Le tumulte des préparatifs commença à la cour du Rabbi de Nyesheve peu après Pessah, plusieurs semaines avant le jour du mariage.
Les jeunes élèves qui passaient leurs journées à la synagogue, absorbés en principe par l’étude du Talmud, se laissèrent gagner par le climat d’agitation général. Ils oublièrent la routine. Quittant leurs livres, ils parlaient de sujets profanes et disaient même des blasphèmes. Seulement à l’heure de la prière, quand venait le Rabbi, ils se plongeaient dans les textes, lisant tout haut, et leur chant monotone emplissait soudain la synagogue.
Les parasites de la cour rabbinique et les mendiants d’autres cours retrouvèrent leur vivacité. Des occasions comme celle-là étaient rares. Ils assaillirent les Juifs du village qui venaient consulter le Rabbi et lui demander d’intercéder auprès de la Providence, et exigeaient le double ou le triple des dons habituels. Ils assiégèrent la maison du Rabbi et chaque fois qu’une femme en sortait, ils se lançaient dans des bénédictions si bruyantes et manifestaient une bienveillance si ostensible qu’il n’y avait pas moyen de leur échapper. Les femmes étaient obligées de repousser leurs mains et de tirer leur porte-monnaie de leur corsage, ou même de sortir quelques pièces de leur jarretière, pour pouvoir passer.
Mais le kreutzer – la plus petite monnaie – qu’on donnait d’ordinaire aux mendiants ne valait plus assez cher.
« Quoi ! hurlaient-ils. Un kreutzer quand la fille du Rabbi se marie ! Pfft ! Nous n’en voulons pas. »
Suppliant, menaçant, ils marchandaient et forçaient souvent les visiteurs à leur céder jusqu’au dernier sou, sans même leur laisser de quoi rentrer chez eux. Favorisée par le relâchement général, la mauvaise conduite se mit à régner à la cour. Les mendiants volaient les phylactères et les châles de prière des plus pauvres et les mettaient en gage pour boire. Ils traînaient dans les cuisines, s’emparant de tout ce qu’ils pouvaient attraper.
Les habitants plus vieux et plus sérieux de Nyesheve furent eux-mêmes gagnés par cette atmosphère de fête. Ils mirent toute la semaine leur caftan de satin et leur calotte à treize glands, réservée au shabbat. Certains osèrent même la porter sur le côté, d’un air coquin.
Les prières du matin, de l’après-midi et du soir étaient bredouillées à la hâte, et les fidèles en sautaient de longs passages, comme le jour de Simhat Torah. Jamais plus le Rabbi de Nyesheve ne marierait sa plus jeune fille ! Des petites fêtes préliminaires avaient lieu ici et là. Mendiants et voyous affluaient des villages et des hameaux voisins. Des hommes quittèrent femme et enfants pour venir s’installer des semaines entières aux portes de la cour rabbinique.
« Mazel tov ! » entendait-on partout, chaque fois que quelqu’un vidait un verre d’alcool ou de vin. « Mazel tov ! Que Dieu se montre généreux envers tous ! »
Dans les cuisines de la cour rabbinique la nourriture ne cessait de bouillir, de frire et de grésiller. La confusion de ces semaines fut telle que les fils du Rabbi usurpèrent les privilèges de leur père ; chacun créa sa propre cour, donna des banquets, distribua les meilleurs morceaux à ses favoris, but du vin et commenta la Loi. Une rivalité acharnée les opposait, et tous luttaient pour rassembler le plus grand nombre de disciples. Pendant que se déroulaient ces festins, des gardes étaient postés à l’entrée pour donner l’alerte si le Rabbi approchait, de crainte qu’il ne voie de ses propres yeux de quelle façon ses fils se disputaient, de son vivant, son empire rabbinique. Les domestiques travaillaient comme jamais auparavant. Mais ils ne pouvaient faire face à l’accroissement des festivités, et Israël Avigdor engagea d’office une horde de mendiants et de parasites, des Juifs affamés et décharnés, vêtus de haillons, qui passaient leurs journées à traîner dans les synagogues en chantant des Psaumes.
