21

À Nyesheve, dans la grande synagogue de bois construite provisoirement après le grand incendie, mais qui, au bout de quinze ans, n’avait pas été remplacée par une synagogue en pierre, des centaines de hassidim venus de l’extérieur de la ville étaient rassemblés.

C’était le douzième jour du mois de Tamouz, l’anniversaire de la mort du très célèbre Rabbi de Nyesheve, grand-père du Rabbi en exercice, Reb Melech. Ce jour-là d’innombrables bougies étaient allumées autour de la tombe du saint, et des Juifs de dizaines de villages étaient venus déposer leurs prières. Les scribes assis en plein air écrivaient rapidement sous leur dictée. Les fidèles payaient selon leurs moyens, ou selon l’obstination de l’écrivain public. Des femmes à la tête dissimulée sous un châle se tenaient en retrait, n’osant pas s’avancer en présence de tous ces hommes. Elles restaient à distance, comme des mendiants à un mariage. Un peu plus loin des colporteurs vendaient du papier, de l’encre, des bougies, des gâteaux, et même des petites bouteilles d’alcool. Il était méritoire de boire un petit verre et de souhaiter bonne chance aux autres Juifs sur un sol sacré.

Rabbi Melech lui-même vint sur la tombe de son grand-père. Il était très âgé à présent – il avait plus de quatre-vingts ans. Sa peau ridée avait un aspect verdâtre. Sa barbe et ses papillotes ressemblaient à l’épaisse poussière blanche qui s’accumule dans les coins d’une pièce abandonnée. Quand il marchait, deux hommes le soutenaient par les aisselles.

Ce jour-là, lorsqu’il entra dans le cimetière, Israël Avigdor le précédait, répétant continuellement : « Juifs ! De l’ordre ! Écartez-vous ! Voici le Rabbi ! »

La barbe du gabbaï était plus grise que rousse, mais il n’avait rien perdu de sa vigueur. Il prisait un tabac de plus en plus fort, qu’il faisait tremper dans de l’alcool et mélangeait à du poivre fin. Il buvait énormément de vin.

Sa dévotion pour le Rabbi s’était accrue avec les années. Reb Melech était un vieillard fatigué. Très souvent il ne reconnaissait pas ses hassidim les plus anciens – même les plus riches, les plus importants. Depuis longtemps ses fils, des Juifs d’âge mûr, attendaient avec impatience leur heure. Ils anticipaient sur leurs droits. Ils n’avaient plus peur de leur père, ils donnaient des banquets, réunissaient leurs propres disciples, dispensaient des bénédictions et distribuaient des faveurs.

Ils se disputaient l’énorme succession du rabbinat de Nyesheve.

Israël Avigdor assistait à tout cela avec une rage, une douleur impuissantes. Il savait qu’une cour rabbinique était comme une cour royale – et crachait pieusement en faisant cette vile comparaison. Le pouvoir de la dynastie reposait toujours entre les mains d’un seul homme. Un territoire divisé devient la proie des étrangers. Il savait aussi que tous les fils et les filles de Rabbi Melech le détestaient lui, le gabbaï. Il leur rendait la pareille. Ils le redoutaient aussi ; il en savait trop. Mais le Rabbi était très vieux. Israël Avigdor veillait sur lui comme sur la prunelle de ses yeux.

Quand Reb Melech rentra dans ses appartements, les hassidim restèrent dans la synagogue de bois. Des nouveaux venus se joignirent à eux, s’entassant à l’intérieur. Le vacarme était assourdissant. Certains priaient, d’autres parlaient affaires, buvaient ou se souhaitaient, à eux et au peuple juif, beaucoup de chance.

