Le vrai, dans quelque sujet qu’il se trouve, ne peut être effacé par aucune comparaison d’un autre vrai, et quelque différence qui puisse être entre deux sujets, ce qui est vrai dans l’un n’efface point ce qui est vrai dans l’autre: ils peuvent avoir plus ou moins d’étendue et être plus ou moins éclatants, mais ils sont toujours égaux par leur vérité, qui n’est pas plus vérité dans le plus grand que dans le plus petit. L’art de la guerre est plus étendu, plus noble et plus brillant que celui de la poésie; mais le poète et le conquérant sont comparables l’un à l’autre; en tant qu’ils sont véritablement ce qu’ils sont, le législateur et le peintre, etc.
Deux sujets de même nature peuvent être différents, et même opposés, comme le sont Scipion et Annibal, Fabius Maximus et Marcellus; cependant, parce que leurs qualités sont vraies, elles sub-sistent en présence l’une de l’autre, et ne s’effacent point par la comparaison. Alexandre et César donnent des royaumes; la veuve donne une pite: quelque différents que soient ces présents, la libéralité est vraie et égale en chacun d’eux, et chacun donne à proportion de ce qu’il est.
Un sujet peut avoir plusieurs vérités, et un autre sujet peut n’en avoir qu’une: le sujet qui a plusieurs vérités est d’un plus grand prix, et peut briller par des endroits où l’autre ne brille pas; mais dans l’endroit où l’un et l’autre est vrai, ils brillent également. Épaminondas était grand capitaine, bon citoyen, grand philosophe; il était plus estimable que Virgile, parce qu’il avait plus de vérités que lui; mais comme grand capitaine, Épaminondas n’était pas plus excellent que Virgile comme grand poète, parce que, par cet endroit, il n’était pas plus vrai que lui. La cruauté de cet enfant qu’un consul fit mourir pour avoir crevé les yeux d’une corneille, était moins importante que celle de Philippe second, qui fit mourir son fils, et elle était peut-être mêlée avec moins d’autres vices; mais le degré de cruauté exercée sur un simple animal ne laisse pas de tenir son rang avec la cruauté des princes les plus cruels, parce que leurs différents degrés de cruauté ont une vérité égale.
Truth, wherever it is found, cannot be overshadowed by comparison with any other truth; and whatever differences there may be between two entities, what is true in one can never overshadow what is true in the other. They may be more or less extensive and more or less conspicuous, but they are always equal in truth—which is no truer in the greater entity than in the lesser. The art of war is greater in scope, nobility, and brilliance than the art of poetry, but the poet and the conqueror are comparable to each other (as far as they truly are what they are), the legislator and the painter, etc.
Two entities of the same kind may be different and even opposed, as Scipio and Hannibal, Fabius Maximus and Marcellus* are. Yet their merits, because they are true, continue to exist in each other’s presence, and are never overshadowed by the comparison. Alexander and Caesar* bestow kingdoms; the widow* bestows a mite. However different those gifts may be, the generosity is true and equal in each case, and each of them gives in proportion to what he is.
One entity may contain multiple truths, while another may have only one. The entity that contains multiple truths is greater in value, and may shine in contexts where the other does not; but in the context where each one is true, they shine equally. Epaminondas* was a great captain, a good citizen, a great thinker. He contained more truths than Virgil,* and therefore he was more estimable; but Epaminondas was no more excellent as a great captain than Virgil as a great poet—because, from such a perspective, the former was no truer than the latter. The cruelty of the boy* who was sentenced to death by a consul for blinding a crow was less significant than the cruelty of Philip II,* who had his son murdered, and it may not have been combined with so many other vices; but the amount of cruelty inflicted on a mere animal can stand comparison with the cruelty of the cruellest rulers, because their different degrees of cruelty are equal in truth.
Quelque disproportion qu’il y ait entre deux maisons qui ont les beautés qui leur conviennent, elles ne s’effacent point l’une l’autre: ce qui fait que Chantilly n’efface point Liancourt, bien qu’il y ait infiniment plus de diverses beautés, et que Liancourt n’efface pas aussi Chantilly, c’est que Chantilly a les beautés qui conviennent à la grandeur de Monsieur le Prince, et que Liancourt a les beautés qui conviennent à un particulier, et qu’ils ont chacun de vraies beautés. On voit néanmoins des femmes d’une beauté éclatante, mais irréguliére, qui en effacent souvent de plus véritablement belles; mais comme le goût, qui se prévient aisément, est le juge de la beauté, et que la beauté des plus belles personnes n’est pas toujours égale, s’il arrive que les moins belles effacent les autres, ce sera seulement durant quelques moments; ce sera que la différence de la lumière et du jour fera plus ou moins discerner la vérité qui est dans les traits ou dans les couleurs, qu’elle fera paraître ce que la moins belle aura de beau, et empêchera de paraître ce qui est de vrai et de beau dans l’autre.
Mon dessein n’est pas de parler de l’amitié en parlant de la société; bien qu’elles aient quelque rapport, elles sont néanmoins très différentes: la première a plus d’élévation et de dignité, et le plus grand mérite de l’autre, c’est de lui ressembler. Je ne parlerai donc présentement que du commerce particulier que les honnêtes gens doivent avoir ensemble.
Il serait inutile de dire combien la société est nécessaire aux hommes: tous la désirent et tous la cherchent, mais peu se servent des moyens de la rendre agréable et de la faire durer. Chacun veut trouver son plaisir et ses avantages aux dépens des autres; on se préfére toujours à ceux avec qui on se propose de vivre, et on leur fait presque toujours sentir cette préférence; c’est ce qui trouble et qui détruit la société. Il faudrait du moins savoir cacher ce désir de préférence, puisqu’il est trop naturel en nous pour nous en pouvoir défaire; il faudrait faire son plaisir de celui des autres, ménager leur amour-propre, et ne le blesser jamais.
L’esprit a beaucoup de part à un si grand ouvrage, mais il ne suffit pas seul pour nous conduire dans les divers chemins qu’il faut tenir.
Whatever disproportion there may be between two houses that have appropriate types of beauty, neither of them can ever overshadow the other. Chantilly* can never overshadow Liancourt,* although there may be infinitely more beauties there, and neither can Liancourt overshadow Chantilly, because Chantilly’s beauties are appropriate for the greatness of the Prince, and Liancourt’s beauties are appropriate for a private individual, and the beauties of each are true. Admittedly, we often see women of dazzling but irregular beauty overshadowing those who are more truly beautiful. Yet taste, which is readily biased, is the judge of beauty, and the most beautiful people are not always equally beautiful; so, if the less beautiful do happen to overshadow the others, it will be only for a few moments: it will be because variations in daylight and illumination display to a greater or lesser extent the truth that is in the features or colours, revealing what is beautiful in the less beautiful person, and concealing what is true and beautiful in the other.
In speaking of social contact, my plan is not to speak of friendship. Although they are related, they are very different: the latter has more eminence and dignity, and the greatest merit of the former is to resemble it. At present, therefore, I shall speak only of the particular way in which people of honor ought to deal with each other.
It would be idle to state how much men need social contact. All of them desire it and seek it; but few use methods to make it attractive and make it last. Everyone is seeking his own pleasure and advantage, at the expense of other people. We always prefer ourselves to those with whom we intend to live, and we almost always make them conscious of this preference; that is what disturbs and destroys social intercourse. We should at least learn to hide this desire to put our own preferences first—because they are too innate for us to override. We should find our pleasure in that of other people, showing consideration for their self-love and never wounding it.
The mind plays a great part in so great a work, but it alone is not enough to guide us in the various paths we should follow. Social intercourse would not long be maintained by the understanding that Le rapport qui se rencontre entre les esprits ne maintiendrait pas longtemps la société, si elle n’était réglée et soutenue par le bon sens, par l’humeur, et par des égards qui doivent être entre les personnes qui veulent vivre ensemble. S’il arrive quelquefois que des gens opposés d’humeur et d’esprit paraissent unis, ils tiennent sans doute par des liaisons étrangéres, qui ne durent pas longtemps. On peut être aussi en société avec des personnes sur qui nous avons de la supériorité par la naissance ou par des qualités personnelles; mais ceux qui ont cet avantage n’en doivent pas abuser: ils doivent rarement le faire sentir, et ne s’en servir que pour instruire les autres; ils doivent leur faire apercevoir qu’ils ont besoin d’être conduits, et les mener par raison, en s’accommodant, autant qu’il est possible, à leurs sentiments et à leurs intérêts.
Pour rendre la société commode, il faut que chacun conserve sa liberté: il faut se voir, ou ne se voir point, sans sujétion, se divertir ensemble, et même s’ennuyer ensemble; il faut se pouvoir séparer, sans que cette séparation apporte de changement; il faut se pouvoir passer les uns des autres, si on ne veut pas s’exposer à embarrasser quelquefois, et on doit se souvenir qu’on incommode souvent, quand on croit ne pouvoir jamais incommoder. Il faut contribuer, autant qu’on le peut, au divertissement des personnes avec qui on veut vivre; mais il ne faut pas être toujours chargé du soin d’y contribuer. La complaisance est nécessaire dans la société, mais elle doit avoir des bornes: elle devient une servitude quand elle est excessive; il faut du moins qu’elle paraisse libre, et qu’en suivant le sentiment de nos amis, ils soient persuadés que c’est le nôtre aussi que nous suivons.
Il faut être facile à excuser nos amis, quand leurs défauts sont nés avec eux, et qu’ils sont moindres que leurs bonnes qualités; il faut souvent éviter de leur faire voir qu’on les ait remarqués et qu’on en soit choqué, et on doit essayer de faire en sorte qu’ils puissent s’en apercevoir eux-mêmes, pour leur laisser le mérite de s’en corriger.
Il y a une sorte de politesse qui est nécessaire dans le commerce des honnêtes gens: elle leur fait entendre raillerie, et elle les empêche d’être choqués et de choquer les autres par de certaines façons de parler trop sèches et trop dures, qui échappent souvent sans y penser, quand on soutient son opinion avec chaleur.
Le commerce des honnêtes gens ne peut subsister sans une certaine sorte de confiance; elle doit être commune entre eux; il faut que exists between minds, unless this was regulated and supported by good sense, temperament, and the tact that ought to exist between people who wish to live together. If people who are opposite in temperament and mind sometimes seem united, no doubt they are held together by alien links, which do not last for long. We may also have social contact with people to whom we are superior, either by birth or in personal qualities; but those who possess such an advantage should not abuse it. Rarely should they let it be felt; they should use it only to teach other people, showing them that they need to be led, and guiding them by reason, while adapting themselves as far as possible to the others’ feelings and interests.
For a social group to be comfortable, everyone must retain his personal freedom. We must be allowed to see each other or not to see each other, without any constraint; to entertain each other or even to bore each other. We must be able to part without changing the situation. We must be able to do without each other sometimes, if we do not want to put others in an awkward position; and we must remember that we often annoy people when we think we could not possibly annoy them. We should contribute, as far as we can, to the entertainment of the people with whom we wish to live—but we should not be burdened with the task of contributing to it all the time. Politeness is necessary in any social group, but there should be limits to it; when it goes too far, it becomes a form of slavery. It should at least seem to be free—so that when we follow our friends’ feelings, they feel convinced that we are also following our own.
We should readily excuse our friends when their faults are inborn and less significant than their good qualities. We should seldom let them see that we have noticed any such thing or are offended by it; we should try to act so that they may become aware of it themselves, leaving the merit of correcting it to them.
In dealings between honorable people, a kind of civility is needed. This makes them understand how to be jocular; it prevents them from being offended themselves, and offending other people, by the use of excessively dry or harsh expressions, which often slip out thoughtlessly when people are heatedly expounding their own opinions.
Honorable people cannot deal with each other unless there is a certain feeling of confidence, which needs to be mutual; each person chacun ait un air de sûreté et de discrétion qui ne donne jamais lieu de craindre qu’on puisse rien dire par imprudence.
Il faut de la variété dans l’esprit: ceux qui n’ont que d’une sorte d’esprit ne peuvent pas plaire longtemps. On peut prendre des routes diverses, n’avoir pas les mêmes vues ni les mêmes talents, pourvu qu’on aide au plaisir de la société, et qu’on y observe la même justesse que les différentes voix et les divers instruments doivent observer dans la musique.
Comme il est malaisé que plusieurs personnes puissent avoir les mêmes intérêts, il est nécessaire au moins, pour la douceur de la société, qu’ils n’en aient pas de contraires. On doit aller au-devant de ce qui peut plaire à ses amis, chercher les moyens de leur être utile, leur épargner des chagrins, leur faire voir qu’on les partage avec eux quand on ne peut les détourner, les effacer insensiblement sans prétendre de les arracher tout d’un coup, et mettre en la place des objets agréables, ou du moins qui les occupent. On peut leur parler des choses qui les regardent, mais ce n’est qu’autant qu’ils le permettent, et on y doit garder beaucoup de mesure: il y a de la politesse, et quelquefois même de l’humanité, à ne pas entrer trop avant dans les replis de leur cœur; ils ont souvent de la peine à laisser voir tout ce qu’ils en connaissent, et ils en ont encore davantage quand on pénètre ce qu’ils ne connaissent pas. Bien que le commerce que les honnêtes gens ont ensemble leur donne de la familiarité, et leur fournisse un nombre infini de sujets de se parler sincérement, personne presque n’a assez de docilité et de bon sens pour bien recevoir plusieurs avis qui sont nécessaires pour maintenir la société: on veut être averti jusqu’à un certain point, mais on ne veut pas l’être en toutes choses, et on craint de savoir toutes sortes de vérités.
Comme on doit garder des distances pour voir les objets, il en faut garder aussi pour la société: chacun a son point de vue, d’où il veut être regardé; on a raison, le plus souvent, de ne vouloir pas être éclairé de trop près, et il n’y a presque point d’homme qui veuille, en toutes choses, se laisser voir tel qu’il est.
Il y a un air qui convient à la figure et aux talents de chaque personne: on perd toujours quand on le quitte pour en prendre un autre. should have an air of reassurance and tact, so that there is never any reason to fear that anything imprudent could possibly be said.
There needs to be some variety of thought; those whose minds work in only one way cannot please for long. We can travel along different paths, we need not have the same views or the same talents, as long as we are contributing to the pleasure of the social group, preserving in it the same harmony that different voices and instruments should preserve in music.
It is difficult for different people to have the same interests; to make social contact more agreeable, at least their interests should not be in opposition. We should anticipate what would please our friends, look for ways to be useful to them, spare them from trouble, show them that we are sharing it when it cannot be averted, shroud it imperceptibly without claiming to destroy it all at once, and replace it with something attractive, or at least something that will keep them busy. We should talk about things that concern them—but only as far as they themselves will let us; in such matters we need to avoid going too far. It is an act of civility, sometimes even of humanity, not to penetrate too deeply into the recesses of their hearts. Often it would be painful for them to reveal everything that they themselves know about their own hearts, and still more painful if we were to perceive what they do not know. Though dealings between honorable people make them familiar with each other, and provide them with innumerable subjects that they can discuss sincerely, hardly anyone has enough flexibility and good sense to accept fully the variety of opinion that is necessary for the maintenance of the social group. We want to be informed up to a certain point, but not in every respect; there are all kinds of truths we are afraid of knowing.
Just as we must keep at a distance to see objects clearly, so we must do in a social group; each person has a specific point of view from which he wants to be considered.* We are usually right when we do not want to be too brightly illuminated, and there is hardly any man who would want to be seen as he really is in every respect.
There is a particular manner that suits each person’s appearance and talents; when we abandon it in order to adopt another, we are always Il faut essayer de connaître celui qui nous est naturel, n’en point sortir, et le perfectionner autant qu’il nous est possible.
Ce qui fait que la plupart des petits enfants plaisent, c’est qu’ils sont encore renfermés dans cet air et dans ces manières que la nature leur a données, et qu’ils n’en connaissent point d’autres. Ils les changent et les corrompent quand ils sortent de l’enfance: ils croient qu’il faut imiter ce qu’ils voient faire aux autres, et ils ne le peuvent parfaitement imiter; il y a toujours quelque chose de faux et d’incertain dans cette imitation. Ils n’ont rien de fixe dans leurs manières ni dans leurs sentiments; au lieu d’être en effet ce qu’ils veulent paraître, ils cherchent à paraître ce qu’ils ne sont pas. Chacun veut être un autre, et n’être plus ce qu’il est: ils cherchent une contenance hors d’eux-mêmes, et un autre esprit que le leur; ils prennent des tons et des manières au hasard; ils en font l’expérience sur eux, sans considérer que ce qui convient à quelques-uns ne convient pas à tout le monde, qu’il n’y a point de règle générale pour les tons et pour les manières, et qu’il n’y a point de bonnes copies. Deux hommes néan-moins peuvent avoir du rapport en plusieurs choses sans être copie l’un de l’autre, si chacun suit son naturel; mais personne presque ne le suit entiérement, on aime à imiter; on imite souvent, même sans s’en apercevoir, et on néglige ses propres biens pour des biens étrangers, qui d’ordinaire ne nous conviennent pas.
Je ne prétends pas, par ce que je dis, nous renfermer tellement en nous-mêmes, que nous n’ayons pas la liberté de suivre des exemples, et de joindre à nous des qualités utiles ou nécessaires que la nature ne nous a pas données: les arts et les sciences conviennent à la plupart de ceux qui s’en rendent capables; la bonne grâce et la politesse conviennent à tout le monde; mais ces qualités acquises doivent avoir un certain rapport et une certaine union avec nos propres qualités, qui les étendent et les augmentent imperceptiblement.
Nous sommes quelquefois élevés à un rang et à des dignités au-dessus de nous; nous sommes souvent engagés dans une profession nouvelle où la nature ne nous avait pas destinés: tous ces états ont chacun un air qui leur convient, mais qui ne convient pas toujours avec notre air naturel; ce changement de notre fortune change souvent notre air et nos manières, et y ajoute l’air de la dignité, qui est toujours faux quand il est trop marqué et qu’il n’est pas joint et confondu avec l’air que la nature nous a donné: il faut les unir et les mêler ensemble, et qu’ils ne paraissent jamais séparés.
the losers. We should try to discover the manner that comes naturally to us and not depart from it, perfecting it as much as we can.
What makes the majority of young children so pleasant is the fact that they are still confined to the manner and the ways of behaving that nature gave them; they are ignorant of any others. When they start to leave childhood behind, they change and corrupt their ways. They think they ought to copy what they see other people doing, and yet they cannot copy it perfectly—there is always something false and indeterminate in the copy. There is nothing steady in their feelings and their ways of behaving; instead of really being what they want to seem, they strive to seem what they are not. Each of them wants to be someone else, and not what he is. They are searching for a demeanour that is beyond them, a mind that is different from their own; they adopt manners and ways of behaving at random; they experiment with them, not realizing that what suits some people does not suit everyone, that there are no general rules for manners and ways of behaving, and copies are never good.* Yet two men can be similar in various respects without copying one another, if each of them is simply following his own nature; but hardly anyone follows it altogether—we love to copy; we often copy even without realizing it, and we neglect our own good qualities for alien ones, which usually do not suit us.