« À la cuisine ! » criait-il, les agrippant par leur caftan. « Le Seigneur vous a assez entendus. À la cuisine ! Il faut éplucher les patates ! Les oignons ! Les choux ! »
Les mendiants nettoyaient donc les légumes. Ils allaient chercher le bois dans les hangars, ils tiraient l’eau du puits, lavaient la viande des animaux fraîchement tués, grattaient les pieds de veau, râpaient du raifort. Ils avaient les yeux rouges et les larmes coulaient sur leurs joues creuses. Les servantes, des filles informes, au corps ample, aux jambes trapues, transpiraient à cause de l’excès de travail et de nourriture. Elles avaient les mains plongées dans de grandes marmites grasses, ou bien elles pétrissaient des montagnes de pâte jaune ; elles ranimaient les feux, déplaçaient les casseroles et les poêles, se brûlaient et passaient leur colère sur les mendiants, les chiens et les cochons qui s’aventuraient dans la cour, attirés par les odeurs de cuisine et par les déchets qui s’amoncelaient dehors.
« Vous, les mendiants, allez chasser les chiens et les cochons ! » criaient les filles à leurs aides. Mais ils avaient peur des chiens, et la vue des cochons les remplissait de dégoût. Ils se contentaient de se tenir à distance en hurlant : « Allez, partez ! Allez-vous-en ! » jusqu’à ce que les servantes arrivent avec des seaux d’eau chaude ou froide qu’elles jetaient aux animaux. C’était peine perdue. Ils se secouaient et restaient là, à attendre patiemment.
Israël Avigdor, le gabbaï, le bras droit du Rabbi, était au septième ciel.
C’était un homme trapu et fort avec une barbe rousse et un visage – ce qu’on en voyait – couvert de taches de son. Il portait de la soie et du satin. Mais chaque mot, chaque geste trahissaient le vulgaire ignorant, le garçon de courses qui, par la ruse et la flatterie, avait acquis du pouvoir et était devenu le gabbaï principal de la cour rabbinique. Ses larges narines étaient toujours tachées de tabac à priser, et ses mains poilues se glissaient partout. Tantôt il attrapait un jeune homme par l’oreille et manquait la lui arracher, tantôt il enfonçait le chapeau d’un mendiant sur ses yeux, ou encore il se querellait avec le bedeau et grimpait sur la table avec ses bottes boueuses – au milieu des livres et des papiers – pour enlever le verre de la lampe et montrer qu’il était sale.
« Imbécile ! grognait-il. C’est comme ça qu’on nettoie une lampe ? Viens ici, je vais t’apprendre comment on fait. »
Et, empoignant le bas du caftan du garçon, il en essuyait le verre noirci de fumée.
Israël Avigdor se trouvait toujours en butte aux provocations des jeunes gens qui n’étaient pas en train d’étudier les textes sacrés. Il n’avait aucun savoir personnel, et ses citations étaient grossièrement erronées. Il quittait la synagogue pour se précipiter aux cuisines, regardant dans les marmites, pinçant une servante et criant des ordres. Il restait toujours fidèle aux intérêts de la cour de son Rabbi.
« Plus d’eau dans la soupe, ordonnait-il. Ce n’est pas la peine de donner aux mendiants une soupe aussi épaisse. Ils n’y sont pas habitués, ils vont s’y casser les dents. »
Il se tenait toujours à l’écart du Rabbi ; sauf, bien sûr, quand un disciple de la cour demandait à être introduit pour présenter une requête. Israël Avigdor n’oubliait pas de se manifester pour réclamer son pourcentage. Mais chaque fois que le Rabbi lui hurlait de venir rallumer son cigare éteint, le gabbaï était ailleurs. Rabbi Melech menaçait de le chasser de la cour, mais l’intendant n’y prêtait pas attention. Car il savait que son maître avait davantage besoin de lui que lui du Rabbi.
