Deux jours pleins d’angoisse et d’inquiétude avaient passé depuis la réception du message de Kyron. Chaque fois que Dimple tentait de l’appeler, elle tombait sur son répondeur et ses textos restaient sans réponse. Il n’avait rien publié depuis son retour. Pas même des liens vers sa musique de merde que personne n’écoutait. Alors que Dimple se préparait pour aller à la fête d’anniversaire de Prynce, elle téléphona à Lizzie pour lui proposer qu’elles s’y rendent ensemble. Lorsque sa sœur la fit basculer sur son répondeur au bout de deux sonneries, elle décida d’ignorer le sentiment de rejet – qu’elle connaissait trop bien – niché au creux de sa poitrine.
« C’était qui ? »
Lizzie observait les ondulations des jolies courbes de sa petite amie Patrice qui attrapait un sachet de paracétamol dans le placard du haut de la cuisine.
« Lizzie ? De sa main manucurée, Patrice caressait son crâne rasé en attendant que l’eau frémisse dans la bouilloire. Au téléphone, c’était qui ?
— Personne. Sûrement du démarchage.
— Mmm. »
Patrice déchira le sachet et en versa le contenu dans un mug sur le plan de travail.
« T’es sûre que tu ne veux pas venir ? Même si, vu ta tête, ça vaut sans doute mieux.
— Je te fais honte ? s’esclaffa Patrice, son rire coutumier et contagieux se transformant en quinte de toux.
— Je devrais peut-être rester à la maison m’occuper de toi, dit Lizzie, inquiète.
— Mais non, je vais bien ! C’est juste un rhume. J’ai l’air plus mal en point que je le suis en réalité. Vas-y, va passer du temps avec tes frères et sœurs.
— Demi-frères et sœurs.
— T’en es encore là ? »
Patrice secoua la tête en versant l’eau bouillante sur la poudre médicamenteuse jaune à l’intérieur du mug.
« Tu devrais attendre que l’eau refroidisse un peu.
— Oh, bon sang, ne change pas de sujet. » Patrice toussa en se tournant vers elle. « Je trouve ça chouette que tu aies repris contact avec eux. Quand on aura des bébés, il nous faudra des oncles et tantes pour le baby-sitting. Si tu crois que je vais rester à la maison vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tu te mets le doigt dans l’œil !
— Pas question que ces gens s’approchent de nos bébés. »
Patrice la regarda d’un air déçu.
« C’est quoi, le problème ?
— Je ne sais même pas par où commencer ! » Lizzie croisa les bras et s’appuya contre le plan de travail. « Nikisha croit tout savoir.
— C’est de famille alors, sourit Patrice en prenant un pot de miel dans le placard.
— Prynce se fout de tout. J’ai l’impression d’être de retour à l’école, assise à côté du clown de service, continua-t-elle sans prêter attention au commentaire de Patrice. Et Danny est un peu bête.
— Ce n’est pas parce qu’il n’est pas étudiant en médecine ou qu’il n’évolue pas dans la finance ou dans le milieu artistique qu’il est stupide. Tu les juges un peu vite je trouve.
— Non, non. OK, il n’est peut-être pas stupide. Pour le dire autrement, il est intelligent, mais il n’a aucun discernement. C’est comme si chez lui le bon sens avait été remplacé par de l’optimisme aveugle. Tu vois ce que je veux dire ?
— Et Dimple ? Tu dois bien t’entendre avec elle ? Vous avez le même âge.
— C’est la pire de toutes. Elle a sans arrêt un pet de travers, elle s’apitoie sur elle-même en permanence et se pose toujours en victime. Tu ne peux rien lui dire sans qu’elle fonde en larmes. »
Patrice la dévisagea pendant un long moment.
« Quoi ?
— Je ne te reconnais plus. Ce n’est pas la Lizzie dont je suis tombée amoureuse.
— Cette Lizzie-là était fille unique et ne se coltinait pas des gens avec lesquels elle n’a rien en commun.
— Mais elle était bien plus gentille. Je n’aime pas toute cette énergie négative. Je vais boire mon Lemonsip au lit. À plus. Amuse-toi bien.
— Ça s’appelle Lemsip.
— Salut. »
Patrice claqua la porte de la chambre derrière elle.
« Joyeux anniversaire ! » hurla Danny en entrant dans la maison, accompagné de Dimple et de Lizzie. Ils avaient débarqué chez la mère de Prynce tous les trois au même moment ; Dimple était ravie de ne pas arriver seule.
« La discrétion, tu connais ? » demanda Lizzie à Danny.
Il ne prêta aucune attention à cette remarque. Il avait toujours eu le don de savoir ignorer les rabat-joie.
Prynce était en train de verser une deuxième bouteille de rhum dans un saladier de punch posé sur une table branlante. Il sourit à ses demi-frères et sœurs.
« Vous êtes venus ! »
Il s’approcha pour leur faire une sorte d’accolade collective.
« Bien sûr ! Je manquerais l’anniversaire de mon petit frère pour rien au monde !
— T’as raté les vingt-quatre premiers », lui rappela Lizzie en tendant à Prynce un cadeau parfaitement enveloppé.
