Deuxième dimanche dans cette chambre qui me rappelle celle que j’occupais à Moscou au sixième étage d’une tour de RGGU. Bien aérée, fenêtre ouvrant sur le nord, mobilier pas si mal, alors que là-bas, dans cette résidence de l’époque soviétique, pour ce qui est de l’eau, c’était au bout du couloir. Il m’arrivait souvent de devoir descendre jusqu’au troisième pour me doucher ou me raser en raison de l’achalandage. Ici comme là-bas, je peux compter sur un frigo, et Johanna m’a même prêté un poêle à un rond pour mon café. Je ne peux rien demander de plus. Le grand confort, d’autant qu’elle s’occupe gratuitement de ma lessive. C’est comme pour les serviettes, suffit de tout mettre dans le bain et ça me revient le lendemain.
En ce qui a trait à l’écriture, je suis plutôt satisfait de mon rendement, mais Johanna y est pour quelque chose. Sans elle, sans sa complicité, son humour et le regard surtout qu’elle jette sur mon travail, je me demande où j’en serais. Lorsque je relis mon texte pour y apporter des précisions ou des corrections, je me rends bien compte qu’elle est devenue un personnage incontournable. Si je fais abstraction des verbatims ne souffrant aucune correction, je n’écris en fait que notre relation. Ce personnage n’existait pas quand l’idée m’est venue de prendre une pause cet automne pour m’installer dans cette chambre. En lui conférant une telle importance, je fais plus que l’écrire, son personnage, je vis tout ça dans mon corps. Ça demande une certaine rigueur, et c’est la raison pour laquelle cette nuit, avant qu’elle me quitte, j’ai finalement décliné l’offre de participer à leur exercice de scénarisation.
Même si sa démarche ne me laisse pas indifférent, même si je suis fort intéressé et me sens surtout privilégié, je ne tiens pas à m’immiscer dans la gestion de leur entreprise. Aussi, j’ai mon propre texte à produire, et si je veux y arriver d’ici la fin octobre, j’ai besoin de toute mon énergie. Par contre, j’avais quelques minutes plus tôt consenti à jouer un rôle dans cette nouvelle série qu’elles prévoient mettre en boîte jeudi prochain, dans une chambre libre à l’étage plus haut. Elle a eu le temps d’en parler à Julie, et celle-ci trouve l’idée excellente. Je deviens pour elles une valeur ajoutée. Elles y tiennent, et pour faire tomber mes dernières réserves, elle a sorti son argument massue : tu m’as dit que tu tenais à mon chemisier, et je t’ai cru ; ça va peut-être te troubler, mais je veux que ce soit fait par toi et par personne d’autre. Il te suffira de replonger dans ton enfance et de jouer la cruauté. Très excitant, la cruauté, tu vas voir.
Je passerai donc à l’action, et j’ai aimé sa réaction lorsque je lui ai dit que j’acceptais. Un seul regard m’a-t-elle lancé en se levant pour se rhabiller, mais ce regard-là était celui d’une fille comblée. Je ne sais comment je vais le vivre, comment je vais réagir, mais comme ma mère a pu le faire devant moi, je vais bientôt mettre les ciseaux dans sa jupe et son chemisier, et c’est vraiment plus que de la guenille. Je vais jouer mon rôle de découpeur selon leurs désirs. Il faudra travailler de façon chirurgicale, m’appliquer à bien manier le scalpel tout en ayant à l’esprit les fantasmes de leur client de Nagasaki. Nous verrons bien.
Parlons ciseaux. À la fin mai, monsieur Fernand en a raconté une bien bonne à ses auditeurs captifs. Ils semblaient tous ce jour-là en grande forme. Le verbatim ne peut évidemment en rendre compte, mais sur la cassette ça s’entend aux rires étouffés et aux grands éclats. Peut-être était-ce attribuable au temps qu’il faisait alors, une chaleur humide. Je me rappelle très bien que la fin mai a été particulièrement torride. Pour une première fois, je fais suivre cette tirade de monsieur Fernand par une seconde, celle où Jean-Claude raconte une aventure de séduction, mais cette fois-ci, il tient le rôle de chauffeur de minibus. Comme il m’est arrivé de le faire précédemment, je ne me suis pas embarrassé ici de l’ordre chronologique des enregistrements. Licence poétique, ça se lit comme suit.