Une étrange silhouette apparut soudain à la porte de la synagogue – un grand Juif mince, avec une barbe et des papillotes noires comme du charbon, de grands yeux profonds. Ses vêtements en loques étaient couverts de poussière. Autour de la taille il portait, à la place d’une ceinture, une simple corde. La besace jetée sur son épaule était aussi rapiécée et poussiéreuse que ses habits. Ses chaussures béaient. De la main droite il s’appuyait sur un gros bâton noueux trop haut pour lui. Sur le seuil, dévisagé par cent paires d’yeux, il s’arrêta, changea sa canne de main, toucha la mezouza fixée au montant de la porte, puis baisa ses doigts. Lentement il fit glisser son sac à terre, puis il s’approcha du tonneau d’eau, tourna le robinet et se lava les mains.

Plusieurs Juifs s’avancèrent.

« Shalom aleichem, dirent-ils.

Aleichem shalom, répondit-il.

— D’où venez-vous ?

— Je viens du monde. »

Ses paroles abruptes, sa voix sourde, décidée, les troublèrent. Ils lui posèrent d’autres questions, mais l’inconnu se détourna sans rien dire. Ils le regardèrent sortir de sa besace son châle de prières et ses phylactères. Il se couvrit la tête d’un geste singulier et ils remarquèrent avec un respect mêlé de crainte qu’il portait des doubles phylactères. L’homme resta seul près de la porte et pria en silence.

Quand il eut terminé et rangé ses phylactères et son châle, ils s’approchèrent de nouveau et lui offrirent un morceau de gâteau et un verre d’alcool. Il secoua la tête.

« Vous pouvez accepter, dirent-ils. Aujourd’hui c’est l’anniversaire de la mort du grand Rabbi, que sa mémoire nous protège.

— Je sais », dit l’étranger.

Il s’écarta, souleva son sac, dont il tira quelques bouts de pain sec et un peu de sel enveloppé dans un chiffon. Il posa le tout sur un banc, alla se laver les mains une seconde fois. Puis il trempa son pain dans le sel et mangea. Il retourna au baril d’eau et but dans la louche en cuivre. Quand il eut fini de dire les bénédictions après le repas, il remit ses provisions dans son sac et s’adressa au Juif le plus proche :

« Israël Avigdor est-il toujours gabbaï ? demanda-t-il.

— Certainement ! s’écrièrent plusieurs voix.

— Je désire le voir.

— Il va arriver dans un instant, répondirent-ils. Il est avec le Rabbi.

— Envoyez-le chercher, déclara l’inconnu, et dites-lui de venir immédiatement. Annoncez-lui qu’il a un visiteur. »

Son ton tranquille, sans réplique, les impressionna. Sans poser d’autres questions, deux ou trois hommes sortirent de la synagogue et traversèrent la cour. L’étranger regarda autour de lui avec attention. Puis il se tourna vers l’assistance stupéfaite.

« Cette synagogue a été construite après l’incendie ? »

Des jeunes garçons, qui ne se rappelaient pas l’événement, sourirent. Des Juifs plus âgés lui répondirent :

« Oui, après l’incendie, Dieu nous garde ! »

Quand Israël Avigdor entra, l’inconnu s’avança vers lui et lui tendit la main.

« Shalom aleichem, Israël Avigdor. »

Le gabbaï toisa l’étranger en haillons des pieds à la tête, et la colère enflamma son visage.

« Qui es-tu ? demanda-t-il sèchement, tutoyant l’homme avec mépris.

— Un visiteur, répondit l’homme, sans relever l’insulte.

— Que veux-tu ?

— Je veux voir le Rabbi. »

Israël Avigdor devint rouge jusqu’aux oreilles.

« Quoi ! aboya-t-il. C’est tout ? Tu désires peut-être autre chose ? Le Rabbi t’attend, bien sûr ! »

Le gabbaï foudroya l’inconnu du regard, puis il considéra la foule qui formait un cercle autour d’eux. Pas un visage ne réagit à son ironie acerbe.