En attendant que les autres invités arrivent, Dimple détailla la pièce. Prynce et sa mère, Bernice – absente comme d’habitude –, vivaient dans un logement social de quatre étages à la limite de Battersea. La maison était mal entretenue et en grand désordre. Des papiers d’emballage, des dizaines de boîtes de conserve, toutes sortes d’articles achetés à la quincaillerie Robert Dyas (mais jamais utilisés) avaient été poussés dans tous les coins et espaces vides, histoire de faire de la place pour accueillir… encore plus de bazar.
« C’est ta mère, la collectionneuse compulsive, ou c’est toi ? demanda Dimple à Prynce.
— Va voir dans ma chambre. Au dernier étage, tout droit. »
Dimple, curieuse d’en apprendre davantage sur son frère, tourna les talons pour s’élancer dans l’escalier.
« Vous venez ? » demanda-t-elle à Lizzie et Danny.
Danny se dirigeait déjà vers le buffet mais Lizzie était partante pour explorer le haut.
« Pourquoi pas. » Elle haussa les épaules. « Après toi. »
Elles montèrent les quatre étages et arrivèrent en haut un peu essoufflées.
« On se fait vieilles, souffla Dimple. Quand j’avais vingt-cinq ans, j’aurais fait ça les doigts dans le nez.
— Ah ouais, tu crois ?
— Bon t’as raison, peut-être pas. »
Dimple admit sa mauvaise condition physique avant d’ouvrir la porte de la chambre la mieux rangée qu’elle ait jamais vue.
« Ah. D’accord », dit Lizzie en marchant sur un épais tapis gris. Elle s’assit sur le lit qui semblait avoir été fait par un professionnel du secteur hôtelier. Les draps étaient si tendus qu’elle faillit rebondir dessus.
« Alors, comment tu te sens ? demanda-t-elle à Dimple. Tout va bien ? T’as eu des nouvelles de Kyron ? »
Dimple fureta dans la chambre afin de découvrir un peu plus l’univers de son frère et aussi pour le plaisir de fouiner. Elle caressa les livres sur son étagère. Beaucoup de philosophie, de non-fiction. Rien de très marrant selon elle, rien qu’elle ait envie de lui emprunter en tout cas. Elle n’était pas très portée sur la lecture de toute façon.
« Non. J’ai bien essayé de l’appeler, mais… bah, c’est comme ça. Enfin bref. Et toi, ça va ? » Dimple lui retourna la question car elle ne se sentait pas d’humeur à se confier.
« Si je te dis comment je me sens, je pense que tu ne comprendras pas.
— Très bien. » Dimple dévisagea sa demi-sœur. Elle se sentait suffisamment forte pour s’engager dans un face-à-face émotionnel avec une personne du signe du Lion.
« Essaie toujours. Je pourrais te surprendre.
— D’accord. » Lizzie inspira profondément. « Ne le prends pas mal, mais tout allait bien dans ma vie avant que tu débarques avec tes cris, tes larmes et tes drames.
— Comment veux-tu que je ne le prenne pas mal ? fit Dimple, le sentiment de rejet lui poignardant de nouveau le cœur.
— Tu vois ! Cette tête que tu fais ! Je savais que tu ramènerais tout à toi.
— OK, très bien, je suis désolée. Allez, continue s’il te plaît.
— Je n’exagère pas en disant ça. Avant de vous rencontrer, je n’avais pas envie de vomir dès que j’entendais une sirène, je réussissais mes examens… maintenant je n’arrive même plus à me concentrer une minute sans penser à mon futur séjour en prison. En plus, je suis presque sûre que Patrice croit que je la trompe vu que je n’arrête pas de jouer les filles de l’air ! Elle ne m’a pas laissé la toucher depuis ce fameux matin où je suis rentrée de chez toi, tout ça parce que je ne peux rien lui dire pour la persuader que je n’étais pas chez une autre nana jusqu’à cinq heures du matin.
— Tu lui as dit quoi ?
— Qu’une amie avait une urgence.
— Tu ne lui as pas parlé de nous ?
— Si, mais je n’ai pas tout dit. Il faut d’abord que je réfléchisse à tout ça.
— Tu veux dire que t’as besoin de réfléchir à notre fratrie. Je ne vois pas ce qu’il y a de compliqué là-dedans.
— Pour toi peut-être. Je crois que t’avais plus besoin de nous que l’inverse.
— Quoi ? » Dimple avait envie de pleurer. Elle aurait dû savoir qu’elle n’était pas assez forte pour se lancer dans un bras de fer émotionnel avec une personne du signe du Lion. « C’est à cause de ce qui s’est passé avec Kyron ?
— Non, pas que. Je ne veux pas être méchante mais… avant toute cette histoire, tu ne vivais pas vraiment dans le monde réel.
— Bon, on retourne en bas ? conclut Dimple en souriant pour cacher combien la remarque de sa sœur l’avait piquée.
— Bonne idée ! » dit Lizzie en se levant.
Elles descendirent l’escalier d’un pas lourd et découvrirent que Nikisha venait de faire irruption dans la maison noire de monde.