In saying this, I am not claiming that we should be so self-confined that we have no freedom to follow examples and supplement ourselves with useful or necessary qualities which nature has not given us. The arts and sciences suit most people who are able to learn them; grace and civility suit everyone; but such acquired qualities should always have a certain relationship and unity with our own qualities, which imperceptibly extend and increase them.
Sometimes we are exalted to a rank and dignity too great for us; often we are obliged to enter a new profession, for which nature has not destined us. Any such position has its own manner—which suits it, but does not necessarily suit the manner that comes naturally to us; the change in our fortune often changes our manner and our ways of behaving, and supplements them with an air of dignity which is always false when it is too marked and fails to combine and merge with the manner that nature has given us. We need to unite and blend them so that they seem inseparable.
On ne parle pas de toutes choses sur un même ton et avec les mêmes manières; on ne marche pas à la tête d’un régiment comme on marche en se promenant; mais il faut qu’un même air nous fasse dire naturellement des choses différentes, et qu’il nous fasse marcher différemment, mais toujours naturellement, et comme il convient de marcher à la tête d’un régiment et à une promenade.
Il y en a qui ne se contentent pas de renoncer à leur air propre et naturel, pour suivre celui du rang et des dignités où ils sont parvenus; il y en a même qui prennent par avance l’air des dignités et du rang où ils aspirent. Combien de lieutenants généraux apprennent à paraître maréchaux de France! Combien de gens de robe répètent inutilement l’air de chancelier, et combien de bourgeoises se donnent l’air de duchesses!
Ce qui fait qu’on déplaît souvent, c’est que personne ne sait accorder son air et ses manières avec sa figure, ni ses tons et ses paroles avec ses pensées et ses sentiments; on trouble leur harmonie par quelque chose de faux et d’étranger; on s’oublie soimême, et on s’en éloigne insensiblement; tout le monde presque tombe, par quelque endroit, dans ce défaut; personne n’a l’oreille assez juste pour entendre parfaitement cette sorte de cadence. Mille gens déplaisent avec des qualités aimables; mille gens plaisent avec de moindres talents: c’est que les uns veulent paraître ce qu’ils ne sont pas; les autres sont ce qu’ils paraissent; et enfin, quelques avantages ou quelques désavantages que nous ayons reçus de la nature, on plaît à proportion de ce qu’on suit l’air, les tons, les manières et les sentiments qui conviennent à notre état et à notre figure, et on déplaît à proportion de ce qu’on s’en éloigne.
Ce qui fait que si peu de personnes sont agréables dans la conversation, c’est que chacun songe plus à ce qu’il veut dire qu’à ce que les autres disent. Il faut écouter ceux qui parlent, si on en veut être écouté; il faut leur laisser la liberté de se faire entendre, et même de dire des choses inutiles. Au lieu de les contredire ou de les interrompre, comme on fait souvent, on doit, au contraire, entrer dans leur esprit et dans leur goût, montrer qu’on les entend, leur parler de ce qui les touche, louer ce qu’ils disent autant qu’il mérite d’être
Not all things should be discussed in the same tone and style—we do not march at the head of a regiment as we walk during a stroll; but we should say different things in the same natural manner. Though we should walk in different ways, we should always do so naturally and as is suitable, whether at the head of a regiment or during a stroll.
There are some people who are not content merely to abandon their appropriate natural manner and accept that of the rank and dignity they have attained; they even adopt prematurely the manner of a rank and dignity to which they aspire. How many lieutenant-generals are practising to be field marshals! How many lawyers are imitating in vain the manner of a chancellor, and how many middle-class women are assuming the air of a duchess!
What we often dislike is the fact that no one knows how to reconcile his manner and his ways of behaving with his demeanour, or his words and his tones of voice with his thoughts and sentiments. People disturb their harmony with something false and alien; they forget themselves and drift imperceptibly out of harmony. Almost everyone falls into this fault in some respect; nobody has a fine enough ear to recognize the proper cadence on every occasion. Thousands of people with attractive qualities are disliked; thousands of less talented people are liked—because the former want to seem something that they are not, while the latter are exactly what they seem. In short, whatever advantages or disadvantages we may have received from nature, we are pleasing only in so far as we follow the manner, tones, feelings, and ways of behaving that suit our condition and demeanour, and we are displeasing to the extent that we depart from them.
The reason why so few people are attractive in conversation is that everyone thinks more about what he himself wants to say than about what the other people are saying. We should listen to those who are speaking, if we want them to listen to us; we should give them a hearing, and even let them say things that are pointless. Instead of contradicting or interrupting them, as people often do, we should penetrate their own thought and taste, showing that we understand them, speaking about things that concern them, praising what they loué, et faire voir que c’est plutôt par choix qu’on le loue que par complaisance. Il faut éviter de contester sur des choses indifférentes, faire rarement des questions, qui sont presque toujours inutiles, ne laisser jamais croire qu’on prétend avoir plus de raison que les autres, et céder aisément l’avantage de décider.
On doit dire des choses naturelles, faciles et plus ou moins sérieuses, selon l’humeur et l’inclination des personnes que l’on entretient, ne les presser pas d’approuver ce qu’on dit, ni même d’y répondre. Quand on a satisfait de cette sorte aux devoirs de la politesse, on peut dire ses sentiments, sans prévention et sans opiniâtreté, en faisant paraître qu’on cherche à les appuyer de l’avis de ceux qui écoutent.
Il faut éviter de parler longtemps de soimême, et de se donner souvent pour exemple. On ne saurait avoir trop d’application à connaître la pente et la portée de ceux à qui on parle, pour se joindre à l’esprit de celui qui en a le plus, et pour ajouter ses pensées aux siennes, en lui faisant croire, autant qu’il est possible, que c’est de lui qu’on les prend. Il y a de l’habileté à n’épuiser pas les sujets qu’on traite, et à laisser toujours aux autres quelque chose à penser et à dire.
On ne doit jamais parler avec des airs d’autorité, ni se servir de paroles et de termes plus grands que les choses. On peut conserver ses opinions, si elles sont raisonnables; mais en les conservant, il ne faut jamais blesser les sentiments des autres, ni paraître choqué de ce qu’ils ont dit. Il est dangereux de vouloir être toujours le maître de la conversation, et de parler trop souvent d’une même chose; on doit entrer indifféremment sur tous les sujets agréables qui se présentent, et ne faire jamais voir qu’on veut entraîner la conversation sur ce qu’on a envie de dire.
Il est nécessaire d’observer que toute sorte de conversation, quelque honnête et quelque spirituelle qu’elle soit, n’est pas également propre à toute sorte d’honnêtes gens: il faut choisir ce qui convient à chacun, et choisir même le temps de le dire; mais s’il y a beaucoup d’art à savoir parler à propos, il n’y en a pas moins à savoir se taire. Il y a un silence éloquent: il sert quelquefois à approuver et à condamner; il y a un silence moqueur; il y a un silence respectueux; il y a enfin des airs, des tons et des manières qui font souvent ce qu’il y a d’agréable ou de désagréable, de délicat ou de choquant dans la conversation; le secret de s’en bien servir est donné à peu de personsay when it deserves to be praised, and showing that we are praising them by choice rather than out of mere politeness. We should avoid disputes about insignificant things; we should rarely question what they say (this is almost always useless), we should never let them think we claim to be more reasonable than other people, and we should readily give them the privilege of deciding for themselves.
We should say things that are natural, simple, and more or less serious, depending on the temperaments and inclinations of the people with whom we are speaking—not pressing them to approve what we have said, or even to answer it. When we have thus satisfied the requirements of civility, we can voice our own feelings without any prejudice or stubbornness, while showing that we are trying to base them on the opinions of our listeners.
We should not talk long about ourselves, or often set ourselves up as examples. We cannot be too diligent in learning the inclinations and capacities of those with whom we are speaking, so that we can associate with the most intelligent person and add our thoughts to his, giving him the impression, wherever possible, that we are deriving them from him. We need to be clever enough not to exhaust the subjects under discussion, but always leave something for other people to think and say.
We should never speak with an air of authority or use words and terms that are too lofty. We can hold to our own opinions, if they are reasonable; but when we do so, we should never wound other people’s feelings or seem offended by what they have said. It is dangerous to want to lead the conversation all the time, or to talk too often about one thing; we should participate equally in all the attractive subjects that arise, and never show that we want to draw the conversation around to something that we ourselves wish to say.
It must be said that no conversation, however honorable and intelligent, is equally suitable for all kinds of honorable people. We need to choose what is suitable for each person—and even choose the right time to say it; if there is great art in knowing how to speak appropriately, there is no less in knowing how to be silent. There is an eloquent silence, which can sometimes be used to approve or condemn; there is a mocking silence; there is a respectful silence. In fact, there are tones, manners, and ways of behaving that often determine what is attractive or unattractive, subtle or offensive in a nes; ceux mêmes qui en font des règles s’y méprennent quelquefois; la plus sûre, à mon avis, c’est de n’en point avoir qu’on ne puisse changer, de laisser plutôt voir des négligences dans ce qu’on dit que de l’affectation, d’écouter, de ne parler guère, et de ne se forcer jamais à parler.
Bien que la sincérité et la confiance aient du rapport, elles sont néanmoins différentes en plusieurs choses: la sincérité est une ouverture de cœur, qui nous montre tels que nous sommes; c’est un amour de la vérité, une répugnance à se déguiser, un désir de se dédommager de ses défauts, et de les diminuer même par le mérite de les avouer. La confiance ne nous laisse pas tant de liberté; ses règles sont plus étroites; elle demande plus de prudence et de retenue, et nous ne sommes pas toujours libres d’en disposer; il ne s’agit pas de nous uniquement, et nos intérêts sont mêlés d’ordinaire avec les intérêts des autres. Elle a besoin d’une grande justesse pour ne livrer pas nos amis en nous livrant nous-mêmes, et pour ne faire pas des présents de leur bien, dans la vue d’augmenter le prix de ce que nous donnons.
La confiance plaît toujours à celui qui la reçoit: c’est un tribut que nous payons à son mérite; c’est un dépôt que l’on commet à sa foi; ce sont des gages qui lui donnent un droit sur nous, et une sorte de dépendance où nous nous assujettissons volontairement. Je ne prétends pas détruire par ce que je dis la confiance, si nécessaire entre les hommes, puisqu’elle est le lien de la société et de l’amitié: je prétends seulement y mettre des bornes, et la rendre honnête et fidèle. Je veux qu’elle soit toujours vraie et toujours prudente, et qu’elle n’ait ni faiblesse, ni intérêt; mais je sais bien qu’il est malaisé de donner de justes limites à la manière de recevoir toute sorte de confiance de nos amis, et de leur faire part de la nôtre.
On se confie le plus souvent par vanité, par envie de parler, par le désir de s’attirer la confiance des autres, et pour faire un échange de secrets. Il y a des personnes qui peuvent avoir raison de se fier en nous, vers qui nous n’aurions pas raison d’avoir la même conduite, et on s’acquitte envers ceux-ci en leur gardant le secret, et en les payant de légères confidences. Il y en a d’autres dont la fidélité nous est conversation. Few people know the secret of using them properly. Even those who lay down rules on the subject go astray from time to time. The safest rule, in my opinion, is to have no rules that cannot be changed, to speak negligently rather than pretentiously, to listen and say very little, never forcing yourself to talk.
Though confiding and being sincere are related, they differ in various respects. Sincerity is a form of open-heartedness,* and shows us as we really are; it is a love of truth, a dislike of disguising ourselves, a desire to compensate for our faults and even reduce them in a meritorious way by confessing them. When we confide, we have less freedom; the rules are stricter. The act calls for more prudence and more reserve, and is not always under our own control—it does not depend solely on us; other people’s interests are usually mingled with our own. We must be meticulously careful not to unmask our friends when we unmask ourselves, and not to enhance the value of our own offerings by doling out anything that our friends possess.
A confidence always gives pleasure to the person who receives it. It is a tribute paid to his merit, a deposit entrusted to his fidelity, a pledge that gives him a claim on us, a kind of dependence to which we submit voluntarily. In saying this, I am not intending to destroy confidence, which is so necessary among men, since it is the bond that maintains social contact and friendship; I am intending merely to set limits to it, so that it is honorable and faithful. I want it to be always true and prudent, without weakness or self-interest; but I know well that it is hard to define the proper extent to which we and our friends should exchange confidences.
Most often we confide out of vanity, out of a wish to speak, out of a desire to draw confidences from other people, and in order to exchange secrets. There are people who may have reason to trust us, though we have no reason to trust them. We discharge our obligations toward them by keeping their secrets and repaying them with slight confidences of our own. There are other people whose fidelity is well known to us, who never act cautiously with us, and in whom we can confide by choice and inclination. We should not hide from connue, qui ne ménagent rien avec nous, et à qui on peut se confier par choix et par estime. On doit ne leur cacher rien de ce qui ne regarde que nous, se montrer à eux toujours vrais, dans nos bonnes qualités et dans nos défauts même, sans exagérer les unes, et sans diminuer les autres; se faire une loi de ne leur faire jamais de demiconfidences, qui embarrassent toujours ceux qui les font, et ne contentent presque jamais ceux qui les reçoivent: on leur donne des lumières confuses de ce qu’on veut cacher, et on augmente leur curiosité; on les met en droit d’en vouloir savoir davantage, et ils se croient en liberté de disposer de ce qu’ils ont pénétré. Il est plus sûr et plus honnête de ne leur rien dire, que de se taire quand on a commencé à parler.
Il y a d’autres règles à suivre pour les choses qui nous ont été confiées: plus elles sont importantes, et plus la prudence et la fidélité y sont nécessaires. Tout le monde convient que le secret doit être inviolable; mais on ne convient pas toujours de la nature et de l’importance du secret: nous ne consultons le plus souvent que nousmêmes sur ce que nous devons dire et sur ce que nous devons taire; il y a peu de secrets de tous les temps, et le scrupule de les révéler ne dure pas toujours.
On a des liaisons étroites avec des amis dont on connaît la fidélité; ils nous ont toujours parlé sans réserve, et nous avons toujours gardé les mêmes mesures avec eux; ils savent nos habitudes et nos commerces, et ils nous voient de trop près pour ne s’apercevoir pas du moindre changement; ils peuvent savoir par ailleurs ce que nous sommes engagés de ne dire jamais à personne; il n’a pas été en notre pouvoir de les faire entrer dans ce qu’on nous a confié, et qu’ils ont peut-être quelque intérêt de savoir; on est assuré d’eux comme de soi, et on se voit cependant réduit à la cruelle nécessité de perdre leur amitié, qui nous est précieuse, ou de manquer à la foi du secret. Cet état est sans doute la plus rude épreuve de la fidélité; mais il ne doit pas ébranler un honnête homme: c’est alors qu’il lui est permis de se préférer aux autres; son premier devoir est indispensablement de conserver le dépôt en son entier, sans en peser les suites: il doit non seulement ménager ses paroles et ses tons, il doit encore ménager ses conjectures, et ne laisser jamais rien voir, dans ses discours ni dans son air, qui puisse tourner l’esprit des autres vers ce qu’il ne veut pas dire.
On a souvent besoin de force et de prudence pour opposer à la them anything that concerns us; we should always show ourselves to them as we truly are, with our good qualities and even our faults, neither exaggerating the former nor trying to reduce the latter. With such people, we should make it a rule never to impart half-confidences—which always put the giver in an awkward position and hardly ever satisfy the receiver: they dimly illuminate what we want to keep hidden, and they arouse the curiosity of our hearers, who feel entitled to know more and feel free to discuss what they have perceived. It is safer and more honorable to tell them nothing than to fall silent after we have started to speak.
There are other rules to be followed when something has been confided to us. The more important it is, the more prudence and fidelity it demands. Everyone agrees that a secret should be inviolable; but not everyone agrees on the nature and importance of such secrecy. Most often we consult only our own judgement when deciding what we should say or not say. Few secrets are permanent, and our scruples about revealing them do not last for ever.
We have very close links with friends whom we know to be faithful. They have always spoken to us frankly, and we have dealt with them in the same way; they know our habits and procedures, and they can see us at such close range that they notice the slightest change. From another source they may learn something that we have promised never to tell anyone—it has not been in our power to take them into our confidence, even though they might have some personal interest in the subject; we are as sure of them as we are of ourselves, and yet we find ourselves reduced to the hard fate of either losing their friendship, which is dear to us, or else breaking our pledge of secrecy. This situation is no doubt the most severe test of fidelity, but it should not sway a man of honor. At such a time he may permissibly choose his own interests in preference to other people’s; his first duty is necessarily to keep the entrusted secret intact, regardless of the consequences. Not only must his words and tones of voice be cautious; so must his suggestions, and he must never reveal anything, either in his conversation or in his manner, which could lead other people’s minds toward the matter that he cannot state.
We often need strength and prudence to resist the demands of our friends, most of whom make claims on our confidence and want tyrannie de la plupart de nos amis, qui se font un droit sur notre confiance, et qui veulent tout savoir de nous. On ne doit jamais leur laisser établir ce droit sans exception: il y a des rencontres et des circonstances qui ne sont pas de leur juridiction; s’ils s’en plaignent, on doit souffrir leurs plaintes, et s’en justifier avec douceur; mais s’ils demeurent injustes, on doit sacrifier leur amitié à son devoir, et choisir entre deux maux inévitables, dont l’un se peut réparer, et l’autre est sans remède.
Ceux qui ont voulu nous représenter l’amour et ses caprices l’ont comparé en tant de sortes à la mer, qu’il est malaisé de rien ajouter à ce qu’ils en ont dit: ils nous ont fait voir que l’un et l’autre ont une inconstance et une infidélité égales, que leurs biens et leurs maux sont sans nombre, que les navigations les plus heureuses sont exposées à mille dangers, que les tempêtes et les écueils sont toujours à craindre, et que souvent même on fait naufrage dans le port; mais en nous exprimant tant d’espérances et tant de craintes, ils ne nous ont pas assez montré, ce me semble, le rapport qu’il y a d’un amour usé, languissant et sur sa fin, à ces longues bonaces, à ces calmes ennuyeux, que l’on rencontre sous la ligne. On est fatigué d’un grand voyage, on souhaite de l’achever; on voit la terre, mais on manque de vent pour y arriver; on se voit exposé aux injures des saisons; les maladies et les langueurs empêchent d’agir; l’eau et les vivres man-quent ou changent de goût; on a recours inutilement aux secours étrangers; on essaie de pêcher, et on prend quelques poissons, sans en tirer de soulagement ni de nourriture; on est las de tout ce qu’on voit, on est toujours avec ses mêmes pensées, et on est toujours ennuyé; on vit encore, et on a regret à vivre; on attend des désirs pour sortir d’un état pénible et languissant, mais on n’en forme que de faibles et d’inutiles.
