Épilogue

Depuis New York où il avait réussi à émigrer, Harry Freud, le fils d’Alexander, annonça aux quatre sœurs restées à Vienne la mort de leur frère Sigmund : « Il est entré dans l’autre monde qu’on espère meilleur […]. Il passa ses derniers jours dans son bureau où l’on avait placé son lit. De là, il pouvait voir le jardin et, dans les meilleurs instants, se réjouir de regarder la nature. Je souhaite que vous receviez cette nouvelle dans l’apaisement. Les autres nouvelles de la famille sont bonnes1. »

En fait d’apaisement, les quatre vieilles dames allaient bientôt être contraintes de vivre, comme d’autres femmes persécutées, dans l’ancien appartement d’Alexander. Au nom de l’impôt punitif – la JUVA – elles furent dépouillées de leurs biens, dont disposait Erich Führer, le gestionnaire nazi des biens d’Alexander. Harry alerta Alfred Indra, lequel tenta de prendre contact avec Anton Sauerwald. Mais celui-ci était maintenant mobilisé sur le front russe. Le 20 juin 1940, Indra réclama d’urgence des secours à Harry. Mais toutes les démarches entreprises ne servirent à rien. Le 15 janvier 1941, toutes quatre adressèrent une lettre désespérée à l’avocat : « Nous sommes confinées dans une seule pièce qui doit tenir lieu de chambre et de salle de séjour. Nous sommes, comme vous le savez, des personnes âgées, souvent malades et alitées, une aération normale et le ménage sont impossibles sans atteinte à la santé2. »

À cette date, comme elles avaient plus de soixante-cinq ans, elles avaient été épargnées au moment où l’on avait décidé les premiers convois vers les camps de travail. Mais après la conférence de Wannsee de janvier 1942, elles furent déportées au ghetto de Theresienstadt (Terezin), où Adolfine mourut de malnutrition le 29 septembre 19423. Quant aux trois autres sœurs, elles furent transportées vers des camps d’extermination, d’où elles ne devaient jamais revenir : Maria et Paula à Maly Trostinec le 23 septembre 1942, Rosa Graf à Treblinka soit le 29 septembre 1942, soit le 1er mars 1943.

C’est le 27 juillet 1946 que Samuel Rajzman, originaire de Varsovie, apporta ce témoignage devant le tribunal de Nuremberg à propos de l’Obersturmbannführer Kurt Franz, commandant délégué du camp : « Le train venait de Vienne. J’étais sur le quai quand les gens furent sortis des wagons. Une femme d’un certain âge s’approcha de Kurt Franz, présenta un Ausweis et dit être la sœur de Sigmund Freud. Elle demanda à être affectée à un travail de bureau facile. Franz examina soigneusement le document et dit qu’il s’agissait probablement d’une erreur. Il la conduisit au tableau indicateur des trains et dit qu’un train retournait à Vienne deux heures plus tard. Elle pouvait laisser ses objets de valeur et ses documents ici, aller aux douches et, après le bain, ses documents et son billet pour Vienne seraient à sa disposition. Évidemment, la femme est entrée dans la douche, d’où elle ne revint jamais4. »

Après la mort de leur père et grand-père, les enfants et petits-enfants de Freud durent s’adapter, comme ses disciples, dans un monde très différent de celui qu’ils avaient connu. Ils durent affronter le temps de la guerre sans avoir eu le loisir de goûter à une nouvelle paix. Mais cette fois-ci, de par leur exil, ils se retrouvaient dans le camp des vainqueurs, qui les regardaient comme des intrus ayant tout perdu5. Ils n’oublièrent jamais qu’ils étaient juifs, mais à mesure qu’ils découvraient l’ampleur de la destruction qui s’était abattue sur leur monde d’autrefois et sur ceux qui n’avaient pas pu fuir, ils voulurent rompre avec les horreurs du passé. Comme de nombreuses victimes qui avaient réussi à survivre, ils se confrontèrent alors à la question de l’extermination des Juifs. Et plusieurs d’entre eux participèrent à la chasse aux anciens nazis.

Très douée pour la couture, Mathilde créa à Londres, avec d’autres Autrichiens exilés, une boutique de mode. Martin continua à vivre comme autrefois, solitaire, séducteur et désargenté, se regardant comme « un vieux Juif malade ». Il finit par tenir un kiosque à tabac et journaux près du British Museum. Installé à Philadelphie, aux États-Unis, Oliver chercha en vain à adopter un enfant rescapé du génocide, puis il occupa un poste de chercheur dans une entreprise de transport, où il se fit appeler « professeur Freud ». Enfant gâté par la fortune, Ernst, le plus élégant, poursuivit sa carrière d’architecte anglais. Deux de ses fils eurent un destin exceptionnel : Lucian Freud, l’un des peintres figuratifs les plus novateurs de la deuxième moitié du XXe siècle, et Clemens, devenu Sir Clement, homme politique, journaliste, humoriste, restaurateur, propriétaire d’une boîte de nuit, qui suivit en observateur le déroulement des procès de Nuremberg et publia son autobiographie : Freud Ego6.