« Salut les frangines, sourit cette dernière en les étreignant au pied de l’escalier. Bienvenue dans ma maison d’enfance !
— C’était aussi bordélique quand tu vivais ici ? demanda Lizzie.
— Ouais. C’est pour ça que je me suis tirée dès mes seize ans. Mais Prynce ne partira jamais, lui. Il a réussi à faire du dernier étage son sanctuaire. Personne n’a le droit d’y monter. C’est comme ça qu’il survit à l’accumulation compulsive de notre mère.
— On vient pourtant d’y aller ! s’exclama Dimple.
— C’est qu’il vous fait vraiment confiance alors, sourit Nikisha avant de voir les amis de Prynce qui s’incrustaient lourdement dans le couloir. Vous pourriez bouger à la cuisine plutôt ? » demanda-t-elle à un groupe de garçons qui regardaient nerveusement Dimple et Lizzie. Ils n’avaient encore jamais séduit de femmes plus âgées qu’eux.
« On a trente ans. On n’est pas de votre âge, les gars, leur dit Lizzie comme ils s’éloignaient en traînant sur le sol leurs baskets dernier cri.
— Ma mère est là ? demanda Nikisha à ses sœurs.
— On ne l’a pas encore vue, dit Dimple.
— C’est qu’elle n’est pas là alors. Vous l’auriez entendue avant de la voir. Même d’en haut. Bref. Allons manger un morceau ! »
Ça faisait un bout de temps que Dimple n’avait pas frayé avec des gens de cet âge. Elle les observait avec attention. Qu’aimaient-ils faire ? À quoi pensaient-ils ? Étaient-ils si différents d’elle ? Partageaient-ils des centres d’intérêt ? Elle aurait presque voulu en interroger quelques-uns pour obtenir les réponses à ses questions. Elle repensa à la personne qu’elle avait été à vingt-cinq ans. Elle ne maîtrisait toujours pas ses émotions, mais à trente ans elle savait au moins expliquer et justifier ses actes, ses pensées et ses sentiments.
Cinq ans auparavant, elle ne faisait qu’exister sans se soucier de rien. Un peu comme Prynce. Il semblait toutefois déjà beaucoup plus sage qu’elle au même âge, voire qu’elle aujourd’hui. Elle l’aperçut en train de s’esclaffer avec un de ses amis et lui sourit. Elle ne se souvenait pas avoir beaucoup ri quand elle avait vingt-cinq ans. Elle était très triste et se cherchait. C’est à cette période qu’était apparue son envie de devenir influenceuse. C’est à ce moment-là qu’elle avait décidé de se créer une image qu’elle réserverait aux autres afin de se protéger de la violence du monde extérieur.
Le fil de ses pensées fut rompu quand son regard croisa celui de Danny qui, l’air paniqué, discutait avec une amie de Prynce.
« Tout va bien ? » articula-t-elle à son attention.
Il garda les yeux écarquillés un moment, le temps que Dimple comprenne qu’il l’appelait au secours pour le sortir de cette conversation.
Elle s’approcha de lui et l’informa qu’elle avait besoin de son aide, le soustrayant à cette discussion en l’attirant dans le couloir.
« Merci mille fois. » Danny poussa un soupir. « Elle est venue me voir pour savoir si j’étais le grand frère de Prynce, ce à quoi j’ai répondu oui avant de lui demander si elle le connaissait bien. J’ai rien dit de plus, Dimp. Et tu sais ce qu’elle m’a sorti ? Qu’elle le connaissait pas tant que ça mais que moi, par contre, elle aimerait bien faire ma connaissance ! »
Dimple rit devant l’attitude choquée de son demi-frère.
« Elle a le même âge que Prynce ! » Danny croisa les bras en guise de protection. « Je suis beaucoup plus vieux qu’elle !
— Détends-toi. Je te protégerai si elle revient te faire du gringue.
— J’ai pas du tout apprécié.
— Danny, t’as bien eu un enfant avec une femme, non ? Alors pourquoi ça te met dans un état pareil de parler avec une personne de la gent féminine ?
— Mais mon ex a trente-trois ans comme moi. Je sais pas où ces petites jeunettes trouvent une telle énergie ! »
Dimple continua à se moquer de son frère jusqu’à ce qu’elle entende une voix plus ou moins familière, provenant de la porte d’entrée.
« Comment ça va ? » lança Cyril Pennington à tout le monde et personne en particulier.
Il franchit le seuil et resta planté, espérant faire une entrée remarquée, mais personne ne lui prêta attention.
Dimple ne s’était pas attendue à ce qu’il ait tant vieilli. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il ressemblait davantage aux clichés qu’elle avait trouvés dans un vieil album photo sous le lit de sa mère. Il était encore bel homme, mais plus petit désormais. Il sourit ; sa dent en or étincelait toujours, mais sa peau était devenue plus cireuse au niveau des joues, et il avait des rides autour des yeux qui se creusaient quand il souriait. Sa peau foncée ne brillait plus autant qu’à leur dernière rencontre. Au contraire, elle était terne et dépourvue de l’onctuosité que, plus jeune, elle lui enviait tant.