Quelque différence qu’il y ait entre les bons et les mauvais exemples, on trouvera que les uns et les autres ont presque également produit us to tell them everything. Never, under any circumstances, must we allow them to establish such claims. There are contexts and circumstances that do not fall within their province; if they complain about that, we must endure their complaints and gently defend our conduct; but if they remain unjust, we must sacrifice their friendship to our duty, and make a choice between two inevitable ills—one of which can be put right, whereas the other has no possible cure.
Those who have sought to depict love and its whims have compared it to the sea in so many ways that it is hard to add anything to what they have said. They have shown that both are equally inconstant and faithless, doing countless good and evil deeds; that the most fortunate voyages face thousands of dangers, that there are always storms and reefs to be feared, and that we are often shipwrecked even in harbour. But although they have listed so many hopes and fears, it seems to me that they have not sufficiently shown us the link between a worn-out, sluggish love that is reaching its end and the prolonged doldrums, the tiresome calm spells, that we encounter below the equator. We are weary of our long journey, we long to finish it; we can see the land, but we do not have enough wind to reach it; we find ourselves subject to the ravages of time; we are too ill and too sluggish to act; water and provisions fail or lose their taste; we turn in vain to aliens for help; we try to fish, and we do catch some fish, but they give us neither comfort nor nourishment; we are weary of everything we see, we are always thinking the same thoughts, and we are always bored; we continue to live, and we regret that we do; we hope to be rescued from our painful, sluggish state by what we desire—yet the only desires we can form are themselves weak and sluggish.
Whatever difference there may be between good and bad examples, we shall find that both have produced almost equally bad results. I de méchants effets; je ne sais même si les crimes de Tibère et de Néron ne nous éloignent pas plus du vice, que les exemples estimables des plus grands hommes ne nous approchent de la vertu. Combien la valeur d’Alexandre a-t-elle fait de fanfarons! Combien la gloire de César a-t-elle autorisé d’entreprises contre la patrie! Combien Rome et Sparte ont-elles loué de vertus farouches! Combien Diogène a-t-il fait de philosophes importuns, Cicéron de babillards, Pomponius Atticus de gens neutres et paresseux, Marius et Sylla de vindicatifs, Lucullus de voluptueux, Alcibiade et Antoine de débauchés, Caton d’opiniâtres! Tous ces grands originaux ont produit un nombre infini de mauvaises copies. Les vertus sont frontières des vices; les exemples sont des guides qui nous égarent souvent, et nous sommes si remplis de fausseté, que nous ne nous en servons pas moins pour nous éloigner du chemin de la vertu, que pour le suivre.
Plus on parle de sa jalousie, et plus les endroits qui ont déplu paraissent de différents côtés; les moindres circonstances les changent, et font toujours découvrir quelque chose de nouveau. Ces nouveautés font revoir, sous d’autres apparences, ce qu’on croyait avoir assez vu et assez pesé; on cherche à s’attacher à une opinion, et on ne s’at-tache à rien; tout ce qui est de plus opposé et de plus effacé se présente en même temps; on veut haïr et on veut aimer, mais on aime encore quand on hait, et on hait encore quand on aime. On croit tout, et on doute de tout; on a de la honte et du dépit d’avoir cru et d’avoir douté; on se travaille incessamment pour arrêter son opinion, et on ne la conduit jamais à un lieu fixe.
Les poètes devraient comparer cette opinion à la peine de Sisyphe, puisqu’on roule aussi inutilement que lui un rocher, par un chemin pénible et périlleux; on voit le sommet de la montagne, on s’efforce d’y arriver; on l’espère quelquefois, mais on n’y arrive jamais. On n’est pas assez heureux pour oser croire ce qu’on souhaite, ni même assez heureux aussi pour être assuré de ce qu’on craint le plus; on est assujetti à une incertitude éternelle, qui nous présente successivement des biens et des maux qui nous échappent toujours.
am not even sure whether the crimes of Tiberius and Nero* do not drive us further away from vice than the admirable examples of the greatest men draw us toward virtue. How many braggarts have been produced by the valour of Alexander! How many plots against one’s country have been authorized by the glory of Caesar!* How many cruel virtues have received the praise of Rome and Sparta! How many cadging philosophers have been produced by Diogenes, chatterboxes by Cicero, lazy fence-sitters by Pomponius Atticus, avengers by Marius and Sylla, voluptuaries by Lucullus, debauchees by Alcibiades and Antony, stubborn diehards by Cato!* All those great originals have produced infinite numbers of bad copies. The virtues are bordered by vices; examples are guides that often lead us astray, and we are so full of falsehood that we use them as much to depart from the path of virtue as to follow it.
The more we say about our jealousy, the more varied its unpleasant aspects seem; the slightest circumstances change them, constantly revealing something new. Such novelties make us look again, with different eyes, at what we thought we had already seen enough and weighed enough. We try to commit ourselves to a definite opinion, and we do not commit ourselves to any; everything that is opposite or overshadowed appears at the same time; we want to hate and we want to love—but we still love when we hate, and we still hate when we love. We believe everything and doubt everything; we feel ashamed and resentful for having believed, and also for having doubted; we labour constantly to reach a definite opinion, and we never manage to settle it.
The poets should have compared such opinions to the torments of Sisyphus,* because we too are rolling a rock in vain on a painful, perilous path; we can see the mountaintop, we strive to reach it, sometimes we are in hope—but we never do reach it. We are never fortunate enough to venture to believe what we wish—nor are we even fortunate enough to be sure of what we fear most. We are subject to a kind of endless uncertainty, showing us successive glimpses of good and evil things that constantly escape us.
L’amour est une image de notre vie: l’un et l’autre sont sujets aux mêmes révolutions et aux mêmes changements. Leur jeunesse est pleine de joie et d’espérance: on se trouve heureux d’être jeune, comme on se trouve heureux d’aimer. Cet état si agréable nous conduit à désirer d’autres biens, et on en veut de plus solides; on ne se contente pas de subsister, on veut faire des progrès, on est occupé des moyens de s’avancer et d’assurer sa fortune; on cherche la protection des ministres, on se rend utile à leurs intérêts; on ne peut souffrir que quelqu’un prétende ce que nous prétendons. Cette émulation est traversée de mille soins et de mille peines, qui s’effacent par le plaisir de se voir établi: toutes les passions sont alors satisfaites, et on ne prévoit pas qu’on puisse cesser d’être heureux.
Cette félicité néanmoins est rarement de longue durée, et elle ne peut conserver longtemps la grâce de la nouveauté; pour avoir ce que nous avons souhaité, nous ne laissons pas de souhaiter encore. Nous nous accoutumons à tout ce qui est à nous; les mêmes biens ne conservent pas leur même prix, et ils ne touchent pas toujours également notre goût; nous changeons imperceptiblement, sans remarquer notre changement; ce que nous avons obtenu devient une partie de nous-mêmes; nous serions cruellement touchés de le perdre, mais nous ne sommes plus sensibles au plaisir de le conserver; la joie n’est plus vive; on en cherche ailleurs que dans ce qu’on a tant désiré. Cette inconstance involontaire est un effet du temps, qui prend, malgré nous, sur l’amour, comme sur notre vie; il en efface insensiblement chaque jour un certain air de jeunesse et de gaieté, et en détruit les plus véritables charmes; on prend des manières plus sérieuses, on joint des affaires à la passion; l’amour ne subsiste plus par lui-même, et il emprunte des secours étrangers. Cet état de l’amour représente le penchant de l’âge, où on commence à voir par où on doit finir; mais on n’a pas la force de finir volontairement, et dans le déclin de l’amour, comme dans le déclin de la vie, personne ne se peut résoudre de prévenir les dégoûts qui restent à éprouver; on vit encore pour les maux, mais on ne vit plus pour les plaisirs. La jalousie, la méfiance, la crainte de lasser, la crainte d’être quitté, sont des peines attachées à la vieillesse de l’amour, comme les maladies sont attachées à la trop longue durée de la vie: on ne sent plus qu’on est vivant que parce qu’on sent qu’on est malade, et on ne sent aussi
Love is a picture of our life: both are subject to the same upheavals and the same changes. Their early stages are filled with joy and hope; we believe ourselves fortunate to be young, as we believe ourselves fortunate to be in love. This condition is so attractive that it leads to a desire for other good things—and more substantial ones. We are not content to be; we want to progress; we are intent on advancing and making our fortune; we seek the patronage of ministers, we make ourselves useful by promoting their interests; we cannot endure anyone whose aspirations are the same as ours. This spirit of emulation is criss-crossed with thousands of cares and troubles, which are overshadowed by the pleasure of seeing ourselves secure; then all our passions are satisfied, and we do not foresee that we could ever cease to be happy.
Nevertheless, this state of felicity seldom lasts long, and does not long retain the charm of novelty. When we have what we wish, we do not stop wishing. We grow accustomed to everything that we have; the same possessions do not retain the same value, and no longer affect our taste in the same way. We change imperceptibly, without noticing that we have changed. What we have acquired becomes part of ourselves; we would be deeply affected if we lost it, but we are no longer sensitive to the pleasure of retaining it. Our joy has lost its intensity; we seek it elsewhere, no longer in the things that we used to desire so much. This involuntary inconstancy is the result of time; do what we may, time subtracts from our love, as it does from our life—imperceptibly tarnishing each day some of its youth and gaiety, and destroying its true charms. We behave in more serious ways, we add business to passion; love no longer exists for itself, but borrows help from alien things. This state of love depicts the onset of old age, when we begin to see what our end will be. But we are not strong enough to accept the end willingly; in the decline of love, as in the decline of life, no one can avert the frustrations that await us; though we no longer live for pleasures, we continue to live for ills. Jealousy, mistrust, fear of wearying others, fear of being deserted, are troubles associated with the old age of love, just as illnesses are associated with excessive prolongation of life. We feel that we are alive only because we feel ill, and likewise we feel that we are in love only because we feel all the troubles of love. In qu’on est amoureux que par sentir toutes les peines de l’amour. On ne sort de l’assoupissement des trop longs attachements que par le dépit et le chagrin de se voir toujours attaché; enfin de toutes les décrépitudes, celle de l’amour est la plus insupportable.
Il y a des personnes qui ont plus d’esprit que de goût, et d’autres qui ont plus de goût que d’esprit; mais il y a plus de variété et de caprice dans le goût que dans l’esprit.
Ce terme de goût a diverses significations, et il est aisé de s’y méprendre: il y a différence entre le goût qui nous porte vers les choses, et le goût qui nous en fait connaître et discerner les qualités, en s’attachant aux règles. On peut aimer la comédie sans avoir le goût assez fin et assez délicat pour en bien juger, et on peut avoir le goût assez bon pour bien juger de la comédie sans l’aimer. Il y a des goûts qui nous approchent imperceptiblement de ce qui se montre à nous; d’autres nous entraînent par leur force ou par leur durée.
Il y a des gens qui ont le goût faux en tout; d’autres ne l’ont faux qu’en de certaines choses, et ils l’ont droit et juste dans ce qui est de leur portée. D’autres ont des goûts particuliers, qu’ils connaissent mauvais, et ne laissent pas de les suivre. Il y en a qui ont le goût incertain; le hasard en décide: ils changent par légèreté, et sont touchés de plaisir ou d’ennui, sur la parole de leurs amis. D’autres sont toujours prévenus; ils sont esclaves de tous leurs goûts, et les respectent en toutes choses. Il y en a qui sont sensibles à ce qui est bon, et choqués de ce qui ne l’est pas; leurs vues sont nettes et justes, et ils trouvent la raison de leur goût dans leur esprit et dans leur discernement.
Il y en a qui, par une sorte d’instinct, dont ils ignorent la cause, décident de ce qui se présente à eux, et prennent toujours le bon parti. Ceux-ci font paraître plus de goût que d’esprit, parce que leur amour-propre et leur humeur ne prévalent point sur leurs lumières naturelles; tout agit de concert en eux, tout y est sur un même ton. Cet accord les fait juger sainement des objets, et leur en forme une idée véritable; mais, à parler généralement, il y a peu de gens qui aient le goût fixe et indépendant de celui des autres: ils suivent attachments that are too prolonged, we escape becoming comatose only by the resentment and discomfort of seeing that we are still attached; in short, of all forms of decrepitude, the decrepitude of love is the most unbearable.
Some people have more intelligence than taste, others more taste than intelligence; but there are more quirks and variations in taste than in intelligence.
The term ‘taste’ has various meanings, and here it is easy to go astray. There is a difference between the taste that attracts us to things, and the taste that leads us to become familiar with them and discern their qualities in accordance with certain rules. We may like a play even if our tastes are not sufficiently astute and subtle to judge it properly, and we may have enough taste to judge it properly even if we do not like it. Some tastes draw us imperceptibly toward what lies ahead; others sweep us away by their strength or duration.
Some people have bad taste in everything; others have bad taste only in certain things—their tastes are correct and true on any subject within their capacity. Still others have unique tastes, which they know to be bad but cannot help following. Some people have indeterminate tastes, which are fixed by chance; they are fickle, so they change their minds, and are affected with either pleasure or heartache, depending on their friends’ opinions. Others are always prejudiced; they are enslaved by their own tastes, which they respect in every detail. There are also people who are sensitive to what is good and offended by what is not; their views are clear and correct, and they find that the reason for their taste lies in their intelligence and discernment.
Some people, when faced with a matter of judgement, always choose the right side by a kind of instinct, without knowing why. Such people display more taste than intelligence, because their self-love and their temperament are not overriding their innate enlightenment. All their faculties act in concert and have the same tone. This harmony makes them judge things soundly and form a true idea of them. But generally speaking, there are few people whose tastes are fixed and independent of their friends’; most l’exemple et la coutume, et ils en empruntent presque tout ce qu’ils ont de goût.
Dans toutes ces différences de goûts que l’on vient de marquer, il est très rare, et presque impossible, de rencontrer cette sorte de bon goût qui sait donner le prix à chaque chose, qui en connaît toute la valeur, et qui se porte généralement sur tout: nos connaissances sont trop bornées, et cette juste disposition des qualités qui font bien juger ne se maintient d’ordinaire que sur ce qui ne nous regarde pas directement. Quand il s’agit de nous, notre goût n’a plus cette justesse si nécessaire; la préoccupation la trouble; tout ce qui a du rapport à nous paraît sous une autre figure; personne ne voit des mêmes yeux ce qui le touche et ce qui ne le touche pas; notre goût est conduit alors par la pente de l’amour-propre et de l’humeur, qui nous fournissent des vues nouvelles, et nous assujettissent à un nombre infini de changements et d’incertitudes; notre goût n’est plus à nous, nous n’en disposons plus: il change sans notre consentement, et les mêmes objets nous paraissent par tant de côtés différents, que nous méconnaissons enfin ce que nous avons vu et ce que nous avons senti.
Il y a autant de diverses espèces d’hommes qu’il y a de diverses espèces d’animaux, et les hommes sont, à l’égard des autres hommes, ce que les différentes espèces d’animaux sont entre elles et à l’égard les unes des autres. Combien y a-t-il d’hommes qui vivent du sang et de la vie des innocents: les uns comme des tigres, toujours farouches et toujours cruels; d’autres comme des lions, en gardant quelque apparence de générosité; d’autres comme des ours, grossiers et avides; d’autres comme des loups, ravissants et impitoyables; d’autres comme des renards, qui vivent d’industrie, et dont le métier est de tromper!
Combien y a-t-il d’hommes qui ont du rapport aux chiens! Ils détruisent leur espèce; ils chassent pour le plaisir de celui qui les nourrit; les uns suivent toujours leur maître, les autres gardent sa maison. Il y a des lévriers d’attache, qui vivent de leur valeur, qui se destinent à la guerre, et qui ont de la noblesse dans leur courage; il y a des dogues acharnés, qui n’ont de qualités que la fureur; il y a des chiens, plus ou moins inutiles, qui aboient souvent, et qui mordent people, instead, follow example and fashion, from which almost all their tastes are derived.
Amid all the different forms of taste noted above, it is very rare, indeed almost impossible, to find the sort of good taste that is really capable of evaluating each thing—that appreciates its full value, and is universally applicable. Our background knowledge is too limited; and only on matters of no direct concern to us, in most cases, do we maintain the sound combination of qualities required for good judgement. When we ourselves are concerned, our tastes no longer have the necessary soundness; they are disturbed by distracting influences. Everything takes on a different appearance when it relates to us. No one can see with the same eyes both what affects him and what does not affect him. Then our tastes are led by the bent of our self-love and our temperament, which give us new points of view, and subject us to innumerable changes and uncertainties. Our tastes are no longer our own, they are no longer under our own control; they change without our consent, and we see the same things from such different aspects that at last we no longer recognize what we used to see and feel.
There are as many different kinds of men as there are of animals, and men are to other men what the different kinds of animals are to themselves and to each other. How many men live on the blood and lives of the innocent—some like tigers, perpetually savage and cruel; others like lions, maintaining some appearance of generosity; others like bears, uncouth and greedy; others like wolves, marauding and pitiless; others like foxes, who live by their diligence, and whose occupation is to deceive!
How many men are like dogs! They destroy their own kind; they hunt to please the person who feeds them; some are always following their master, while others are guarding his house. There are wolfhounds, who live by their valour, who devote themselves to war, and who have nobility in their hearts; there are fierce watchdogs, whose sole merit is their frenzy; there are relatively useless dogs, who often bark and sometimes bite; there are even lapdogs. There are apes and quelquefois; il y a même des chiens de jardinier. Il y a des singes et des guenons qui plaisent par leurs manières, qui ont de l’esprit, et qui font toujours du mal; il y a des paons qui n’ont que de la beauté, qui déplaisent par leur chant, et qui détruisent les lieux qu’ils habitent.
Il y a des oiseaux qui ne sont recommandables que par leur ramage et par leurs couleurs. Combien de perroquets, qui parlent sans cesse, et qui n’entendent jamais ce qu’ils disent; combien de pies et de corneilles, qui ne s’apprivoisent que pour dérober; combien d’oi-seaux de proie, qui ne vivent que de rapines; combien d’espèces d’animaux paisibles et tranquilles, qui ne servent qu’à nourrir d’autres animaux!