Cassette 4A-1
Monsieur Fernand
Si vous le voulez bien, et je sens donc que c’est le cas, je vais vous raconter aujourd’hui l’histoire de cette magnifique perruque aux cheveux synthétiques, lustrés et noirs comme le poêle. Pour être plus précis, je vais plutôt vous parler du jour béni où je me la suis installée sur la tête pour la dernière fois. Une histoire de fou, je dirais quasiment un acte manqué, et puis évidemment, vous devez bien vous en douter, ça s’est passé dans mon salon de barbier.
Regardez, je me l’aplatissais comme ça sur le front, mais pas trop bas quand même. Riez pas, c’est pas si drôle que ça ! Et puis tiens, tant qu’à y être, laissez-vous donc aller, c’est vrai que c’est plus drôle qu’autrement, cette affaire-là, pas loin du ridicule. Regarde, Liliane, ça te rappelle pas le vendeur de brosses qui passait par les maisons? Je me souviens plus de son nom, mais c’était tout un homme, monsieur Fuller, et puis une perruque en crins de cheval comme la sienne, ça s’oublie pas. C’était tout un vendeur. Quelque part dans mes caisses, j’ai encore des brosses qu’il m’a vendues vers la fin des années cinquante. Faut dire que c’était les meilleures.
Alors voilà, ma chère Lili de Port-Alfred qui fait encore courir bien des hommes, pour ton prochain tour de parole, et ça ne devrait pas tarder, tu pourras faire comme moi et nous sortir de tes tiroirs une de tes perruques qui faisaient frémir tout le monde en ville. Je vous disais donc qu’avant ce jour de septembre où la tempête est entrée dans mon salon en même temps que deux Polonais déjà saouls à neuf heures du matin, j’aurai porté pendant près de dix ans cette engeance que vous pouvez maintenant admirer. Il faut dire aussi que j’avais mes raisons. C’était bien avant les greffes de cheveux comme on en voit aujourd’hui, et puis dans le temps, la perruque, c’était la seule solution si tu voulais pas avoir l’air d’un pépère à trente-cinq ans. Vous savez, la greffe, c’est une belle invention et ça donne de bons résultats. Ça paraît même pas, sauf que maintenant, c’est plus vraiment de mon âge. Mais imaginez, mettez-vous dans le contexte des années soixante-dix : un barbier de quarante ans avec une tête d’œuf, on n’avait jamais vu ça dans la profession.
Fallait faire quelque chose, et puis vite, sinon je perdais mes clients. Presque chauve à quarante ans quand tout le monde se mettait à porter les cheveux longs, même les curés. Des plans pour faire faillite. Faut pas oublier que j’étais quand même pas le seul barbier en ville, et puis la coiffure, c’est un peu comme la mercerie, faut toujours être plus propre que tout le monde. C’est peut-être différent dans le taxi, mais frais rasé, le col amidonné, la petit boucle parfaite, les pantalons impeccables, les souliers cirés chaque matin, disons que ça faisait partie du métier.
Ma tempête polonaise m’est tombée dessus très précisément en quatre-vingt-un. Je m’en souviens très bien, fin septembre, la veille de mes quarante-neuf ans. Vous savez, une perruque comme ça, c’est comme une paire de souliers ou une belle cravate. Faut savoir ranger ça comme du monde, sinon ça perd sa forme et ça s’use prématurément. Tiens, comme ça sur mon verre, voyez-vous ? Faut pas que les cheveux touchent à la table. Parfait, disons qu’elle est sur sa tête en plastique. J’aurais bien voulu vous l’apporter, ma tête au visage de cire, mais ça me gênait un peu de me promener avec ça dans un sac. Regardez-moi ça : c’est pas mêlant, bien installée comme ça, ça me rappelle des souvenirs. Ce matin-là, donc, comme d’habitude, après avoir pris ma douche, je me rase, je m’habille et en dernier, toujours en dernier, c’est une question de rituel, je prends ma perruque comme ça, avec beaucoup de précaution, et je me l’installe tout bien comme ça devant le miroir. Parce que c’est pas évident, une perruque. Voyez-vous, faut voir si tout est correct, si elle est pas croche, si elle va bien tenir. Ça va comme ça, ma belle Lili, c’est pas trop croche? Arrête de rire, c’est pas drôle. Bon, OK, disons que ce matin-là, j’ai dû mal travailler, mais que voulez-vous, fallait bien que ça m’arrive un jour.