Cyril se fraya un chemin parmi les jeunes corps qui s’agglutinaient dans le couloir, souriant aux filles et tendant un poing aux garçons. Ils l’ignorèrent tous superbement, mais il continua à sourire, son optimisme délirant lui faisant oublier qu’il avait perdu son charme d’antan.
Pourquoi n’était-il jamais venu à son anniversaire à elle ? se demanda Dimple. Parce que sa mère ne l’avait jamais invité ? Quand bien même, il aurait pu essayer de passer. Cela semblait injuste de le voir ici. Peut-être qu’il préférait Prynce et Nikisha. Peut-être surtout qu’il préférait leur mère à Janet. Et si c’était le cas, pourquoi en souffrait-elle ?
Le sourire de Cyril disparut lorsqu’il aperçut Dimple et Danny se dresser devant lui, et il faillit froncer les sourcils quand Lizzie sortit de la cuisine pour les rejoindre et leur tendre à chacun une canette de Ting.
Lizzie se tourna pour voir ce que son frère et sa sœur fixaient, puis aperçut Cyril planté là, encore plus petit qu’à son arrivée.
Ils le regardèrent tous hésiter entre rebrousser chemin ou leur faire face. Il choisit la seconde option.
« Eh bien, je m’attendais pas à vous voir ici. »
Il voulut serrer Lizzie dans ses bras mais elle le repoussa d’un geste de la main, et d’un non ferme.
Il en fit autant avec Dimple qui elle, accueillit son accolade parce qu’il lui faisait pitié.
Il serra la main à Danny qui lui rendit la pareille un peu maladroitement, non parce qu’il détestait son père, mais parce qu’il ne le connaissait pas, tout simplement.
« Vous êtes tous tellement grands, remarqua Cyril. T’es drôlement mignonne, Dimple, ça décoiffe ! Tu dois avoir des enfants maintenant, j’imagine qu’un mec t’a forcément collé un mouflet, non ? Ouaouh. Si on m’avait dit que je produirais une bombe pareille ! Enfin, tu tiens pas ça de moi, plutôt des gènes indiens de ta mère. Comment va Janet ?
— Ouais, dit Dimple encore sous le choc des propos atroces que son père venait de tenir. Elle va bien.
— Tu demandes pas de nouvelles de ma mère, Cyril ? lança Lizzie.
— Eh bien, je vois que t’as hérité du sérieux de Kemi. Et t’as le même front qu’elle. Et comment va notre grand Danny ? Une véritable armoire à glace, celui-là !
— Ça va. »
Danny haussa les épaules.
« Tu sais, j’ai entendu dire que t’avais été en prison.
— C’est moi qui te l’ai écrit. Je t’ai même envoyé un permis de visite.
— Oui, j’avais l’intention de venir, vraiment. Tu sais comment c’est, j’étais occupé et puis j’ai perdu le papier, je voulais te répondre, mais les choses se sont enchaînées. Ceci dit, je t’envoyais des ondes positives, fiston. Je sais que tu voulais pas faire ce que t’as fait. » Cyril détourna le regard de ses enfants vers la cuisine. « Maintenant, le punch m’appelle ! On se retrouve tout à l’heure, vous restez dans les parages ? demanda-t-il sans attendre leur réponse.
— Sincèrement, pouvait-on imaginer retrouvailles plus décevantes ? » demanda Lizzie à Dimple qui restait bouche bée et à Danny qui semblait triste.
Ils regardèrent Cyril se diriger vers la cuisine et se pencher au-dessus du punch. Il tira un gobelet en plastique de la pile posée à l’envers près du saladier, le plongea dedans, siffla son verre et le remplit à nouveau, tandis que Prynce le rejoignait.
« Mon garçon ! » s’exclama Cyril en vidant son verre cul sec. Il serra dans ses bras Prynce qui lui rendit son accolade. « Joyeux anniversaire ! »
Prynce recula, joignit les mains et s’inclina pour le remercier.
« Vingt-trois ans, aujourd’hui ! s’écria Cyril. Ouaouh !
— Vingt-cinq, corrigea Nikisha qui revenait du jardin en portant deux chaises en plastique. Salut papa, tu me files un coup de main ? »
Cyril prit une des chaises et la posa juste à côté de lui.
« Bon, je reste pas longtemps », dit-il en regardant passer devant lui une fille noire avec des nattes qui lui tombaient jusqu’aux épaules. Il approuva d’un signe de tête comme elle posait fermement sa main sur l’épaule de Prynce.
« Hé, tu dois être Kayla ! » dit Dimple pleine d’enthousiasme, espérant avoir retenu correctement le nom de la dernière copine de Prynce.
Elle comprit son erreur en découvrant l’expression sur le visage de son frère.
« Kayla ? demanda la fille. Moi, c’est Jana.
— Désolée, j’ai cru entendre quelqu’un dire que tu t’appelais Kayla tout à l’heure ! Ne fais pas attention ! » Dimple eut un petit rire gêné.
« OK. »
Jana quitta la pièce en lui lançant un regard noir.
« Pardon, pardon, pardon ! grommela Dimple alors que Prynce riait.