Il y a des chats, toujours au guet, malicieux et infidèles, et qui font patte de velours; il y a des vipères, dont la langue est venimeuse, et dont le reste est utile; il y a des araignées, des mouches, des punaises et des puces, qui sont toujours incommodes et insupportables; il y a des crapauds, qui font horreur et qui n’ont que du venin; il y a des hiboux, qui craignent la lumière. Combien d’animaux qui vivent sous terre pour se conserver! Combien de chevaux, qu’on emploie à tant d’usages, et qu’on abandonne quand ils ne servent plus; combien de boeufs, qui travaillent toute leur vie, pour enrichir celui qui leur impose le joug; de cigales, qui passent leur vie à chanter; de lièvres, qui ont peur de tout; de lapins, qui s’épouvantent et rassurent en un moment; de pourceaux, qui vivent dans la crapule et dans l’ordure; de canards privés, qui trahissent leurs semblables, et les attirent dans les filets; de corbeaux et de vautours, qui ne vivent que de pourriture et de corps morts! Combien d’oiseaux passagers, qui vont si souvent d’un bout du monde à l’autre, et qui s’exposent à tant de périls, pour chercher à vivre! combien d’hirondelles, qui suivent toujours le beau temps; de hannetons, inconsidérés et sans dessein; de papillons, qui cherchent le feu qui les brûle! Combien d’abeilles, qui respectent leur chef, et qui se maintiennent avec tant de règle et d’industrie! combien de frelons, vagabonds et fainéants, qui cherchent à s’établir aux dépens des abeilles! Combien de four-mis, dont la prévoyance et l’économie soulagent tous leurs besoins! combien de crocodiles, qui feignent de se plaindre pour dévorer ceux qui sont touchés de leurs plaintes! Et combien d’animaux qui sont assujettis parce qu’ils ignorent leur force!
monkeys with pleasing ways, who are intelligent and always do ill; there are peacocks with nothing but beauty, whose singing is disliked, and who destroy the places where they live.
There are birds whose only recommendation is their plumage and their colouring. So many parrots, who talk incessantly and never understand what they are saying; so many crows and magpies, who become tame only in order to steal; so many birds of prey, who live only by depredation; so many kinds of calm and peaceful animals, whose sole purpose is to be food for other animals!
There are cats, always on the alert, malicious, faithless, keeping their claws hidden; there are vipers, whose tongues are venomous, though their other parts have their uses;* there are spiders, flies, lice, and fleas, always annoying and unbearable; there are toads, who are entirely composed of poison and inspire disgust; there are owls, who fear the daylight. So many animals who live underground for reasons of self-preservation! So many horses, who are put to use in many ways and are abandoned when they are no longer useful; so many oxen, who work all their lives to enrich the man who has placed his yoke on them; grasshoppers, who spend their whole lives in song; hares, who are afraid of everything; rabbits, who panic and calm down in a moment; swine, who live in filth and scum; decoy ducks, who betray their own kind and lure them into the snare; ravens and vultures, who live only on corruption and corpses! So many migrant birds, constantly flying from this world to that, and facing so many perils in search of their livelihood! So many swallows, always going where the weather is fair; beetles, with no thoughts and no plans; moths, seeking the very fire that burns them! So many bees, who respect their leader, observe such order, and act with such diligence! So many drones, idle and vagrant, trying to live off the bees! So many ants, whose foresight and economy relieve all their needs! So many crocodiles, pretending to weep and devouring those who are moved by their grief! And so many animals who are in subjection because they do not know their own strength!
Toutes ces qualités se trouvent dans l’homme, et il exerce, à l’égard des autres hommes, tout ce que les animaux dont on vient de parler exercent entre eux.
Si on examine la nature des maladies, on trouvera qu’elles tirent leur origine des passions et des peines de l’esprit. L’âge d’or, qui en était exempt, était exempt de maladies; l’âge d’argent, qui le suivit, conserva encore sa pureté; l’âge d’airain donna la naissance aux passions et aux peines de l’esprit: elles commencèrent à se former, et elles avaient encore la faiblesse de l’enfance et sa légèreté. Mais elles parurent avec toute leur force et toute leur malignité dans l’âge de fer, et répandirent dans le monde, par la suite de leur corruption, les diverses maladies qui ont affligé les hommes depuis tant de siècles. L’ambition a produit les fièvres aiguës et frénétiques; l’envie a produit la jaunisse et l’insomnie; c’est de la paresse que viennent les léthargies, les paralysies et les langueurs; la colère a fait les étouffements, les ébullitions de sang, et les inflammations de poitrine; la peur a fait les battements de cœur et les syncopes; la vanité a fait les folies; l’avarice, la teigne et la gale; la tristesse a fait le scorbut; la cruauté, la pierre, la calomnie et les faux rapports ont répandu la rougeole, la petite vérole, et le pourpre, et on doit à la jalousie la gangrène, la peste, et la rage. Les disgrâces imprévues ont fait l’apoplexie; les procès ont fait la migraine et le transport au cerveau; les dettes ont fait les fièvres étiques; l’ennui du mariage a produit la fièvre quarte, et la lassitude des amants qui n’osent se quitter a causé les vapeurs. L’amour, lui seul, a fait plus de maux que tout le reste ensemble, et personne ne doit entreprendre de les exprimer; mais comme il fait aussi les plus grands biens de la vie, au lieu de médire de lui, on doit se taire: on doit le craindre et le respecter toujours.
On est faux en différentes manières: il y a des hommes faux qui veulent toujours paraître ce qu’ils ne sont pas; il y en a d’autres, de meilleure foi, qui sont nés faux, qui se trompent eux-mêmes, et qui ne voient jamais les choses comme elles sont. Il y en a dont l’esprit
All these qualities are found in man; and he acts toward other men as the animals we have just discussed act toward each other.
If we study the nature of illnesses, we find that they originate from mental passions and pains. The Golden Age,* which was free from such passions and pains, was also free from illnesses. The Silver Age, which followed it, still preserved its purity. The Bronze Age gave birth to mental passions and pains; they began to take shape, and they still had the weakness and slightness of youth. But they appeared in their full strength and malignity during the Iron Age, and their corrupting influence spread throughout the world the various illnesses that have afflicted men for so many ages. Ambition causes acute and frenzied fevers; envy causes jaundice and insomnia; laziness is the cause of lethargies, paralyses, and states of sluggishness; anger produces suffocation, bleeding fits, and inflammation of the lungs; fear produces palpitations and fainting spells; vanity produces madness, avarice rashes and itching; sadness produces scurvy, cruelty calculi; calumny and falsehood have spread measles, smallpox, and purpura; and to jealousy we owe gangrene, plague, and rabies. Unexpected disgrace produces apoplexy; lawsuits produce migraine and strokes; debts produce consumption; boredom in marriage causes quartan fever, and when lovers dare not separate, their weariness leads to the vapours. Love alone has produced more ills than all the rest together, and no one could undertake to list them—but as it also produces the best things in life, we should keep silent and not slander it; we should always fear and respect it.
People are false in different ways. Some false men always want to seem what they are not; others—more trustworthy—are born false, deceive themselves, and never see things as they really are. There are some whose minds are sound, though their tastes are false; others est droit, et le goût faux; d’autres ont l’esprit faux, et ont quelque droiture dans le goût; il y en a enfin qui n’ont rien de faux dans le goût, ni dans l’esprit. Ceux-ci sont très rares, puisque, à parler généralement, il n’y a presque personne qui n’ait de la fausseté dans quelque endroit de l’esprit ou du goût.
Ce qui fait cette fausseté si universelle, c’est que nos qualités sont incertaines et confuses, et que nos vues le sont aussi: on ne voit point les choses précisément comme elles sont; on les estime plus ou moins qu’elles ne valent, et on ne les fait point rapporter à nous en la manière qui leur convient, et qui convient à notre état et à nos qualités. Ce mécompte met un nombre infini de faussetés dans le goût et dans l’esprit; notre amour-propre est flatté de tout ce qui se présente à nous sous les apparences du bien: mais comme il y a plusieurs sortes de bien qui touchent notre vanité ou notre tempérament, on les suit souvent par coutume, ou par commodité; on les suit parce que les autres les suivent, sans considérer qu’un même sentiment ne doit pas être également embrassé par toute sorte de personnes, et qu’on s’y doit attacher plus ou moins fortement, selon qu’il convient plus ou moins à ceux qui le suivent.
On craint encore plus de se montrer faux par le goût que par l’esprit. Les honnêtes gens doivent approuver sans prévention ce qui mérite d’être approuvé, suivre ce qui mérite d’être suivi, et ne se piquer de rien; mais il y faut une grande proportion et une grande justesse: il faut savoir discerner ce qui est bon en général, et ce qui nous est propre, et suivre alors avec raison la pente naturelle qui nous porte vers les choses qui nous plaisent. Si les hommes ne voulaient exceller que par leurs propres talents, et en suivant leurs devoirs, il n’y aurait rien de faux dans leur goût et dans leur conduite; ils se montreraient tels qu’ils sont; ils jugeraient des choses par leurs lumières, et s’y attacheraient par leur raison; il y aurait de la proportion dans leurs vues et dans leurs sentiments; leur goût serait vrai, il viendrait d’eux et non pas des autres, et ils le suivraient par choix, et non pas par coutume ou par hasard.
Si on est faux en approuvant ce qui ne doit pas être approuvé, on ne l’est pas moins, le plus souvent, par l’envie de se faire valoir en des qualités qui sont bonnes de soi, mais qui ne nous conviennent pas: un magistrat est faux quand il se pique d’être brave, bien qu’il puisse être hardi dans de certaines rencontres; il doit paraître ferme et assuré dans une sédition qu’il a droit d’apaiser, sans craindre d’être have false minds and relatively sound tastes. There are also some who have no falsehood either in their tastes or in their minds. Such people are very rare, since, generally speaking, almost everyone has something false somewhere in his mind or tastes.
What makes this falseness so universal is the fact that our qualities are indeterminate* and indistinct, and so are our views. We never see things exactly as they are; we prize them more or less than they are worth, and we never relate them to ourselves in the way that would suit both the thing itself and also our own condition and qualities. Such misjudgements make our tastes and minds false in innumerable ways; our self-love is flattered by every seemingly good thing that comes before us; but as there are various kinds of good things affecting our vanity or temperament, we often accept them out of habit, or out of convenience; we accept them because other people are accepting them—we fail to reflect that not all of us should have the same feelings, and that we should cling to them more or less firmly, depending on what is appropriate for those who feel them.
We are even more afraid to show falseness in our tastes than in our minds. People of honor should, without any prejudice, approve what deserves to be approved, accept what deserves to be accepted, and never take pride in themselves. But this requires a great sense of proportion and precision: we must be able to distinguish between what is good in general and what is appropriate for ourselves, so that we can, with good reason, follow our natural inclination toward the things that please us. If men wanted to excel only by means of their own talents, and only by doing their duty, there would be nothing false in their tastes and conduct; they would show themselves as they really are; they would judge everything by their own light, and cling to it by their own powers of reason; there would be a sense of proportion in their views and feelings; their tastes would be true, derived from themselves and not from other people, and would be accepted by choice, not from habit or by chance.
If we act falsely when we approve what should not be approved, very often we act just as falsely when we wish to draw attention to ourselves for qualities that are good in themselves but do not suit us. A magistrate is acting falsely when he takes pride in his courage, even though he may be brave in certain circumstances; he should seem strong and sure, without any fear of acting falsely, when he has faux, et il serait faux et ridicule de se battre en duel. Une femme peut aimer les sciences, mais toutes les sciences ne lui conviennent pas toujours, et l’entêtement de certaines sciences ne lui convient jamais, et est toujours faux.
Il faut que la raison et le bon sens mettent le prix aux choses, et déterminent notre goût à leur donner le rang qu’elles méritent et qu’il nous convient de leur donner; mais tous les hommes presque se trompent dans ce prix et dans ce rang, et il y a toujours de la fausseté dans ce mécompte.
Les plus grands rois sont ceux qui s’y méprennent le plus souvent: ils veulent surpasser les autres hommes en valeur, en savoir, en galanterie, et dans mille autres qualités où tout le monde a droit de prétendre; mais ce goût d’y surpasser les autres peut être faux en eux, quand il va trop loin. Leur émulation doit avoir un autre objet: ils doivent imiter Alexandre, qui ne voulut disputer du prix de la course que contre des rois, et se souvenir que ce n’est que des qualités particulières à la royauté qu’ils doivent disputer. Quelque vail-lant que puisse être un roi, quelque savant et agréable qu’il puisse être, il trouvera un nombre infini de gens qui auront ces mêmes qualités aussi avantageusement que lui, et le désir de les surpasser paraîtra toujours faux, et souvent même il lui sera impossible d’y réussir; mais s’il s’attache à ses devoirs véritables, s’il est magnanime, s’il est grand capitaine et grand politique, s’il est juste, clément et libéral, s’il soulage ses sujets; s’il aime la gloire et le repos de son État, il ne trouvera que des rois à vaincre dans une si noble carrière; il n’y aura rien que de vrai et de grand dans un si juste dessein. Le désir d’y surpasser les autres n’aura rien de faux. Cette émulation est digne d’un roi, et c’est la véritable gloire où il doit prétendre.
Il semble que la fortune, toute changeante et capricieuse qu’elle est, renonce à ses changements et à ses caprices pour agir de concert avec la nature, et que l’une et l’autre concourent de temps en temps à faire des hommes extraordinaires et singuliers, pour servir de modèles à la postérité. Le soin de la nature est de fournir les qualités; celui de la fortune est de les mettre en oeuvre, et de les faire voir dans le jour et avec les proportions qui conviennent à leur dessein: on dirait alors the task of calming an insurrection, yet it would be false and absurd for him to fight a duel. A woman may like study, but not all studies invariably suit her, and the persistence required for some studies never suits her: it is always false.
Reason and good sense should fix the value of things, defining our taste so that we rank things as they deserve and as it is fitting for us to do; but nearly all men make mistakes in that process of ranking and valuation, and there is always something false in such misjudgements.
The greatest kings make such mistakes most often. They want to surpass other men in valour, knowledge, gallantry, and thousands of other qualities to which any person at all may aspire; but their desire to surpass other people in such respects can be false, if it goes too far. They should aim to emulate a different model; they should imitate Alexander,* who wanted to compete only against kings, and they must remember that they should compete only for specifically royal qualities. However valiant a king may be, however wise and attractive, he will find innumerable people who are just as well endowed with those qualities as he is. A desire to surpass them will always seem false, and must often be unsuccessful. But if he clings to his true duties, if he is magnanimous, if he is a great general and a great statesman, if he is just, clement, and generous, if he eases his subjects’ burdens, if he loves glory and the peace of the realm, then, in so noble a course of action, he will find only kings to defeat; so just a plan will contain only what is true and great, and in such matters there will be nothing false about a desire to surpass the others. Emulation of that kind is worthy of a king, and is the true glory to which he should aspire.
It seems that fortune, changeable and whimsical though she is, renounces her changes and whims to cooperate with nature, and that the two of them collaborate now and then to produce extraordinary, singular men, in order to provide models for posterity. Nature’s concern is to supply the qualities; fortune’s is to exercise them, displaying them in the light and with the proportions that suit their qu’elles imitent les règles des grands peintres, pour nous donner des tableaux parfaits de ce qu’elles veulent représenter. Elles choisissent un sujet, et s’attachent au plan qu’elles se sont proposé; elles disposent de la naissance, de l’éducation, des qualités naturelles et acquises, des temps, des conjonctures, des amis, des ennemis; elles font remarquer des vertus et des vices, des actions heureuses et malheureuses; elles joignent même de petites circonstances aux plus grandes, et les savent placer avec tant d’art, que les actions des hommes et leurs motifs nous paraissent toujours sous la figure et avec les couleurs qu’il plaît à la nature et à la fortune d’y donner.
Quel concours de qualités éclatantes n’ont-elles pas assemblé dans la personne d’Alexandre, pour le montrer au monde comme un modèle d’élévation d’âme et de grandeur de courage! Si on examine sa naissance illustre, son éducation, sa jeunesse, sa beauté, sa complexion heureuse, l’étendue et la capacité de son esprit pour la guerre et pour les sciences, ses vertus, ses défauts même, le petit nombre de ses troupes, la puissance formidable de ses ennemis, la courte durée d’une si belle vie, sa mort et ses successeurs, ne verra-t-on pas l’industrie et l’application de la fortune et de la nature à renfermer dans un même sujet ce nombre infini de diverses circonstances? Ne verra-t-on pas le soin particulier qu’elles ont pris d’arranger tant d’événements extraordinaires, et de les mettre chacun dans son jour, pour composer un modèle d’un jeune conquérant, plus grand encore par ses qualités personnelles que par l’étendue de ses conquêtes?
Si on considère de quelle sorte la nature et la fortune nous montrent César, ne verra-t-on pas qu’elles ont suivi un autre plan, qu’elles n’ont renfermé dans sa personne tant de valeur, de clémence, de libéralité, tant de qualités militaires, tant de pénétration, tant de facilité d’esprit et de mœurs, tant d’éloquence, tant de grâces du corps, tant de supériorité de génie pour la paix et pour la guerre, ne verra-t-on pas, dis-je, qu’elles ne se sont assujetties si longtemps à arranger et à mettre en œuvre tant de talents extraordinaires, et qu’elles n’ont contraint César de s’en servir contre sa patrie, que pour nous laisser un modèle du plus grand homme du monde, et du plus célèbre usurpateur? Elle le fait naître particulier dans une république maîtresse de l’univers, affermie et soutenue par les plus grands hommes qu’elle eût jamais produits; la fortune choisit parmi eux ce qu’il y avait de plus illustre, de plus puissant, et de plus redoutable, pour les rendre ses ennemis; elle le réconcilie, plan. Thus fortune and nature seemingly follow the rules that great painters use to give us perfect pictures of what they want to depict. They choose a subject and remain committed to the plan they have selected; they make use of birth, education, innate and acquired qualities, times, incidents, friends, enemies; they draw attention to virtues and vices, deeds fortunate and unfortunate; they even combine little circumstances with greater ones, and manage to place them so artfully, that men’s deeds and motives always appear to us with the form and colouring that nature and fortune are pleased to give them.
What a coordinated array of brilliant qualities they gathered together in the person of Alexander,* in order to show him to the world as a model of everything that is eminently lofty in soul and great in heart! If we examine his illustrious birth, his education, his youth, his beauty, his fortunate constitution, his mind’s breadth and aptitude for war and knowledge, his virtues, his very faults, the small number of his troops, the formidable strength of his enemies, the brevity of so fair a life, his death, and his successors, can we not see what effort and diligence nature and fortune used to encompass those innumerable and varied circumstances within a single person? Can we not see what care they took to order so many extraordinary events, presenting each of them in its own light, to produce a model of a young conqueror whose personal qualities were even greater than the extent of his conquests?
