9.

Après le petit déjeuner que Joseph lui avait servi sur la terrasse, Louise passa un agréable moment à explorer la belle bibliothèque de Dimitri. Elle trouva un roman d’un auteur qu’elle appréciait et se mit à lire. Malgré tout, le temps passait lentement. Elle se demanda comment diable elle allait bien pouvoir occuper ces deux semaines. A Paris, elle n’avait guère le temps de s’ennuyer. Son travail au Louvre l’accaparait beaucoup et, depuis quelques mois, sa journée terminée, elle allait directement à l’hôpital pour rendre visite à Tina.

Dans l’après-midi, elle téléphona à la clinique du Massachusetts et fut rassurée d’apprendre que sa mère était arrivée et que son état était jugé satisfaisant. Le spécialiste comptait entamer le traitement le lendemain ; il semblait optimiste quant aux chances de Tina.

Louise raccrocha avec un énorme soupir de soulagement, en remerciant silencieusement Dimitri d’avoir accepté d’acheter l’île. Bien sûr, elle détestait la condition qu’il lui imposait, mais, tant qu’elle gardait à l’esprit qu’il ne s’intéressait qu’à son corps, elle ne risquait pas d’avoir le cœur brisé une seconde fois.

— Kyria Frobisher ?

Elle tourna la tête et vit Joseph s’avancer vers elle.

— Kyrie Kalakos m’a chargé de vous dire que, si vous voulez profiter de la piscine, vous trouverez un choix de maillots de bain dans le pavillon d’été.

— Efkharisto, répondit-elle en souriant au vieux majordome.

En cette fin d’après-midi, la chaleur était accablante : l’idée d’un bain était tentante. Suivant la direction que Joseph lui avait indiquée, elle traversa le parc. Elle découvrit bientôt une belle piscine cachée au milieu des pins. Le pavillon d’été n’était pas fermé à clé. Elle eut tôt fait de trouver le placard où on conservait des maillots. A qui appartenaient-ils ? L’idée que Dimitri invitait des femmes chez lui la mettait mal à l’aise. Et à voir la coupe ultrasexy de certains Bikini, il ne faisait aucun doute que ses « invitées » aimaient exhiber leurs corps. Ce qui n’était pas son cas.

Elle trouva néanmoins un deux-pièces noir assez décent et, une fois changée, elle alla piquer une tête dans le bassin. L’eau fraîche était un véritable délice ! Elle nagea un bon moment, puis se hissa sur le bord et s’étendit sur un transat. Elle ferma les yeux.

« Juste une minute… », se dit-elle.

*  *  *

— J’espère au moins que tu as mis de la crème solaire ?

La voix de Dimitri la tira de sa somnolence. Ouvrant les paupières, Louise le vit s’avancer vers elle à grandes enjambées. Il avait troqué son costume pour un short noir et un débardeur, une tenue qui mettait en valeur sa belle musculature.

Elle sentit sa gorge s’assécher quand il vint s’asseoir au bord du transat.

— Apparemment, non, gronda-t-il avant qu’elle ait eu le temps de répondre. Tête de linotte ! Par cette chaleur, ta peau risque de brûler.

— Je ne suis plus une gamine. Et je ne suis restée au soleil qu’une minute.

Dimitri contempla son corps mince, délicieusement sexy, et son humeur réprobatrice céda la place à une flamme sensuelle.

— Non, tu n’es certainement pas une enfant, glikia, susurra-t-il en se penchant vers Louise.

Elle répondit à son baiser avec une telle ardeur qu’instantanément il sentit son corps bouillir d’excitation. Un élan possessif le saisit, aussi indésirable qu’incongru. Toute la journée, Louise avait hanté ses pensées. Même pendant la réunion avec les Russes, il avait dû se faire violence pour rester concentré. Et, au cours du déjeuner auquel il avait convié ses collaborateurs afin de célébrer leur succès, il n’avait eu qu’une hâte : retrouver sa maîtresse et l’entraîner dans son lit.

— Ta peau a chauffé, fit-il remarquer contre ses lèvres. J’aime tes taches de rousseur.

— C’est vrai ? Où ça ?

Son expression horrifiée le fit sourire.

— Hmm… Il y en a une ici, dit-il en lui embrassant la joue. Et là.

Cette fois, il déposa un baiser sur la pointe de son nez.

— Et encore là, murmura-t-il en reprenant ses lèvres.

— Tu te moques de moi…, haleta Louise après un long baiser sensuel. Je n’ai pas de taches de rousseur sur la bouche.