— C’est la tienne ?
— Hein ? » Prynce se tourna vers leur père, perplexe.
« Ben, ta meuf ? Ta poule, ta nana, quoi !
— C’est une amie, dit Prynce. Une très bonne amie.
— Une amie ? railla Cyril. C’est à se demander si t’es bien mon fils ! »
Prynce plissa les yeux en direction de son père.
« Vous voulez quelque chose ? demanda-t-il à Dimple, Danny et Lizzie qui avaient quitté le couloir pour venir écouter leur père les honorer de sa vision tordue de la paternité.
— Oui, en fait j’ai faim, dit Dimple.
— Moi aussi, renchérit Danny.
— Alors rends-toi utile, lança Nikisha à Dimple. Il y a des feuilletés jamaïcains dans le congélateur à côté de toi, mets-les au four.
— Je vous laisse gérer la cuisine, déclara Cyril, passant devant ses enfants médusés et disparaissant dans le couloir.
— Je les laisse combien de temps ? demanda Dimple, en sortant du congélateur le sac transparent de feuilletés.
— Mets le four à basse température et reviens surveiller la cuisson dans quarante-cinq minutes », commanda Nikisha qui passait assez rapidement en mode travail ; dès lors il n’y avait plus de place pour les s’il te plaît, merci et autres politesses.
« Genre à combien ? demanda Dimple, qui ne savait suivre que des instructions précises. Je les pose sur du papier aluminium ou sur la plaque, ou…
— T’as jamais cuisiné ou quoi ?! » trancha Nikisha.
Dimple sentit la gêne la gagner. Elle rougit. En fait, c’était Janet qui cuisinait à la maison, et clairement on ne pouvait pas faire confiance à Dimple pour attraper une bouteille d’huile sans causer de dégâts.
« C’est bon, je m’en occupe. » Lizzie lui prit le sac de demi-lunes jaune vif. Elle savait que Dimple était encore sous le coup de leur conversation dans la chambre de Prynce. Mais Lizzie ne regrettait pas ses paroles pour autant. « Va profiter de la fête. Enfin, profiter, c’est un bien grand mot. »
Pendant que Lizzie s’occupait de la cuisine, Danny partit appeler sa mère pour prendre des nouvelles de Marley, Prynce sortit fumer avec ses copains et Nikisha commença à circuler un sac noir à la main pour ramasser les détritus. Dimple remonta souffler dans la chambre-sanctuaire de Prynce. La musique était trop fort et regarder les copains de son frère se trémousser, se filmer au lieu de danser ensemble ou de se parler la faisait se sentir vieille – bien qu’elle n’ait que cinq ans de plus qu’eux. Cette aversion inconsciente pour la culture des influenceurs expliquait peut-être pourquoi elle n’avait pas réellement réussi à percer. Bien sûr elle était reconnaissante du flot d’attention et d’activité que l’histoire de Kyron lui avait apporté, mais ce n’était pas vraiment elle.
Sur le palier du premier étage devant la salle de bains, elle aperçut Cyril en train de discuter avec Jana, la fille aux nattes. L’une des nombreuses amies de Prynce.
« … tu sais, une fille comme toi, ça se voit tout de suite : t’es sensible, t’as la tête sur les épaules, il te faut un homme mûr. Ça sert à rien de courir après des petits jeunots. T’es mature, tu vois ce que je veux dire ?
— Papa ! Laisse cette pauvre fille tranquille ! » interrompit Dimple.
Jana s’éclipsa immédiatement par l’escalier.
« Je faisais que discuter ! » ricana Cyril en tirant sa fille sous son bras. L’espace d’un instant, le tissu de sa veste en jean couvrit les oreilles de Dimple, étouffant la musique.
Elle se demandait comment il parvenait à faire comme s’il l’avait vue la veille, alors qu’en réalité leur dernière rencontre remontait à plus de dix ans. Elle se demandait s’il était aussi meurtri qu’elle par toutes ces années d’absence. S’il était prêt à faire n’importe quoi pour elle comme elle était prête à tout pour lui.
« Bon, fit Cyril, raconte-moi un peu ce que tu deviens ! »
Elle eut un mauvais pressentiment quant à la suite de la conversation. Elle savait très bien où il voulait en venir, alors elle se pencha plus près de lui pour bien l’entendre malgré le vacarme de la fête, et pouvoir ainsi passer rapidement à autre chose.
« J’ai entendu dire que tu t’en sortais plutôt bien sur Internet, continua Cyril, le visage si près du sien que Dimple sentit son haleine chaude et alcoolisée sur sa peau.
— Non. Si seulement.
— Parce que tu vois… » Cyril attira sa fille plus près de lui sans prêter attention à ce qu’elle venait de lui dire. « Je suis un peu dans la panade.
— Quel genre de panade ? demanda Dimple alors qu’elle connaissait déjà la réponse.
— Ah, tu sais. Des investissements ici et là qu’ont pas marché comme j’espérais, un peu d’argent dépensé à droite à gauche que je pensais pouvoir récupérer ailleurs… Tu sais ce que c’est. »
Dimple eut pitié d’elle et pitié de lui. Il était censé être son père. C’est elle qui aurait dû pouvoir lui demander de l’argent. Au lieu de quoi, il était là, en train de lui parler de ses dettes, sans autre choix que de demander à sa fille de le renflouer.
