Chapitre 8

Seule Chantal manque à l’appel au souper organisé par Irma et Marie-Paule. Elle n’obtiendra son congé de l’hôpital que dans deux jours. Elle a mis vingt-deux heures et demie pour accoucher d’un beau garçon de sept livres et deux onces. Elle a souffert le martyre, à tel point qu’à un moment donné, si on lui avait donné le choix entre vivre ou mourir, elle aurait volontiers choisi la deuxième option. Chantal a avoué à Sylvie que jamais elle n’aurait pensé qu’accoucher était aussi difficile. La nouvelle maman a aussi annoncé que sa famille était complète. Sylvie s’est contentée de sourire ; elle avait prétendu la même chose après chacun de ses accouchements. Chantal réagira comme toutes les femmes : elle oubliera vite l’intensité des douleurs.

Il s’en est fallu de peu que le médecin l’oblige à subir une césarienne, mais Chantal a accouché naturellement, comme elle le souhaitait. Elle avait raison : son bébé était rendu à terme, et suffisamment vigoureux. Mais le pauvre enfant a dû subir toute une batterie de tests avant que sa mère puisse enfin le serrer dans ses bras. D’ailleurs, Chantal se demande comment des femmes peuvent réussir à mettre au monde un bébé de 12 livres. Elle, elle ne pourrait pas.

Évidemment, c’est le plus beau bébé du monde, non seulement pour les parents qui en sont fous depuis la seconde où ils lui ont vu le visage, mais pour chacune des deux familles. Quant à Xavier, il flotte sur un nuage. Le lendemain de la naissance de son fils, il avait les larmes aux yeux seulement à parler du petit à Sylvie. Une fois de plus, elle a songé que sa sœur avait vraiment de la chance de l’avoir pour mari.

Personne ne sait encore qui sera le parrain ni la marraine de Félix. Chantal choisirait Paul-Eugène comme parrain et Sylvie comme marraine, mais Xavier aimerait bien que ces titres reviennent à sa sœur cadette et au mari de celle-ci. Ils décideront aussitôt que Chantal rentrera à la maison. Étant donné que c’est le premier bébé dans la famille de Xavier, Chantal pense sérieusement à lui laisser le choix. Chez les Pelletier, les enfants sont suffisamment nombreux pour que tout le monde ait eu la chance d’être parrain ou marraine au moins une fois.

Avant de passer à table, tante Irma offre un verre de Baby Duck à ses invitées.

— Je ne sais pas si vous avez déjà eu la chance de goûter cette boisson, déclare Irma en faisant sauter le bouchon de la bouteille. Il paraît que c’est très bon et de plus en plus populaire aussi.

Aussitôt qu’Irma a rempli toutes les coupes, elle porte un toast.

— À nous ! s’exclame-t-elle joyeusement.

Ses compagnes répètent en chœur. La seconde d’après, toutes trempent les lèvres dans le vin rouge pétillant à souhait. Les commentaires sont unanimes : le Baby Duck fera désormais partie des fêtes de famille. Toutes se délectent du nectar gorgé de bulles qui coule doucement dans leur gorge. En deux temps, trois mouvements, les verres sont vides. Cela encourage Irma à ouvrir une autre bouteille.

— Hé ! Hé ! s’écrie Sylvie en voyant faire sa tante. J’espère que vous n’avez pas l’intention de nous soûler ?

— Ça prend bien une femme pour se préoccuper de ça ! réplique Irma d’un ton taquin. Nous aussi, on a le droit de boire !

— Tu as raison, approuve Marie-Paule. Plus je vieillis, plus je pense que les femmes sont trop raisonnables, à tout le moins les femmes de ma génération. Elles sont soumises, et la plupart d’entre elles n’ont jamais voix au chapitre. Il se cache peut-être une grande femme derrière chaque homme, mais pour la voir il faut d’abord convaincre celui-ci de se tasser. C’est loin d’être gagné d’avance. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. J’ai été l’une d’elles pendant la plus grande partie de ma vie. Aujourd’hui, je me demande comment j’ai pu être aussi effacée.

Parfois, Marie-Paule s’interroge : combien de temps aurait-elle encore pu continuer la vie qu’elle menait aux côtés d’Adrien ? Elle n’aurait jamais trouvé le courage de partir avant qu’il meure. Même si elle étouffait chaque jour un peu plus. Même si elle mourait d’envie de faire plusieurs choses qui n’avaient aucun intérêt pour Adrien. Même s’il était de plus en plus difficile pour elle de trouver la force de rester. Le jour de son mariage, sa mère lui avait dit qu’elle se mariait pour le meilleur et pour le pire et qu’elle devrait faire avec.