« Israël Avigdor ! répondit l’étranger. Allez immédiatement voir le Rabbi et dites-lui que j’attends. Je viens de loin. »

Le gabbaï changea de couleur. Le sang-froid de l’homme, son apparence et ses paroles extraordinaires – « Je viens de loin » – le frappèrent brusquement. La peur lui étreignit le cœur. Il était gabbaï à Nyesheve depuis de longues années. Il n’était pas facile de lui en imposer. Mais ce jour-là il avait bu avec des douzaines de hassidim et c’était l’anniversaire du plus illustre de tous les Rabbis de Nyesheve.

D’étranges pensées se mirent à danser dans son esprit, des souvenirs de légendes sur les trente-six saints cachés, qui apparaissent parmi les humains sous des formes variées, de légendes sur le prophète Élie qui prenait les aspects les plus inattendus et surprenait les Juifs aux moments et aux endroits les plus invraisemblables. Il songea même aux morts… « Je viens de loin. »

Sa colère s’était dissipée.

« Très bien, dit-il respectueux. Qui dois-je annoncer au Rabbi ? Qui désire le voir ?

— Un Juif. Un visiteur. »

Il conduisit l’étranger avec respect, traversant la cour pour arriver dans l’antichambre de l’appartement de Rabbi Melech. Affolé, effrayé, il transmit le message textuellement.

« Dites au Rabbi que j’attends. Je viens de loin. »

La frayeur d’Israël Avigdor se communiqua au Rabbi. Il interrogea le gabbaï à plusieurs reprises.

« Un homme en haillons ? répéta-t-il. Avec un sac sur l’épaule ? Un visiteur ?

— Oui, Rabbi.

— Eh bien, qu’il entre », répondit enfin le Rabbi. Il mit son gros chapeau par-dessus sa calotte. La journée était chaude, mais il avait brusquement des frissons.

Israël Avigdor alla chercher l’homme.

« Le Rabbi vous attend. » Comme l’étranger prenait son sac, le gabbaï ajouta avec respect : « Si vous désirez laisser ici votre besace, elle sera parfaitement en sécurité.

— Non », répondit l’inconnu qui, chargeant son sac sur son épaule, passa devant Israël Avigdor. Celui-ci, confondu, le suivit lentement et ferma la porte.

Quand l’homme entra dans la chambre du Rabbi, il posa sa besace et regarda autour de lui. Il considéra d’abord les murs et les rayonnages de livres. Enfin il posa les yeux sur le Rabbi. Son visage ressemblait à l’écorce moussue d’un très vieil arbre. Ses sourcils broussailleux cachaient presque ses yeux. L’étranger l’examinait avec attention, comme s’il cherchait à se rappeler quelque chose.

« Shalom aleichem, dit le Rabbi. Rapprochez-vous. Ma vue n’est pas très bonne. »

L’homme vint plus près et toucha la main du Rabbi.

« Qui êtes-vous ? demanda celui-ci.

— Nahum, répondit l’étranger.

— Qui ? » Le Rabbi se pencha en avant, la main en cornet derrière l’oreille.

« Nahum, répéta l’inconnu. Votre gendre. »

Rabbi Melech recula, frissonnant, dans son fauteuil de cuir. Israël Avigdor courut auprès de lui, mais il se pencha de nouveau vers l’homme et lui parla d’une voix tremblante de peur :

« Je ne vous connais pas ! dit-il.

— Je suis parti, répondit l’étranger, le septième jour du mois de Adar, l’année tav resh lamed aleph, et nous sommes aujourd’hui le douzième jour du mois de Tamouz, tav resh mem vav – cela fait quinze ans.

— Où étiez-vous ? demanda le Rabbi, abasourdi.

— Dans le monde.

— Pourquoi avez-vous fui ?

— Il le fallait.

— Pourquoi avez-vous déserté ma fille ?

— Je le devais. »

Le Rabbi frissonna encore. « Israël Avigdor, donne-moi ma robe de chambre fourrée. »

Le gabbaï apporta le peignoir en velours doublé de mouton, et il aida le Rabbi à se changer. Reb Melech se leva lentement, quittant avec difficulté les profondeurs de son siège. S’appuyant sur Israël Avigdor il s’approcha de l’étranger et le fixa longuement.