« Je ne suis pas sûre de pouvoir t’aider, papa. »
Elle se dégagea de son étreinte trop serrée.
« Comment ça ? Tu vas quand même bien aider ton vieux père, nan ?
— Eh bien, je ne suis pas aussi riche que tu sembles le croire. On peut avoir l’impression que je gagne de l’argent parce que j’ai de belles choses mais…
— On te voit partout sur Internet ! Tu vas pas me dire que ces gens qui t’envoient les trucs dont tu parles te payent pas pour le faire !? J’ai beau pas être branché technologie, je suis au courant de ce genre de pratiques.
— Papa, ce n’est pas comme ça que ça marche. Sur Internet, on peut croire que je m’en sors bien… et encore, pas vraiment. J’achetais la plupart des produits en disant que les marques me les envoyaient. Mais c’est seulement maintenant que…
— Tu sais même pas combien je veux. »
Cyril s’assit sur les marches qui menaient à la chambre de Prynce. Dimple aurait rêvé d’être dans cette pièce plutôt que sur ce palier à avoir cette conversation.
« T’as besoin de combien ?
— Quinze, répondit-il.
— 15 livres ?
— Ah, je vois que ma fille a le sens de l’humour. Comme moi !
— Quinze cents… 1 500 livres, quoi ? »
Cyril fit non de la tête.
« Tu me demandes 15 000 livres ? »
Dimple n’en croyait pas ses oreilles.
« Je te les rendrai. Je peux pas te dire quand, mais je te rembourserai. On pourrait partir sur un système de paiements échelonnés où je te donnerai ce que je peux au fur et à mesure. Mais il me faut cette somme pour me remettre en selle. Je me débrouillerai pour le reste.
— Papa, je ne les ai pas.
— Ta mère a bien dû mettre de l’argent de côté pour toi, non ?
— Je pense, oui, mais…
— OK, va pour 2 000 alors.
— Mais ça passe du tout au tout, là ! »
Dimple leva les sourcils.
« Bon, 15 000 auraient été… appréciables. Mais 2 000, c’est juste indispensable. Je dois du fric à plusieurs personnes. »
Dimple regarda droit devant elle, essayant de réprimer ses larmes. Pourquoi ne l’aimait-il que pour son argent ?
« Allez, tu vas bien aider ton pauvre papa. » Il lui donna un coup de coude. « Je sais que tu les as. »
Peut-être que si elle le faisait, ce serait le début d’une relation de confiance entre eux, pensa-t-elle. Et peut-être que ce système de remboursement échelonné serait une raison pour au moins se parler de temps en temps.
Elle sortit son téléphone de sa poche.
« C’est quoi, ton numéro de compte ? Je vais le faire tout de suite.
— Tu peux faire ça par téléphone ? La vache ! Je pensais qu’il faudrait aller à la banque ! »
Il tira de sa poche un petit bout de papier sur lequel étaient inscrites ses coordonnées bancaires et le lui tendit. Tandis qu’elle les tapait dans l’application de son téléphone, elle ressentit un profond malaise au niveau de la poitrine.
« Bon, t’as qu’à me verser 3 000 livres tant que t’y es ! »
Dimple soupira, hochant doucement la tête alors qu’elle transférait 3 000 livres de la somme que sa mère avait économisée pour elle depuis toujours et à laquelle elle avait promis de ne toucher qu’en cas de nécessité. Ça faisait ça de moins pour payer la somme que Kyron exigeait, et perdre cet argent la mettait hors d’elle. Cyril entendit sa fille soupirer, mais il se fichait de savoir ce que cela pouvait signifier.
« C’est fait, dit-elle.
— Tu vois ! Ça fait plaisir d’aider son vieux papa, non ? »
Elle attendait qu’il la remercie.
« Je crois que j’ai un appel », mentit-elle lorsqu’elle comprit qu’il ne ferait preuve d’aucune gratitude. Elle se leva et se faufila devant lui. Elle ne voulait pas qu’il la voie pleurer. « Il faut que je décroche, désolée. »
Elle monta les marches jusqu’à la chambre de Prynce en tenant son téléphone contre son oreille.
« Allô ? dit-elle à voix haute. Non, désolée, je suis à une fête. Tu m’entends ? Attends une seconde… »
Dimple ferma la porte et profita du silence de la chambre ; ça faisait des heures qu’elle n’avait pas connu un semblant de calme pareil. Elle foula de nouveau le tapis gris, se laissa tomber sur le lit de Prynce et éclata en sanglots. Si elle avait su que cette rencontre avec son père serait encore pire que les précédentes, elle ne se serait pas donné la peine de venir. Mais alors, elle leva les yeux et vit sur le rebord de la fenêtre une photo de Prynce, âgé de dix ans, déguisé en superhéros. Malgré ses larmes, elle sourit. Prynce, lui, valait le coup. Cette étonnante nouvelle configuration familiale en valait la peine, tout comme sentir qu’elle appartenait à quelque chose ; et ce même si Nikisha faisait son petit chef, même si Danny n’était pas toujours sur la même longueur d’onde que tout le monde, même si Lizzie restait méchante et que Prynce parlait sans penser aux conséquences de ses paroles.