— En tout cas, je me suis toujours demandé comment vous faisiez, signale Sonia à l’adresse de sa grand-mère. Grand-papa contrôlait votre vie. Je ne veux pas être impolie, mais vous aviez l’air d’un petit chien battu à ses côtés. Moi, jamais un homme ne m’empêchera d’aller où je veux et quand je veux car je considère que j’ai les mêmes droits que lui. Une chose est certaine : jamais je ne deviendrai « la femme de ». Je suis une personne à part entière et j’ai bien l’intention de le rester. Et il est hors de question que je prenne le nom de mon conjoint si je me marie un jour.

— Je ne suis pas d’accord avec toi sur toute la ligne, intervient Shirley. Le fait que la femme soit plus libre est loin de ne comporter que des avantages. Avant, les femmes travaillaient fort mais elles étaient maîtres de leur emploi du temps – ce qui est loin d’être mon cas, par exemple. Moi, que ça me tente ou non, je dois aller travailler le matin à l’heure prévue. L’hôpital est sans pitié. Ou je suis là à l’heure, ou je retourne dans ma cuisine. Et quand je rentre le soir, je me dépêche d’accomplir toutes les tâches que je n’ai pu faire pendant la journée parce qu’à part quelques exceptions, les hommes ont la fâcheuse habitude de s’ouvrir une bière quand ils reviennent du travail plutôt que de donner un coup de main pour préparer le souper ou d’aider les enfants à faire leurs devoirs. Franchement, avec tout le respect que j’ai pour vous, Marie-Paule, je considère que les femmes de ma génération qui travaillent à l’extérieur à plein temps comme moi triment encore plus dur que vous.

— C’est vrai ce que tu dis, Shirley, appuie Sylvie. Sous prétexte de se libérer, les femmes ont doublé leur charge de travail.

— Peut-être, dit Sonia. Mais jamais je n’accepterai de mener la vie que grand-maman a menée – ni même la tienne, maman. Franchement, retournerais-tu en arrière ne serait-ce qu’une minute ?

Les paroles de Sonia secouent Sylvie, mais elle n’a nul besoin de réfléchir avant de répondre.

— Non ! s’exclame-t-elle d’un ton ferme. Malgré tout ce que ça exige d’organisation et d’efforts, rien ne pourrait me faire revenir à mon ancienne vie. Je l’ai aimée tant et aussi longtemps que j’étais dedans, mais maintenant que je connais autre chose, il faudrait me payer très cher pour que j’accepte seulement de penser y retourner. Avant, j’existais uniquement pour les autres. Mon mari et mes enfants étaient ma seule raison de vivre. Ils sont toujours aussi précieux à mes yeux, sauf que maintenant j’existe aussi pour moi. Et je pense que tout le monde en profite. Non seulement je suis plus heureuse, mais j’imagine que, vu que je suis moins souvent à la maison, je dois moins taper sur les nerfs de tout le monde.

La dernière phrase de Sylvie suscite un rire collectif.

— Moi, je ne regrette pas du tout ma vie d’avant, avoue Éliane. Depuis que je travaille à l’extérieur, je suis contente de me lever le matin, car j’ai l’impression d’être utile. Et je suis plus heureuse aussi !

— Et moi, je vous envie toutes sans exception, laisse tomber Denise d’un ton sérieux.

Tous les regards se tournent vers elle. Quelques secondes plus tard, cette dernière reprend timidement la parole.

— La vie que je mène n’a rien à voir avec celle que je souhaitais. Je ne l’ai jamais dit à personne, pas même à mon mari, mais le jour où Gérald s’est fait frapper j’étais allée à la commission scolaire pour savoir quel cours je devrais suivre pour devenir secrétaire. Avec ce qui est arrivé, j’ai enterré mon rêve au plus profond de moi et j’ai tout fait pour l’oublier. Chaque matin en ouvrant les yeux, je prie Dieu pour trouver la force de passer à travers une autre journée et pour qu’il n’arrive rien à Gérald.

— Mais il n’est sûrement pas trop tard pour réaliser votre rêve ! s’écrie Isabelle. Si vous étudiez le jour, vous reviendrez de l’école en même temps que Gérald. C’est ce que je fais ; ça me demande plus d’organisation que si je n’avais pas mon fils, mais j’y arrive.

Alors que Shirley se prépare à sermonner sa fille, les pleurs du petit Jérôme se font entendre. Isabelle va aussitôt chercher le petit. Dès qu’elle le voit, Sylvie ne peut s’empêcher de lui tendre les bras. La seconde d’après, Jérôme se colle contre elle.