Lucian eut quatorze enfants de plusieurs femmes différentes, Clement cinq, dont un adopté, et Stefan (Stephen), le frère aîné, l’oublié, le quincaillier, le marginal, passa sa vie à se disputer avec ses frères qui, d’ailleurs, se détestaient entre eux. Fille de Lucian, Esther Freud raconta dans plusieurs de ses romans les différentes facettes de sa difficile existence entre un père absent, qu’elle ne connut qu’à l’adolescence, et une mère tourmentée. Elle évoqua souvent le silence de ce père sur les événements des années 19307. Quant à Lucian lui-même, glacial, pernicieux, magique, d’une incroyable beauté, cultivant le secret et la provocation, se réclamant de Vélasquez, son peintre préféré, il adorait son grand-père, dont il se souvenait fort bien, et il avait en horreur toute forme d’expression antisémite.

Vers l’âge de dix ans, déjà très original dans sa manière d’observer le monde qui l’entourait, il avait tenu à « voir Hitler », l’ennemi absolu. Lors d’une manifestation nazie à Berlin, il l’avait même photographié8 pour ne jamais oublier ses traits et ses mimiques. Étouffé par une mère (Lucie) qui entretenait avec lui une relation fusionnelle, il ne se dégagea de cette emprise que par son génie créatif. À l’inverse de son grand-père auquel il ressemblait tant, Lucian s’intéressait, non pas à la parole mais au corps dans sa nudité même, non pas au refoulement du désir mais à la libido dans toute sa violence pulsionnelle. Pour peindre, il enlevait ses vêtements et exigeait de ses modèles qu’ils fussent dénudés eux aussi, y compris quand il faisait le portrait de ses proches, ses filles notamment. Tout se passait comme si Lucian actualisait dans son œuvre picturale la part obscure de celle de Sigmund, dont il se voulait l’héritier démoniaque. Autant il rejetait le complexe œdipien, autant il regardait Herr Professor comme un fabuleux zoologue, fasciné par le monde animal, lui, le premier savant à avoir déterminé le sexe des anguilles. Lucian avait un lien quasi animalier avec le corps fantasmé de son grand-père.

Il savait qu’il lui devait en partie sa liberté, et c’est avec une intense émotion qu’il se remémorait la scène durant laquelle Marie Bonaparte était intervenue auprès du duc de Kent pour qu’Ernst et sa famille pussent obtenir la nationalité anglaise. En raison de cette dette contractée auprès de la famille royale, il offrit à la reine Élisabeth II, cinquante-cinq ans plus tard, le portrait qu’il avait fait d’elle. L’œuvre fit scandale autant que les théories freudiennes : la presse affirma que le peintre avait « travesti » le visage de la souveraine en la dotant d’un cou de joueur de rugby et d’un menton bleu qui semblait couvert d’une barbe naissante. Pour avoir commis ce sacrilège, un journaliste suggéra que l’on enfermât Lucian dans la tour de Londres9.

Engagé dans l’armée, Anton Walter, le fils de Martin, beaucoup plus politisé que son père, fut chargé, en avril 1945, de libérer l’aéroport de Zeltweg, en Styrie. Parachuté en pleine nuit, il revendiqua son nom et, à sa grande surprise, ne fut pas trop mal accueilli par des officiers autrichiens désireux d’en finir avec la guerre. Par la suite, promu au rang de capitaine, il se spécialisa dans la recherche des anciens criminels nazis et contribua, par ses enquêtes, à livrer à la justice Bruno Tesch, dont la société fabriquait du Zyklon B pour le camp d’Auschwitz. Reconnu coupable par la cour militaire de Hambourg, celui-ci fut condamné à mort et pendu en mars 1946. Anton contribua aussi, par sa ténacité, à la condamnation d’Alfred Trzebinski, médecin de la SS, tortionnaire, spécialisé dans des expériences d’injection de bactéries sur des enfants. Par la suite, devenu ingénieur chimiste, il travailla pour diverses sociétés anglaises, avant de prendre sa retraite.

Quant à son cousin Harry Freud, incorporé dans l’armée américaine, il retourna lui aussi en Autriche afin de traquer Anton Sauerwald qu’il accusait d’avoir pillé les biens de la famille. Arrêté puis jugé par les autorités américaines, l’ancien commissaire-gérant plaida « non coupable ». Sa femme demanda un témoignage à Anna Freud, qui le rédigea volontiers en affirmant que Sauerwald avait apporté une aide à la famille10. Il fut libéré.

Après la mort de son père, Anna décida de demeurer à Londres et de vivre dans la maison familiale du 20 Maresfield Gardens, à Hampstead. Après la mort de Martha et de Minna, elle y vécut avec Dorothy, revenue de New York en 1940 et convaincue qu’elle ne pouvait plus se passer de son amie11. Ensemble, elles poursuivirent leurs activités en faveur de l’enfance en créant les Hampstead Nurseries et la Hampstead Child Therapy Clinic, un centre de recherche et de clinique où elles appliquèrent leurs théories en étroite collaboration avec les parents des enfants pris en charge.