If we consider how nature and fortune depict Caesar* to us, can we not see that they followed a different plan—that they encompassed within him so much valour, clemency, and generosity, so many military qualities, so much perceptiveness, so much ease in mind and manners, so much eloquence, so much physical grace, such a superior genius for peace and war alike—can we not see, I repeat, that they went to such prolonged pains to order and exercise so many extraordinary talents, and that they forced Caesar to use them against his own homeland, only to leave us a model of the world’s greatest man and the most famous usurper? They had him born a private citizen in a republic strengthened and supported by the greatest men it had ever produced, and ruling the whole world. Fortune even chose the most illustrious, powerful, and formidable of those men to be his enemies; for a while she reconciled him with the pour un temps, avec les plus considérables, pour les faire servir à son élévation; elle les éblouit et les aveugle ensuite, pour lui faire une guerre qui le conduit à la souveraine puissance. Combien d’obstacles ne lui a-t-elle pas fait surmonter! De combien de périls, sur terre et sur mer, ne l’a-t-elle pas garanti, sans jamais avoir été blessé! Avec quelle persévérance la fortune n’a-t-elle pas soutenu les desseins de César, et détruit ceux de Pompée! Par quelle industrie n’a-t-elle pas disposé ce peuple romain, si puissant, si fier, et si jaloux de sa liberté, à la soumettre à la puissance d’un seul homme! Ne s’est-elle pas même servie des circonstances de la mort de César, pour la rendre convenable à sa vie? Tant d’avertissements des devins, tant de prodiges, tant d’avis de sa femme et de ses amis, ne peuvent le garantir, et la fortune choisit le propre jour qu’il doit être couronné dans le Sénat, pour le faire assassiner par ceux mêmes qu’il a sauvés, et par un homme qui lui doit la naissance.
Cet accord de la nature et de la fortune n’a jamais été plus marqué que dans la personne de Caton, et il semble qu’elles se soient efforcées l’une et l’autre de renfermer dans un seul homme non seulement les vertus de l’ancienne Rome, mais encore de l’opposer directement aux vertus de César, pour montrer qu’avec une pareille étendue d’esprit et de courage, le désir de gloire conduit l’un à être usurpateur, et l’autre à servir de modèle d’un parfait citoyen. Mon dessein n’est pas de faire ici le parallèle de ces deux grands hommes, après tout ce qui en est écrit; je dirai seulement que, quelque grands et illustres qu’ils nous paraissent, la nature et la fortune n’auraient pu mettre toutes leurs qualités dans le jour qui convenait pour les faire éclater, si elles n’eussent opposé Caton à César. Il fallait les faire naître en même temps, dans une même république, différents par leurs moeurs et par leurs talents, ennemis par les intérêts de la patrie et par des intérêts domestiques; l’un, vaste dans ses desseins, et sans bornes dans son ambition; l’autre, austère, renfermé dans les lois de Rome, et idolâtre de la liberté; tous deux célèbres par des vertus qui les montraient par de si différents côtés, et plus célèbres encore, si on l’ose dire, par l’opposition que la fortune et la nature ont pris soin de mettre entre eux. Quel arrangement, quelle suite, quelle économie de circonstances dans la vie de Caton, et dans sa mort! La destinée même de la République a servi au tableau que la fortune nous a voulu donner de ce grand homme, et elle finit sa vie avec la liberté de son pays.
most noteworthy of them, so that they might enhance his eminence; after which, she dazzled and blinded them so that they would declare war on him—the war that would lead him to sovereign power. How many obstacles she helped him overcome! Through how many dangers by land and sea she protected him, so that he was never wounded! How steadfastly fortune supported Caesar’s plans and destroyed Pompey’s! How diligently she led the Roman people, so powerful, so proud, so jealous of their liberty, to submit to the power of one man! Did she not use even the circumstances of Caesar’s death, so that it would be in agreement with his life? All the sorcerers’ warnings, all the marvels, all the advice from his wife and his friends, could not save him; choosing the very day when he was to be crowned in the Senate, fortune had him assassinated by the very people whom he had saved, and by a man who owed his existence to him.*
This harmony between nature and fortune was never more conspicuous than in the case of Cato;* it seems that they strove, not only to encompass the virtues of ancient Rome in one man, but also to oppose him explicitly against the virtues of Caesar—showing that, though the two were similar in breadth of mind and heart, desire for glory led one to be a usurper, and the other to be a model of a perfect citizen. After all that has been written about these two men, my plan here is not to place them in parallel; I shall say only that, however great and illustrious Cato and Caesar seem to us, their full qualities could not have been seen in the appropriate light unless nature and fortune had set them in opposition. They had to be born at the same time, in the same republic, with different manners and talents, at enmity because of both public and private interests; one with vast plans and boundless ambitions, the other austere, encompassed within the laws of Rome, and idolizing liberty; both famous for virtues—which they displayed in such different ways—and still more famous, if we may be permitted to say so, for the opposition that fortune and nature carefully set between them. What order, what consistency, what economy of detail there was in the life of Cato, and in his death! Fortune chose to give us the very fate of the republic as a backdrop for this great man; she ended his life and his country’s liberty at the same time.
Si nous laissons les exemples des siècles passés pour venir aux exemples du siècle présent, on trouvera que la nature et la fortune ont conservé cette même union dont j’ai parlé, pour nous montrer de différents modèles en deux hommes consommés en l’art de commander. Nous verrons Monsieur le Prince et M. de Turenne disputer de la gloire des armes, et mériter, par un nombre infini d’actions éclatantes, la réputation qu’ils ont acquise. Ils paraîtront avec une valeur et une expérience égales; infatigables de corps et d’esprit, on les verra agir ensemble, agir séparément, et quelquefois opposés l’un à l’autre; nous les verrons, heureux et malheureux dans diverses occasions de la guerre, devoir les bons succès à leur conduite et à leur courage, et se montrer même toujours plus grands, par leurs disgrâces; tous deux sauver l’État; tous deux contribuer à le détruire, et se servir des mêmes talents, par des voies différentes: M. de Turenne, suivant ses desseins avec plus de règle et moins de vivacité, d’une valeur plus retenue, et toujours proportionnée au besoin de la faire paraître; Monsieur le Prince, inimitable en la manière de voir et d’exécuter les plus grandes choses, entraîné par la supériorité de son génie, qui semble lui soumettre les événements et les faire servir à sa gloire. La faiblesse des armées qu’ils ont commandées dans les dernières campagnes, et la puissance des ennemis qui leur étaient opposés, ont donné de nouveaux sujets à l’un et à l’autre de montrer toute leur vertu, et de réparer par leur mérite tout ce qui leur manquait pour soutenir la guerre. La mort même de M. de Turenne, si convenable à une si belle vie, accompagnée de tant de circonstances singulières, et arrivée dans un moment si important, ne nous paraît-elle pas comme un effet de la crainte et de l’incertitude de la fortune, qui n’a osé décider de la destinée de la France et de l’Empire? Cette même fortune, qui retire Monsieur le Prince du commandement des armées, sous le prétexte de sa santé, et dans un temps où il devait achever de si grandes choses, ne se joint-elle pas à la nature pour nous montrer présentement ce grand homme dans une vie privée, exerçant des vertus paisibles, soutenu de sa propre gloire? Et brille-t-il moins dans sa retraite qu’au milieu de ses victoires?
If we leave the examples of past ages and come to those of the present age, we find that nature and fortune have maintained the union that I have described. As a result, they have shown us different models in two masters of the art of command. We see the Prince and Monsieur de Turenne* competing for military glory, and, as a result of innumerable brilliant deeds, deserving the reputation they earned. They seem equal in valour and experience; we see them acting now together, now separately, and sometimes in opposition to each other, without wearying in body or mind; we see them fortunate and unfortunate in the varied circumstances of war, owing their successes to their conduct and their courage, and always appearing still greater in times of disgrace; both of them saving the realm; both of them helping to destroy it, and making use of the same talents in different ways—Monsieur de Turenne pursuing his plans in a more orderly, less lively manner, with a valour that was more cautious and never more visible than it needed to be; the Prince, incomparable in his way of envisaging and executing the greatest deeds, drawn along by the superiority of his genius, which seemed to place any occurrence in subjection to him and make it serve his glory. The weakness of the armies that they commanded in their last campaigns, and the power of the enemies opposing them, gave each of them new scope for displaying his full ability and repairing by his own merit everything that he otherwise lacked for war. Even the death of Monsieur de Turenne, so well suited to so fine a life, accompanied by so many singular circumstances, and happening at such a crucial moment, looks to us as if it were due to fortune’s timidity and uncertainty: she did not dare to decide the fate of France and the Empire. The same fortune withdrew the Prince from military command on the pretext of ill health, and at a time when he would have accomplished such great things—but has she not united with nature at present, to show us the great man in private life, practising peaceful virtues, and maintained by his own glory? Does he shine any less brightly in his retirement than he did in the midst of his victories?
S’il est malaisé de rendre raison des goûts en général, il le doit être encore davantage de rendre raison du goût des femmes coquettes; on peut dire néanmoins que l’envie de plaire se répand généralement sur tout ce qui peut flatter leur vanité, et qu’elles ne trouvent rien d’indigne de leurs conquêtes; mais le plus incompréhensible de tous leurs goûts est, à mon sens, celui qu’elles ont pour les vieillards qui ont été galants. Ce goût paraît trop bizarre, et il y en a trop d’exemples, pour ne chercher pas la cause d’un sentiment tout à la fois si commun, et si contraire à l’opinion que l’on a des femmes. Je laisse aux philosophes à décider si c’est un soin charitable de la nature, qui veut consoler les vieillards dans leur misère, et qui leur fournit le secours des coquettes, par la même prévoyance qui lui fait donner des ailes aux chenilles, dans le déclin de leur vie, pour les rendre papillons; mais sans pénétrer dans les secrets de la physique, on peut, ce me semble, chercher des causes plus sensibles de ce goût dépravé des coquettes pour les vieilles gens. Ce qui est plus apparent, c’est qu’elles aiment les prodiges, et qu’il n’y en a point qui doive plus toucher leur vanité que de ressusciter un mort. Elles ont le plaisir de l’attacher à leur char, et d’en parer leur triomphe, sans que leur réputation en soit blessée: au contraire, un vieillard est un ornement à la suite d’une coquette, et il est aussi nécessaire dans son train, que les nains l’étaient autrefois dans Amadis. Elles n’ont point d’esclaves si commodes et si utiles: elles paraissent bonnes et solides, en conservant un ami sans conséquence; il publie leurs louanges, il gagne croyance vers les maris, et leur répond de la conduite de leurs femmes. S’il a du crédit, elles en retirent mille secours; il entre dans tous les intérêts et dans tous les besoins de la maison. S’il sait les bruits qui courent des véritables galanteries, il n’a garde de les croire; il les étouffe, et assure que le monde est médisant; il juge, par sa propre expérience, des difficultés qu’il y a de toucher le cœur d’une si bonne femme; plus on lui fait acheter des grâces et des faveurs, plus il est discret et fidèle; son propre intérêt l’engage assez au silence; il craint toujours d’être quitté, et il se trouve trop heureux d’être souffert. Il se persuade aisément qu’il est aimé, puisqu’on le choisit contre tant d’apparences: il croit que c’est un privilège de son vieux mérite, et remercie l’amour de se souvenir de lui dans tous les temps.
If it is hard to account for tastes in general, it must be still harder to account for the tastes of women who are flirts. Nevertheless, we may say that they indiscriminately wish to please anyone who may flatter their vanity, and they regard no one as unworthy of being conquered. But of all their tastes, the most incomprehensible, to my mind, is their taste for old men who used to have love affairs. The cause of a feeling that is both so common and so contrary to our opinion of women cannot be left unexplored: the taste seems all too bizarre, and yet there are all too many examples of it. I leave philosophers to decide if it is due to the charity of nature, who wants to comfort old men in their destitution by sending flirts to their rescue —just as, with the same foresight, she gives caterpillars wings in their declining days and makes them butterflies. But without plumbing the secrets of medicine, it seems to me that we can find more tangible causes for the depraved taste that flirts have for old men. What is most evident is that they love marvels, and no marvel could touch their vanity more than a man who is raised from the dead. They enjoy the pleasure of attaching him to their chariot to adorn their triumphal procession, without wounding their reputation; on the contrary, an old man in the retinue of a flirt is an ornament; he is as necessary a part of her train as the dwarfs used to be in Amadis.* No slave is so convenient and so useful to such women; they maintain an appearance of goodness—well-founded goodness—while keeping a lover who does not matter. He sings their praises; he wins the trust of their husbands and assures them of their wives’ good conduct. If he is trusted, the women are helped by it in a thousand ways; he participates in all their household interests and obligations. If he hears rumours of true love affairs, he is far from believing them; he stifles them, and insists that the world is full of slander; his own experience tells him how hard it is to touch the heart of so good a woman. The more signs of grace and favour he manages to earn, the more discreet and faithful he is; his own interest sufficiently obliges him to be silent; he is constantly afraid of being deserted, and he considers himself only too fortunate if he is endured. He readily convinces himself that he is loved, since he has been chosen in spite of all likelihood; he believes that it is a privilege of his meritorious old age, and he gives thanks to Love for remembering him in all seasons.
Elle, de son côté, ne voudrait pas manquer à ce qu’elle lui a promis: elle lui fait remarquer qu’il a toujours touché son inclination, et qu’elle n’aurait jamais aimé, si elle ne l’avait jamais connu; elle le prie surtout de n’être pas jaloux et de se fier en elle; elle lui avoue qu’elle aime un peu le monde et le commerce des honnêtes gens, qu’elle a même intérêt d’en ménager plusieurs à la fois, pour ne laisser pas voir qu’elle le traite différemment des autres; que si elle fait quelques railleries de lui avec ceux dont on s’est avisé de parler, c’est seulement pour avoir le plaisir de le nommer souvent, ou pour mieux cacher ses sentiments; qu’après tout, il est le maître de sa conduite, et que, pourvu qu’il en soit content, et qu’il l’aime toujours, elle se met aisément en repos du reste. Quel vieillard ne se rassure pas par des raisons si convaincantes, qui l’ont souvent trompé quand il était jeune et aimable? Mais, pour son malheur, il oublie trop aisément qu’il n’est plus ni l’un ni l’autre, et cette faiblesse est, de toutes, la plus ordinaire aux vieilles gens qui ont été aimés. Je ne sais si cette tromperie ne leur vaut pas mieux encore que de connaître la vérité: on les souffre du moins; on les amuse; ils sont détournés de la vue de leurs propres misères; et le ridicule où ils tombent est souvent un moindre mal pour eux que les ennuis et l’anéantissement d’une vie pénible et languissante.
Bien que toutes les qualités de l’esprit se puissent rencontrer dans un grand esprit, il y en a néanmoins qui lui sont propres et particulières: ses lumières n’ont point de bornes; il agit toujours également, et avec la même activité; il discerne les objets éloignés, comme s’ils étaient présents; il comprend, il imagine les plus grandes choses; il voit et connaît les plus petites; ses pensées sont relevées, étendues, justes et intelligibles; rien n’échappe à sa pénétration, et elle lui fait toujours découvrir la vérité, au travers des obscurités qui la cachent aux autres. Mais toutes ces grandes qualités ne peuvent souvent empêcher que l’esprit ne paraisse petit et faible, quand l’humeur s’en est rendue la maîtresse.
Un bel esprit pense toujours noblement; il produit avec facilité des choses claires, agréables et naturelles; il les fait voir dans leur plus
As for the woman herself, she does not want to break her promises to him; she shows him that he has always touched her inclination, and that she would never have been in love if she had never known him; she begs him above all not to be jealous, and to trust her; she admits to him that she rather likes society and dealings with honorable people, that she even has a personal interest in showing consideration for several such people at the same time, in order to avoid showing that she treats him differently from the others; that if she has joked about him to people who happened to be speaking with her, it was only for the pleasure of saying his name frequently, or in order to hide her feelings more effectively; that, after all, her conduct is guided by him, and as long as he is happy with it and still loves her, nothing else matters to her. What old man would not feel reassured by such convincing reasons, which often deceived him when he was young and attractive? But unfortunately he forgets too easily that he is no longer either young or attractive—and that is the commonest weakness of old people who have been loved. I do not know whether it is better for them to be deceived in this way than to know the truth. At least they are endured; they are entertained; they are distracted from the sight of their own destitution; and the mockery that befalls them is often less bad for them than the heartache and dejection of a painful and sluggish life.
Although all the qualities of the human mind can be found in a great mind, there are some that are uniquely and specially its. Its understanding has no limits; it acts consistently, and its activity is always the same; it sees distant things as if they were close at hand; it comprehends and conceives the greatest things, it sees and knows the littlest ones; its thoughts are lofty, wide-ranging, just, and intelligible. Nothing escapes its perception, which always leads it to discern truths in the darkness that hides them from other people. Yet all those great qualities cannot stop a mind from seeming small and weak, when temperamental factors take control of it.
A fine mind always thinks nobly; it easily generates clear, attractive, and natural thoughts; it sets them in their best light, adorns them with all the appropriate ornaments, penetrates other people’s beau jour, et il les pare de tous les ornements qui leur conviennent; il entre dans le goût des autres, et retranche de ses pensées ce qui est inutile, ou ce qui peut déplaire. Un esprit adroit, facile, insinuant, sait éviter et surmonter les difficultés; il se plie aisément à ce qu’il veut; il sait connaître et suivre l’esprit et l’humeur de ceux avec qui il traite; et en ménageant leurs intérêts, il avance et il établit les siens. Un bon esprit voit toutes choses comme elles doivent être vues; il leur donne le prix qu’elles méritent, il les sait tourner du côté qui lui est le plus avantageux, et il s’attache avec fermeté à ses pensées, parce qu’il en connaît toute la force et toute la raison.
Il y a de la différence entre un esprit utile et un esprit d’affaires; on peut entendre les affaires, sans s’appliquer à son intérêt particulier: il y a des gens habiles dans tout ce qui ne les regarde pas, et très malhabiles dans ce qui les regarde; et il y en a d’autres, au contraire, qui ont une habileté bornée à ce qui les touche, et qui savent trouver leur avantage en toutes choses.
On peut avoir, tout ensemble, un air sérieux dans l’esprit, et dire souvent des choses agréables et enjouées; cette sorte d’esprit convient à toutes personnes et à tous les âges de la vie. Les jeunes gens ont d’ordinaire l’esprit enjoué et moqueur, sans l’avoir sérieux, et c’est ce qui les rend souvent incommodes. Rien n’est plus malaisé à soutenir que le dessein d’être toujours plaisant, et les applaudissements qu’on reçoit quelquefois en divertissant les autres ne valent pas que l’on s’expose à la honte de les ennuyer souvent, quand ils sont de méchante humeur. La moquerie est une des plus agréables et des plus dangereuses qualités de l’esprit: elle plaît toujours, quand elle est délicate; mais on craint toujours aussi ceux qui s’en servent trop souvent. La moquerie peut néanmoins être permise, quand elle n’est mêlée d’aucune malignité, et quand on y fait entrer les personnes mêmes dont on parle.
