13. Bouddha assis, date inconnue,
Chine, bronze doré, H. : 17,5 cm.
De tels sentiments devaient être de plus en plus présents à l’esprit de Gautama, lorsque dix ans après son mariage, sa femme portait son unique enfant, prénommé Rahula. La peur que cette nouvelle attache ne devienne trop forte à briser semble avoir été la cause immédiate de sa fuite. Selon les anciennes autorités bouddhistes du sud, la naissance de son fils lui fut annoncée dans un jardin sur les berges de la rivière, où il se rendit après avoir vu la quatrième vision (celle de l’ermite). Plutôt que de se réjouir de la naissance de son fils, il déclara simplement et calmement « Voici une nouvelle et forte attache que je dois briser », puis il retourna chez lui triste et pensif. Cependant, les villageois furent ravis de la naissance de cet enfant, l’unique petit-fils de leur raja. Le retour de Gautama fut une véritable fête et il entra à Kapilavatsu au beau milieu de la foule joyeuse que formaient les hommes de son clan. Parmi les chants de triomphe parvenant à ses oreilles, on raconte qu’un seul parvint à retenir son attention. Une jeune fille, sa cousine, chantait cette strophe : « Heureux le père, heureuse la mère, heureuse la femme d’un tel enfant et d’un tel mari. » Le mot « heureux » possède un double sens, cela signifie également « affranchi », délivré des chaînes du péché et de la transmigration, « sauvé ». Reconnaissant envers celle qui, dans un tel moment, lui rappela ses plus hautes pensées, il enleva son collier de perles et le lui lança, en disant, « Que ce soit ton salaire de professeur. » Elle eut des espoirs chimériques, pensant que « le jeune Siddhârta est tombé amoureux de moi et m’a donné ce présent », seulement il ne fit plus attention à elle et continua son chemin.
Cette nuit-là, à minuit, il envoya son cocher Channa atteler son cheval et, pendant que l’homme était parti, Gautama se rendit sur le seuil de la chambre de sa femme. À la lueur d’une lampe vacillante, il l’a regarda dormir, entourée de fleurs, une main posée sur la tête de leur enfant. Il aurait souhaité prendre une dernière fois son fils dans ses bras avant de partir, mais il savait qu’il ne pourrait rien faire sans réveiller sa femme. Comme si cela pouvait contrarier ses intentions, la peur de réveiller Yasodhara l’emporta, il se décida à partir à contrecœur, et, uniquement accompagné de Channa, il laissa derrière lui la maison de son père, le confort et le pouvoir ainsi que sa jeune femme et son unique enfant. Il partit dans la nuit pour devenir un pauvre étudiant méprisé et un voyageur sans maison. Il s’agit de cet évènement qui lui donna le nom que l’on trouve dans la première œuvre chinoise sanskrit intitulée « Mahabhinishkramana Sutta » ou « Sutra du Grand Renoncement ».
[Date : -51 EB]
« Avant mon Éveil, lorsque je n’étais encore qu’un Bodhisattva non-éveillé, la pensée me vint que : « La vie domestique est encombrée, comme une route poussiéreuse. La vie de qui est parti est au grand air. Il n’est pas facile, en vivant dans une maison, de mener la vie sainte qui est totalement parfaite, totalement pure, comme un coquillage poli. Et si, m’étant rasé les cheveux et la barbe et revêtant la robe ocre, je quittais la vie domestique pour la vie d’errant ? »
« Alors, un peu plus tard, alors que j’étais encore jeune, les cheveux de jais, doté de toutes les bénédictions de la première jeunesse, et alors que mes parents, le refusant, pleuraient toutes les larmes de leurs corps, je me suis rasé la tête et la barbe, j’ai revêtu la robe ocre et j’ai quitté la vie domestique pour la vie d’errant. »
[MN 36]
Voici ensuite un autre évènement à raconter, sous la forme d’une vision qui est supposée avoir eu lieu dans l’esprit de Gautama. Mara, l’esprit du Mal, apparut dans le ciel, ordonna à Gautama d’arrêter son voyage et en échange, lui promit un royaume universel sur les quatre grands continents. Lorsqu’il se rendit compte que ses mots n’avaient pas l’effet escompté, l’esprit tentateur se consola avec l’espoir qu’il finirait par vaincre son ennemi, pensant « Tôt ou tard, quelques pensées nocives, malveillantes ou de colère envahiront son esprit. C’est à ce moment-là que je serai son maître. » Ainsi Mara le suivit comme une ombre, attentif à la moindre faiblesse. Cette nuit là, Gautama chevaucha de longues heures et ne s’arrêta que lorsqu’il eut atteint la rive de la rivière Anoma au-delà du territoire des Koliyans. Là, il retira ses bijoux et les donna, ainsi que son cheval, à son cocher, afin qu’il les ramène à Kapilavastu. Channa demanda la permission de rester avec son maître, de devenir un ascète et de continuer à le servir, mais Gautama ne voulut pas en entendre parler, lui déclarant : « Comment mon père et ma famille sauront ce qui est advenu de moi si tu n’y retournes pas et ne leur racontes rien ? » Gautama coupa alors ses longs cheveux, échangea ses vêtements avec un pauvre passant et renvoya à la maison le triste et découragé Channa. Alors, il se pressa vers Rajagriha, pour commencer sa nouvelle vie d’ascète errant et mendiant.