8.

— Aïe !

La douleur lui avait fait lâcher le couteau et instinctivement, elle porta le pouce à sa bouche.

Etouffant un juron, Bruce se précipita. Posant sans précaution son verre sur la table, il prit la main de Sorrel, jurant de nouveau lorsqu’il vit le flot de sang sombre qui s’échappait de la blessure.

— Quel imbécile je fais, gronda-t-il entre ses dents, entraînant Sorrel vers l’évier pour passer son doigt sous l’eau froide. La trousse de premier secours est toujours dans la salle de bains ?

Sorrel hocha la tête.

— Tu peux tenir pendant que je vais la chercher ou préfères-tu que j’appelle ta mère ?

— Pas la peine. C’est seulement une coupure.

Bruce fronça les sourcils, visiblement inquiet.

— Profonde… Ne bouge pas. J’en ai pour une minute.

Il lui planta un baiser sur la joue et quitta la pièce en deux enjambées.

Quelques secondes plus tard, il était de retour avec la trousse. En un tournemain, il en sortit le nécessaire.

— Voyons de plus près…

La coupure saignait toujours. Il la désinfecta avec précaution.

— Peut-être faudrait-il une suture, suggéra-t-il.

Sorrel rejeta catégoriquement l’idée.

— Une bande adhésive suffira. Regarde, il y en a dans la boîte. Tu recouvres la blessure d’une gaze, tu fais un bandage et le tour est joué.

— Tu crois que je vais y arriver ? s’inquiéta Bruce.

— Bien sûr ! De toute façon, je ne peux pas le faire d’une seule main. Alors, s’il te plaît…

Elle lui tendit son pouce. Au bout de quelques essais, le bandage fut terminé, et plutôt réussi. Cependant, Bruce ne relâcha pas la main de Sorrel.

— C’est ma faute…

— Ce n’était pas toi qui tenais le couteau.

— Il n’empêche. Je n’aurais pas dû te lancer cette pique, et simplement partir sans plus te troubler…

Pour une fois, il avait raison. Le trouble était toujours là, d’ailleurs, car Bruce pressait ses lèvres à l’intérieur de son poignet, chassant l’élancement de la douleur par un autre, bien plus voluptueux…

Sorrel ne savait plus que penser. Cette douceur inattendue la désarmait. Elle en venait presque à préférer les appétits sexuels qu’il affichait ouvertement un peu plus tôt. Pour agressive qu’elle ait été, cette posture lui semblait plus facile à gérer.

— Tu ne peux plus échapper à mon aide, constata Bruce. Avec ce bandage, tu seras gênée pour la cuisine.

Encore une fois, il avait raison. Pendant qu’il nettoyait les dégâts et rangeait la trousse de secours, Sorrel réfléchissait : que signifiaient les déconcertantes sautes d’humeur de Bruce ? Depuis qu’elle était rentrée d’Australie, il cultivait envers elle une rancœur pleine de colère. Pourtant, chaque fois qu’elle était soucieuse ou blessée, Bruce rengainait toute hostilité et retrouvait les réflexes protecteurs qu’elle avait connus lors de son enfance. De nouveau, il déployait la tendresse de ce grand frère dont il avait si longtemps joué le rôle auprès d’elle.

Mais il n’y avait rien de fraternel dans la déclaration qu’il lui avait faite l’après-midi même, ni dans les baisers torrides qu’ils avaient échangés. Et même si le désir de Bruce était bâti sur la colère, il avait su éveiller le sien et le porter à un point dont elle avait honte.

Cependant, songea Sorrel, ses propres réactions ne manquaient-elles pas de logique ? Pendant leurs fiançailles, elle se plaignait de la tiédeur de leur relation. Aujourd’hui, Bruce lui offrait la passion, brûlante et moite, avait-il dit. Le sexe, oui, mais sans l’amour…

Elle aurait voulu les deux… Etait-ce trop demander ?

*  *  *

Unissant leurs efforts, ils parvinrent à concevoir un repas acceptable. Sorrel cacha son trouble en se réfugiant derrière les mille nécessités des préparatifs pendant que Bruce, dont l’incident avait tempéré l’ardeur, se contentait de suivre ses instructions sans plus chercher à se disputer ou à la séduire.

