Dimple leva les yeux et enfouit son visage près de la minuscule oreille d’Ève, en lui murmurant qu’elle ne devait pas prêter attention à son méchant tonton.

« Quelqu’un a vu Lizzie ? demanda Danny, en se penchant en avant pour regarder dans l’allée.

— Elle n’a pas beaucoup donné de nouvelles ces derniers temps, mais Patrice m’a assuré qu’elles venaient, donc j’imagine qu’elles ne vont pas tarder… »

La voix de Dimple se perdit dans l’église comme elle regardait autour d’elle. Ils n’étaient pas revenus ici depuis cinq ans et, à part le fait que tout était encore un peu plus défraîchi, rien n’avait changé. Les gens non plus. Le temps avait passé sans qu’ils prennent une ride.

« Oh regardez, les voilà ! »

Danny fit signe à Lizzie et Patrice alors qu’elles entraient dans l’église, vêtues de la même robe noire.

« Pourquoi vous êtes habillées comme des jumelles ? interrogea Prynce lorsqu’elles se furent frayé un chemin parmi les gens qui n’étaient pas encore installés.

— Salut Prynce, contente de te voir ! s’écria Patrice en le serrant dans ses bras. En gros, on a acheté la même robe sans le savoir. Et une fois prêtes, on n’avait plus le temps de se changer.

— J’aurais pu mais… commença Lizzie.

— … on aurait été en retard ! coupa Patrice. Or, un jour comme aujourd’hui, c’était inenvisageable. »

Dimple fixa Lizzie jusqu’à ce qu’elle lève les yeux et croise son regard.

« Ça va ? » articula silencieusement Dimple.

Lizzie opina de la tête avant de regarder Ève en souriant.

« Elle a drôlement grandi », chuchota-t-elle en retour.

« Lizzie, t’as qu’à te serrer ici entre tes frères et sœurs pendant que je vais surveiller Nicky et Amara, proposa Patrice.

— D’accord, répondit-elle en lui pressant la main avant de se glisser à côté de Prynce.

— T’as l’air en forme, dit-il, ça fait un bail dis donc !

— Ça fait une semaine, Prynce. » Lizzie leva les yeux au ciel. « J’avais besoin de récupérer après la veillée des Nine Nights, j’ai dormi pendant cinq jours. C’était plus éprouvant que la première fois.

— Ouais, c’est vrai, confirma-t-il en haussant les épaules. Y avait pas mal de choses à gérer. Ta mère vient aujourd’hui ? La femme-mystère !

— La vraie question serait plutôt : et la vôtre ? » demanda Dimple en rejoignant la conversation. Pour s’étirer un peu les bras, elle passa le nourrisson endormi à Danny, qui était très impatient de le porter.

« Bernice ne manquerait ça pour rien au monde ! répliqua Nikisha en sortant un iPad de son sac.

— Tu ne vas quand même pas te servir de ça ? questionna Dimple.

— Et pourquoi pas ?

— Je ne sais pas, ça fait un peu… moderne.

— Et en quoi ça pose problème ? rit Prynce.

— Ce n’est pas le moment de rigoler, soupira Lizzie.

— C’est ma façon à moi de cacher mon chagrin. T’as pas encore compris ?

— Oh ! Alors ça y est, t’es allé voir le psy que je t’avais recommandé ? demanda Dimple en lui souriant.

— Est-ce que Roman vient ? s’enquit Nikisha. J’espère que ce n’est pas toi qui gères tout pendant qu’il se la coule douce ? La plus grosse erreur que j’ai commise avec le père de Nicky et Amara, c’est de ne pas l’avoir laissé s’occuper d’eux dès la naissance.

— Roman nous retrouve à la salle paroissiale. Il est parti chercher les boissons, l’informa Dimple, tandis que la pluie commençait à s’abattre sur les vitraux. Non, c’est pas du tout son genre. En fait, il gère même plus que moi. C’est lui qui se lève la nuit pour donner le biberon. Et il s’en charge aussi dans la journée la plupart du temps !

— C’est bien, approuva Nikisha.

— C’est tout l’inverse de papa, fit Dimple en haussant les épaules. À tous les niveaux. D’ailleurs, j’ai mis pas mal de temps à l’accepter.

— Dimple. » Nikisha posa une main sur l’épaule de sa sœur. « Et si on parlait de tes états d’âme au sujet de Roman et de papa un peu plus tard ? »

Avant que Prynce ne voie sa mère, il l’entendit arriver dans l’église. Bernice sanglotait bruyamment et essuyait ses larmes dans un mouchoir à l’effigie du drapeau jamaïcain qu’elle avait sorti d’une des manches de son body noir moulant.