Dimitri partit d’un franc éclat de rire. Leurs regards se croisèrent. Le temps parut s’arrêter. Du plus profond d’elle-même, Louise sentit sourdre une vague brûlante. Néanmoins, elle s’efforça de dominer son trouble.

— Tu es rentré plus tôt que prévu, nota-t-elle. Comment s’est passée la réunion ?

— Très bien. Nous avons signé le contrat.

Ce disant, il lui caressa nonchalamment la cuisse et s’arrêta à la barrière du maillot. L’air se raréfia et la température sembla grimper de façon dramatique. Les sens incandescents, Dimitri calcula qu’ils avaient largement le temps de faire l’amour avant la réception de ce soir.

Brusquement, il se rappela que sur le chemin du retour, il s’était arrêté dans une boutique.

— Je t’ai acheté quelque chose que tu pourras porter ce soir.

Il se leva et alla chercher le paquet qu’il avait posé un peu en retrait en arrivant.

Louise se redressa et regarda la boîte avec méfiance. Sur le couvercle s’étalait en lettres dorées le nom d’un couturier ultrachic. Un sentiment d’appréhension l’envahit et, malgré la chaleur, elle ne put réprimer un frisson.

— Je ne sais pas si…

— Tu ne sauras pas tant que tu ne l’auras pas ouvert, coupa Dimitri.

Avec précaution, elle souleva le couvercle, écarta les papiers de soie et découvrit une magnifique robe de cocktail bleu saphir, qu’elle étala devant elle.

Le silence qui s’installa mit les nerfs de Dimitri à rude épreuve.

— Elle te plaît ? finit-il par demander, déçu par son manque d’enthousiasme.

— Elle est splendide.

La robe était un chef-d’œuvre de haute couture et Louise avait une petite idée de ce qu’elle avait coûté. Elle la replia soigneusement, la replaça dans la boîte et tendit le tout à Dimitri.

— Merci, mais je ne peux pas l’accepter, déclara-t-elle d’un ton déterminé.

Certains souvenirs de son enfance lui revenaient à l’esprit. Elle revoyait sa mère ouvrir un paquet qui venait d’être livré. C’était à Rome, dans le bel appartement d’un comte italien — un homme gras, chauve, immensément riche, dont Tina était devenue la maîtresse.

« Oh ! Un manteau de vison, s’était exclamée sa mère, ravie.

— Ce n’est pas ton anniversaire. Pourquoi est-ce qu’il t’offre ça ? avait demandé Louise du haut de ses dix ans.

— Bah, je donne du plaisir à Alfredo et, en retour, il me gâte », avait répondu Tina en virevoltant devant le miroir.

Louise chassa ce souvenir écœurant. Elle nota l’air surpris et contrarié de Dimitri, mais elle n’y pouvait rien.

— Tu n’as pas à me faire de cadeaux, et surtout pas une robe d’un prix fou. Je suis désolée, je dois refuser.

— Tu acceptes bien des vêtements de quelqu’un d’autre, dit-il d’une voix tendue, sans faire mine de reprendre la boîte. Tu m’as bien dit que tes tenues signées Benoît Besson étaient des cadeaux, non ? Alors, pourquoi n’acceptes-tu pas les miens ?

— Mais ce n’est pas du tout pareil. C’est Benoît lui-même qui m’a donné ces vêtements.

— Tu veux dire que… que tu es la maîtresse de Besson ?

Si Louise avait voulu définir l’expression de Dimitri en cet instant, elle en aurait été incapable. C’était un mélange de dégoût, d’accusation et de pur mépris. Une folle colère s’empara d’elle.

— Ça ne va pas, non ? ! Benoît est un ami que je connais depuis une éternité. Nos grands-mères respectives étaient des amies très proches et je le considère comme un frère. Quand il étudiait le stylisme, il dessinait déjà toutes sortes de modèles merveilleux. Il disait que j’étais son inspiratrice. Maintenant qu’il est célèbre, il lui arrive encore de me faire essayer ses créations. Les vêtements qu’il m’offre sont créés spécialement pour moi ; ce sont juste les prototypes des tenues qui, plus tard, seront présentées sur les podiums.

— Je vois…

Dimitri se détendit et put enfin balayer les affreux soupçons qui l’avaient taraudé. Cependant, son répit fut de courte durée.

— Qu’est-ce que tu vois ? le tança Louise, indignée à présent qu’elle comprenait l’opinion qu’il s’était forgée d’elle. Tu croyais que j’étais comme ma mère, n’est-ce pas ? Que j’étais prête à être la maîtresse d’un type riche en échange d’un train de vie luxueux, et que c’est pour ça que j’ai couché avec toi à Paris. Tu pensais m’avoir achetée en m’invitant à dîner dans un grand restaurant !