Rhoda s’inquiéta quand elle vit Sorrel revenir avec un bandage mais elle fut vite rassurée. Une fois le dîner achevé, Bruce ne voulut pas s’attarder.

— Raccompagne-le, intima Rhoda à sa fille.

Sorrel s’exécuta de mauvaise grâce. De l’obstination de sa mère ou de l’étincelle amusée qui dansait dans l’œil de Bruce, elle ne savait ce qui l’irritait le plus. Elle accompagna néanmoins Bruce dans le hall et lui ouvrit. Sur le pas de la porte, il s’arrêta pour la regarder droit dans les yeux :

— Combien de temps comptes-tu vivre chez tes parents ?

— Je pense trouver un appartement bientôt.

Bruce eut un rire dur.

— Ça risque de ne pas être assez tôt pour moi…

Sorrel écarquilla les yeux.

— Pardon ?

— Dépêche-toi. Tu vois très bien pourquoi.

— Ne t’attends pas à ce que je t’invite, rétorqua-t-elle.

— Pas même à la pendaison de crémaillère ?

Il se moquait d’elle, cette fois.

— Désolé pour ton pouce, reprit-il plus doucement, saisissant sa main et passant un doigt léger juste sous la coupure.

Sorrel retira sa main, troublée de sentir son pouls s’accélérer dès qu’il la touchait.

— Tu ne m’as pas l’air tellement repentant. Bonne nuit, Bruce.

Du revers de la main, il effleura sa joue. Au fond de ses yeux sombres, elle lut une expression soucieuse.

— Bonne nuit, Sorrel. Fais de beaux rêves.

*  *  *

Cette nuit-là, les rêves de Sorrel tournèrent au cauchemar, pleins de passion, intenses et dérangeants. Elle s’en éveilla fatiguée, perturbée et furieuse.

Si elle avait aussi mal dormi, n’était-ce pas la faute de Bruce qui lui reprochait sa rupture avec Cherie ? Malheureusement, Sorrel devait admettre qu’il n’avait pas tout à fait tort. Elle avait joué les séductrices dans le jardin, l’autre soir, comment le nier… Mais à présent, il lui attribuait toute la responsabilité de leur séparation ! Pourtant, jamais il n’aurait cédé à la tentation s’il avait aimé Cherie avec sincérité. S’était-il leurré en croyant qu’il pourrait l’épouser sans l’aimer ? Cela tournait à l’habitude, chez lui… En tout cas, elle n’y était pour rien, se rassura Sorrel.

S’il devait punir quelqu’un, c’était lui-même.

En milieu de matinée, le lendemain, Bruce franchit de nouveau le seuil de la boutique.

— C’est ton ami, murmura Poppy à l’oreille de Sorrel.

Elle adressa un grand sourire au nouvel arrivant et retourna auprès d’un marmot impatient que sa mère avait du mal à contenir pour les essayages.

La boutique était toujours pleine le samedi matin et Sorrel eut à peine le temps d’adresser un regard à Bruce car une cliente réclamait ses services. Il dut patienter jusqu’à ce que tout le monde soit servi.

— Comment va ta blessure ? demanda-t-il.

— J’y survivrai.

— Heureux de l’apprendre. Vous fermez bien à 14 heures ? Que fais-tu après ?

— Je cherche un appartement.

— Bravo.

— Pas pour ton bénéfice ! se récria Sorrel.

Sa véhémence déclencha le rire de Bruce.

— Tu songes à un endroit précis ?

— Pas vraiment.

Ses premières recherches n’avaient pas rencontré grand succès. De plus, les agents exigeaient une disponibilité immédiate pour visiter les lieux.

— Je devrais peut-être me procurer d’abord une voiture, reprit-elle. Ce serait plus facile de trouver si je n’avais besoin d’emprunter celles de mes parents.

— Je t’emmène où tu veux cet après-midi.

— Merci mais…

— Pas de mauvais prétexte, Sorrel. Il est déjà tard et dans l’immobilier, les meilleures offres filent vite. Laisse-moi au moins te faciliter les déplacements.