« Vous êtes venu pour vous moquer de moi ? demanda-t-il avec colère.

— Non. Je suis venu retrouver ma femme, Sourele.

— Par quels signes pouvez-vous prouver que vous êtes Nahum ?

— Peu avant mon départ – moins d’un an avant – j’ai étudié avec vous le livre Raziel ha Malach1. La page dix-huit était cornée. La marque y est peut-être encore.

— Israël Avigdor, dit le Rabbi, tremblant à nouveau, va chercher le livre Raziel ha Malach. »

Il continua d’examiner l’étranger de la tête aux pieds. Il tendit même les mains et le palpa comme une chose morte. Puis, quand le gabbaï apporta le petit volume, il l’ouvrit d’une main frémissante. Il avait peine à séparer les pages. Il trouva la page dix-huit… elle était cornée. Rabbi Melech se cramponna au livre et tituba. Israël Avigdor le soutint et le reconduisit à son fauteuil.

« Pouvez-vous indiquer d’autres signes à ma fille ? demanda le Rabbi. Des signes que seule une épouse connaît ?

— Oui, répondit l’étranger.

— Israël Avigdor, ordonna le Rabbi, d’une voix qui s’était brusquement raffermie. Amène ici ma fille Sourele. Mais ne lui dis rien. »

Sourele entra, effrayée, les mains croisées sur sa poitrine. Elle portait un châle gris sur la tête. C’était une femme lourde, épaisse. L’étranger se tourna vers elle et la fixa avec détermination. Elle garda les yeux rivés au sol.

« Sourele, dit le Rabbi. Approche-toi de cet homme, regarde-le bien. »

Sourele obéit et regarda l’étranger une fois.

« Tu le connais ? »

La femme sursauta de peur, dévisagea une seconde fois l’inconnu en guenilles et répondit faiblement : « Non.

— Et vous, visiteur, demanda le Rabbi, vous la reconnaissez ?

— Oui, dit l’homme d’une voix sourde, le timbre assuré. C’est Sourele, ma femme. »

Sourele poussa un léger cri. Elle chercha une chaise des yeux, mais avant de pouvoir s’asseoir, elle s’effondra. Israël Avigdor courut à la porte pour appeler les femmes, mais l’inconnu l’arrêta et s’agenouilla auprès de Sourele. Elle n’avait pas perdu conscience. Il lui ordonna de se lever et, lui prenant la main, il l’aida. Sa voix ferme, la chaleur rassurante de sa main lui insufflèrent une énergie nouvelle. L’étranger la conduisit jusqu’à une chaise et lui commanda de s’asseoir.

« Vous vous sentez mieux ? demanda-t-il.

— Oui, répondit-elle, en chuchotant.

— Sourele, dit le Rabbi, cet homme affirme être Nahum, ton mari. Regarde-le attentivement, et dis-nous si tu le reconnais. »

Sourele leva les yeux vers le pâle visage émacié, la barbe noire, les os saillants sous les loques. Elle se troubla. Elle voulut parler et n’y réussit pas. Une rougeur envahit son visage.

« Je ne sais pas, suffoqua-t-elle.

— Il serait difficile de le reconnaître, dit le Rabbi. Quand il est parti, il était jeune, sans barbe. Et maintenant…

— Oui, murmura Sourele. Cela fait quinze ans.

— Étranger, dit le Rabbi. Par quels signes pouvez-vous prouver à ma fille que vous êtes son mari ?

— J’ai jeûné deux jours avant de partir.

— C’est vrai ! dit Sourele très vite.

— Le jour où je suis parti, je n’ai rien voulu manger, même le soir.

— C’est vrai ! »

L’inconnu se tourna vers Sourele.

« Tu as cru que j’étais malade, dit-il simplement, tu as voulu appeler le médecin.

— Oui. Je vous ai dit de vous coucher… » Elle continua de s’adresser à lui sur un ton respectueux, distant.