En 1946, elle apprit par sa grande amie Kata Levy12, sœur d’Anton von Freund, le sort qui avait été réservé aux quatre tantes sans savoir encore dans quel camp elles avaient trouvé la mort. Aussitôt, elle donna l’information à ses trois cousines : Margarethe Magnus, Lilly Freud-Marlé, Rose Waldinger. Martha s’empressa de les accompagner dans leur deuil, et Anna se sentit coupable de n’avoir pas été assez vigilante. Pendant des années, elle voua les Autrichiens aux gémonies et ne voulut plus entendre parler de la Berggasse. Depuis Londres, elle aida toutefois son vieil ami Aichhorn à reconstituer la WPV.

Elle se confronta à la question de l’extermination en prenant en charge, entre 1945 et 1947, six jeunes orphelins juifs allemands, nés entre 1941 et 1942, et dont les parents avaient été envoyés à la chambre à gaz. Internés au camp de Theresienstadt (Terezin), dans la section des enfants sans mère, ils avaient survécu, collés ensemble et privés de jouets et de nourriture. Quand ils furent hébergés à Bulldogs Bank, puis confiés à Anna – qui renoua, à cette occasion, avec la langue allemande –, ils parlaient entre eux un langage ordurier, rejetaient les cadeaux, détruisaient le mobilier, mordaient, frappaient, hurlaient, se masturbaient, insultaient les adultes. En un mot, ils n’avaient pu survivre qu’en formant une entité unique qui leur servait de forteresse. Après un an de soins, ils retrouvèrent une vie normale. Enfants du génocide et de l’abandon absolu, ils furent les premiers à expérimenter une nouvelle approche psychanalytique, qui montrera aux générations futures que rien n’est jamais joué d’avance et que, même dans les situations les plus extrêmes, une nouvelle vie est toujours pensable13. Dans ce domaine, Anna Freud révéla ses véritables dons de clinicienne.

Elle conserva ses amis viennois qui s’étaient installés aux États-Unis. Ils l’aimaient pour son dévouement, sa droiture et son sens de la fidélité. Avec eux, elle pouvait évoquer, avec nostalgie, la grandeur passée du freudisme originel. Elle demeurait la mémoire vivante d’une époque engloutie par deux guerres mondiales.

Héritière légale, avec son frère Ernst, des archives et de l’œuvre de son père, Anna donna sa préférence à Jones – et non pas à son ami Siegfried Bernfeld – pour rédiger la première biographie autorisée de Freud, qui serait publiée en trois volumes, entre 1953 et 1957 : une œuvre magistrale appuyée sur des archives et des sources incontestables. À travers elle, la diaspora freudienne put se représenter ses origines sous la forme d’une histoire, certes officielle, mais non pas hagiographique ou pieuse. Jones privilégiait l’idée que Freud, savant solitaire et universel, avait réussi par la seule force de son génie à s’arracher aux « fausses sciences » de son époque pour dévoiler au monde l’existence de l’inconscient. Il ne se souciait guère d’immerger l’œuvre de Freud et sa personne dans la longue durée de l’histoire, et il passait entièrement sous silence sa propre politique de prétendu « sauvetage » de la psychanalyse, qu’il ne regrettait nullement. Il dissimulait les suicides, les errances, les récits de cure et traitait fort mal Breuer, Fliess, Jung, Reich, Rank, bien d’autres encore.

Mais surtout, il transformait Freud en un savant plus anglais que viennois, plus positiviste que romantique, beaucoup moins tourmenté dans ses choix qu’il ne l’avait été en fait. En bref, il construisait à l’usage de ses contemporains un mémorial en l’honneur du prince et du savant qu’il avait servi. Cette monumentale biographie suscita un immense débat historiographique qui, pendant quarante ans, serait aussi vif que les querelles entre psychanalystes.

Aucun historien ne pourrait échapper à l’avenir à une confrontation avec cette première biographie écrite par un contemporain de Freud, qui avait été aussi son disciple et l’organisateur de son mouvement. Certes, Jones avait cédé à l’illusion introspective en peignant un héros en marche vers son destin, mais enfin il avait été le premier à avoir accès à des archives, à recourir à une méthodologie cohérente et à s’y tenir.

Il incorpora dans son travail les recherches de Siegfried Bernfeld, tandis qu’Anna surveillait étroitement, au même moment, la publication des correspondances, notamment celle avec Fliess14, d’où était banni ce qui, à ses yeux, risquait de ternir l’image idéale qu’elle s’était forgée de son père : un héros sans peur et sans reproche, un Freud « historiquement correct » pour une psychanalyse pragmatique, réglementée et bientôt sclérosée15.

En 1972, Max Schur corrigea la version jonesienne en donnant de Freud l’image plus viennoise d’un savant ambivalent, adepte de la cocaïne, angoissé par la mort et hésitant entre l’erreur et la vérité. Il révéla, pour la première fois, l’existence d’Emma Eckstein, ouvrant la voie à une exploration, par d’autres, de l’histoire des patients de Freud.

Anna et Dorothy vécurent une vie heureuse mais compliquée. Jamais elles n’acceptèrent d’être regardées comme des lesbiennes alors qu’elles formaient un véritable couple, et jamais Anna n’accepta de son vivant d’avouer publiquement ou de laisser écrire qu’elle avait été analysée par son père.