« Va t’occuper d’elle ! lança Nikisha à Prynce. Ne la laisse pas venir jusqu’ici. »

Prynce se fraya un chemin parmi les nombreuses personnes présentes qui, absorbées par leurs conversations, n’avaient toujours pas trouvé où s’asseoir.

« Ta mère vient pas ? demanda Danny à Dimple.

— Elle est déjà là. »

Elle désigna Janet, assise discrètement dans le fond, en train de lire consciencieusement le programme du service funéraire qu’on lui avait remis à l’entrée.

« Oh, je ne l’ai pas saluée, dit Danny avec appréhension.

— Tu pourras la voir plus tard. Elle est très affectée pour le moment, je pense qu’il vaut mieux la laisser un peu seule.

— Elle a bu ? questionna Danny.

— Non, non. Elle va bien ces temps-ci. Elle vit au jour le jour en suivant la méthode des 24 heures mais elle se porte plutôt pas mal.

— Je comprends. »

Danny sourit et croisa les bras en regardant Janet absorbée par le livret de cérémonie. Il devina que se concentrer sur ce programme l’empêchait de trop penser à la raison qui les réunissait tous aujourd’hui.

« Quelle journée, hein ! souffla-t-il lorsque le tonnerre éclata, un grondement sourd résonnant au-dessus de l’église. Quel temps !

— On devrait peut-être commencer, non ? demanda Lizzie à Nikisha.

— Le cercueil est pas encore là, leur fit remarquer Danny. Ils doivent m’envoyer un texto dès qu’ils arrivent.

— Tout s’est bien passé au boulot cette semaine, Lizzie ? J’ai essayé de t’appeler mais on dirait que t’as égaré ton téléphone ! lança Nikisha.

— Eh bien, je suis médecin maintenant. »

Elle sourit en croisant les bras, ce qui ne fut pas sans ravir Danny. Il était toujours heureux de découvrir que ses frères et sœurs partageaient certaines de ses petites manies. « Je suis occupée avec mes patients, je ne peux pas passer mon temps au téléphone à t’écouter crier sur Amara. D’ailleurs, il va falloir arrêter de m’envoyer des SMS dès que vous avez un pet de travers.

— Mais c’est qui ? » s’exclama Dimple alors qu’une femme époustouflante franchissait les portes de l’église d’une démarche élégante. Ses frères et sœurs se tournèrent pour la regarder, tous aussi intrigués les uns que les autres.

On aurait dit que la pluie qui venait de se mettre à tomber à l’extérieur n’avait pas osé la toucher ; sa robe noire pailletée étincelait, ses longues nattes et son maquillage étaient impeccables.

« Oh, c’est ma mère, indiqua Lizzie négligemment.

— Ta mère ? demanda Danny. Je m’excuse d’avance pour ce que je vais dire mais…

— Eh bien, ne le dis pas alors, le rabroua Lizzie en levant la main pour l’empêcher de poursuivre.

— Avec tout le respect que je lui dois, je comprends pourquoi Cyril lui a couru après, renchérit Prynce en retournant se glisser sur son siège. Parce que même moi à vingt-neuf ans, je…

— Prynce ! l’interrompit Lizzie.

— Mais c’est un compliment ! »

Tout le monde dans l’église avait les yeux braqués sur Kemi. Le port altier, elle chaloupa jusqu’à un siège, quelques rangées derrière eux.

« Le cercueil est arrivé ! s’écria joyeusement Danny, en découvrant un texto sur son téléphone. T’es prêt, Prynce ?

— Nan, répondit-il en secouant la tête. Mais allons-y quand même. »

S’il est déjà compliqué pour six personnes de même taille de porter un cercueil sur l’épaule, l’exercice est encore plus ardu lorsque, comme la fois précédente, elles mesurent entre un mètre cinquante et un mètre quatre-vingts. Miraculeusement, elles ne firent pas tomber le cercueil, mais faillirent le lâcher plus d’une fois. Cela participa à rendre ce début de cérémonie aussi mémorable et épique que tout ce qui devait se passer dans cette église.

Le service sembla se dérouler à la fois très vite et comme si le temps s’étirait à l’infini. La pasteure avait clairement recyclé le discours qu’elle avait fait pour Delores. Soit la requête venait de Cyril, soit elle était feignante. Nikisha ne pleura pas, Danny versa une larme, Dimple sanglota tellement que Danny dut tenir le bébé pendant tout le service, Lizzie dissimulait manifestement sa tristesse, et Prynce, bien que silencieux, laissait couler ses larmes sans retenue.