Les gars avaient l’air de bien s’entendre, pourtant. Ils jasaient à voix basse, dans leur langue, parce que je comprenais rien à ce qu’ils disaient. Ils avaient même l’air d’être de grands amis. Un petit rire de temps à autre, quelques mots, mes ciseaux qui coupaient parfaitement, la radio pas trop fort à Radio-Canada, deux autres clients de la base qui attendaient en lisant le journal, le paradis quoi. C’est du monde, ça, mes amis. Je vous dis que ça tournait, dans le temps. C’est pas la première fois que je le voyais dans mon salon, le plus petit des deux. Parce que tu sais, toi, Simon, tu sais bien que certains bateaux reviennent de temps en temps, surtout pour la bauxite. J’avais donc mes réguliers dans la marine marchande, aussi bien chez les hauts gradés que dans la salle des machines.
Je travaillais la coupe de mon client, monsieur Doonan de la 8e Avenue, je m’en rappellerai toujours. Je devais probablement lui parler du temps qu’il faisait, de ses enfants. Avec le grand miroir, j’avais mes deux Polonais dans le champ de vision. C’est la beauté de la chose, dans un salon de barbier, vous savez, le grand miroir. J’en étais donc à la finition, au rasoir, les favoris, derrière l’oreille, le pourtour de la nuque, et puis bang, ça se lève tout d’un coup, cette affaire-là, puis ça se met à se battre juste derrière moi. Je fais un mouvement pour me retourner, et paf ! je te reçois une méchante claque juste ici, en plein sur la tempe. Assommé pour de vrai, je perds la carte puis en tombant, je me pète le genou contre la vanité. Encore par terre, premier réflexe : je cherche mon rasoir, c’est coupant, un rasoir, faut prendre garde, mais bizarre, j’entends plus rien. Silence dans le salon, seulement la radio. Tout le monde debout à me regarder comme si j’étais un Martien, comme si je venais d’une autre planète. Je comprenais plus rien, ça s’était passé tellement vite, puis tout à coup, le plus petit de mes deux Polonais se met à rire. Moi, j’étais encore sonné, je savais plus trop ce qui se passait, mais je voyais bien que tout le monde se retenait. C’est quand ils se sont mis à deux pour m’aider à me relever et à me retenir par les épaules pour que je puisse me voir dans le grand miroir que j’ai tout compris. Exit ma perruque, j’étais maintenant un autre homme, quasiment un clown. J’étais peut-être habillé, mais j’avais l’air de sortir du lit. Il était maintenant nu-tête, votre monsieur Fernand favori, avec sa couronne coupée très court et ses rares cheveux noirs tout collés sur le haut du crâne. Eh ! Mister Fern, like that, you look better than. C’est tout ce qu’il a trouvé à me dire, mon Polonais gêné qui me tapait l’épaule.
Pas de problème pour moi, j’étais quand même habitué de me voir comme ça chaque matin, mais pour les clients, c’était une autre histoire. Ils m’avaient jamais vu autrement. Sauf que là, maintenant, comme ça, encore tout secoué que j’étais devant le miroir, c’est vrai que je lookais pas mal better. Vous me croirez peut-être pas, mais ça m’a fait l’effet d’un coup de jeune, je vous jure. J’avais plus maintenant l’allure d’un acteur de films italiens des années quarante. Ça fait que je prends mon courage à deux mains, je les regarde dans les yeux, un après l’autre, puis je me mets à rire. Pas besoin de vous dire que tout le monde a suivi. Monsieur Doonan s’est penché pour ramasser ma perruque qui traînait de l’autre côté de la chaise, et puis il me l’a quasiment présentée comme une hostie consacrée. Je l’ai attrapée à deux mains pour la fourrer dans le premier tiroir.
Après cette bagarre-là de presque rien, je sais pas, on aurait dit que le salon venait de changer, c’était plus le même salon. Pour tout dire, mes aviateurs de la base se sont mis à parler aux Polonais. Je sais, moi, j’ai toujours su que ces gars-là sont parfaits bilingues, mais là, j’avais jamais vu ça. Ils ont parlé d’une base en Allemagne, dans le coin de Baden-Baden, je comprenais très bien ce qu’ils disaient, et mes Polonais étaient redevenus les meilleurs amis du monde. Ah ! ma perruque, elle était quasiment miraculeuse. Tiens, Jean-Claude, essaie donc ça pour le fun.