Les enfants qu’Anna et Dorothy avaient aimés et élevés ensemble, et qui étaient tous très perturbés, venaient régulièrement à Londres. Bob resta sur le divan d’Anna pendant quarante-cinq ans, et il fut, comme sa sœur Mabbie, l’un des dix cas relatés dans la première partie du Traitement psychanalytique des enfants16. Asthmatique et dépressif, il mourut, en 1969, à l’âge de cinquante-quatre ans. Cinq ans plus tard, toujours en analyse à Londres et, de façon épisodique, à New York avec Marianne Kris, Mabbie se donna la mort au 20 Maresfield Gardens en avalant des barbituriques. Bien qu’elle fût la préférée de Dorothy, elle n’avait jamais supporté le conflit qui avait opposé son père psychotique, rejeté par la famille Freud, à sa mère qui incarnait à ses yeux le monde de la santé et des guérisseurs de l’âme.

Enfant de la psychanalyse, comme Anna et les enfants de Dorothy, Ernstl Halberstadt s’intéressa toute sa vie aux enfants, aux relations précoces des tout-petits avec leur mère, aux prématurés, aux enfants de tous les pays : à Jérusalem, à Moscou, à Johannesburg. En quête d’une identité qui pût le rattacher à son grand-père, il se fit appeler Ernst W. Freud pour ne pas être confondu avec son oncle. À la mort d’Anna, il s’en alla exercer la psychanalyse en Allemagne, renouant ainsi, pour la pratiquer, avec la langue de son enfance. Ainsi fut-il le seul descendant mâle de la famille Freud à devenir psychanalyste.

Il évoquait souvent son arrivée à Londres et les bizarreries très freudiennes son cousin, le jeune Lucian, en rupture avec les siens, détestant sa mère17 et rêvant d’un grand destin de peintre. Un jour, dans un train, à l’âge de seize ans, Lucian s’était soudain levé pour saisir une valise dans laquelle il dissimulait un secret : « Un crâne de cheval. Il le contempla longuement puis le rangea : il avait trouvé ce crâne à Dartmoor et s’y était attaché18. »

La reconstruction de la vie du « grand homme » et les différentes publications sous contrôle ne suffirent ni à souder complètement la communauté psychanalytique dispersée aux quatre coins du monde, ni à donner au mouvement freudien le visage policé et honorable qu’il voulait offrir de lui-même à l’opinion publique.

Encore fallait-il, pour compléter l’entreprise éditoriale et historiographique, reconstruire une mémoire vraie afin que nul n’oubliât ce qu’avait été la splendeur de la Mitteleuropa détruite par le nazisme. Ce serait l’œuvre de Kurt Eissler.

Né à Vienne en 1908, analysé par Aichhorn, celui-ci avait émigré à Chicago en 1938, laissant derrière lui un frère qui serait déporté. Il s’était installé ensuite à New York, après avoir été incorporé dans le service médical de l’armée américaine pour diriger, avec le grade de capitaine, une consultation dans un camp d’entraînement. Entièrement tourné vers le passé, il manifestait une forte hostilité envers l’école américaine, à laquelle il reprochait son abandon du freudisme originel. Aussi décida-t-il de consacrer sa vie à la constitution d’un corpus d’archives qui permettrait aux nouvelles générations de connaître la vie et l’œuvre de Freud dans ses moindres détails : une vie viennoise, une vie européenne. Bernfeld y avait songé avant lui, mais Eissler l’avait écarté en s’appuyant sur Anna, comme l’avait fait Jones pour son entreprise biographique. Il prit contact avec Luther Evans, le bibliothécaire de la prestigieuse Library of Congress (LoC) de Washington qui accepta d’abriter les futures archives Freud.

En février 1951, Eissler fonda les Sigmund Freud Archives (SFA) dont il devint le conservateur, entouré d’un conseil d’administration exclusivement composé de psychanalystes membres de l’IPA : Bertram Lewin, Ernest Jones, Willi Hoffer, Hermann Nunberg, Siegfried Bernfeld. À quoi s’ajoutaient des membres honoraires : Albert Einstein, Thomas Mann, Anna Freud.

Pendant trente ans, Eissler rassembla un fabuleux trésor : lettres, documents officiels, photographies, textes, entretiens avec tous ceux qui avaient connu Freud, y compris les patients, les voisins ou les visiteurs les plus anodins. Tous les psychanalystes qui avaient connu Freud, et la plupart des membres de sa famille, confièrent à Eissler leurs documents et des témoignages. En accord avec Anna Freud, celui-ci mena une politique aussi remarquable sur le plan archivistique que désastreuse pour la recherche. En effet, soucieux de classer, d’ordonner, de maîtriser et de contrôler toute la mémoire d’un monde dont il n’avait connu que les derniers instants, il refusa aux historiens professionnels l’accès aux archives et il en réserva la consultation aux psychanalystes dûment formés dans le sérail de l’IPA. Or, dès les années 1960, ceux-ci se consacraient à des travaux de plus en plus cliniques, et n’étaient guère préparés, en tout état de cause, à entreprendre des recherches historiographiques ou simplement historiques19.