Elle s’allongea sur le lit et fit défiler son écran de téléphone. Elle n’en revenait toujours pas d’avoir autant d’abonnés. Et autant d’invitations, bien qu’elle n’ait pas la tête à se rendre où que ce soit. Des invitations à des événements, à participer à des campagnes, à devenir mannequin pour toutes ces marques dont elle n’avait jamais entendu parler mais qu’elle serait heureuse de soutenir si cela impliquait de recevoir gratuitement des produits. Elle se demandait si le moment était venu de prendre un agent.
« Tout va bien ? demanda Prynce en entrant. Désolé, y a pas mal de monde. J’ai pas pu vous consacrer beaucoup de temps.
— Oh, pas de souci ! répondit Dimple en se redressant. Tu passes un bon moment ? Pardon de m’être incrustée ici et désolée d’avoir fait comme chez moi.
— Nan, t’excuse pas. Tu peux même piquer un roupillon si ça te dit ! Je suis content de voir mes copains mais c’est chouette que vous soyez venus aussi.
— Sauf papa, putain. Tu sais que je l’ai surpris en train de dire à ta copine, ta fameuse “amie” – d’ailleurs il faudra qu’on reparle de ça – qu’elle avait besoin d’un homme mûr ? »
Prynce rit.
« Je l’ai déjà vu faire pire, crois-moi.
— Mais vous êtes proches alors ?
— Pas du tout, je peux te le garantir ! Mais pourquoi tu fais cette tête ?
— Je suis un peu triste parce que quand papa est arrivé et qu’il a vu Danny, ils ont échangé une poignée de main bizarre, genre froide et formelle ; et après il t’a vu et t’a serré fort dans ses bras.
— Lizzie l’a pas serré dans ses bras, pas vrai ?
— Non, bien sûr que non, mais c’est complètement différent. Elle, c’est clair qu’elle ne l’aime pas. Alors que Danny cherche l’affection de papa. On dirait un petit chiot abandonné.
— Ah, merde.
— Ouais. Et je me demande si tu ne devrais pas lui en toucher deux mots ? Parce que ce n’est pas de ta faute s’il te serre dans ses bras, mais c’est que… bon, j’en sais rien au fond. J’imagine que Danny s’en est remis. Ceci dit, il a toujours cet air enjoué un peu bizarre. Je ne sais pas trop s’il est vraiment joyeux ou si c’est une façade.
— Je vois ce que tu veux dire. J’en parlerai à papa la prochaine fois que je le croise. Mais je préférerais que ça se fasse naturellement, tu comprends ?
— Tout à fait. Maintenant qu’on s’est tous plus ou moins “retrouvés”, je ne tiens pas à ce que papa se mette à poser problème entre nous. Et sans vouloir me plaindre, il m’a demandé de… »
Elle s’arrêta de parler quand Danny et Lizzie entrèrent dans la chambre. Danny tenait une assiette dans une main et un feuilleté dans l’autre. Il était sur le point de le porter à sa bouche.
« Ah vous voilà. »
Lizzie tenait une assiette contenant deux feuilletés, qu’elle tendit à Dimple avant de s’asseoir sur le lit à côté d’elle et de Prynce.
Danny s’assit par terre devant eux.
« Ça te plaît vraiment d’être par terre hein ? plaisanta Lizzie.
— Ben, je vais pas m’asseoir à côté de vous ; comment on va faire pour discuter si on est tous en rang d’oignons ? dit-il en croquant une nouvelle bouchée.
— En tout cas, comme je disais avant que vous arriviez… » Dimple mordit dans la pâte feuilletée avant de continuer. « … Papa m’a coincée et m’a réclamé 15 000 livres. Vous imaginez ? »
Danny secoua la tête.
« Il a fait quoi ? demanda Lizzie.
— Ouais, je n’y crois pas ! Il a commencé à se plaindre de ses problèmes d’argent et m’a dit qu’il avait besoin de fric pour se remettre à flot, expliqua Dimple en regardant ses pieds parce que la honte s’emparait de tout son corps. Il m’a garanti qu’il me rembourserait en plusieurs versements. C’est dingue, nan ?
— Il a dit quoi ? répéta Lizzie.
— T’as pas entendu ce qu’elle vient de dire ?
— Si bien sûr, mais je n’arrive pas à… Attends, t’es en train de me dire que ce type – qui ne t’a pas adressé la parole depuis des années – tombe sur toi à une soirée – et quand je dis soirée, je parle de la fête d’anniversaire de son fils cadet qu’on a rencontré le jour où il a cru bon de nous présenter les uns aux autres pour éviter qu’on se retrouve à coucher ensemble – bref, quand ce type te croise par hasard, à l’occasion d’une fête hein, pas après t’avoir contactée pour passer du temps avec toi, ce mec te demande de l’argent ? » Lizzie finit par respirer. « Est-ce qu’il a pris de tes nouvelles au moins ?