— Tu as couché avec moi, parce que tu espérais me convaincre d’acheter Eirenne, déclara Dimitri sans se laisser impressionner par son éclat.

Louise pâlit à cette accusation.

— D’ailleurs, tu ne m’as jamais expliqué comment tu comptais utiliser cet argent, poursuivit-il, implacable.

Brusquement, Louise se leva.

— Je ne te dois aucune explication. Et encore une fois, je ne suis pas comme Tina ! C’est ma mère, je l’aime, mais je déteste la façon dont elle a vécu sa vie.

Elle ne savait pas pourquoi il lui importait tant de rectifier l’opinion que Dimitri avait d’elle. Mais elle voulait désespérément le convaincre qu’elle n’était pas ce genre de femme.

— L’argent d’Eirenne n’est pas pour moi, ajouta-t-elle. C’est… pour aider quelqu’un qui m’est cher. Et ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai couché avec toi à Paris. Je l’ai fait, parce que… parce que…

Sa voix se brisa et elle se tut, sachant qu’elle serait folle de lui révéler qu’elle avait voulu revivre la nuit d’amour qu’ils avaient partagé à Eirenne sept ans plus tôt.

— Pourquoi ? la pressa Dimitri. Parce que tu me désirais tellement que tu ne pouvais me résister ?

Louise était si mortifiée qu’elle aurait voulu que le sol s’ouvre sous ses pieds pour l’engloutir.

— Tais-toi ! Qu’est-ce que tu veux, espèce de mufle ? Ma mise à mort ? Mon humiliation totale ?

— Ni l’un ni l’autre, glikia mou, répondit-il en lui agrippant les épaules.

— Ne m’appelle pas comme ça, lança Louise. Tu pensais que j’étais comme ma mère. Tu m’as dit une fois qu’elle n’était qu’une prostituée !

Ses yeux bleus brillaient de larmes. Dimitri en eut le cœur serré.

— J’étais jaloux, avoua-t-il d’une voix bourrue. Tout portait à croire que tes vêtements venaient d’un amant ; or, je déteste l’idée qu’il puisse y avoir un autre homme dans ta vie.

Louise laissa échapper un rire amer.

— Toi, jaloux ? De quel droit, quand tu as une réputation de play-boy et que ta vie amoureuse s’étale dans la presse people ?

— Pourtant, c’est la vérité. Ça ne m’est jamais arrivé, mais j’ai presque envie de tuer le premier qui t’approche, dit-il d’un air sombre.

Louise vit qu’il parlait sérieusement. Sa colère s’évanouit d’un coup pour faire place à une profonde lassitude.

— Je ne t’ai jamais appartenu, dit-elle, désabusée. A Eirenne, tu m’as fait l’amour seulement pour faire enrager ma mère.

— D’où sors-tu une telle absurdité ? s’exclama Dimitri, interloqué.

C’en fut trop pour Louise. Tout le chagrin qu’elle contenait depuis si longtemps se déversa comme les eaux d’un torrent furieux.

— Je n’ai eu aucune chance avec toi, n’est-ce pas ? jeta-t-elle avec amertume. Je reconnais que j’étais incroyablement naïve à dix-neuf ans, mais tu as profité de mon innocence. Tu as pris ma virginité sans hésitation !

Dimitri pâlit, sonné par cette révélation. En même temps que la stupéfaction, une émotion le submergea, sur laquelle il ne put mettre un nom.

— Tu dis que… que j’ai été ton premier amant ? bafouilla-t-il. Mais tu m’avais assuré que tu avais déjà eu des flirts et…

Il s’interrompit en secouant la tête, l’air incrédule. Louise s’empourpra, prise d’un sentiment de culpabilité. Elle n’avait pas été tout à fait franche avec lui.

— J’avais eu quelques rendez-vous avec des garçons de l’université, admit-elle. Mais pas de relations sexuelles. J’ai passé mon adolescence dans un pensionnat de filles et les occasions de rencontrer des garçons étaient rares. De plus, Tina était très protectrice avec moi, surtout sur ce sujet. Alors forcément, j’ai été une proie facile pour toi.

— Ce qui s’est passé entre nous à Eirenne n’avait rien à voir avec ta mère, affirma Dimitri, véhément. Je ne sais pas pourquoi elle t’a raconté ces absurdités. Sans doute parce qu’elle me détestait. Elle a décidé de te monter la tête contre moi.