Cassette 6A-1
Jean-Claude
C’est de valeur que vous ayez pas apporté votre perruque toute bien peignée d’avance, monsieur Fernand, parce que voyez-vous, je me la serais toute bien installée sur la tête pour vous raconter ma virée de l’automne passé à Saint-Hyacinthe. Quand la femme de la compagnie d’autobus m’a dit la veille au téléphone que j’allais avoir neuf passagères, ce matin-là, je vous dis qu’avant de partir de la maison, je me suis tout bien lissé les cheveux par en arrière avec un peu de gel, comme ça, comme pour aller danser le tango le samedi soir. You know what I mean. Angèle se doutait bien de quelque chose en me voyant faire ma valise, en me voyant me pomponner devant le miroir et me mettre une shot de parfum dans le col de ma chemise que j’avais repassée la veille et sur mon nœud de cravate, mais j’ai pour mon dire que les clients, faut s’organiser pour les faire rêver, surtout quand c’est des clientes.
Bon, je mettrai quand même pas de cravate pour venir prendre une bière à la taverne, mais en me ramenant les cheveux comme ça par en arrière, ça va faire pareil. La veille, comme pour me mettre dans l’atmosphère, la fille avait ajouté que je devais coucher deux nuits à l’hôtel aux frais de la compagnie, parce qu’en plus de se rendre à l’école vétérinaire pour un stage d’une demi-journée, ses clientes voulaient en profiter pour visiter deux ou trois porcheries dans le coin. C’était déjà tout réglé : per diem, feuille de route. Professionnelle comme toujours, cette compagnie-là. C’étaient toutes des femmes de cultivateurs spécialisés dans le poulet puis le cochon, mais laissez-moi vous dire qu’elles étaient pas mal belles et bien habillées. Pas une seule en jeans ou en pantalon. On était en automne, rien que du beau petit coton excitant, des vestons, des jupes et des belles jambes dans mon autobus. Si vous aviez vu l’organisatrice en chef. Ô boy ! Des jambes à passer le reste de sa vie autour d’une table de cuisine à y retrousser la jupe par en arrière.
Avec une cargaison pareille, je vous jure qu’on était loin de Maria Chapdelaine qui savait même pas encore à quinze ans comment on fait des enfants. Tu dois connaître ça, toi, Simon, Maria Chapdelaine. Tu lis tellement de livres, t’en as toujours un sur toi. Tiens, c’est pas celui-là, justement. Montre un peu pour voir. Tropique du Capricorne, je savais pas que tu t’intéressais à des affaires simples comme l’astrologie. Cesse de rire, c’est pas drôle. Tu devrais avoir honte. L’astrologie, on dira ce qu’on voudra, c’est des niaiseries de matante ! En tout cas, moi, Maria Chapdelaine, c’est ma fille qui m’en a parlé. Je vous dis que quand elle a pris le cégep à dix-sept ans, ma belle grande fille rendue à l’université, on pouvait plus lui passer n’importe quoi, sa mère et moi. Quand j’avais le malheur de vouloir la coacher un peu trop sérieux, c’est pas long qu’elle m’envoyait promener en me criant par la tête : Heille, toé-là ! Cesse de me prendre pour Maria Chapdelaine, j’en ai déjà vu, des p’tits gars.
On est parti à six heures du matin d’un dépanneur vingt-quatre heures de Jonquière, sur la 170. Quand je suis arrivé, elles m’attendaient toutes dehors avec leurs petites valises, mais déjà dans le stationnement, j’ai quasiment viré fou en voyant les trois plus belles. Trois jours et deux nuits avec des femmes comme ça. Disons que votre grand Jean-Claude tout bien peigné et parfumé était pas mal fin et délicat en mettant leurs valises dans le porte-bagages. Bon, jusqu’à L’Étape, disons que c’était tranquille. Rien que le son du moteur qui tournait comme un neuf, Radio-Canada pas trop fort, juste pour moi, ça parlait à voix basse, il y en avait même deux ou trois qui avaient l’air de dormir, mais ça, c’est dur à voir, je pourrais pas dire. C’est dans les descentes de Québec que ça s’est mis à bouger et à se promener un peu dans mon vingt passagers. L’organisatrice surtout, elle et ses belles jambes, le stylo dans la bouche et sa feuille de route. En plus d’être super-belle, les cheveux tout bien ramenés comme ça par en arrière avec un genre de ruban, elle avait vraiment l’air intelligente.