« Et maintenant, la fille aînée de Cyril, Nikisha, va procéder à l’oraison funèbre. »

La pasteure s’écarta de la tribune tandis que Nikisha, son iPad en main, s’avançait vers le chœur de l’église.

« Bonjour à tous et merci d’être venus. C’est la deuxième fois que je prononce un éloge funèbre dans cette église. Le premier, c’était en l’honneur de ma grand-mère Delores Ricketts et le second, aujourd’hui, c’est pour son fils, mon père, notre père, Cyril Pennington. Je ne pensais pas revenir ici aussi tôt, mais c’est comme ça. »

Elle avala une gorgée d’eau afin d’assurer sa voix.

« Cyril Pennington, fils de Delores Pennington et de Zelbert, de nom inconnu, est né à Red Ground, Coffee Piece, dans la paroisse de Clarendon, en Jamaïque. Delores a déménagé à Londres en 1972, quand Cyril avait deux ans. Il a été élevé par ses grands-parents, Clarence et Rita Pennington, et par sa tante Desrence. Il a vécu heureux dans sa maison natale jusqu’à l’âge de quinze ans, puis sa mère l’a fait venir en Angleterre. C’est seulement à ce moment-là qu’il a découvert que Desrence n’était pas sa grande sœur, mais sa tante. À son arrivée, il a emménagé sur Somerleyton Road, dans le quartier de Brixton, dans la maison que Delores partageait avec son mari, Israel, et leurs enfants, les demi-sœurs de Cyril : Tessilda, Lavinia et Marvette. »

Nikisha lança un regard à Lavinia et Marvette. Lavinia approuvait de la tête en suivant attentivement comme si elle écoutait une émission de radio, et Marvette avait l’air triste. Pas dévastée mais triste. Leur cadette, Tessilda, avait déménagé à New York avec son mari quelques années plus tôt et ne s’était pas donné la peine de revenir pour l’enterrement. Ses enfants étaient venus en tant qu’invités plutôt qu’en tant que membres de la famille.

« J’ai passé beaucoup de temps à retracer la carrière de notre père en glanant des informations ici et là. Voilà ce que j’ai trouvé : il a travaillé comme régisseur son dans plusieurs clubs avant de s’improviser présentateur pour une station de radio locale. En parallèle, il était chauffeur de bus. Au fil des ans, c’est devenu son emploi à plein temps. Du coup, il ne pouvait plus autant se consacrer à la musique mais elle continua d’occuper une place très importante dans sa vie personnelle. Ses collègues Deborah et Tony m’ont raconté qu’avant d’effectuer ses services il arrivait toujours au dépôt avec son poste radio-cassette et qu’il passait son morceau du jour à tous les collègues qu’il croisait. Il souriait, quelle que soit leur réaction. Il leur répétait inlassablement qu’un jour il serait DJ et qu’il deviendrait célèbre dans le monde entier. Papa, tu n’es peut-être pas devenu un artiste mondialement connu, mais mes frères et sœurs et moi, nous nous souvenons des chansons de DJ Fireshot que tu nous passais lorsque tu nous emmenais faire un tour dans ta Jeep. »

L’assemblée rit. La Jeep dorée était aussi connue que la carrière musicale de DJ Fireshot, qui n’avait jamais vraiment décollé.

« À titre personnel, je n’ai pas grand-chose à dire sur Cyril… désolée, enfin… sur notre père. On m’a chargée de prononcer son éloge funèbre parce que je suis l’aînée, mais de tous mes frères et sœurs, je suis peut-être celle qui le connaît le moins. En toute honnêteté, je n’ai pas passé beaucoup de temps avec lui. » Elle s’arrêta un moment et embrassa l’assemblée du regard. « C’était un homme assez secret qui ne partageait pas ses sentiments. Mais ayant discuté avec celles et ceux qui l’ont connu, j’ai appris que Cyril Pennington était avant tout quelqu’un qui aimait le contact avec les gens. Un homme joyeux. Un homme très sociable. Il aimait rire et faire rire les autres. Extraverti, il menait une existence heureuse et sereine. Il ne s’attardait pas sur le mauvais côté des choses. Pour lui, la vie consistait à chercher le bonheur dans les moindres détails. En tant que père, et là, je vais être sincère… »

Le cœur de Dimple s’arrêta de battre, le visage de Prynce s’assombrit, Lizzie lança un regard à Patrice et Danny se demanda s’il n’allait pas devoir intervenir.

« … en tant que père, j’imagine qu’il avait de bonnes intentions. »

La fratrie poussa un profond soupir de soulagement qu’on put entendre à travers toute l’église.