— Tu as pourtant reconnu les faits quand elle t’a accusé de chercher à me séduire pour te venger d’elle. Et tu…

Sa voix se brisa de nouveau. La douleur qu’elle avait ressentie à cette époque était toujours aussi vive.

— … tu es parti sans même me regarder, reprit-elle. Du reste, pourquoi l’aurais-tu fait ? Tu étais arrivé à tes fins : tu avais mis ma mère à bout. Tu ne t’intéressais certainement pas à moi.

— Tu es folle ! Je suis parti parce que je craignais de commettre quelque chose que j’aurais regretté ensuite.

Dimitri prit une profonde inspiration et ajouta, plus calmement :

— Louise, regarde-moi.

Comme elle refusait d’obtempérer, il lui releva doucement le menton.

— Je te jure que la seule raison pour laquelle je t’ai fait l’amour cette nuit-là, c’était parce que je ne pouvais réprimer mon désir pour toi. Je n’étais pas venu à Eirenne dans l’intention de te séduire. Theos ! J’étais là pour récupérer des affaires de ma mère qui étaient restées dans la vieille maison. Elle était morte deux mois plus tôt d’une surdose de somnifères. Qu’elle les ait pris volontairement ou non, nous ne le saurons jamais. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne s’était jamais remise de la trahison de mon père et du divorce.

Il écarta une mèche qui s’égarait sur le visage de Louise.

— Quand je t’ai vue, j’ai été agréablement surpris, poursuivit-il. La gamine maigrichonne que j’avais croisée à quelques reprises était devenue une jeune femme très séduisante. Je t’ai désirée sur-le-champ. Le fait que tu étais la fille de la concubine de mon père n’avait aucune importance. Après la confrontation avec Tina, je me suis calmé et j’ai pensé que tu avais peut-être mal interprété mes paroles. Je suis donc revenu à la villa Aphrodite, mais tu étais partie. J’ai foncé sur la jetée pour te rattraper. Tu étais déjà dans le bateau et tu as refusé de m’attendre et de m’écouter.

Louise le dévisagea en silence. Son explication des événements était plausible… Etait-il possible qu’elle se soit trompée sur lui ? C’était difficile à admettre quand, durant toutes ces années, elle avait cru qu’il s’était servi d’elle. Mais il la fixait avec une intensité si brûlante… Comme s’il était prêt à tout pour qu’elle le croie.

Elle avait toutes les peines du monde à penser clairement quand il se tenait si près d’elle. La chaleur qui émanait de lui et le parfum musqué de son eau de toilette titillaient dangereusement ses sens.

— Comment puis-je savoir que tu me dis la vérité ? demanda-t-elle d’une voix tremblante. Que tu n’as pas abusé de ma naïveté pour m’entraîner dans ton lit ? Je t’ai vu sur la jetée, mais j’étais trop blessée pour t’adresser la parole. Et si j’avais vraiment compté pour toi, tu m’aurais appelée, par la suite. Tu savais que j’étudiais à l’université de Sheffield et tu avais mon numéro. C’est moi qui t’ai téléphoné quelques semaines plus tard. Seulement, tu as préféré faire dire à ta secrétaire que tu n’étais pas disponible.

Dimitri se passa une main dans les cheveux.

— Ma secrétaire t’a dit la vérité. J’étais vraiment indisponible. J’étais en Amérique du Sud avec ma sœur qui… qui était entre la vie et la mort dans un service de réanimation.

Louise eut le souffle coupé.

— Que s’est-il passé ?

— Ianthe était partie faire une randonnée au Pérou. Elle est tombée de cheval sur un chemin de montagne, à des kilomètres de toute civilisation. Il a fallu trois jours pour la transporter jusqu’à la ville la plus proche et, dans l’intervalle, elle était tombée dans le coma. Elle avait de multiples blessures, notamment une fracture de la nuque.

— Seigneur ! Est-ce qu’elle va mieux maintenant ?

— Oui. Elle est tout à fait rétablie, heureusement. Mais les médecins ont craint longtemps qu’elle ne puisse plus jamais remarcher. Je suis resté des semaines à son chevet, simplement pour lui parler. Ils disaient que le son de ma voix pourrait la réveiller.

La mine sombre, Dimitri se remémora l’attente douloureuse et ses prières désespérées pour qu’Ianthe sorte du coma et retrouve toutes ses capacités physiques. Cela avait été insupportable de l’imaginer, elle si sportive, clouée dans un fauteuil. Il n’avait pas de honte à admettre que, lorsqu’elle était finalement sortie du coma et que les médecins avaient confirmé que sa moelle épinière était intacte, il avait pleuré de joie.