— Euh… je ne crois pas. » Dimple réfléchit un peu. « Mais ne t’en fais pas pour ça. Ce n’est pas comme si j’allais lui donner l’argent.
— Oui, mais c’est le principe. » Lizzie sauta sur ses pieds. « Il est où ?
— T’énerve pas, dit Danny. Il en vaut pas la peine.
— Je me fous de savoir s’il en vaut la peine ou pas ! hurla-t-elle. Merde alors, ce type n’a jamais rien fait pour nous et il ose venir quémander ? 15 000 livres en plus, putain ! »
Dimple savait qu’il était inutile de préciser qu’elle lui avait donné l’argent. Non seulement ils auraient tous voulu l’affronter et cela aurait probablement gâché l’anniversaire de Prynce, mais en plus elle était honteuse d’avoir lâché l’affaire si facilement : il n’avait fallu que quelques mots à Cyril pour qu’elle cède. La honte était pire que le fait d’être moins forte que ses frères et sœurs.
« Qu’est-ce qui se passe ici ? demanda Nikisha en entrant dans la chambre. Qui crie comme ça ?
— Pourquoi tu ne nous as pas dit que Cyril serait là ? fit Lizzie à Nikisha. Je vais le chercher.
— Il est parti. Qu’est-ce que ça aurait changé si tu l’avais su ? » Nikisha ferma la porte derrière elle et saisit le siège du bureau bien rangé. « Tu ne serais pas venue fêter l’anniversaire de notre frère ? »
Lizzie pinça les lèvres.
« J’aurais aimé pouvoir me préparer. Je ne m’attendais pas à le voir aujourd’hui et tout ce qu’il a fait, c’est nous traiter comme des étrangers et demander de l’argent à Dimple.
— Il est comme ça, sœurette, déclara Nikisha. Il va falloir t’y faire.
— Et vous deux, ça ne vous dérange pas ? demanda Lizzie à Nikisha et Prynce.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? répondit Nikisha.
— Vous êtes résignés à avoir un père comme ça ? »
Nikisha rit.
« Tu sais très bien qu’il n’a jamais fait partie de notre vie.
— Vraiment ? demanda Danny. Vous avez l’air assez proches pourtant.
— Nan. » Nikisha secoua la tête. « Ça faisait des lustres qu’on ne l’avait pas vu. Pas aussi longtemps que vous mais pas mal quand même. Il est passé parce qu’il savait que notre mère ne serait pas là. La dernière fois qu’il est venu ici, il a dû aller se faire recoudre à l’hôpital.
— Ma mère m’a dit qu’il était absent parce qu’il t’élevait, Nikisha, raconta Lizzie, et Prynce après toi. »
Ce dernier secoua la tête.
« Ah !! hurla Nikisha. Élever ? Ce type n’a jamais élevé personne.
— C’est Nikisha qu’a pris soin de moi, ajouta Prynce. Il a vraiment, mais vraiment jamais été présent.
— Alors, fit Dimple, ce type a tout simplement fait cinq enfants sans jamais se soucier de rien.
— Tu sais qu’il paraît qu’il y en a un sixième ?! lança Nikisha.
— En route ? balbutia Lizzie.
— Non. Quelqu’un de plus vieux que moi. Mais je t’en parlerai quand je serai sûre, parce que… » Nikisha expira bruyamment.
« Dimple, on en est où au sujet de Kyron ? demanda Danny en vérifiant que la porte de la chambre était bien fermée. Est-ce qu’il t’a recontactée ?
— Non, je vous l’aurais dit sinon. Et je n’arrive pas à le joindre.
— Il va falloir… que t’ailles passer un peu de temps avec lui, énonça lentement Nikisha.
— OK, je veux pas assister à cette conversation. » Danny se leva et sortit prestement.
« Tu veux me prostituer, soupira Dimple alors que Danny fermait la porte derrière lui.
— On ne peut pas parler de prostitution vu qu’il s’agit de ton ex, clarifia Nikisha.
— T’es sûre de ça ? demanda Prynce. Pour moi, ça y ressemble, même s’ils ont été ensemble.
— Ferme-la, rétorqua Nikisha.
— Comment tu peux me sortir ça le jour de mon anniversaire ? » Prynce paraissait blessé.
« Il n’a pas tort, ajouta Dimple. Et puis, on ne devrait pas utiliser ce terme.
— Y a pas d’autre solution ? demanda Lizzie. Et si ça ne marche pas ? Et si Dimple essaie de le séduire mais qu’il n’a pas envie ? Il n’a pas répondu à ses messages, hein !
— Tu devras faire en sorte qu’il ait envie, répliqua Nikisha à Dimple.
— Ça ressemble à un avertissement, remarqua Lizzie, préoccupée par le ton péremptoire de Nikisha.
— Tu sais quoi ? dit Prynce.
— Quoi ? reprit Dimple.
— J’arrive pas à croire que papa soit parti sans nous dire au revoir.
— T’es sérieux ? fit Lizzie. C’est lui tout craché. »
Prynce acquiesça.
« Ouais, c’est pas faux. »