« Je crois qu’à sa façon il se souciait de moi, de mes sœurs, Dimple et Lizzie, de mes frères, Danny et Prynce, de ses petits-enfants, Nicky, Marley, Amara et Ève qu’il a brièvement eu le temps de rencontrer avant de mourir. Il faut se satisfaire de ça. Alors au revoir, papa. Merci pour les moments que nous avons passés ensemble. Tu nous manqueras. Et je tiens à remercier nos mères, Bernice, Tracy, Kemi et Janet, qui ont dû mettre les bouchées doubles pour nous élever. »

 

À leur sortie de l’église, la pluie avait cessé. Leurs mères avaient rejoint la veillée et Janet avait pris Ève des bras de Dimple. Elle l’avait fait sous couvert de la soulager, mais en vérité, bien qu’elle n’ait jamais porté Roman dans son cœur, elle était complètement gaga de sa petite-fille.

« Tu peux prendre les enfants avec toi, s’il te plaît ? demanda Lizzie à Patrice, qui était déjà en pleine conversation avec sa nièce et ses neveux par alliance. On se retrouve sur place.

— J’ai halluciné quand Marvette m’a remis ça, dit Nikisha en montrant les clés de la Jeep dorée.

— C’est dingue qu’elle marche encore, fit remarquer Danny en croisant les bras.

— Pourquoi ? lui demanda Lizzie. Tu crois vraiment qu’il aurait pu laisser cette voiture mourir avant lui ?

— C’est un peu tôt pour ce genre de blagues, répliqua Dimple en reniflant.

— Allez, petite pleurnicheuse ! lança Prynce en passant un bras autour d’elle. Allons voir cette Jeep ! »

Nikisha ouvrit la portière côté conducteur, monta et caressa le volant. Elle n’avait conduit la Jeep qu’une ou deux fois depuis qu’on la leur avait donnée, mais cela lui semblait tout à fait naturel. Danny monta sur le siège passager à côté d’elle, ouvrit la boîte à gants et se mit à fouiller dedans.

« Prynce, mets-toi au milieu, indiqua Lizzie en ouvrant la portière arrière. C’est toi, le gringalet.

— Et c’est reparti pour un tour ! »

Dimple monta dans la voiture et leva les sourcils en regardant Nikisha dans le rétroviseur.

« Combien de fois va falloir vous répéter que je suis presque aussi musclé que Danny, soupira Prynce. Vous le voyez pas ?

— On ne peut pas voir ce qui n’existe pas, lui répondit Lizzie en mettant sa ceinture. T’es attachée, Dimple ?

— C’est bon.

— Je l’ai trouvé ! s’exclama Danny. Je savais qu’il serait forcément là.

— Quoi ? s’enquit Prynce en avançant la tête entre Nikisha et Danny.

— Tu peux te rasseoir au fond de ton siège et mettre ta ceinture ?! » hurla Nikisha en introduisant la clé dans le contact pour mettre la voiture en marche ; elle s’autorisa un moment d’émotion lorsque la Jeep se mit en branle dans un grondement.

« Professor Nuts ! » Danny brandit le CD qu’il avait sorti de la boîte à gants. « Vous vous souvenez ?

— Comment oublier ? » Lizzie croisa les jambes, un léger sourire aux lèvres.

« La chanson préférée de DJ Fireshot », ajouta Nikisha qui, au lieu de faire attention à la circulation, observait dans le rétroviseur ses frères et ses sœurs entassés sur la banquette arrière. Lorsqu’elle rencontra le regard embué de Dimple, elle lui fit un clin d’œil pour lui signifier que tout allait… bien.

Danny retira soigneusement le CD de son boîtier et le glissa dans le lecteur, puis il croisa les bras en attendant que l’appareil daigne fonctionner.

Lorsque le morceau « Ina de Bus » jaillit des enceintes, les cinq enfants de Cyril Pennington surent que leur père, en dépit de son absence, était resté lui-même jusqu’au bout. Et en un sens, ça leur suffisait.

« Repasse-le encore une fois ! cria Prynce par-dessus la musique. Pour Cyril. »

Danny rit en relançant la chanson au début. Il appuyait avec ses doigts sur les minuscules touches de ce lecteur CD obsolète.

« Pour Cyril ! » dirent en chœur Nikisha, Danny, Lizzie et Dimple.

La Jeep dorée s’éloigna du trottoir et prit de la vitesse, attirant l’attention sur son passage, comme elle l’avait toujours fait. Comme Cyril l’avait toujours fait.