Le miroir. C’est comme pour vous, monsieur Fernand. Mon père disait que pour un bon chauffeur d’autobus, c’est dans les miroirs que ça se passe. C’est pas compliqué : faut toujours savoir ce qu’il y a dans tes miroirs. Un coup d’œil toutes les dix secondes pour voir si ça va bien par en arrière, pour voir si ton petit monde est heureux, s’ils sont capables de se lever pour aller à la toilette sans avoir besoin de s’accrocher partout pour pas tomber. Parce que tu sais que c’est un art, Simon, chauffer un autobus, faut les traiter aux petits oignons, s’organiser pour pas leur donner le mal de cœur avec des coups de break de malade puis des coups de volant de gars stressé. Faut que ce soit comme un salon qui roule. Profession : chauffeur, demandez-moi n’importe quoi. C’est mon père qui m’a montré. Quand on était jeune, le soir, pour nous endormir, je sais pas trop, il nous racontait les longues distances qu’il faisait dans sa jeunesse, dans les années quarante. C’était toujours la même histoire, et ça commençait toujours par : Les aventures d’un brave chauffeur d’autobus. Mon père, c’était l’homme de confiance de monsieur Crevier. En quarante-deux, pendant la guerre – imaginez, il parlait même pas anglais –, monsieur Crevier l’a envoyé chercher un autobus flambant neuf à Windsor, en Ontario. Je vous dis que dans le temps, avec les chemins pas d’asphalte, même Québec, c’était pas à côté pour un petit gars de Laterrière.
Ça fait que, quand mon organisatrice en chef s’est penchée pour me parler dans le creux de l’oreille, j’avais déjà préparé mon plus beau sourire. Parce que je l’avais vue venir dans mon miroir, j’avais eu le temps d’admirer sa petite jupe rouge deux pouces au-dessus du genou, le veston qui allait avec et sa blouse de coton juste bien déboutonnée. Blanche, sa blouse, et puis vraiment bien faite. Je vous dirai plus tard ce qui lui est arrivé, à sa blouse, mais pas tout de suite. Il était autour de huit heures et quart, huit heures et demie, elles avaient faim. L’organisatrice voulait savoir si je connaissais un restaurant à Québec pour aller déjeuner. Je me suis direct transformé en guide touristique. Oui ma chère dame, j’ai dit en gardant l’œil sur la route, la rue Saint-Jean, le Vieux-Québec, ça ferait votre affaire? Sûr de mon effet, je l’ai regardée. Si vous lui aviez vu les yeux, le sourire. On aurait dit que je venais de lui offrir le Château Frontenac. En se retournant, elle a mis sa main sur mon épaule – j’étais comme qui dirait son homme, pas touche au chauffeur, les filles, j’avais rien contre –, puis toute fière, comme une vraie maîtresse d’école, elle leur a annoncé la bonne nouvelle : Hé, les filles, on va déjeuner sur la rue Saint-Jean.
Une main sur mon épaule, des jambes à portée de jupe, j’étais aux anges en l’écoutant expliquer à ses filles l’horaire de la journée, comme ça, jusqu’à la table qu’elle avait réservée à sept heures pour souper au restaurant de l’hôtel. En lâchant un peu le bras de vitesse, j’aurais pu la relever comme ça, sa petite jupe toute bien serrée sur ses bas. Ô boy, je pensais juste à ça : lui remonter la main dans l’entrejambe jusqu’au tout-chaud qui mouille les culottes. Je suis sûr qu’elle aurait aimé ça. Mine de rien, je m’organisais pour lui frôler la jupe. Ça me faisait plaisir, puis elle, elle disait rien. T’en fais pas pour ça, Simon, fais-moi confiance : se faire pogner le cul sur l’autoroute, il y a pas une femme pour résister à ça, à moins de s’appeler mère Theresa ou de porter un col roulé serré comme un collier de chien. Parce que moi, je sais pas, mais une femme en col roulé, je me suis toujours méfié. C’est comme si elle venait te dire en pleine face : essaie de me toucher pour voir.