— Prête-moi ta voiture, alors…

— Je ne suis pas altruiste à ce point, dit Bruce en riant.

— Tu ne me fais pas confiance ?

Il la regarda d’un air pensif.

— La confiance n’est pas à sens unique, Sorrel…

Bruce dut s’écarter pour faire place à une cliente. Voyant la boutique se remplir de nouveau, il laissa Sorrel à ses affaires. A 14 heures, il se présenta de nouveau.

— Tu as déjeuné ? demanda-t-il à Sorrel pendant que Poppy fermait la boutique.

Les deux femmes s’étaient arrangées pour avaler un sandwich entre deux vagues de clients.

— Plus ou moins, merci.

Poppy les regardait avec une franche curiosité.

— Où allez-vous comme cela, tous les deux ?

— Nulle part, marmonna Sorrel.

La voix de Bruce couvrit la sienne.

— Chercher un appartement pour Sorrel. Ça vous intéresse de venir ?

Sorrel ouvrit des yeux ronds alors que s’éclairait le visage de Poppy.

— J’adorerais ! Mon père est entrepreneur et je compte passer des examens pour entrer dans l’immobilier !

Sorrel ravala son irritation alors qu’ils se dirigeaient vers la voiture. Bruce était-il magicien, pour avoir deviné l’intérêt de Poppy pour l’immobilier ? Il semblait toujours prévoir les réactions des autres. En tout cas, il avait dû sentir qu’elle-même ne tenait pas à un tête-à-tête…

Leur première visite fut une déception. Trop petit, l’appartement donnait sur une arrière-cour sans aucun charme. Le second plut beaucoup à Sorrel, jusqu’à ce que Bruce repère une tache au bas d’un mur et que Poppy, ayant ouvert les placards, n’y sente des traces d’humidité.

— Vous aurez des ennuis sans fin avec la moisissure, prédit-elle, et Sorrel dut se rendre à son avis.

Ils regagnèrent la voiture, Sorrel ne cachant pas son dépit.

— Passez-moi les annonces, demanda Poppy avec détermination. Je vais vous trouver quelque chose.

Sorrel lui tendit le journal.

Installée sur le siège arrière, Poppy la soumit à un feu roulant de questions sur le type de logement qu’elle recherchait. Au fur et à mesure que Sorrel répondait, elle cochait certaines annonces. Puis Bruce lui prêta son mobile et elle appela plusieurs numéros.

Menant rondement son affaire, Poppy nota quelques adresses. Peu de temps après, sur ses instructions, Bruce démarrait.

A 17 heures, ils avaient déniché un charmant deux pièces dans un bungalow mitoyen dont l’autre partie était occupée par la propriétaire, une veuve d’un certain âge. Le salon ouvrait sur un patio de brique rouge, abrité du jardin par un treillis de vigne vierge. Sorrel s’y sentit tout de suite chez elle et la vigilance de Poppy n’y trouva rien à redire.

Mme Grenshaw, la propriétaire, parut ravie que Sorrel se décide sur-le-champ.

— Je pensais, fit-elle d’un ton un peu hésitant, que votre mari pourrait tondre la pelouse. Je m’en sors encore pour le jardin mais…

— Bruce n’est pas mon mari, la détrompa fermement Sorrel.

— Oh…

Les yeux bleus fatigués examinèrent Sorrel avec désappointement.

— Votre ami, peut-être ? Je ne suis pas opposée à cela, vous savez…

— Cet appartement est pour moi seule. Nous sommes simplement amis, précisa Sorrel, gênée du sourire que Bruce avait du mal à cacher.

— Très bons amis, intervint-il.

— C’est que… J’avais spécifié que l’appartement était pour un couple, répondit Mme Grenshaw, visiblement déçue. C’est commode, à mon âge, d’avoir un homme dans les lieux…

L’annonce disait que le deux-pièces pouvait convenir à un couple mais Sorrel n’avait pas imaginé que ce serait une condition.

— Je serai heureux de tondre votre pelouse, proposa Bruce. Le samedi vous conviendrait-il ?

— Je suis tout à fait capable de manipuler une tondeuse, protesta Sorrel, jetant un regard noir en sa direction.