Il est malaisé d’avoir un esprit de raillerie sans affecter d’être plaisant, ou sans aimer à se moquer; il faut une grande justesse pour railler longtemps, sans tomber dans l’une ou l’autre de ces extrémités. La raillerie est un air de gaieté qui remplit l’imagination, et qui lui fait voir en ridicule les objets qui se présentent; l’humeur y mêle plus ou moins de douceur ou d’apreté: il y a une manière de railler, délicate et flatteuse, qui touche seulement les défauts que les personnes dont on parle veulent bien avouer, qui sait déguiser les louanges qu’on leur donne sous des apparences de blâme, et qui découvre ce qu’elles ont d’aimable, en feignant de le vouloir cacher. tastes, and rids its thoughts of anything useless or disagreeable. A clever, nimble, ingratiating mind is capable of avoiding and overcoming difficulties; it readily conforms with anything it wants; it is capable of understanding and accepting the minds and temperaments of those with whom it is dealing; and when it shows consideration for their interests, it is promoting and establishing its own. A sound mind sees all things as they should be seen, values all things as they deserve to be valued; it can turn everything to its own advantage, and it clings firmly to its own thoughts, because it knows just how strong and reasonable they are.
There is a difference between being practically minded and being business-minded. We can understand business without turning it to our own personal interest. Some people are clever in everything that does not concern them, and very far from clever in everything that does; whereas other people’s cleverness is limited to what affects them personally—in any situation they can discern what is to their own advantage.
A person may have a serious turn of mind in general, yet often utter attractive and playful things; that sort of mind suits people of all kinds and all ages. Young people usually have minds that are playful and mocking but not serious; that is what often makes them so annoying. Nothing is harder to maintain than perpetual clowning; the acclaim we sometimes obtain by entertaining people is not worth the shame we often reap by boring them when they are in a bad temper. Mockery is one of the mind’s most attractive and yet most dangerous qualities; when subtle it always gives pleasure, but we always dread those who make too much use of it. Nevertheless, mockery is permissible when there is no malice mingled with it, and when the very people of whom we are speaking can share in it.
It is hard to have a jocular mind without loving mockery or playing the clown; great skill is needed to prevent prolonged joking from falling into one or other of those extremes. Jocularity is a spirit of gaiety,* which fills the imagination and makes it see absurdities in whatever it encounters; depending on our temperament, greater or lesser amounts of gentleness or bitterness are blended with it. There is a subtle, flattering way of joking, which deals only with faults that the people under discussion are willing to acknowledge, which is able to disguise praise under an appearance of blame, and which
Un esprit fin et un esprit de finesse sont très différents. Le premier plaît toujours; il est délié, il pense des choses délicates, et voit les plus imperceptibles. Un esprit de finesse ne va jamais droit: il cherche des biais et des détours pour faire réussir ses desseins; cette conduite est bientôt découverte; elle se fait toujours craindre, et ne mène presque jamais aux grandes choses.
Il y a quelque différence entre un esprit de feu et un esprit brillant: un esprit de feu va plus loin et avec plus de rapidité; un esprit brillant a de la vivacité, de l’agrément et de la justesse.
La douceur de l’esprit, c’est un air facile et accommodant, qui plaît toujours, quand il n’est point fade.
Un esprit de détail s’applique avec de l’ordre et de la règle à toutes les particularités des sujets qu’on lui présente: cette application le renferme d’ordinaire à de petites choses; elle n’est pas néanmoins toujours incompatible avec de grandes vues; et quand ces deux qualités se trouvent ensemble dans un même esprit, elles l’élèvent infiniment au-dessus des autres.
On a abusé du terme de bel esprit, et bien que tout ce qu’on vient de dire des différentes qualités de l’esprit puisse convenir à un bel esprit, néanmoins comme ce titre a été donné à un nombre infini de mauvais poètes et d’auteurs ennuyeux, on s’en sert plus souvent pour tourner les gens en ridicule, que pour les louer.
Bien qu’il y ait plusieurs épithètes pour l’esprit qui paraissent une même chose, le ton et la manière de les prononcer y mettent de la différence; mais comme les tons et les manières de dire ne se peuvent écrire, je n’entrerai point dans un détail qu’il serait impossible de bien expliquer. L’usage ordinaire le fait assez entendre; et en disant qu’un homme a de l’esprit, qu’il a bien de l’esprit, qu’il a beaucoup d’esprit, et qu’il a bon esprit, il n’y a que les tons et les manières qui puissent mettre de la différence entre ces expressions, qui paraissent semblables sur le papier, et qui expriment néanmoins de très différentes sortes d’esprit.
On dit encore qu’un homme n’a que d’une sorte d’esprit, qu’il a de plusieurs sortes d’esprit, et qu’il a de toutes sortes d’esprit. On peut être sot avec beaucoup d’esprit, et on peut n’être pas sot avec peu d’esprit.
Avoir beaucoup d’esprit est un terme équivoque: il peut comprendre toutes les sortes d’esprit dont on vient de parler, mais il peut aussi n’en marquer aucune distinctement. On peut quelquefois faire reveals people’s attractive qualities while pretending that it wishes to hide them.
An astute mind is very different from a cunning mind. The former is always pleasing; it is supple, it thinks subtle thoughts and sees the most imperceptible points. A cunning mind is never quite straightforward; it strives to accomplish its plans by devious and roundabout means. Conduct of that kind is soon detected; it always provokes mistrust and almost never leads to anything great.
There is some difference between an ardent mind and a brilliant mind. An ardent mind goes further and faster; a brilliant mind is lively, attractive, and accurate.
Gentleness of mind is an easy, accommodating manner, which is always attractive when it is not insipid.
A meticulous mind deals systematically and methodically with every detail of the subjects that it encounters. This diligence usually confines it to small matters; but it is not always incompatible with breadth of vision, and when those two qualities are found together in a single mind, they raise it infinitely above the others.
The term ‘wit’ is often misused. All the different types of mind described above may contribute to a wit; yet, as that title has been bestowed on innumerable bad poets and tiresome writers, it is used more often to ridicule people than to praise them.
Although there are various epithets for wit that seem the same, they are distinguished by the tone of voice and the way they are said. But as tones of voice and ways of speaking cannot be expressed in writing, I shall not go into details that could not be properly elucidated. Common usage makes it clear enough; and when we say that a man has ‘wit’, ‘a good deal of wit’, ‘a great deal of wit’, ‘a fine sort of wit’, only the tone and the way of speaking can distinguish between those expressions—which look alike on paper, but which express very different kinds of wit.
Again, we say that a man has only one kind of wit, that he has various kinds of wit, or that he has wit of every kind. You can be foolish with a great deal of wit,* and you can be not at all foolish with very little wit.
The term ‘a great deal of wit’ is ambiguous. It may include all the types of mind described above, but it may also mean no specific type. You can sometimes display wit in your speech without having paraître de l’esprit dans ce qu’on dit, sans en avoir dans sa conduite; on peut avoir de l’esprit, et l’avoir borné; un esprit peut être propre à de certaines choses, et ne l’être pas à d’autres; on peut avoir beaucoup d’esprit et n’être propre à rien, et avec beaucoup d’esprit, on est souvent fort incommode. Il semble néanmoins que le plus grand mérite de cette sorte d’esprit est de plaire quelquefois dans la conversation.
Bien que les productions d’esprit soient infinies, on peut, ce me semble, les distinguer de cette sorte: il y a des choses si belles, que tout le monde est capable d’en voir et d’en sentir la beauté; il y en a qui ont de la beauté et qui ennuient; il y en a qui sont belles, que tout le monde sent et admire, bien que tous n’en sachent pas la raison; il y en a qui sont si fines et si délicates, que peu de gens sont capables d’en remarquer toutes les beautés; enfin il y en a d’autres qui ne sont pas parfaites, mais qui sont dites avec tant d’art, et qui sont soutenues et conduites avec tant de raison et tant de grâce, qu’elles méritent d’être admirées.
L’histoire, qui nous apprend ce qui arrive dans le monde, nous montre également les grands événements et les médiocres: cette confusion d’objets nous empêche souvent de discerner avec assez d’attention les choses extraordinaires qui sont renfermées dans le cours de chaque siècle. Celui où nous vivons en a produit, à mon sens, de plus singuliers que les précédents: j’ai voulu en écrire quelques-uns, pour les rendre plus remarquables aux personnes qui voudront y faire réflexion.
Marie de Médicis, reine de France, femme de Henri le Grand, fut mère du roi Louis XIII, de Gaston, fils de France, de la reine d’Espagne, de la duchesse de Savoie, et de la reine d’Angleterre; elle fut régente en France, et gouverna le Roi, son fils, et son royaume, plusieurs années. Elle éleva Armand de Richelieu à la dignité de cardinal; elle le fit premier ministre, maître de l’État et de l’esprit du Roi. Elle avait peu de vertus et peu de défauts qui la dussent faire craindre, et néanmoins, après tant d’éclat et de grandeurs, cette princesse, veuve de Henri IV et mère de tant de rois, a été arrêtée prison-nière par le Roi, son fils, et par la troupe du cardinal de Richelieu, any in your conduct; you can have wit and be narrow-minded. Wit can be good for some things and not for others; you can have a great deal of wit and be good for nothing; people with a great deal of wit are often very annoying. Nevertheless, the greatest merit of such wit seems to be the fact that it is sometimes pleasant in conversation.
Although the mind’s products are infinite, it seems to me that we can distinguish them as follows: some are so beautiful that everyone is able to see and feel their beauty; some are beautiful but tiresome; some have a beauty that everyone feels and admires, though not everyone knows why; some are so astute and subtle that few people are able to discern all their beauties; finally, others are imperfect, but are spoken with such art and are developed and handled so reasonably and gracefully that they deserve to be admired.
History, which teaches us what happens in the world, shows us great occurrences and average ones alike. By presenting its material in disorder, it often prevents us from seeing clearly the extraordinary things that are encompassed within the course of any age. The age in which we are living has produced, in my opinion, more singular events than its predecessors; I want to write about some of them, in order to draw them more fully to the notice of anyone who wishes to ponder on them.
Marie de Médicis,* Queen of France, wife of Henri the Great, was the mother of King Louis XIII, Prince Gaston, the Queen of Spain, the Duchess of Savoy, and the Queen of England; she was regent in France, and ruled her son the King and his kingdom for some years. She raised Armand de Richelieu to the status of cardinal; she made him Prime Minister, controlling both the realm and the King’s mind. She had few virtues and few faults to make her feared, yet after so much pomp and eminence, this Queen, the widow of Henri IV, the mother and mother-in-law of so many kings, was taken prisoner by her son the King and by the soldiers of Cardinal Richelieu, qui lui devait sa fortune. Elle a été délaissée des autres rois, ses enfants, qui n’ont osé même la recevoir dans leurs États, et elle est morte de misère, et presque de faim, à Cologne, après une persécution de dix années.
Ange de Joyeuse, duc et pair, maréchal de France et amiral, jeune, riche, galant et heureux, abandonna tant d’avantages pour se faire capucin. Après quelques années, les besoins de l’État le rappelèrent au monde; le Pape le dispensa de ses voeux, et lui ordonna d’accepter le commandement des armées du Roi contre les huguenots; il demeura quatre ans dans cet emploi, et se laissa entraîner, pendant ce temps, aux mêmes passions qui l’avaient agité pendant sa jeunesse. La guerre étant finie, il renonça une seconde fois au monde, et reprit l’habit de capucin; il vécut longtemps dans une vie sainte et religieuse; mais la vanité, dont il avait triomphé dans le milieu des grandeurs, triompha de lui dans le cloître; il fut élu gardien du couvent de Paris, et son élection étant contestée par quelques religieux, il s’exposa, non seulement à aller à Rome, dans un âge avancé, à pied, et malgré les autres incommodités d’un si pénible voyage; mais la même opposition des religieux s’étant renouvelée à son retour, il partit une seconde fois pour retourner à Rome soutenir un intérêt si peu digne de lui, et il mourut en chemin, de fatigue, de chagrin, et de vieillesse.
Trois hommes de qualité, Portugais, suivis de dix-sept de leurs amis, entreprirent la révolte de Portugal et des Indes qui en dépendent, sans concert avec les peuples ni avec les étrangers, et sans intelligence dans les places. Ce petit nombre de conjurés se rendit maître du palais de Lisbonne, en chassa la douairière de Mantoue, régente pour le roi d’Espagne, et fit soulever tout le royaume; il ne périt dans ce désordre que Vasconcellos, ministre d’Espagne, et deux de ses domestiques. Un si grand changement se fit en faveur du duc de Bragance, et sans sa participation; il fut déclaré roi contre sa propre volonté, et se trouva le seul homme de Portugal qui résistât à son élection; il a possédé ensuite cette couronne pendant quatorze années, n’ayant ni élévation, ni mérite; il est mort dans son lit, et a laissé son royaume paisible à ses enfants.
Le cardinal de Richelieu a été maître absolu du royaume de France pendant le règne d’un roi qui lui laissait le gouvernement de son État, lorsqu’il n’osait lui confier sa propre personne; le Cardinal avait aussi les mêmes défiances du Roi, et il évitait d’aller chez lui, who owed his good fortune to her. She was deserted by her other royal children, who did not dare even to receive her in their own realms; and she died of poverty—almost of hunger—at Cologne, after ten years of persecution.
Ange de Joyeuse,* Duke and Peer, field marshal and admiral, young, wealthy, elegant, and fortunate, gave up all those advantages to become a Capuchin. After some years, political necessity summoned him back into the world; the Pope absolved him of his vows and ordered him to take command of the King’s armies against the Huguenots. For four years he remained in that position, during which time he allowed himself to be led astray by the very passions that had disturbed him in his youth. When the war was over, he renounced the world again and resumed the Capuchin’s habit. For a long time he lived a holy and religious life; but vanity, over which he had triumphed in the midst of his eminence, easily triumphed over him in the cloister. He was elected Father Superior of the Paris monastery, and when his election was disputed by some of the clergy, he not only endured a journey to Rome—at an advanced age, on foot, and despite the other discomforts of so painful an expedition—but when the same clerical opposition revived on his return, he set out for Rome again in pursuit of an interest that was far from worthy of him, and on the way he died of fatigue, disappointment, and old age.
Three Portuguese noblemen, supported by seventeen of their friends, led the revolt of Portugal* and its Indian dependencies, with no cooperation from the people of their own country or any other, and without any collusion in high places. That little band of conspirators gained control of the palace at Lisbon, drove out the Dowager Duchess of Mantua (the King of Spain’s regent), and roused the whole kingdom to rebel. In the disturbance only the Spanish minister Vasconcelos and two of his servants perished. This great transformation took place on behalf of the Duke of Braganza, yet he himself played no part in it; he was proclaimed king against his will, and found that he was the only man in Portugal opposed to his election. He then held the crown for fourteen years, with neither eminence nor merit; he died in his bed, and left the kingdom in peace to his children.
Cardinal Richelieu* was absolute ruler of the kingdom of France during the reign of a king who left him to govern his realm, even though he dared not entrust him with his own person. The Cardinal was equally mistrustful of the King, and avoided visiting him, for craignant d’exposer sa vie ou sa liberté; le Roi néanmoins sacrifie Cinq-Mars, son favori, à la vengeance du Cardinal, et consent qu’il périsse sur un échafaud. Ensuite le Cardinal meurt dans son lit; il dispose par son testament des charges et des dignités de l’État, et oblige le Roi, dans le plus fort de ses soupçons et de sa haine, à suivre aussi aveuglément ses volontés après sa mort, qu’il avait fait pendant sa vie.
[On doit sans doute trouver extraordinaire que Anne-Marie-Louise d’Orléans, petite-fille de France, la plus riche sujette de l’Europe, destinée pour les plus grands rois, avare, rude et orgueilleuse, ait pu former le dessein, à quarante-cinq ans, d’épouser Puyguilhem, cadet de la maison de Lauzun, assez mal fait de sa personne, d’un esprit médiocre, et qui n’a, pour toute bonne qualité, que d’être hardi et insinuant. Mais on doit être encore plus surpris que Mademoiselle ait pris cette chimérique résolution par un esprit de servitude et parce que Puyguilhem était bien auprès du Roi; l’envie d’être femme d’un favori lui tint lieu de passion, elle oublia son âge et sa naissance, et, sans avoir d’amour, elle fit des avances à Puyguilhem qu’un amour véritable ferait à peine excuser dans une jeune personne et d’une moindre condition. Elle lui dit un jour qu’il n’y avait qu’un seul homme qu’elle pût choisir pour épouser. Il la pressa de lui apprendre son choix; mais n’ayant pas la force de prononcer son nom, elle voulut l’écrire avec un diamant sur les vitres d’une fenêtre. Puyguilhem jugea sans doute ce qu’elle allait faire, et espérant peutêtre qu’elle lui donnerait cette déclaration par écrit, dont il pourrait faire quelque usage, il feignit une délicatesse de passion qui pût plaire à Mademoiselle, et il lui fit un scrupule d’écrire sur du verre un sentiment qui devait durer éternellement. Son dessein réussit comme il désirait, et Mademoiselle écrivit le soir dans du papier: ≪ C’est vous. ≫ Elle le cacheta elle-même; mais, comme cette aventure se passait un jeudi et que minuit sonna avant que Mademoiselle pût donner son billet à Puyguilhem, elle ne voulut pas paraître moins scrupuleuse que lui, et craignant que le vendredi ne fût un jour malheureux, elle lui fit promettre d’attendre au samedi à ouvrir le billet qui lui devait apprendre cette grande nouvelle. L’excessive fortune que cette déclaration faisait envisager à Puyguilhem ne lui parut point au-dessus de son ambition. Il songea à profiter du caprice de Mademoiselle, et il eut la hardiesse d’en rendre compte au Roi. Personne n’ignore qu’avec si grandes et éclatantes qualités nul fear of risking his own life or liberty. Nevertheless, the King sacrificed his favourite Cinq-Mars to the Cardinal’s vengeance, and agreed to his death on the scaffold. Afterwards the Cardinal died in his bed; he bequeathed government offices and titles in his will, and forced the King, in spite of the most intense suspicion and hatred, to follow his wishes as blindly after his death as he had done during his life.