Personne ne connaissait aussi bien le fonctionnement de la cour, les visages autour de la table. Israël Avigdor savait exactement combien de bouteilles de vin il fallait prévoir pour chaque visiteur, qui avait droit à tels morceaux, qui devait être bien servi, et qui ne recevait qu’une demi-portion. Il connaissait toutes les règles de la préséance et savait à merveille comment placer les gens – en particulier les Juifs riches – de façon à n’offenser personne. Il avait l’art de maîtriser une foule à la porte du Rabbi tout en laissant entrer les personnages importants. Mais surtout, Israël Avigdor était irremplaçable quand il s’agissait de partir en tournée avec le Rabbi pour collecter des fonds. Il inspirait la peur de Dieu aux hassidim et exigeait des sommes inouïes qu’ils n’osaient pas lui refuser.
Il excellait même en dehors de la cour. Il ne manquait jamais de trouver un wagon privé quand le Rabbi de Nyesheve voyageait en train. Il persuadait les magnats du pays de mettre leurs voitures à la disposition du grand Rabbi. Quand il accompagnait son maître à une fête célébrée par les hassidim, il s’arrangeait pour arriver en si grande pompe, et avec un tel tapage, que les Rabbis de l’endroit s’effaçaient aussitôt devant lui et semblaient devenir les invités, et non plus les hôtes, du Rabbi de Nyesheve. Il prenait un air de grand seigneur pour commander les gabbaïs du village, qui lui obéissaient comme des garçons de courses.
Mais le plus important, c’était sa connaissance du mécanisme interne de la cour rabbinique. En fait, il en savait un peu trop. Il était au courant des disputes, des secrets, des intrigues de cuisine, des querelles de famille et du jeu hypocrite de chacun. Il voyait, entendait, sentait, devinait tout. Pas une chambre, pas un incident n’était privé à ses yeux. On racontait qu’un samedi, après le dîner de fête, il avait même surpris le Rabbi dans un moment d’intimité conjugale avec sa troisième femme.
Certes, il ne s’agissait nullement de péché ! Mais depuis ce jour-là il regardait le Rabbi droit dans les yeux, avec un air entendu, narquois. Il était devenu plus sourd que jamais à ses cris : « Srelvigdor ! Je vais t’étrangler ! »
Maintenant, à l’approche du mariage de Sourele, Israël Avigdor déploya ses ailes et prit son essor. Jamais on ne le voyait à côté du Rabbi ; quand celui-ci l’appelait il envoyait un domestique d’un rang inférieur. Il était en train de boire de l’hydromel avec les hassidim, ou de se faufiler dans les cuisines, le regard attentif et sournois. L’odeur de son tabac à priser le suivait partout.
Le jour de Lag ba’Omer, c’est-à-dire le jour du mariage, des milliers de hassidim, fidèles de la dynastie rabbinique de Nyesheve, se réunirent dans cette ville. De riches hassidim vinrent de Cracovie dans des trains spéciaux. À la gare ils dirent leurs prières en chœur, avec jubilation. Ils dansèrent, chantèrent et se racontèrent des histoires et des légendes sur leurs Rabbis miraculeux. Ni les non-Juifs ni les Juifs sans barbe n’étaient admis dans ces trains. Les conducteurs burent joyeusement avec les hassidim et leur souhaitèrent bonne chance. La bonne humeur était si contagieuse que même les chefs de train les plus allemands, polonais ou ruthéniens qui prenaient la relève se mirent à parler yiddish avec la prononciation gélatineuse des Galiciens. Des hassidim pauvres vinrent à pied, suppliant les charretiers de les laisser monter, souvent chassés à coups de fouet. Les auberges de Nyesheve étaient pleines à craquer. Les maisons privées, les étables, les granges, les greniers étaient combles. Et le flot des hassidim fut suivi par le flot des mendiants.
Il était interdit de se baigner dans la rivière avant la fin de Shavouot. Mais les jeunes talmudistes étaient trop impatients. En plein milieu de la période des sept semaines entre Pessah et Shavouot, ils descendirent tous ensemble au bord de l’eau, se déshabillèrent et plongèrent. Ils nagèrent et hurlèrent à tue-tête, comme dans les bains de vapeur, quand la chaleur les poussait sur les marches les plus hautes et que leurs corps vibraient. « Oh, que c’est bon, que c’est bon ! » criaient-ils.