— Première nouvelle, répondit-il d’une voix suave. Et quand as-tu appris ?

Elle n’en avait jamais eu l’occasion, mais ce ne devait pas être hors de sa portée ! Bruce paraissait content de lui avoir rivé son clou et elle ravala la réplique furieuse qui lui montait aux lèvres. La pauvre Mme Grenshaw semblait suffisamment déconcertée pour ne pas entamer une dispute devant elle ! Sorrel se retourna vers la vieille dame.

— Puis-je vous faire un chèque d’acompte ?

Ce ne fut qu’une heure plus tard, après avoir déposé Poppy, que Sorrel laissa libre cours à sa fureur.

— Qu’est-ce qui t’a pris de lui proposer tes services pour la pelouse ?

— Tu voulais l’appartement, non ? rétorqua Bruce, les yeux rivés sur la route.

— Bien sûr, mais…

— La tonte de la pelouse pouvait décider de l’affaire.

— Tu n’as pas besoin de venir faire mon travail !

— J’y tiens.

— Pas moi !

— Trop tard, répliqua calmement Bruce. J’ai promis…

— Dégage-toi de ta promesse, suggéra Sorrel, exaspérée.

— C’est toi qui as cette habitude, rétorqua-t-il.

Sorrel aurait voulu le gifler.

— Cette affaire te tourmente, n’est-ce pas ? lui lança-t-elle en plein visage. Quand vas-tu enfin tourner la page ?

Bruce freina au feu rouge et se tourna vers elle. Le cœur de Sorrel manqua un battement tant son regard irradiait de colère.

— Quand je t’aurai dans mon lit, dans mes bras, que tu seras nue sous moi, comme cela aurait dû être ! Quand tu me feras l’amour sans réticence, quand tu ne me cacheras aucune émotion et que tu crieras mon prénom. Lorsque mes mains se refermeront sur tes seins, que tu seras moite de plaisir, que tu te refermeras sur moi, que tu halèteras contre ma peau et que je te ferai jouir, voilà quand.

La voix de Bruce était devenue rauque.

— Rien que d’y penser me donne envie de te prendre, ajouta-t-il.

Sorrel était sans voix. Les images qu’il évoquait étaient si violemment érotiques qu’elle en respirait à peine. Penser lui était impossible. L’esprit en feu, elle imaginait leurs corps entremêlés…

Elle se rendit compte qu’on klaxonnait derrière eux, de plus en plus vigoureusement. Le feu devait être passé au vert.

Bruce retint son regard encore une seconde, puis détourna impatiemment la tête.

— Ça va ! gronda-t-il en accélérant.

Sorrel demeura immobile, les ongles enfoncés dans la chair de ses paumes, tentant de toutes ses forces de calmer sa respiration et de chasser la furieuse rougeur qui avait envahi ses joues.

Le temps qu’ils rejoignent la maison de ses parents, elle avait recouvré son calme. Tout comme Bruce. Mais l’étincelle de fureur et de désir n’avait cependant pas complètement disparu de son regard quand elle se tourna vers lui pour lui dire au revoir, la main sur la poignée de la portière. Elle résista au désir de sauter à la hâte hors de la voiture.

— Merci de ton aide pour l’appartement, fit-elle d’une voix un peu froide.

— De rien. Je tenais à participer, répondit-il avec une note d’humour qui éclaira son visage. La jeune Poppy m’a surpris dans sa façon de mener les recherches. Elle est aussi rapide que l’éclair !

Soulagée par le tour plus léger que prenait la conversation, Sorrel se mit à rire.

— Tu exagères.

— Peut-être… Mais ne t’y trompe pas, Sorrel, ce que j’ai prédit pour nous deux se produira.

Encore une fois, elle se trouva désarçonnée par ce brutal changement d’humeur. Etait-ce chez lui une tactique délibérée pour briser ses défenses ?

— N’ai-je pas mon mot à dire ? le défia-t-elle.

Bruce grimaça.

— Tu peux dire tout ce que tu veux. Je t’en prie, ne t’en prive pas. Mais tu sais tout comme moi qu’on ne peut pas éternellement combattre l’inévitable.