[Surely we must find it extraordinary that Anne-Marie-Louise d’Orléans,* the wealthiest subject in Europe, avaricious, severe, and proud, granddaughter of a King of France, and destined for the greatest kings, should have planned at the age of forty-five to marry Puyguilhem, a younger son of the house of Lauzun, who was not good-looking, who had a rather average mind, and whose sole good quality was the fact that he was bold and ingratiating. But we must be still more surprised that Mademoiselle should have made this fantastic resolution in a servile spirit and because Puyguilhem was in the King’s good graces. The wish to be a favourite’s wife was her substitute for passion; she forgot her age and her birth, and, without being in love, she made advances to Puyguilhem which true love would scarcely have excused even in a young woman of lower social position. One day she told him that there was only one man whom she could possibly choose to marry. He urged her to tell him her choice; not having the strength to utter his name, she tried to write it with a diamond on a windowpane. No doubt Puyguilhem discerned what she was going to do, and (perhaps because he hoped that she might put her declaration on paper, of which he could make some use) he pretended a passionate delicacy that might please Mademoiselle, and scrupled to see her inscribe her feelings on glass, where they would last for ever. His plan succeeded just as he had desired, and that evening Mademoiselle wrote on paper ‘You’. She sealed it herself; but, as this adventure took place on a Thursday, and the clock struck midnight before she could give her note to Puyguilhem, Mademoiselle did not want to seem less scrupulous than he; fearing that Friday was an unlucky day, she made him promise to wait until Saturday before opening the note that would tell him the great news. The prospects of extreme good fortune that this declaration revealed to Puyguilhem did not strike him as too great for his ambition. He thought how he could profit from Mademoiselle’s little whim, and he had the boldness to inform the King of it. With all his great and brilliant qualities, no ruler in the world was prouder and more prince au monde n’a jamais eu plus de hauteur, ni plus de fierté. Cependant, au lieu de perdre Puyguilhem d’avoir osé lui découvrir ses espérances, il lui permit non seulement de les conserver, mais il consentit que quatre officiers de la couronne lui vinssent demander son approbation pour un mariage si surprenant, et sans que Monsieur, ni Monsieur le Prince en eussent entendu parler. Cette nouvelle se répandit dans le monde, et le remplit d’étonnement et d’indignation. Le Roi ne sentit pas alors ce qu’il venait de faire contre sa gloire et contre sa dignité. Il trouva seulement qu’il était de sa grandeur d’élever en un jour Puyguilhem au-dessus des plus grands du Royaume, et, malgré tant de disproportion, il le jugea digne d’être son cousin germain, le premier pair de France, et maître de cinq cent mille livres de rente; mais ce qui le flatta le plus encore, dans un si extraordinaire dessein, ce fut le plaisir secret de surprendre le monde, et de faire, pour un homme qu’il aimait, ce que personne n’avait encore imaginé. Il fut au pouvoir de Puyguilhem de profiter, durant trois jours, de tant de prodiges que la fortune avait faits en sa faveur, et d’épouser Mademoiselle; mais, par un prodige plus grand encore, sa vanité ne put être satisfaite s’il ne l’épousait avec les mêmes cérémonies que s’il eût été de sa qualité: il voulut que le Roi et la Reine fussent témoins de ses noces, et qu’elles eussent tout l’éclat que leur présence y pouvait donner. Cette présomption sans exemple lui fit employer à de vains préparatifs et à passer son contrat tout le temps qui pouvait assurer son bonheur. Mme de Montespan, qui le haïssait, avait suivi néanmoins le penchant du Roi et ne s’était point opposée à ce mariage. Mais le bruit du monde la réveilla; elle fit voir au Roi ce que lui seul ne voyait pas encore; elle lui fit écouter la voix publique; il connut l’étonnement des ambassadeurs, il reçut les plaintes et les remontrances respectueuses de Madame douairière et de toute la maison royale. Tant de raisons firent longtemps balancer le Roi, et ce fut avec une extrême peine qu’il déclara à Puyguilhem qu’il ne pouvait consentir ouvertement à son mariage. Il l’assura néanmoins que ce changement en apparence ne changerait rien en effet; qu’il était forcé, malgré lui, de céder à l’opinion générale, et de lui défendre d’épouser Mademoiselle, mais qu’il ne prétendait pas que cette défense empêchât son bonheur. Il le pressa de se marier en secret, et il lui promit que la disgrâce qui devait suivre une telle faute ne durerait que huit jours. Quelque sentiment que ce discours pût donner à Puyguilhem, il dit au Roi haughty—as everyone knows. Yet, instead of disgracing Puyguilhem for having dared to reveal his hopes, the King not only permitted him to harbour them, but allowed four officers of the crown to come and ask his consent to this most surprising marriage, before either Monsieur or the Prince had heard any mention of it. The news spread among the people, filling everyone with astonishment and indignation. Even then the King did not feel that he had done something out of keeping with his glory and dignity; he thought only that his rank entitled him to raise Puyguilhem above the greatest men of the kingdom in a single day. In spite of their immense inequality, he judged the man worthy to be his cousin german, the first peer of France, and the possessor of five hundred thousand pounds a year. But what flattered the King most in this extraordinary plan was the secret pleasure of surprising the world and doing for his favourite what no one could have anticipated. For three days it was in Puyguilhem’s power to marry Mademoiselle and profit from all the marvels that fortune had worked on his behalf. But, by a still greater marvel, his vanity could not be satisfied unless he married her with the same ceremonies as if he had been of her own rank. He wanted the King and Queen to witness his wedding; he wanted it to have all the pomp that their presence could give it. This unparalleled presumption made him lavish as much time on vain preparations and final settlements as would secure his happiness. Madame de Montespan, though she hated him, had deferred to the King’s inclinations and not opposed the marriage. But the world’s gossip opened her eyes; she showed the King what he alone had still been unable to see; she made him listen to the people’s voice; he recognized the ambassadors’ astonishment, he received the respectful complaints and protests of the Dowager Duchess and the entire royal family. All these arguments made the King waver for a long time, and it gave him the greatest pain to tell Puyguilhem that he could not openly consent to the marriage. He reassured him, however, that this apparent change would not really change anything; that he was forced, in spite of himself, to defer to public opinion and forbid him to marry Mademoiselle, but that he did not expect this apology to spoil his happiness. He urged him to marry secretly, and promised him that the disgrace inevitably resulting from such a transgression would last only a week. Whatever Puyguilhem may have felt about this speech, he replied that he gladly renounced qu’il renonçait avec joie à tout ce qui lui avait permis d’espérer, puisque sa gloire en pouvait être blessée, et qu’il n’y avait point de fortune qui le pût consoler d’être huit jours séparé de lui. Le Roi fut véritablement touché de cette soumission; il n’oublia rien pour obliger Puyguilhem à profiter de la faiblesse de Mademoiselle, et Puyguilhem n’oublia rien aussi, de son côté, pour faire voir au Roi qu’il lui sacrifiait toutes choses. Le désintéressement seul ne fit pas prendre néanmoins cette conduite à Puyguilhem: il crut qu’elle l’assurait pour toujours de l’esprit du Roi, et que rien ne pourrait à l’avenir diminuer sa faveur. Son caprice et sa vanité le portèrent même si loin, que ce mariage si grand et si disproportionné lui parut insupportable, parce qu’il ne lui était plus permis de le faire avec tout le faste et tout l’éclat qu’il s’était proposé. Mais ce qui le détermina le plus puissamment à le rompre, ce fut l’aversion insurmontable qu’il avait pour la personne de Mademoiselle, et le dégoût d’être son mari. Il espéra même de tirer des avantages solides de l’emportement de Mademoiselle, et que, sans l’épouser, elle lui donnerait la souveraineté de Dombes et le duché de Montpensier. Ce fut dans cette vue qu’il refusa d’abord toutes les grâces dont le Roi voulut le combler; mais l’humeur avare et inégale de Mademoiselle, et les difficulté qui se rencontrérent à assurer de si grands biens à Puyguilhem, rendirent ce dessein inutile, et l’obligèrent à recevoir les bienfaits du Roi. Il lui donna le gouvernement de Berry et cinq cent mille livres. Des avantages si considérables ne répondirent pas toutefois aux espérances que Puyguilhem avait formées. Son chagrin fournit bientôt à ses ennemis, et particulièrement à Mme de Montespan, tous les prétextes qu’ils souhaitaient pour le ruiner. Il connut son état et sa décadence, et, au lieu de se ménager auprès du Roi avec de la douceur, de la patience et de l’habileté, rien ne fut plus capable de retenir son esprit âpre et fier. Il fit enfin des reproches au Roi; il lui dit même des choses rudes et piquantes, jusqu’à casser son épée en sa présence, en disant qu’il ne la tirerait plus pour son service; il lui parla avec mépris de Mme de Montespan, et s’emporta contre elle avec tant de violence qu’elle douta de sa sûreté, et n’en trouva plus qu’à le perdre. Il fut arrêté bientôt après, et on le mena à Pignerol, où il éprouva par une longue et dure prison la douleur d’avoir perdu les bonnes grâces du Roi, et d’avoir laissé échapper par une fausse vanité tant de grandeurs et tant d’avantages que la condescendance de son maître et la bassesse de Mademoiselle lui avaient présentés.]
everything that the King had permitted him to hope, since his honour might be wounded by it; and that no good fortune could console him for a week’s separation from him. The King was genuinely touched by this deference. He did everything he could to force Puyguilhem to profit from Mademoiselle’s weakness; and Puyguilhem, conversely, did everything he could to show the King how much he was sacrificing for him. However, Puyguilhem did not adopt this conduct solely for reasons of disinterest; he thought that it would permanently secure him the King’s affection, and that nothing would be able to reduce his favour in future. His vanity and his whims even led him to regard so great and so unequal a marriage as intolerable, because he was not allowed to celebrate it with all the pomp and brilliance that he had planned. But what made him most determined to break it off was his unshakeable aversion for Mademoiselle’s person, and his distaste for being her husband. He even hoped to obtain substantial advantages from Mademoiselle’s rage; and he hoped that, without marrying him, she would give him the dominion of Dombes and the duchy of Montpensier. That prospect led him at first to refuse all the marks of grace that the King wanted to heap on him; but Mademoiselle’s avaricious, changeable temper, and the difficulty of assigning such great possessions to Puyguilhem, made this plan futile, and forced him to accept the King’s favours. The King made him governor of Berry and gave him five hundred thousand pounds. Those advantages, notable as they were, still did not match the hopes that Puyguilhem had formed. His disappointment soon gave his enemies—especially Madame de Montespan—all the pretexts they sought to disgrace him. He recognized his decline in status; but he did not take care of his position with the King in a gentle, patient, and clever way; instead, nothing could restrain his proud and bitter spirit any longer. Finally he began to rebuke the King; he even said severe, biting things to him, and went as far as to break his sword in his presence, saying that he would no longer draw it to serve him; he spoke disdainfully of Madame de Montespan, and raged so violently against her that she feared for her own safety, and henceforth sought only to ruin him. He was arrested soon afterwards and taken to Pignerol, where, during a long and harsh imprisonment, he felt the grief of having lost the King’s good graces, and of having let slip through his own false vanity all the splendours and advantages that his master’s indulgence and Mademoiselle’s baseness had offered him.]
Alphonse, roi de Portugal, fils du duc de Bragance dont je viens de parler, s’est marié, en France, à la fille du duc de Nemours, jeune, sans biens et sans protection. Peu de temps après, cette princesse a formé le dessein de quitter le Roi, son mari; elle l’a fait arrêter dans Lisbonne, et les mêmes troupes qui, un jour auparavant, le gardaient comme leur roi, l’ont gardé le lendemain comme prisonnier; il a été confiné dans une île de ses propres États, et on lui a laissé la vie et le titre de roi. Le prince de Portugal, son frère, a épousé la Reine; elle conserve sa dignité, et elle a revêtu le prince, son mari, de toute l’autorité du gouvernement, sans lui donner le nom de roi; elle jouit tranquillement du succès d’une entreprise si extraordinaire, en paix avec les Espagnols, et sans guerre civile dans le royaume.
Un vendeur d’herbes, nommé Masaniel, fit soulever le menu peuple de Naples, et malgré la puissance des Espagnols, il usurpa l’autorité royale; il disposa souverainement de la vie, de la liberté, et des biens de tout ce qui lui fut suspect; il se rendit maître des douanes; il dépouilla les partisans de tout leur argent et de leurs meubles, et fit brûler publiquement toutes ces richesses immenses dans le milieu de la ville, sans qu’un seul de cette foule confuse de révoltés voulût profiter d’un bien qu’on croyait mal acquis. Ce prodige ne dura que quinze jours, et finit par un autre prodige: ce même Masaniel, qui achevait de si grandes choses avec tant de bonheur, de gloire, et de conduite, perdit subitement l’esprit, et mourut frénétique, en vingtquatre heures.
La reine de Suède, en paix dans ses États et avec ses voisins, aimée de ses sujets, respectée des étrangers, jeune et sans dévotion, a quitté volontairement son royaume, et s’est réduite à une vie privée. Le roi de Pologne, de la même maison que la reine de Suède, s’est démis aussi de la royauté, par la seule lassitude d’être roi.
Un lieutenant d’infanterie sans nom et sans crédit, a commencé, à l’âge de quarante-cinq ans, de se faire connaître dans les désordres d’Angleterre. Il a dépossédé son roi légitime, bon, juste, doux, vaillant et libéral; il lui a fait trancher la tête, par un arrêt de son parlement; il a changé la royauté en république; il a été dix ans maître de l’Angleterre, plus craint de ses voisins, et plus absolu dans son pays que tous les rois qui y ont régné. Il est mort paisible, et en pleine possession de toute la puissance du royaume.
Les Hollandais ont secoué le joug de la domination d’Espagne; ils
Afonso VI,* King of Portugal, son of the Duke of Braganza whom I have just mentioned, was married in France to the young, fortuneless, unprotected daughter of the Duke of Nemours. Not long afterwards, the Queen formed a plan to leave her husband the King; she had him arrested at Lisbon, and the very troops who had guarded him one day as their king, guarded him next day as their prisoner. He was confined on an island in his own realm, and allowed to keep his life and the title of king. His brother the Prince of Portugal married the Queen; she retained her rank, and she endowed her husband the prince with full governing authority, without giving him the name of king; at peace with the Spaniards, and without any civil war in the kingdom, she coolly enjoyed the fruits of so extraordinary a plot.
A vegetable seller named Masaniello* caused the tiny population of Naples to rebel, and despite the power of the Spaniards, he usurped royal authority. He disposed as a sovereign of the life, liberty, and possessions of everyone whom he suspected. He took control of the Customs; he despoiled the partisans of all their money and chattels, and publicly burnt the whole of that immense wealth in the midst of the city, without a single man in the disorderly crowd of rebels trying to profit from possessions that they believed to be ill-gotten. This marvel lasted only a fortnight, and ended with another marvel: the same Masaniello, who had accomplished such great things with so much good fortune, glory, and leadership, suddenly lost his mind and died in a frenzy within twenty-four hours.
The Queen of Sweden,* who was young and not pious, at peace both in her own realms and with her neighbours, loved by her subjects and respected by foreigners, voluntarily left her kingdom and retired to private life. The King of Poland,* who belonged to the same dynasty as the Queen of Sweden, also abdicated simply because he was weary of being king.
An infantry lieutenant,* with no name and no reputation, began to draw attention to himself at the age of forty-five during the disturbances in England. He overthrew his lawful king, who was good, just, gentle, brave, and generous; he had him beheaded by act of parliament; he turned the kingdom into a republic; for ten years he was the ruler of England, and was more feared by the neighbouring lands, and held more absolute power within his own country, than any king who had ruled it. He died peacefully, in full possession of the authority of the kingdom.
ont formé une puissante république, et ils ont soutenu cent ans la guerre contre leur roi légitime, pour conserver leur liberté. Ils doivent tant de grandes choses à la conduite et à la valeur des princes d’Orange, dont ils ont néanmoins toujours redouté l’ambition, et limité le pouvoir. Présentement cette république, si jalouse de sa puissance, accorde au prince d’Orange d’aujourd’hui, malgré son peu d’expérience et ses malheureux succès dans la guerre, ce qu’elle a refusé à ses pères; elle ne se contente pas de relever sa fortune abattue: elle le met en état de se faire souverain de Hollande, et elle a souffert qu’il ait fait déchirer par le peuple un homme qui maintenait seul la liberté publique.
Cette puissance d’Espagne, si étendue et si formidable à tous les rois du monde, trouve aujourd’hui son principal appui dans ses sujets rebelles, et se soutient par la protection des Hollandais.
Un empereur, jeune, faible, simple, gouverné par des ministres incapables, et pendant le plus grand abaissement de la maison d’Autriche, se trouve, en un moment, chef de tous les princes d’Allemagne, qui craignent son autorité et méprisent sa personne, et il est plus absolu que n’a jamais été Charles-Quint.
Le roi d’Angleterre, faible, paresseux, et plongé dans les plaisirs, oubliant les intérêts de son royaume et ses exemples domestiques, s’est exposé avec fermeté, depuis six ans, à la fureur de ses peuples et à la haine de son parlement, pour conserver une liaison étroite avec le roi de France; au lieu d’arrêter les conquêtes de ce prince dans les Pays-Bas, il y a même contribué, en lui fournissant des troupes. Cet attachement l’a empêché d’être maître absolu de l’Angleterre, et d’en étendre les frontières en Flandre et en Hollande, par des places et par des ports qu’il a toujours refusés; mais dans le temps qu’il reçoit des sommes considérables du Roi, et qu’il a le plus de besoin d’en être soutenu contre ses propres sujets, il renonce, sans prétexte, à tant d’engagements, et il se déclare contre la France, précisément quand il lui est utile et honnête d’y être attaché; par une mauvaise politique précipitée, il perd, en un moment, le seul avantage qu’il pouvait retirer d’une mauvaise politique de six années, et ayant pu donner la paix comme médiateur, il est réduit à la demander comme suppliant, quand le Roi l’accorde à l’Espagne, à l’Allemagne et à la Hollande.
Les propositions qui avaient été faites au roi d’Angleterre de marier sa nièce, la princesse d’York, au prince d’Orange, ne lui étaient
The Dutch shook off the yoke of Spanish domination;* they formed a powerful republic, and for a hundred years, to preserve their liberty, they continued to wage war against their lawful king. They owed all these great achievements to the leadership and valour of the Princes of Orange, whose ambition they nonetheless always mistrusted, and whose power they always limited. At present this republic, so jealous of its power, is granting the current Prince of Orange,* in spite of his inexperience and his lack of success on the battlefield, what it refused to his forefathers. The republic, not satisfied with repairing his downcast fortune, is setting about making him king of Holland, and has let him incite the populace to tear in pieces a man who was single-handedly defending the liberty of the people.
The power of Spain, so vast and so dreaded by every king in the world, is nowadays supported primarily by its rebel subjects, and is maintained by Dutch protection.*
An Emperor,* young, weak, simple-minded, governed by incompetent ministers, while the fortunes of the Austrian royal family are at their lowest, now finds himself supreme over all the princes of Germany, who fear his authority and treat his person with disdain; and he wields more absolute power than Charles V ever did.