De la rivière ils allèrent à la grange où ils endossèrent des uniformes de Cosaques. Selon une coutume immémoriale de Nyesheve, les jeunes gens devaient revêtir ce costume avant un mariage rabbinique, et se rendre ainsi à la rencontre du fiancé.
Ces uniformes étaient rangés en tas sous la paille et le foin. D’un mariage à l’autre ils restaient là, pourrissant, couverts de rouille. Les garçons enfilèrent les longs pantalons collants, lacés en bas, les vestes de hussards et les hautes bottes. En réalité c’était un mélange de styles : la cavalerie hongroise, les hussards d’opérette et la vieille infanterie polonaise de l’époque de Jan Sobieski. L’élément le plus extraordinaire du costume était la coiffure, un chapeau de fourrure très haut, surmonté d’une queue-de-cheval raidie. Dans cet étrange accoutrement les talmudistes, maigres et affamés, avec leur visage émacié, leurs papillotes flottantes et leur dos voûté, ne ressemblaient à aucun corps militaire connu – sauf, peut-être, aux « soldats turcs » que les enfants des villages juifs découpaient dans du papier et montraient dans une lanterne magique faite d’une boîte en carton trouée et d’une bougie.
Selon la coutume, les charretiers et les Juifs riches mirent leurs chevaux à la disposition des étudiants talmudiques. Les bêtes étaient encore plus éloignées que leurs cavaliers de l’esprit cosaque ; elles ne parurent pas du tout apprécier cette mise en scène. Décharnées et abattues, elles résistèrent, se cabrèrent et refusèrent d’avancer. Les jeunes gens tirèrent la crinière des chevaux, ils les éperonnèrent en poussant des hurlements, mais en vain.
Pendant ce temps un grand nombre de hassidim avaient transporté dans la grange un énorme tonneau qui servait généralement à la préparation de la soupe de betteraves rouges pour Pessah. D’autres apportèrent des seaux d’eau chaude de la cuisine. Les Juifs plus riches, privilégiés, se tenaient au-dessus du tonneau et pressaient des citrons, les doigts ruisselants de jus, puis vidaient des paquets de sucre par-dessus. Ils préparaient la célèbre boisson de Nyesheve pour les mariages rabbiniques. Le vacarme était incroyable ; les Juifs se disputaient, se bousculaient, donnaient des instructions, chacun persuadé d’être l’unique héritier de cette recette traditionnelle.
« Imbécile ! Ce n’est pas comme ça qu’il faut faire ! Je vais te montrer ! » Personne ne se vexait, ni n’écoutait. Et quand ce fut prêt, tout le monde goûta et s’écria extasié, avec un claquement de langue : « Délicieux ! »
Un magnifique fiacre tiré par quatre chevaux blancs étincelants entra dans la cour. Chaque fois qu’un mariage rabbinique était célébré à Nyesheve, le comte Olcha envoyait sa diligence personnelle pour accueillir le fiancé et le conduire à la ville, située à quelques kilomètres de la gare. En échange, le Rabbi de Nyesheve ordonnait à tous ses disciples de voter pour le comte quand il se présentait aux élections du parlement autrichien. Le cocher, un gigantesque paysan avec une paire de moustaches blondes qui se perdaient dans ses favoris, avala d’énormes parts de gâteau arrosées d’alcool qu’on lui apporta spécialement. Quand il eut assez bu, il fit claquer son fouet si fort sur la tête des vieux chevaux qu’ils partirent en trombe, pris de panique, oubliant leur âge et leur mauvaise humeur.
« Hue ! aboya-t-il. En avant, les Youpins ! »
Les étudiants sortirent de la cour en cavalcade, cramponnés à la crinière de leurs montures. La diligence du comte les suivait péniblement, et le cortège fut englouti par la poussière et le soleil. Tout disparut : les jeunes gens terrifiés hurlaient leur confession, croyant leur dernier jour arrivé, les sabots martelaient le sol, le cocher, dressé sur son siège, faisait claquer son fouet.