« J’ai refusé, répondit-il. Je voulais continuer d’étudier. Je suis monté dans mon bureau.

— Et vous n’êtes jamais revenu… », ajouta-t-elle.

Le Rabbi se leva de nouveau. Il s’approcha de Sourele.

« Tu te souviens de tout cela ? demanda-t-il.

— Oui, je me souviens de tout. Je me rappelle même que pour le dîner j’ai préparé… de la bouillie d’avoine et du lait. C’était le jour terrible où la pauvre Malka, que son âme repose en paix, est… est… »

Elle n’acheva pas. Le Rabbi hocha la tête et marmonna dans sa barbe. Sourele reprit son récit.

« J’ai porté un verre de lait et un morceau de gâteau dans la chambre de Nahum, car il n’avait pas mangé de toute la journée. Mais il n’était plus là. Il y avait seulement un livre sur la table.

— Les Psaumes, dit l’inconnu.

— Oui, les Psaumes », répéta Sourele.

Elle réfléchit tristement et poursuivit : « J’ai laissé le verre de lait. Il n’a jamais été touché.

— Sourele ! ordonna le Rabbi. Regarde encore cet homme ! Tu ne dois pas accepter une telle chose à la légère. Regarde-le bien ! Tu le reconnais ? »

Sourele s’avança tout près de l’étranger. Elle fixa ses yeux noirs, elle y vit les routes qu’il avait parcourues, elle regarda la poussière sur ses vêtements.

« Oui, dit-elle soudain, dans un accès de ferveur. Oui ! je le reconnais ! »

Le Rabbi haussa ses énormes sourcils. « Sourele ! Peut-être y a-t-il d’autres signes. N’aie pas honte. Des signes sur son corps… »

Sourele baissa les yeux. Elle se tut.

« Ma fille, continua le Rabbi, tu es une agounah, une épouse abandonnée. Parle !

— Oui. Il a une cicatrice sur le flanc gauche. Il a subi une opération quand il était enfant. » Puis, après une pause pénible, elle ajouta : « Il a deux taches sur le dos, tout près l’une de l’autre.

— Israël Avigdor, ordonna le Rabbi. Emmène l’étranger aux bains rituels, et examine-le. Sourele, tu restes ici. »

Les deux hommes quittèrent la pièce. Sourele, attendant leur retour, aperçut le sac de l’inconnu. Elle le souleva, l’inspecta, et palpa avec des doigts avides son tissu rêche, rapiécé. Puis elle se mit à le caresser lentement, mécaniquement. Ses yeux se remplirent de larmes. Le Rabbi ne prononça pas une syllabe.

Au bout de quelques minutes Israël Avigdor se précipita dans la chambre, suivi de l’étranger.

« Rabbi ! C’est vrai ! Tous les signes sont là. J’ai entièrement examiné Reb Nahum. »

Le visage du gabbaï rayonnait. Le regard de Rabbi Melech s’illumina à son tour. Il se leva et dit d’une voix forte :

« Mazel tov ! »

Puis, avançant vers Sourele, il lui dit calmement : « Rappelle-toi… tu resteras une fille pieuse d’Israël. Je vais dire à Israël Avigdor de chauffer le bain rituel. »

Sourele devint écarlate. Elle ne pouvait quitter le plancher du regard. Elle entendit son père dire au gabbaï de trouver des vêtements neufs pour le voyageur. Elle aurait pu dire que depuis quinze ans elle avait gardé les habits de Nahum, les préservant des mites. S’ils étaient trop petits maintenant, il suffisait de les retoucher. Elle fut incapable de prononcer un seul mot. Elle ne parvint même pas à poser la question qui l’avait hantée toutes ces années :

« Nahum ! Pourquoi ? »

D’une voix sourde elle murmura à l’homme ténébreux :

« Tu veux manger quelque chose ? »

Elle le tutoyait pour la première fois.

1 L’Ange Raziel. (N.d.T.)