À partir de 1970, la langue anglaise domina nettement les travaux historiographiques. Au massif jonesien succédérent, d’un côté, un regard dissident, et de l’autre une approche savante. Inaugurée par Ola Andersson en 1962, l’historiographie savante s’épanouit ensuite avec le travail novateur d’Henri F.  Ellenberger. Son Histoire de la découverte de l’inconscient, d’où je partirai pour entreprendre mes propres recherches sur l’histoire de la psychanalyse en France20, fut la première, en effet, à introduire la longue durée dans l’aventure freudienne et à immerger la psychanalyse dans l’histoire de la psychiatrie dynamique. Freud en sortait décapé et apparaissait sous les traits d’un savant partagé entre le doute et la certitude.

Ellenberger donnera naissance, sans l’avoir voulu, à une historiographie révisionniste, critique en un premier temps, notamment avec la publication par Frank J. Sulloway d’un ouvrage consacré aux origines biologiques de la pensée freudienne, puis radicalement anti-freudienne ensuite, à travers plusieurs essais – émanant des Freud bashing21 – qui faisaient de Freud un escroc, violeur et incestueux, et opposaient ainsi une légende noire à une légende dorée.

Parallèlement, les travaux des historiens américains ou anglais sur la Vienne fin de siècle – Carl Schorske, William Johnston –, qui furent relayés en France par ceux de Jacques Le  Rider, transformèrent le regard porté sur les circonstances sociales et politiques entourant la découverte freudienne. Au Freud jonesien succéda ensuite un homme immergé dans le mouvement d’idées qui ébranlait l’Empire austro-hongrois des années 1880. Ce Freud-là incarnait, en quelque sorte, toutes les aspirations d’une génération d’intellectuels viennois hantés par la judéité, la sexualité, le déclin du patriarcat, la féminisation de la société, et enfin par une commune volonté d’explorer les sources profondes de la psyché humaine. Quant à l’historiographie dissidente, elle prit corps vers 1975, après la publication par Paul Roazen de La Saga freudienne22.

À partir des années 1975-1980, les conditions étaient donc réunies pour que s’impose une véritable école historique du freudisme. Dans ce contexte, face à l’émergence des travaux savants et des approches critiques, les représentants de la légitimité psychanalytique (IPA) perdirent du terrain et ne parvinrent plus à empêcher les historiens de produire des œuvres échappant à l’imagerie officielle. Ils ne conservèrent plus qu’un seul monopole : celui de la gestion et du contrôle des fameuses archives déposées à la Library of Congress.

Face à cette réalité, Kurt Eissler et Anna Freud prirent une décision catastrophique en confiant l’établissement de la correspondance de Fliess à Jeffrey Moussaieff Masson, brillant polyglotte, ancien professeur de sanskrit, disciple de Paul Brunton, mystique juif, lui-même converti à la spiritualité hindouiste par le gourou Ramana Maharshi. Dûment analysé dans le sérail, Masson, séducteur et intelligent, présentait en apparence toutes les qualités requises pour entreprendre ce travail. Pourtant, au beau milieu de ses recherches, l’heureux élu se transforma en un contestataire radical. Se rêvant prophète d’un freudisme révisé, il se mit à croire que l’Amérique avait été pervertie par un mensonge freudien originel. Il affirma ainsi que les lettres de Freud renfermaient un « secret » : Freud, disait-il, aurait abandonné par lâcheté la théorie de la séduction pour ne pas révéler au monde les atrocités commises par les adultes sur des enfants innocents. Aussi aurait-il inventé la théorie du fantasme : il serait donc un faussaire23.

En 1984, Masson publia un essai sur ce thème qui fut l’un des plus grands best-sellers dans l’histoire de la littérature psychanalytique américaine. Il y mettait violemment en cause la doctrine freudienne tout en réactivant le vieux débat entre Freud et Ferenczi sur le traumatisme et les abus sexuels. Et désormais, l’auteur prenait appui sur l’idée, très en vogue dans les années 1980, selon laquelle un immense mensonge freudien aurait perverti l’Amérique depuis le triomphe de Freud en 1909, un mensonge qui aurait partie liée avec un pouvoir fondé sur l’oppression : la colonisation des femmes par les hommes, des enfants par les adultes, de l’affect et de l’émotion par le dogme et la conceptualité.

Eissler ne se remit jamais de ce séisme qu’il avait lui-même déclenché24. Il aimait profondément Masson et avait envisagé de faire de lui son successeur à la direction des SFA, au lieu de quoi il fut contraint de le démettre de ses fonctions. Travailleur infatigable, Eissler n’avait jamais cessé de répondre avec érudition à toutes les critiques et attaques lancées contre Freud. Et il aurait évidemment voulu que celui qu’il avait formé continuât dans la même voie que lui25. En outre, il avait imposé Masson à Anna, qui se méfiait de lui, et avait même songé à lui confier la transformation du 20 Maresfield Gardens en musée26.