À la gare les Cosaques se glissèrent à terre et attendirent. Quand le train fut à l’arrêt ils se précipitèrent vers le wagon du fiancé, chantant en chœur :
« Bienvenue, fiancé ! Bienvenue, mazel tov ! »
Pâle, épuisé, abasourdi, Nahum regarda la foule déguisée ; il n’avait jamais rien vu de pareil à Rachmanivke. Ses yeux s’écarquillèrent encore plus qu’à l’ordinaire, et prirent un éclat mystérieux. Il se sentait à la fois effrayé et honteux. Cet accueil public était trop pour lui et il recula devant les bras qui s’agitaient dans sa direction. Il effleura des mains chaudes et moites de ses doigts fins d’enfant et il s’enfuit.
« Du calme ! » cria Mottye Godul, le gabbaï de Rachmanivke, lançant des regards furieux à la foule.
Il détestait ces hassidim autrichiens et leur hassidisme. Les narines de son nez frémirent, on eût dit un faucon prêt à fondre sur sa proie. Mais personne ne lui prêta attention. La foule se resserra autour du fiancé. Mottye Godul perdit son sang-froid.
« Bande de cinglés ! hurla-t-il. Arrière ! Païens ! »
Israël Avigdor n’était pas homme à laisser passer un mot pareil. Aucun Juif russe n’avait le droit de parler à ses hassidim sur ce ton.
« Païen toi-même ! cria-t-il. Les païens viennent de Rachmanivke ! À Nyesheve nous n’avons que des Juifs honnêtes qui craignent Dieu ! »
Les deux gabbaïs se toisèrent, le visage en feu. Le nez de Mottye était devenu aussi rouge que la barbe d’Israël. On aurait dit deux coqs sur le point de se livrer combat.
« Laissez passer le fiancé », ordonna Mottye Godul.
Nahum s’avança d’un pas hésitant. Il était complètement perdu. Dans son caftan court en soie, bien coupé, au large col blanc comme neige, bien repassé, avec ses bottines brillantes et son chapeau à la fois germanique et orthodoxe, il paraissait plus jeune encore qu’il n’était.
Sa mère, l’épouse du Rabbi de Rachmanivke, était habillée à la dernière mode. Son chapeau à grandes plumes était copié sur les modèles de l’aristocratie chrétienne. Elle s’approcha de son fils et, sortant un petit mouchoir, elle essuya la sueur sur son visage, aussi tendrement que s’il avait été un petit enfant dans son berceau, et non un fiancé le jour de son mariage.
« Nahum, mon chéri, dit-elle. N’aie pas peur ! Je vais veiller sur toi ! Je me charge de tout. »
Les hassidim l’entendirent – et ils se sentirent offensés. Ils l’étaient avant même qu’elle n’eût ouvert la bouche. Elle s’habillait trop comme une chrétienne. Aucune Juive ordinaire de Nyesheve – et encore moins une femme de la cour rabbinique – n’eût osé s’attifer de la sorte. Mais ils furent doublement offensés par ses paroles, et par son attitude à l’égard de son fils.
« Litvaks ! » pensèrent-ils avec mépris. « Litvaks ! Ces Juifs lituaniens, tous des infidèles, des vaniteux ! » À leurs yeux, quiconque franchissait la frontière de la Galicie était un Lituanien.
Un instant ils éprouvèrent une vague méfiance pour tout ce mariage. Pourquoi Nyesheve importait-elle un fiancé de Lituanie ? Mais ils se turent. Si le Rabbi l’avait organisé, Dieu en avait sans doute décidé ainsi.
Seul le cocher du comte parla. Il regarda le fiancé avec un regard connaisseur, tira sur ses moustaches, et déclara énergiquement aux conducteurs et aux porteurs : « To dopiero narzeczony – voilà un fameux fiancé. Il aura besoin de sa mère pour le reboutonner. »
Ein kelohenou
Nul n’est comme notre Dieu.