Température entre 20 °C et 10 °C ; les fluctuations n’excèdent pas +/- 2 °C sur une période de 24 heures. Une humidité relative (HR) basse doit également être privilégiée, ainsi 17 °C = 30 % HR ; 11 °C = 50 % HR. (Collezione Castiglioni)
Au moins le point d’interrogation du testament avait-il disparu. Gray estima que l’on progressait. Il appela l’ancienne maîtresse narquoise (pas Anna ; Anna avait disparu, comme elle y excellait) afin d’obtenir les références complètes de la publication. Elle lui donna triomphalement le titre : Bilan provisionnel du sous-comité des archivistes de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, 1992-2001. Mon Dieu, dit Gray. Il trouva par lui-même le nom et le numéro de l’auteur, qu’il composa avec un sentiment proche de la terreur. Son interlocuteur, pourtant, fut d’une amabilité irréprochable. Il se souvenait parfaitement de cette parenthèse, bien que la Castiglioni lui fût connue sous un autre nom. Collection Perséphone, l’appelait-on, car elle apparaissait et disparaissait de la surface de la terre. Comme la déesse des Enfers. L’auteur (ne riez pas, prévint-il) tenait ses informations d’un pionnier de l’air conditionné auquel on avait un jour commandé un devis. Lui-même, spécialiste des environnements muséaux, avait plus d’une fois entendu le surnom en réunion de travail : Perséphone (élevée par sa mère, Déméter, dans le secret du soleil sicilien ; enlevée par Hadès, dieu des Enfers ; liée à cette union et au royaume des morts par la consommation de sept grains de grenade – sept ; toutefois rétrocédée six mois l’an à l’amour de sa mère, qui menaçait d’affamer la terre durablement si sa fille ne lui était rendue). Célébrée dans divers cultes infernaux – dont les mystères d’Éleusis. L’initiation à ces derniers assurait une vie après la mort – mort d’ailleurs encourue à la moindre indiscrétion, d’où l’incertitude qui plane, aujourd’hui encore, à propos des rituels.
— À ma connaissance, Perséphone, je veux dire Castiglioni, n’a pas de catalogue, dit le rédacteur. On imagine, ici, la ligne téléphonique brouillée, évidemment ; chargée d’électricité statique. En réalité la communication était d’une clarté irréprochable.
— Ça n’a aucune importance : je sais ce que je cherche, répondit Gray. Il mentait, au moins partiellement.
— Je crois que Perséphone a quelque chose contre l’écrit, conclut l’auteur.
Il pensait, mais peut-être était-ce faux, que la collection était à l’art ce que, traditionnellement, l’Enfer fut aux bibliothèques : le rayonnage des livres interdits, sulfureux et puissants. Quoi qu’il en fût, lui-même ne s’intéressait pas tant à l’art qu’à sa conservation : il était navré de ne pouvoir lui être d’une plus grande aide. Pour être franc, il tenait la plupart de ses données de seconde main. Elles étaient collectées en bonne intelligence par les archivistes et les universitaires.
Une déduction, toutefois, s’imposait : au vu des températures qui y étaient maintenues, la collection Castiglioni était composée – au moins partiellement – de négatifs photographiques, ou de bandes magnétiques, supports instables pour lesquels les températures recommandées varient en fonction des usages – et toujours d’après celles-ci, on pouvait de surcroît conclure, sans hésitation superflue, que la collection était vouée à la conservation plutôt qu’à la diffusion.