À la suite de cette affaire, le courant révisionniste américain – notamment Peter Swales, Adolf Grünbaum27 et bien d’autres encore – se livra pendant dix ans à une mise en pièces de la doctrine freudienne et de Freud lui-même, redevenu un savant diabolique coupable de s’être livré à des relations charnelles au sein de sa propre famille. Dès 1981, Peter Swales, auteur iconoclaste, érudit en freudisme, et fin connaisseur des archives, affirmait déjà, sans en apporter la preuve, que Freud aurait eu des relations sexuelles avec sa belle-sœur. Il l’aurait engrossée puis obligée à avorter. Eissler éprouva pour Swales une certaine sympathie alors qu’Anna, dépassée par les événements, ne savait plus comment affronter les folies révisionnistes.

En 1986, quatre ans après sa mort, le Freud Museum ouvrit ses portes. Au fil des années, il s’affirma comme un centre éminent de recherches, d’expositions et de conférences. On pouvait y voir les collections de Freud, son bureau, sa bibliothèque et consulter vingt-cinq mille documents28. À Vienne, après de multiples péripéties, un premier Freud Museum avait vu le jour en 1971, musée sans objets, sans meubles, sans bibliothèque, un musée du souvenir de ce qui avait disparu en 1938, bref, un musée d’avant le deuxième musée.

À la suite de l’affaire Masson, l’image d’un Freud abuseur, violeur, menteur et infâme s’imposa dans les médias avec la publication de romans et d’essais consacrés à son introuvable vie sexuelle, tandis que l’intérêt pour la psychanalyse déclinait dans les sociétés occidentales – notamment en France – et que, du côté des historiens plus classiques, s’amorçait un retour à la tradition biographique, avec la publication, en 1988, de l’ouvrage de Peter Gay, historien spécialiste de l’époque victorienne.

La crise des archives atteignit son point culminant au moment où s’organisait à la Library of Congress une exposition sur Freud, prévue depuis longtemps. Quarante-deux chercheurs indépendants, américains pour la plupart, signèrent alors une pétition29 et l’adressèrent à James Billington, directeur de la Library of Congress, à Michael Roth, commissaire de l’exposition, et à James Hutson, responsable de la division des manuscrits. Parmi eux figuraient d’excellents auteurs – Phyllis Grosskurth, Elke Mühlleitner, Nathan Hale, Patrick Mahony – qui critiquaient à juste titre le caractère trop institutionnel du futur catalogue et réclamaient que leurs propres travaux y figurent. Mais, pour appuyer cette démarche collective, Peter Swales et Adolf Grünbaum déclenchèrent une virulente campagne de presse contre Freud, en réitérant contre lui les habituelles accusations. Effrayés par cette chasse aux sorcières, les organisateurs de l’exposition préférèrent l’ajourner, alors même que de nombreux journalistes et intellectuels américains manifestaient dans la presse leur hostilité à ces prises de position extrémistes.

C’est dans ce contexte, et à l’initiative de Philippe Garnier, psychiatre et psychanalyste français, et de moi-même, que fut organisée, depuis la France, une autre pétition critiquant à la fois les contestataires et les organisateurs de l’exposition de la Library of Congress, incapables d’imposer leur autorité et trop attachés à une ancienne orthodoxie. Signée par cent quatre-vingts intellectuels et praticiens de tous pays, de toutes tendances et de toutes nationalités, cette deuxième pétition connut un succès important30. L’offensive anti-freudienne d’Adolf Grünbaum et de Peter Swales eut pour principal effet de marginaliser les autres signataires et de favoriser l’académisme. Inaugurée en octobre 1998, l’exposition de la Library of Congress présenta en effet un Freud dont les théories n’avaient plus aucune importance au regard de la science et de la vérité : « Peu m’importe que les idées de Freud soient vraies ou fausses, soulignait Michael Roth. L’important est qu’elles ont imprégné toute notre culture et la manière dont nous comprenons le monde à travers les films, l’art, la BD ou la télé31. »

Malgré le succès en France de deux best-sellers, Le Livre noir de la psychanalyse, ouvrage collectif rassemblant les contributions d’une quarantaine d’auteurs, et Le Crépuscule d’une idole, un pamphlet de Michel Onfray, les thèses des adeptes du Freud bashing ne s’implantèrent pas en France dans le milieu universitaire, même à la faveur de l’essor des thérapies cognitives. Elles furent même rejetées après avoir fait les délices d’une certaine presse écrite et audiovisuelle avide de sensations freudiennes32.

Néanmoins, elles contribuèrent à installer dans l’opinion une image brouillée de la vie et de l’œuvre de Freud, une image fondée à l’occasion sur les rumeurs les plus folles qui se donnaient à lire pourtant comme des vérités établies. D’où ma décision d’entreprendre ce travail biographique et historique, à un moment où les SFA étaient enfin accessibles aux chercheurs, tandis que se multipliaient, par le biais d’internet, des publications et des débats d’une très grande richesse.

En avril 2014, quelques jours avant mon départ pour Washington, je me rendis à Londres, au crématorium de Golders Green33, lieu d’inhumation laïc situé en face du cimetière juif du même nom, et accueillant les croyants, les non-croyants, les écrivains, les communistes, les acteurs, les libres penseurs. Je m’attardai devant les mausolées, les statues et les cryptes de style gothique, remplis de plaques, d’inscriptions, d’urnes, d’objets divers. Je savais que quelque temps auparavant, durant la nuit du Nouvel An34, des vandales avaient brisé la vitre devant laquelle était placé le cratère grec contenant les cendres de Sigmund Freud et de Martha Bernays. Cherchant sans doute à dérober des objets de valeur, les voleurs avaient fait tomber l’urne de son grand pied de marbre, abandonnant ainsi au visiteur le triste spectacle d’un monument décapité. Pris de panique, ils s’étaient enfuis sans rien emporter.

