Lorsque Nicholas Royle m’a demandé de raconter un rêve pour son livre The Tiger Garden : A Book of Writers’ Dreams, j’en ai choisi un que j’avais fait alors que j’écrivais en collaboration avec Christa Faust la nouvelle Triades1, consacrée aux gangsters chinois. Les lignes qui suivent sont, mot pour mot, celles que j’ai rédigées dans mon carnet le lendemain matin. Bien que je n’aie pas d’enfant et ne souhaite pas en avoir, le sentiment de deuil paternel m’a paru extrêmement réel.
J’étais un membre des Triades, ainsi que l’homme que je poursuivais en voiture. Nous étions tous deux jeunes et beaux, élégants, avec les cheveux longs. Mon jeune fils se trouvait avec moi dans ma longue voiture noire. Ma voiture a fait un tonneau au ralenti et s’est crashée. Mon fils est resté prisonnier de l’épave, son échine était tordue, certains de ses délicats organes étaient déracinés. J’espérais qu’il allait mourir, mais je savais qu’il survivrait, mutilé et en proie à la souffrance, pour me punir de mes péchés. J’avais été jeté dans la baie (celle de Hong Kong ?) et j’étais grièvement blessé. J’ai mis la tête sous l’eau et inspiré à plusieurs reprises, bien décidé à me noyer. Je sentais l’eau déferler dans mes sinus et envahir mes poumons, horriblement froide et intime. Mais je n’avais pas assez de tripes pour me noyer, alors j’ai pris mon revolver (miracle, il n’était pas affecté par son immersion dans la baie) et me suis tiré une balle dans le palais. Après mon réveil, j’ai senti pendant plusieurs minutes l’eau m’oppresser la poitrine.
1. In Révélations, anthologie de Douglas E. Winter, Éditions J’ai lu. (N. d. T.)