The King of England,* weak, lazy, and wallowing in pleasures, forgetting the interests of his kingdom and the precedents in his own household, staunchly endured his peoples’ frenzy and his parliament’s hatred for six years, in order to maintain close links with the King of France; instead of halting that ruler’s conquests in the Netherlands, he even contributed to them by supplying him with troops. This commitment prevented him from holding absolute power in England and extending its frontiers in Flanders and Holland by means of towns and ports that he always refused; but at the very time when he was receiving considerable sums of money from the King, and when he most needed the King’s support against his own subjects, he renounced all those obligations, without any excuse, and declared his opposition to France precisely when it would have been useful and honorable for him to maintain his commitment. His hasty, ill-judged strategy instantly lost him the sole advantage he could have drawn from six years of similarly ill-judged strategy; and though he had been in a position to make peace as a mediator, he was reduced to suing for it as a beggar, when the King was granting it to Spain, Germany, and Holland.
pas agréables; le duc d’York en paraissait aussi éloigné que le Roi son frère, et le prince d’Orange même, rebuté par les difficultés de ce dessein, ne pensait plus à le faire réussir. Le roi d’Angleterre, étroitement lié au roi de France, consentait à ses conquêtes, lorsque les intérêts du grand trésorier d’Angleterre, et la crainte d’être attaqué par le Parlement, lui ont fait chercher sa sûreté particuliére, en disposant le Roi, son maître, à s’unir avec le prince d’Orange, par le mariage de la princesse d’York, et à faire déclarer l’Angleterre contre la France, pour la protection des Pays-Bas. Ce changement du roi d’Angleterre a été si prompt et si secret, que le duc d’York l’ignorait encore deux jours devant le mariage de sa fille, et personne ne se pouvait persuader que le roi d’Angleterre, qui avait hasardé dix ans sa vie et sa couronne pour demeurer attaché à la France, pût renoncer, en un moment, à tout ce qu’il en espérait, pour suivre le sentiment de son ministre. Le prince d’Orange, de son côté, qui avait tant d’intérêt de se faire un chemin pour être un jour roi d’Angleterre, négligeait ce mariage, qui le rendait héritier présomptif du royaume; il bornait ses desseins à affermir son autorité en Hollande, malgré les mauvais succès de ses dernières campagnes, et il s’appliquait à se rendre aussi absolu dans les autres provinces de cet État qu’il le croyait être dans la Zélande; mais il s’aperçut bientôt qu’il devait prendre d’autres mesures, et une aventure ridicule lui fit mieux connaître l’état où il était dans son pays, qu’il ne le voyait par ses propres lumières. Un crieur public vendait des meubles à un encan où beaucoup de monde s’assembla; il mit en vente un atlas, et voyant que personne ne l’enchérissait, il dit au peuple que ce livre était néanmoins plus rare qu’on ne pensait, et que les cartes en étaient si exactes, que la rivière dont M. le prince d’Orange n’avait eu aucune connaissance, lorsqu’il perdit la bataille de Cassel, y était fidèlement marquée. Cette raillerie, qui fut reçue avec un applaudissement universel, a été un des plus puissants motifs qui ont obligé le prince d’Orange à rechercher de nouveau l’alliance de l’Angleterre, pour contenir la Hollande, et pour joindre tant de puissances contre nous. Il semble néanmoins que ceux qui ont désiré ce mariage, et ceux qui y ont été contraires, n’ont pas connu leurs intérêts: le grand trésorier d’Angleterre a voulu adoucir le Parlement et se garantir d’en être attaqué en portant le Roi, son maître, à donner sa nièce au prince d’Orange, et à se déclarer contre la France; le roi d’Angleterre a
The King of England was not attracted by the proposal to marry his niece,* the Duke of York’s daughter, to the Prince of Orange. The Duke seemed to receive the idea as coldly as the King his brother; and even the Prince of Orange, deterred by the difficulties of the plan, no longer thought of accomplishing it successfully. The King of England had close ties with the King of France and approved of his conquests, but the Lord Treasurer’s personal interests and fear of parliamentary opposition made him strive to strengthen his own position by encouraging his master the King to form an alliance with the Prince of Orange by marriage with the Duke of York’s daughter, and to declare England’s opposition to France, in order to protect the Netherlands. This change in the King of England’s attitude was so prompt and so secret that the Duke of York was still unaware of it two days before his daughter’s wedding, and no one felt sure that the King of England, who had been risking his life and crown for ten years to remain committed to France, could renounce all his hopes in a single moment and follow his minister’s feelings. As for the Prince of Orange, who had so much personal interest in clearing a path that might one day make him King of England, he treated the marriage with neglect, even though it made him heir presumptive to the kingdom. He limited his plans to strengthening his authority in Holland, in spite of his lack of success during his last campaigns; and he strove to gain as much absolute power in the other provinces of his realm as he thought he possessed in Zeeland. But he soon saw that he would need to take other steps, and an absurd adventure gave him more insight into his position in his own country than he had been able to gain for himself. A town crier was selling goods at an auction in front of a large crowd. He put an atlas up for sale; and, seeing that no one was taking any interest in it, he told the crowd that the book was more precious than they imagined: its maps were so precise that they faithfully marked the stream which the Prince of Orange had not known about when he lost the battle of Cassel. This little joke, which was received with universal applause, was one of the strongest motives that forced the Prince of Orange to seek an alliance with England again—thus keeping Holland under control, and uniting so many foreign powers against us. It seems, however, that neither the people who desired this marriage, nor the people who opposed it, knew what was in their own interests. The Lord Treasurer of England wanted to appease parliament and protect himself from its cru affermir son autorité dans son royaume par l’appui du prince d’Orange, et il a prétendu engager ses peuples à lui fournir de l’argent pour ses plaisirs, sous prétexte de faire la guerre au roi de France, et de le contraindre à recevoir la paix; le prince d’Orange a eu dessein de soumettre la Hollande par la protection d’Angleterre; la France a appréhendé qu’un mariage si opposé à ses intérêts n’emportât la balance, en joignant l’Angleterre à tous nos ennemis. L’événement a fait voir, en six semaines, la fausseté de tant de raisonnements: ce mariage met une défiance éternelle entre l’Angleterre et la Hollande, et toutes deux le regardent comme un dessein d’opprimer leur liberté; le parlement d’Angleterre attaque les ministres du Roi, pour attaquer ensuite sa propre personne; les états de Hollande, lassés de la guerre et jaloux de leur liberté, se repentent d’avoir mis leur autorité entre les mains d’un jeune homme ambitieux, et héritier présomptif de la couronne d’Angleterre; le roi de France, qui a d’abord regardé ce mariage comme une nouvelle ligue qui se formait contre lui, a su s’en servir pour diviser ses ennemis, et pour se mettre en état de prendre la Flandre, s’il n’avait préféré la gloire de faire la paix à la gloire de faire de nouvelles conquêtes.
Si le siècle présent n’a pas moins produit d’événements extraordinaires que les siècles passés, on conviendra sans doute qu’il a le malheureux avantage de les surpasser dans l’excés des crimes. La France même, qui les a toujours détestés, qui y est opposée par l’humeur de la nation, par la religion, et qui est soutenue par les exemples du prince qui règne, se trouve néanmoins aujourd’hui le théâtre où l’on voit paraître tout ce que l’histoire et la fable nous ont dit des crimes de l’antiquité. Les vices sont de tous les temps; les hommes sont nés avec de l’intérêt, de la cruauté et de la débauche; mais si des personnes que tout le monde connaît avaient paru dans les premiers siécles, parlerait-on présentement des prostitutions d’Héliogabale, de la foi des Grecs, et des poisons et des parricides de Médée?
Je ne prétends pas justifier ici l’inconstance en général, et moins encore celle qui vient de la seule légèreté; mais il n’est pas juste aussi opposition, by prompting his master the King to give his niece to the Prince of Orange and declare his opposition to France. The King of England thought he was strengthening his authority in the kingdom by gaining the support of the Prince of Orange, and he tried to obtain money for his pleasures from his subjects, under the pretext that he was making war against the King of France and trying to force him to make peace. The Prince of Orange planned to use English protection to make Holland submissive. France was apprehensive that a marriage so opposed to her interests might tip the balance of power by uniting England with all our enemies. Within six weeks, the outcome showed how false all those reasonings were. The marriage aroused lasting mistrust between England and Holland, and both countries saw it as a plan to suppress their liberty; the parliament of England attacked the King’s ministers, paving the way for an attack on the King himself; the provinces of Holland, weary of war and jealous of their liberty, regretted that they had given their authority to an ambitious young man, the heir presumptive to the English crown; the King of France, who at first saw this marriage as a new league against him, was able to use it to sow division among his enemies and place himself in a position to seize Flanders—but for the fact that he preferred the glory of making peace to the glory of new conquests.
If the present age has produced no fewer extraordinary occurrences than past ages, surely we must also admit that it has the unfortunate advantage of surpassing them in its exceptional crimes. France herself has always detested such crimes, is opposed to them by both national temperament and religion, and is supported by her king’s example; yet today she finds herself a stage on which are being played all the crimes of the ancient world as reported to us by history and legend. Vices belong to every age; men are born with self-interest, cruelty, and debauchery; but if people known to all of us had appeared in previous ages, would we speak today of Heliogabalian licentiousness, Greek dishonesty, and Medea’s poisonings and parricides?*
I do not claim that I am here trying to justify inconstancy in general, let alone the kind of inconstancy that comes only from fickleness; de lui imputer tous les autres changements de l’amour. Il y a une première fleur d’agrément et de vivacité dans l’amour, qui passe insensiblement, comme celle des fruits; ce n’est la faute de personne; c’est seulement la faute du temps. Dans les commencements, la figure est aimable; les sentiments ont du rapport: on cherche de la douceur et du plaisir; on veut plaire, parce qu’on nous plaît, et on cherche à faire voir qu’on sait donner un prix infini à ce qu’on aime; mais, dans la suite, on ne sent plus ce qu’on croyait sentir toujours: le feu n’y est plus; le mérite de la nouveauté s’efface; la beauté, qui a tant de part à l’amour, ou diminue, ou ne fait plus la même impression; le nom d’amour se conserve, mais on ne se retrouve plus les mêmes personnes, ni les mêmes sentiments; on suit encore ses engagements, par honneur, par accoutumance, et pour n’être pas assez assuré de son propre changement.
Quelles personnes auraient commencé de s’aimer, si elles s’étaient vues d’abord comme on se voit dans la suite des années? Mais quelles personnes aussi se pourraient séparer, si elles se revoyaient comme on s’est vu la première fois? L’orgueil, qui est presque toujours le maître de nos goûts, et qui ne se rassasie jamais, serait flatté sans cesse par quelque nouveau plaisir. La constance perdrait son mérite, elle n’aurait plus de part à une si agréable liaison; les faveurs présentes auraient la même grâce que les faveurs premières, et le souvenir n’y mettrait point de différence; l’inconstance serait même inconnue, et on s’aimerait toujours avec le même plaisir, parce qu’on aurait toujours les mêmes sujets de s’aimer. Les changements qui arrivent dans l’amitié ont à peu près des causes pareilles à ceux qui arrivent dans l’amour; leurs règles ont beaucoup de rapport: si l’un a plus d’enjouement et de plaisir, l’autre doit être plus égale et plus sévère, elle ne pardonne rien; mais le temps, qui change l’humeur et les intérêts, les détruit presque également tous deux. Les hommes sont trop faibles et trop changeants pour soutenir longtemps le poids de l’amitié: l’antiquité en a fourni des exemples; mais dans le temps où nous vivons, on peut dire qu’il est encore moins impossible de trouver un véritable amour qu’une véritable amitié.
but it is equally unjust to blame it for all the other changes of love. There is an attractive, lively first bloom in love, which passes away imperceptibly, like that of fruit. That is no one’s fault; it is merely time’s fault. In the early stages, the other person’s appearance is attractive; our feelings are akin; we seek what is pleasant and agreeable; we want to please, because we ourselves are pleased, and we try to show that we are capable of setting the highest possible value on what we love. Later, however, we no longer feel what we thought we would always feel; the fire goes out; the charm of novelty is tarnished; beauty, which plays such a great part in love, either decreases or no longer makes the same impression; the name of love remains, but neither the people nor the feelings are still the same; we keep observing our obligations, out of honour, out of habit, and in order to avoid being too aware of our own change.
What couples would have fallen in love, if they had seen each other at first as people see each other with the passage of the years? And yet what couples could separate, if they could again see each other as they did at first? Then our pride, which is nearly always in control of our tastes, and which is never sated, would incessantly be flattered with new pleasures; but constancy would lose its merit—in so attractive a relationship, it would no longer play any part; the present favours would have the same charm as the very first favours, and memory would draw no distinction between them; inconstancy would even be unknown, and couples would continue to love each other with the same pleasure, because they would always have the same reasons to love each other.
The changes that happen in friendship have almost the same causes as those that happen in love; they are regulated in very similar ways. If one yields more enjoyment and pleasure, the other should be more even and more austere, and forgive nothing; but time, which changes our temperaments and interests, destroys them both in almost the same way. Men are too weak and too changeable to bear the burden of friendship for long. Ancient history does provide some examples of that,* but in our own age we may say that even true love is less impossible to find than true friendship.
Je m’engagerais à un trop long discours si je rapportais ici, en particulier, toutes les raisons naturelles qui portent les vieilles gens à se retirer du commerce du monde: le changement de leur humeur, de leur figure, et l’affaiblissement des organes, les conduisent insensiblement, comme la plupart des autres animaux, à s’éloigner de la fréquentation de leurs semblables. L’orgueil, qui est inséparable de l’amour-propre, leur tient alors lieu de raison: il ne peut plus être flatté de plusieurs choses qui flattent les autres; l’expérience leur a fait connaître le prix de ce que tous les hommes désirent dans la jeunesse, et l’impossibilité d’en jouir plus longtemps; les diverses voies qui paraissent ouvertes aux jeunes gens pour parvenir aux grandeurs, aux plaisirs, à la réputation et à tout ce qui élève les hommes, leur sont fermées, ou par la fortune, ou par leur conduite, ou par l’envie et l’injustice des autres; le chemin pour y rentrer est trop long et trop pénible, quand on s’est une fois égaré; les difficultés leur en paraissent insurmontables, et l’áge ne leur permet plus d’y prétendre. Ils deviennent insensibles à l’amitié, non seulement parce qu’ils n’en ont peut-être jamais trouvé de véritables, mais parce qu’ils ont vu mourir un grand nombre de leurs amis qui n’avaient pas encore eu le temps ni les occasions de manquer à l’amitié, et ils se persuadent aisément qu’ils auraient été plus fidèles que ceux qui leur restent. Ils n’ont plus de part aux premiers biens qui ont d’abord rempli leur imagination; ils n’ont même presque plus de part à la gloire: celle qu’ils ont acquise est déjà flétrie par le temps, et souvent les hommes en perdent plus en vieillissant qu’ils n’en acquièrent. Chaque jour leur ôte une portion d’eux-mêmes; ils n’ont plus assez de vie pour jouir de ce qu’ils ont, et bien moins encore pour arriver à ce qu’ils désirent; ils ne voient plus devant eux que des chagrins, des maladies et de l’abaissement; tout est vu, et rien ne peut avoir pour eux la grâce de la nouveauté; le temps les éloigne imperceptiblement du point de vue d’où il leur convient de voir les objets, et d’oú ils doivent être vus. Les plus heureux sont encore soufferts, les autres sont méprisés; le seul bon parti qu’il leur reste, c’est de cacher au monde ce qu’ils ne lui ont peut-être que trop montré. Leur goût, détrompé des désirs inutiles, se tourne alors vers des objets muets et insensibles; les bátiments, l’agriculture, l’économie, l’étude, toutes ces choses sont soumises à leurs volontés; ils s’en approchent ou s’en
I would be obliged to write too long an essay if I here gave a full and detailed account of the reasons that naturally cause old people to withdraw from dealing with the world. The changes in their temperament and appearance, and the weakening of their bodies, imperceptibly lead them, like most other animals, to draw back from the company of their own kind. Pride, which is inseparable from self-love, then becomes their substitute for reason. It can no longer be flattered by various things that flatter other people’s pride; experience has taught them the value of the things that all men desire in their youth, and the impossibility of enjoying them much longer. The different ways of attaining greatness, pleasure, reputation, and every source of human eminence, which seem open to young people, are closed to them by fortune, or by their own conduct, or by the envy and injustice of other people. The path in that direction is too long and too painful, when they have once gone astray from it; they find its difficulties insurmountable, and they are now too old for such aspirations. They become insensitive to friendship, not only because they may never have found any true friends, but also because they have seen the death of many friends who had not yet had time or opportunity to be bad friends—and they easily convince themselves that those people would have been more faithful than the ones who remain. They no longer have any share of the good things that formerly filled their imagination; they no longer have much share even of glory; the glory that they gained is already withered by time, and often, as men grow old, they lose more of it than they gain. Every day takes away some part of themselves; they now have too little life to enjoy what they still have, and even less to gain what they still desire. They see before them only discomforts, afflictions, and debasement; everything is familiar, and nothing can have the charm of novelty for them; time is imperceptibly removing them from the most suitable viewpoint for contemplating objects—the viewpoint from which objects ought to be contemplated. The most fortunate of them are still endured, the others are disdained. The only good course still open for them is to hide from the world what they may have shown it only too clearly. Their taste, disillusioned with futile desires, turns then to silent, insensible objects—buildings, agriculture, economics, study—all of which are forced to suit their éloignent comme il leur plaît; ils sont maîtres de leurs desseins et de leurs occupations; tout ce qu’ils désirent est en leur pouvoir, et s’étant affranchis de la dépendance du monde, ils font tout dépendre d’eux. Les plus sages savent employer à leur salut le temps qu’il leur reste, et n’ayant qu’une si petite part à cette vie, ils se rendent dignes d’une meilleure. Les autres n’ont au moins qu’eux-mêmes pour témoins de leur misére; leurs propres infirmités les amusent; le moindre relâche leur tient lieu de bonheur; la nature, défaillante, et plus sage qu’eux, leur ote souvent la peine de désirer; enfin ils oublient le monde, qui est si disposé à les oublier; leur vanité même est consolée par leur retraite, et avec beaucoup d’ennuis, d’incertitudes et de faiblesses, tantôt par piété, tantôt par raison, et le plus souvent par accoutumance, ils soutiennent le poids d’une vie insipide et languissante.
wishes; they approach them or recede from them as they please. They are in control of their plans and activities; whatever they desire is in their power, and now that they are free from dependence on the world, they make it depend on them. The wisest of them are able to use their remaining time for their own salvation; having so little share in this life, they make themselves worthy of a better one. The others, at least, have no one to witness their degradation but themselves. Their own infirmities keep them entertained; for them, the smallest respite is a substitute for happiness. Nature, failing, is wiser than they are, and often takes from them the pangs of desire. At last they forget the world, which is so ready to forget them; their vanity itself is comforted by their retirement, and with many troubles, uncertainties, and weaknesses, sometimes out of piety, sometimes out of reason, and most often out of habit, they bear the weight of an insipid, sluggish life.