En regardant ce lieu abîmé, couvert d’offrandes et de souvenirs, où reposent dans de petites boîtes les cendres des membres de la famille Freud et de quelques amis proches, et en écoutant Eric Willis, le responsable du crématorium, me raconter la longue histoire de ce savant venu mourir à Londres, je ne pus m’empêcher de penser que cette profanation – ou plutôt cette « décapitation » – signifiait bien que Freud, soixante-quinze ans après sa mort, dérangeait toujours la conscience occidentale, avec ses mythes, ses dynasties princières, sa traversée des rêves, ses histoires de hordes sauvages, de Gradiva en marche, de vautour retrouvé chez Léonard, de meurtre du père et de Moïse perdant ses Tables de la Loi.

Je l’imaginai brandissant sa canne contre les antisémites, mettant sa plus belle chemise pour visiter l’Acropole, découvrant Rome comme un amant éperdu de bonheur, fustigeant les imbéciles, parlant sans notes devant des Américains ébahis, régnant dans sa demeure immémoriale au milieu de ses objets, de ses chows-chows rouges, de ses disciples, de ses femmes, de ses patients fous, attendant Hitler de pied ferme sans parvenir à prononcer son nom, et je me dis que, pour longtemps encore, il demeurerait le grand penseur de son temps et du nôtre.

Notes

1. Lettre de Harry Freud du 25 septembre 1939 à Dolfi, Paula, Rosa, Mitzi, LoC, box 3, folder 7 et suivants.

2. Harald Leupold-Löwenthal, « L’émigration de la famille Freud en 1938 », op. cit., p. 459.

3. Quarante-sept mille Juifs viennois furent déportés et assassinés. Le nom d’Adolfine ne figure pas dans la liste des morts de Theresienstadt à cette date. À cause d’une confusion de noms, ce décès est souvent daté du 5 février 1943. Dans un roman échevelé, l’écrivain macédonien Goce Smilevski accuse Freud d’être responsable de la déportation de ses sœurs, dont il aurait refusé d’ajouter le nom à sa « liste » des postulants à l’émigration. Avec un tel raisonnement, on pourrait rendre responsables de l’extermination de leurs proches tous les Juifs viennois qui réussirent à s’exiler en 1938. Goce Smilevski, La Liste de Freud, Paris, Belfond, 2013. Cf.  Michel Rotfus, Médiapart, octobre 2013.

4. Procès des criminels de guerre devant le tribunal de Nuremberg, vol. VIII, note des minutes, du 20 février au 7 mars 1946, publié en 1947, p. 359-360. Cité par Harald Leupold-Löwenthal et Alfred Gottwaldt. On a pu établir que le témoignage de Samuel Rajzman portait sur Rosa Graf. Christfried Tögel pense que Rosa fut transportée le 1er mars 1943 : cf. « Bahnstation Treblinka. Zum Schicksal von Sigmund Freuds Schwester Rosa Graf », Psyche. Zeitschrift für Psychoanalyse und ihre Anwendungen, 44, 1990, p. 1019-1024. Quant à Alfred Gottwaldt, il souligne que, peut-être, les deux autres sœurs furent exterminées aussi à Treblinka, et que Rosa était arrivée le 29 septembre 1942, par le transport Bs 800. Plusieurs rumeurs ont circulé sur la déportation des sœurs de Freud. Michel Onfray va jusqu’à affirmer que Rosa, Mitzi et Paula auraient croisé Rudolf Höss à Auschwitz et il imagine que celui-ci aurait été, face à elles, un substitut de leur frère, puisque Freud, bourreau lui-même, et fasciste adepte de Mussolini, aurait été incapable de penser la différence entre un bourreau et une victime. Cf. Le Crépuscule d’une idole, op. cit., p. 566.

5. Au début de la guerre, en Angleterre, considérés comme des « ennemis étrangers » (enemy aliens), ils vécurent dans des camps d’internement.

6. Clement Freud, Freud Ego, Londres, BBC Worldwide Publishing, 2001.

7. Esther Freud, Marrakech Express, Paris, Le Livre de poche, 1999 ; Nuits d’été en Toscane, Paris, Albin Michel, 2009.

8. Cf.  Geordie Greig, Rendez-vous avec Lucian Freud, Paris, Christian Bourgois, 2014, p. 59.

9. Ibid., p. 59.

10. Chronique la plus brève, op. cit., p. 304. David Cohen a consacré un livre à cette affaire qui suscita de multiples interprétations : The Escape of Sigmund Freud, Londres, Overlook Press, 2012.

11. Dorothy s’installa d’abord dans une maison de Maresfield Gardens.

12. Kata Levy (1883-1969) : psychanalyste hongroise analysée par Freud. Elle émigrera à Londres avec son mari en 1956. Elle avait été informée par la Croix-Rouge de l’extermination des sœurs de Freud.