En tout cas, la mienne, je veux dire mon organisatrice en chef à bord de mon vingt passagers qui roulait comme un neuf, elle avait un collier de perles. Le collet de sa blouse était tout bien arrangé sur son veston – je trouve que c’est pas mal plus beau pour une femme que pour un homme –, puis ses grandes explications à plus finir sur le déroulement de la journée, c’était rien que pour coller son chauffeur qui sentait bon, c’est certain.
Ah ! mes amis, les arbres étaient rouge sang comme sa petite jupe, la tour du Concorde et du restaurant tournant dans le viseur, la basse-ville, la haute-ville, le Château Frontenac. Je vous jure que ça fait du bien, arriver en ville. Je me voyais déjà au Café Tatum, bien entouré de mon petit harem agricole. Méchant trafic, c’était l’heure de pointe, mais je vous dis que la route était belle. Dire que par en avant, par en arrière, sur trois de large et même sur l’accotement, ça se battait pour aller travailler. On est entré chez Tatum vers neuf heures, et puis là, mes amis, il était pas question que j’aille m’asseoir tout seul à ma table pour lire le Journal de Québec, comme je fais toujours sur les longues distances. Parce que les clients, vous savez, faut les laisser tranquilles, faut leur laisser vivre leur trip, comme dirait ma grande fille qui parle déjà comme sa fonctionnaire de mère.
Non monsieur ! Madame voulait absolument avoir son chauffeur devant elle, ou mieux, à côté d’elle. C’est pas compliqué : j’étais tombé sur la crème des clientes. On peut comprendre, loin de la porcherie ou du poulailler, elles étaient en vacances de poulets, de cochons, d’enfants, de mari. Eh! enfants de Marie; pas pire, hein, monsieur Fernand. Enfants de Marie ! En tout cas, quand le serveur est arrivé avec ses menus, la plus petite et la moins gênée nous a envoyé direct comme ça que la belle Françoise de Bégin avait trouvé son homme. Moi, en regardant la Françoise de Bégin en question assise devant moi, j’ai ajouté qu’elle serait pas trop mal pris avec moi, parce qu’un chauffeur d’autobus, ça peut vous mener une femme au bout du monde et même au paradis. C’était parti, mes bons amis, on était en voiture. Hé, Lili, veux-tu savoir ce qu’on a mangé? Non?
C’est bien de valeur, parce que c’était bon. Elles voulaient toutes revenir avec leur mari. Je te regarde, Lili. Avec les yeux que tu me fais, ça se pourrait-y que, par hasard. Non mais, ça se pourrait-y, messieurs, ça se pourrait-y que notre Lili de Port-Alfred soit plus intéressée par ce qui est arrivé à la blouse de mon organisatrice en chef que par mon repas payé par la compagnie ? Tu voudrais bien que je te raconte une autre histoire de petit trou dans une camisole, mais en plus corsé, tu voudrais bien savoir. C’est ça. Et toi aussi. Nos petits amis, n’est-ce pas monsieur Fernand, sont pervers longtemps. Même chose pour tout le monde, Jean-Guy, mets ça sur mon compte.
Bon, pour faire une histoire courte, à Saint-Hyacinthe, après être passé par l’hôtel et le centre d’achats pour une autre petite bouffe rapide, on est arrivé à l’école vétérinaire à une heure moins dix. Dix minutes en avance. Je vous dis que c’était beau de les voir dans le hall d’entrée, on aurait dit des journalistes. J’étais pas mal fier de mes filles de rang. Pendant qu’elles suivaient leur formation – c’est sérieux, ces affaires-là –, j’ai eu tout mon temps pour lire le journal, faire un mot caché et piquer un petit somme dans l’autobus. Pas besoin de vous dire que j’étais en grande forme quand je suis allé les cueillir à l’entrée principale à quatre heures moins une. Direct à l’hôtel.
Une bière, ça pressait pour ma belle Françoise de Bégin et deux ou trois autres. Les plus straight, une douche au plus sacrant et un somme avant d’aller souper. Pas de problème, mesdames. Simon, pèse sur le piton, ça m’énerve, c’est dur pour les oreilles. Bon, si vous voulez, je peux continuer mon histoire sans. Mais si vous vous mettez à parler et à dire des niaiseries, par exemple, j’arrête net. C’est-y correct? OK.