Comme il avait confiance en lui… Mais lui avait-elle donné la moindre raison de douter ? Elle s’était trahie à plus d’une occasion. Le désir irraisonné de capituler qu’elle éprouvait la rendait encore plus méfiante. Car elle savait bien que le sexe ne lui suffirait pas, et Bruce ne promettait que cela. Il n’avait évoqué ni engagement ni amour.

Toutes choses qu’il avait offertes à une époque, et qu’elle avait rejetées. Pouvait-on blâmer Bruce de se montrer circonspect aujourd’hui ? Pourtant, comment accepter ce qu’il proposait alors qu’elle n’avait aucune idée de ses motivations ? Etait-ce un simple désir, une façon de tester le pouvoir qu’il avait conservé sur elle, ou bien… S’il la soumettait physiquement, peut-être se sentirait-il vengé d’avoir été ridiculisé au pied de l’autel ? Elle frissonna.

— Que veux-tu de moi, Bruce ?

— N’ai-je pas été assez clair ? rétorqua-t-il avec un rire brutal. Ne prends pas cet air apeuré. Je ne vais pas te contraindre.

Il se pencha un peu.

— Amuse-toi bien, demain…

Demain ? Que voulait-il dire ? Tout d’un coup, la mémoire lui revint. Craig… Le jazz… Elle devait sortir avec lui.

— Sois-en sûr, rétorqua-t-elle.

Bruce lui jeta un regard entendu.

— Et dis-lui de bien en profiter. Tant qu’il le peut encore…

*  *  *

Sorrel passa l’après-midi à s’efforcer de profiter du festival à la riche programmation, et de la plaisante compagnie de Craig.

Celui-ci l’emmena ensuite dîner sur le front de mer, puis ils se promenèrent tranquillement le long du port. La nuit était douce mais une petite brise fraîche montait du détroit. Pour l’en protéger, Craig passa le bras autour des épaules de Sorrel. Lorsqu’il se pencha pour l’embrasser, elle fit de son mieux pour ne pas le décevoir mais en la relâchant, celui-ci soupira :

— Le cœur n’y était pas, n’est-ce pas ?

Sorrel baissa la tête.

— Je suis navrée, Craig.

— Pas tant que moi, répondit-il avec un sourire amer. Je t’apprécie beaucoup, Sorrel. Mais je ne veux pas tomber amoureux d’une femme qui a des regrets.

— Ce n’est pas le cas. J’ai tourné la page.

Elle se mordit la lèvre, consciente de son mensonge.

— Je ne le crois pas. Toi non plus, d’ailleurs.

Elle aurait tellement voulu y croire !

— Je ne peux pourtant pas passer ma vie à ressasser de… de vieilles erreurs !

Mais pouvait-elle se servir de Craig pour cela ?

— Eh bien, assume-les, et règle tes problèmes, suggéra-t-il. Si tu es toujours libre après cela, préviens-moi…

— Tu… me laisses tomber ? demanda-t-elle d’un ton léger.

— Je te donne une chance de savoir où tu en es, répliqua Craig, une chance de t’échapper avant que nous ne soyons allés trop loin. Enfin… avant que je ne sois allé trop loin. Je ne crois pas qu’il y ait eu réel danger pour toi. Sauf qu’à force de vouloir fuir ton passé, tu aurais pu consentir à des choses que tu aurais regrettées par la suite. J’ai été tenté de jouer cette carte car tu me plais vraiment. Mais j’ai compris que ce serait une bêtise. Je ne veux pas d’amertume entre nous à l’avenir, quel qu’il soit.

Craig se montrait incroyablement raisonnable et sans doute bien plus généreux qu’elle ne le méritait. Pourquoi Bruce ne pouvait-il être aussi compréhensif ?

— Ne crois pas que je t’ai utilisé, Craig. J’espérais sincèrement que les choses pourraient marcher entre nous.

— Je le sais. Et je te remercie de la confiance que tu as placée en moi. Mais la confiance ne suffit pas…

Il prit la main de Sorrel et l’embrassa.

— Je te raccompagne. Au fait, reprit-il avant de remonter en voiture, si jamais ce type ne te traitait pas correctement, dis-lui qu’il devra m’en rendre compte.