13. Anna Freud, « Survie et développement d’un groupe d’enfants : une expérience bien particulière », in L’Enfant dans la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1976. Jenny Aubry s’inspira de cette thèse pour mener sa propre expérience auprès des enfants abandonnés. Cf. Psychanalyse des enfants séparés, Paris, Denoël, 2003. Cf. également l’exposé inédit de Maria Landau dans le cadre de la troisième journée de l’Association Jenny Aubry, consacré à la séparation, 18 avril 2013. Compte rendu par Michel Rotfus, Médiapart, 26 avril 2013.

14. Dont la version expurgée parut en 1950 sous le titre La Naissance de la psychanalyse.

15. Sur la genèse de l’ouvrage et les difficultés rencontrées par Jones, cf.  Mikkel Borch-Jacobsen et Sonu Shamdasani, Le Dossier Freud, op. cit., p. 365-418.

16. Anna Freud, Le Traitement psychanalytique des enfants, Paris, PUF, 1951.

17. Après la tentative de suicide de Lucie, suite à la mort d’Ernst, Lucian réalisera, à partir de 1972, une quinzaine de portraits d’elle.

18. Eva Weissweiler, Les Freud. Une famille viennoise, op. cit., p. 374. C’est dans le parc national de Dartmoor que se déroule le récit de Conan Doyle, Le Chien des Baskerville.

19. Je ne partage pas l’opinion de Mikkel Borch-Jacobsen qui affirme que Kurt Eissler a trompé – voire escroqué – le peuple américain en se servant de la Library of Congress comme d’un coffre-fort destiné à confisquer les archives à son profit et à les dissimuler aux chercheurs. Cf. Le Dossier Freud, op. cit., p. 424.

20. Et qui a été rééditée chez Fayard, à l’initiative d’Olivier Bétourné, conformément au choix d’Henri F. Ellenberger lui-même qui confia ensuite à la SIHPP la gestion de ses archives, dont je m’occupe aujourd’hui avec l’aide de son fils Michel Ellenberger.

21. « Destructeurs ou dénigreurs de Freud ».

22. Tous ces ouvrages sont cités dans mes notes en bas de page.

23. Jeffrey Moussaieff Masson, Le Réel escamoté, Paris, Aubier-Montaigne, 1984.

24. Janet Malcolm, Tempête aux Archives Freud (1984), Paris, PUF, 1988.

25. J’ai eu l’occasion de rencontrer J.M. Masson au moment de la sortie de la traduction française de son livre. Il était réellement convaincu que tous les enfants étaient victimes d’abus sexuels de la part des adultes. Né en 1941, auteur de nombreux ouvrages, il est aujourd’hui végétarien, militant du droit des animaux et vit à Auckland entouré de sa famille et de ses nombreux chiens. J’ai eu, avec Eissler, un bref échange de lettres entre décembre 1994 et janvier 1995 à propos de Henri F. Ellenberger alors que je m’occupais de l’édition des Médecines de l’âme, op. cit.

26. Cf.  Elisabeth Young-Bruehl, Anna Freud, op. cit., p. 412-413.

27. Adolf Grünbaum, Les Fondements de la psychanalyse (1984), Paris, PUF, 1996. Dans cet ouvrage, Grünbaum s’en prend furieusement à trois philosophes –Karl Popper, Jürgen Habermas, Paul Ricœur – et leur reproche de ne pas avoir assez critiqué la psychanalyse. J’ai analysé cet ouvrage dans Pourquoi la psychanalyse ?, op. cit.

28. Comme je l’ai déjà souligné, j’y ai moi-même organisé en 1994, avec René Major et dans le cadre de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP), un colloque sur les archives.

29. Document dactylographié du 31 juillet 1995. J’ai eu plusieurs échanges de correspondance à ce sujet avec Carl Schorske, Peter Gay, Yosef Yerushalmi, Patrick Mahony, Ilse Grubrich-Simitis, John Forrester, bien d’autres encore. Dans une lettre qu’il m’adressa, à cette date, Schorske souligna qu’il voyait dans cette offensive le retour d’un certain maccarthysme.

30. Entretien de Nicolas Weill et Raphaëlle Rérolle avec Élisabeth Roudinesco, et de Nicolas Weill avec Mikkel Borch-Jacobsen, Le Monde du 14 juin 1996.

31. Entretien avec Patrick Sabatier, Libération, 26 octobre 1998. Freud : Conflict and Culture. Essays on His Life, Work and Legacy, édité par Michael S. Roth, New York, Knopf, 1998.

32. J’ai coordonné deux livres collectifs en réponse à ces best-sellers, avec Sylvain Courage, Pierre Delion, Christian Godin, Roland Gori, Franck Lelièvre, Guillaume Mazeau, Jack Ralite, Jean-Pierre Sueur. Pourquoi tant de haine ? Anatomie du « Livre noir de la psychanalyse », Paris, Navarin, 2005, et Mais pourquoi tant de haine ?, op. cit.

33. En compagnie d’Anthony Ballenato.

34. L’effraction eut lieu dans la nuit du 31 décembre 2013 au 1er janvier 2014.