— J’ai mis ma vie entre parenthèses durant cette période. Ma secrétaire m’a transmis la liste des personnes qui avaient essayé de me joindre. Ton nom y figurait. Je t’ai appelée, mais, pour être honnête, je ne pensais vraiment qu’à Ianthe. Mon père, que je contactais régulièrement pour lui donner des nouvelles d’Ianthe, m’a dit que tu t’en sortais bien à l’université. J’ai pensé que…

Il haussa les épaules.

— Tu avais manifestement tourné la page, Louise. Il me semblait plus sage de te laisser tranquille, surtout que j’ignorais combien de temps j’allais devoir rester en Amérique du Sud.

Louise se souvint de ces jours sombres après qu’elle avait perdu son bébé. Dimitri avait laissé un bref message avec son numéro de téléphone, mais elle ne l’avait pas rappelé. Maintenant qu’elle avait les tenants et les aboutissants de la situation, elle se dit que c’était probablement mieux. Il avait eu bien assez de soucis comme ça. La nouvelle de sa fausse couche aurait été un choc, alors qu’il ne savait même pas qu’elle était enceinte.

A l’entendre, il n’avait eu aucune arrière-pensée en lui faisant la cour sept ans plus tôt ; il avait vraiment été attiré par elle. La tension qui lui nouait le ventre se relâcha un peu. S’il ne l’avait pas menée en bateau, comme elle l’avait cru tout ce temps, était-il possible que leur brève liaison ait compté pour lui ?

— Louise, je n’ai jamais voulu te faire du mal, reprit-il. Je ne peux ressentir que du mépris à l’égard de Tina, mais tu n’étais pas responsable de ses actes. Et j’en voulais tout autant à mon père d’avoir brisé le cœur de ma mère. Nous étions mêlés malgré nous à l’histoire sentimentale de nos parents et au gâchis qui en a résulté, mais cela n’avait aucune influence sur mes sentiments pour toi.

Le cœur de Louise manqua un battement.

— Et… que ressentais-tu pour moi ?

Il esquissa un sourire contrit.

— Je te trouvais très jolie, et probablement trop jeune pour moi. Après ton départ, je n’arrêtais pas de penser à toi. Puis Ianthe a eu son accident. Ma place était auprès d’elle. Ce n’était pas le bon moment pour une relation entre nous. Aujourd’hui, pourtant, le destin nous remet en présence l’un de l’autre.

Dimitri la dévisagea fixement. Il était curieux de connaître l’identité de cette personne qui « lui était chère » et allait bénéficier de l’argent d’Eirenne. De toute évidence, il ou elle devait beaucoup compter pour Louise si elle était prête à de telles extrémités…

S’agissait-il d’un amoureux ? Non, il avait du mal à le croire. Elle se montrait si ardente dans ses bras qu’il était quasiment certain d’être le seul homme dans sa vie.

Si seulement elle acceptait de lui faire confiance… Mais ce n’était pas étonnant qu’elle soit si méfiante après les mensonges que sa mère avait débités sur lui. La confiance était quelque chose qui s’établissait petit à petit, à mesure qu’une relation évoluait entre deux êtres. Pour autant, avait-il envie d’une relation avec Louise qui soit basée sur autre chose que du sexe torride ?

— Quand tu es entrée dans mon bureau il y a une semaine, j’ai été tétanisé, poursuivit-il. Tu étais sublime ! Et si j’avais suivi mon instinct, je t’aurais fait l’amour là, sur mon bureau. Tu m’obsédais tellement que j’ai pris le prétexte de vouloir acquérir Eirenne pour te retrouver à Paris.

Louise chancela. La voix de Dimitri était si douce, si ensorcelante qu’elle glissait sur sa peau comme une caresse.

— Je suis heureux que tu sois ici avec moi, termina-t-il en se penchant pour l’embrasser.

Ce fut un baiser tendre, irrésistible, qui atteignit Louise jusqu’à l’âme. Elle se sentit fondre contre lui et entrouvrit les lèvres.

— Moi aussi…

Elle avait prononcé ces mots sans intention consciente. Mais c’était la vérité, et elle ne songea pas à protester quand Dimitri la souleva dans ses bras pour la renverser sur le transat.

— J’ai envie de toi, glikia mou. Je crois que je ne cesserai jamais de te désirer.

Electrisée par cet aveu, Louise s’abandonna à son étreinte…