Je me suis retrouvé dans sa chambre, ç’a pas été long. J’imagine que les filles s’étaient déjà donné le mot dans l’après-midi pour pas trop étirer leur bière. Moi, j’avais rien contre. C’était une question de minutes avant que je me la fasse, leur belle Françoise de Bégin. Avant de monter dans leur chambre, elles ont parlé un peu de ce qu’elles allaient faire le lendemain, m’ont posé deux ou trois questions sur le kilométrage et les villages du coin. Pas de problème. Demandez-moi n’importe quoi, mesdames, Vancouver BC, si vous voulez, j’ai la carte de l’Amérique dans la tête, et plus encore. Je me voyais en train de m’occuper professionnellement de leur Françoise, en train de lui ramener son beau petit ruban fleuri par en arrière, bien installés tous les deux devant le miroir de la commode. Merci, Jean-Guy.
Santé ! et bien-être social. Ah ! mes amis, un ruban comme ça dans les cheveux, une belle blouse blanche qui bouge tout le temps et qui arrête pas de lui caresser les seins, des petits boutons croquants qui s’allument chaque fois qu’elle lève son verre, le collier de perles tout chaud à la base du cou, ça me fait mourir, et la belle Françoise le savait très bien. C’est pas mêlant, rien que vous raconter ça, je bande. C’est puissant, une femme, quand ça veut se taper un bel homme comme moi, n’est-ce pas Lili ? Ça sait ce que ça fait, une femme dans le besoin. Dans l’ascenseur, pour vérifier son degré de chaleur, juste pour voir si elle était prête, je l’ai plaquée au mur en lui prenant les lèvres et en lui remontant la jupe. Ô boy ! Parfaite, juteuse mais pas trop, avec un petit goût de revenez-y ; une McIntosh prête à croquer.
Dans sa chambre, la première chose qu’elle me dit, c’est qu’elle voulait prendre sa douche. Elle envoie promener son veston, mais quand elle se met à déboutonner sa blouse, je lui dis : Holà, il en est pas question, trop belle comme ça. Viens par ici, la douche, on fera ça après. Moi, j’ai toujours eu pour mon dire que prendre une femme habillée pour aller travailler, y a rien de mieux. Elle se sent bandante, comme dans un film avec Richard Gere, ça veut plus s’arrêter.
Ça fait qu’on était pogné entre le lit et la commode. Comme elle savait plus trop quoi faire, je l’ai prise par les épaules pour l’entraîner devant le miroir. En m’installant derrière elle pour se voir comme sur une photo, je lui ai dit en mettant la main sur son collier : Regarde comme t’es belle. Ç’a pas été long qu’elle s’est cramponnée et j’ai pu m’installer. Ah, les amis ! Je lui tenais le front et le ruban d’une main pour qu’elle puisse se voir jouir, et de l’autre, je caressais son petit ventre et je lui remontais le soutien-gorge sous la blouse quasiment jusqu’au collier. C’était de toute beauté de voir s’allumer et s’éteindre ses petits boutons dans le miroir. Plus je lui mordais le collet, plus elle jouait de la croupe. Fais-toi-z-en pas, Simon, avec un batteur comme moi entre les reins, la belle Françoise de Bégin était en voiture et elle en a profité. La samba au ralenti devant le miroir quand la fille se tord de plaisir, ce sera toujours ma préférée.
Voilà, c’était l’histoire de mon arrivée à Saint-Hyacinthe. Quoi, tu veux savoir, Lili ? OK, j’ai bien essayé de partir avec le col, mais vous savez, sa petite blouse était vraiment bien faite. Tout ce que j’ai réussi à faire, c’est de le mouiller en essayant de l’arracher avec mes dents. Je vous dirai une autre fois comment j’ai réussi à l’avoir, parce que je l’ai eu, parole de Jean-Claude expert en petits trous et grosses déchirures, mais là, je me sens un peu fatigué. Terminé. Maintenant, vous pouvez parler autant que vous voulez, je vous redonne la parole. Je sais pas combien de temps j’ai fait, autour de vingt minutes, c’est sûr. Probablement mon record à vie. Voyez-vous, quand le gars est intéressant, pas besoin de chrono pour avoir la paix.