Aucun détail de la scène n’échappe à Shirley. En quelques instants, elle passe par toutes les émotions. Elle est d’abord verte de jalousie. « C’est moi que Jérôme devrait coller comme ça, pas Sylvie. C’est moi qui suis sa grand-mère, pas elle. » Elle repasse ensuite le nombre de fois qu’elle a vu le petit depuis sa naissance. « En neuf mois, c’est beau si je l’ai vu neuf fois. Je ne peux pas en vouloir à Jérôme, il voit Sylvie bien plus souvent que moi. » Mue par elle ne sait quelle force, Shirley va s’asseoir en petit bonhomme devant Sylvie. Elle sourit à son petit-fils. C’est comme si elle le voyait pour la première fois. Des larmes coulent maintenant sur ses joues, mais elle ne fait rien pour les essuyer. Plus personne ne parle. Toutes ont les yeux rivés sur la scène qui se déroule devant elles. Pour sa part, Shirley ne voit rien d’autre que Jérôme. Elle n’entend que ses gazouillis. Une envie irrésistible de prendre l’enfant monte en elle. Shirley se rapproche un peu. À sa grande surprise, le petit garçon se jette dans ses bras. Elle le serre contre elle pendant que les larmes continuent à couler doucement sur ses joues.

Isabelle sourit. Il y avait si longtemps qu’elle attendait ce moment qu’elle avait cessé d’y croire. L’entêtement de sa mère lui causait beaucoup de chagrin, mais c’est pour son fils qu’elle s’inquiétait le plus. Cela lui faisait mal de s’imaginer que sa grand-mère le traiterait plus tard comme un moins-que-rien alors qu’il n’avait rien à voir dans tout ça. Elle voudrait aller les rejoindre, mais elle a peur de briser le charme.

Finalement, Shirley lui fait signe de s’approcher. Aussitôt qu’Isabelle est près d’elle, elle lui dit à l’oreille : « Je suis désolée d’avoir été aussi méchante avec toi. » Il y a des moments où même les mots les plus savants n’arrivent pas à exprimer ce qu’on ressent. Il y a des moments où le langage du corps suffit. Les yeux remplis de larmes, Isabelle prend sa mère par le cou et l’embrasse doucement sur la joue.

Étouffé entre sa mère et sa grand-mère, Jérôme met vite fin à ces épanchements. Il se met à pleurer si fort que tout le monde sort brusquement de sa léthargie.

— Vous ne trouvez pas que ça sent bizarre ? demande Irma.

— Je pense que Jérôme en a profité pour faire un cadeau à sa grand-mère ! plaisante Sylvie. On va voir si tu te souviens comment changer une couche, Shirley.

— Ne t’en fais pas pour moi, répond joyeusement Shirley. C’est le genre de choses qui ne s’oublie pas. Je reviens dans une minute.

— Pendant ce temps, je vais servir la tourtière, annonce Irma.

— Je vais t’aider, propose Marie-Paule.

La tourtière est tellement bonne que personne ne peut résister à une deuxième portion.

— Je ne sais pas ce que vous avez mis dedans, s’écrie Sylvie entre deux bouchées, mais elle est encore meilleure que d’habitude. J’ai beau suivre votre recette à la lettre, je n’arrive jamais à ce résultat.

— Tu es trop sévère avec toi, dit Marie-Paule.

— Maman a raison, déclare Sonia. Sa tourtière est bonne, mais pas autant que la vôtre. J’aimerais bien que vous m’appreniez cette recette.

— Moi aussi ! renchérit Isabelle.

— Avec plaisir. Vous n’aurez qu’à me faire signe quand cela vous conviendra. René ne se fait jamais prier pour manger de la tourtière.

— Moi, c’est la première fois que j’en mange et j’adore ça, indique Denise. Croyez-vous que je pourrais me joindre aux filles ?

— Mais oui ! Si vous ne tardez pas trop, on pourra même ajouter un peu d’orignal à la tourtière. J’en ai justement reçu en cadeau hier.

Finalement, à l’exception de Sylvie, toutes seront là, ce qui fait très plaisir à Marie-Paule. Elle adore cuisiner, mais puisqu’ils ne sont que deux à la maison, elle doit se restreindre. Toutefois, elle est incapable de s’en tenir à une petite tourtière. Elle croit que sa tourtière est meilleure quand elle est plus volumineuse. René riait chaque fois qu’elle disait ça, alors elle lui en a fait la démonstration. Il a bien été obligé de lui donner raison. Non seulement il y a trop de pâte dans une petite tourtière, mais les saveurs n’arrivent pas à se déployer autant que dans une plus grande. Marie-Paule procède à tout un rituel quand elle prépare une tourtière du Saguenay. D’abord, elle coupe la viande en petits cubes et l’assaisonne. Quand elle vivait à Jonquière, elle l’achetait toute prête, mais ici elle doit accomplir cette étape elle-même. La viande marine dans du bouillon de bœuf ou de légumes pendant toute une nuit. Ensuite, celle-ci est mélangée avec les patates en petits cubes et l’oignon, puis Marie-Paule dépose la préparation dans une casserole tapissée de pâte. Elle verse le bouillon sur le tout, rabat la pâte au milieu, trace quelques petites entailles sur le dessus et met le couvercle. Mais le secret, c’est qu’elle fait toujours cuire la tourtière la veille du jour où elle veut la servir. Une tourtière est toujours meilleure réchauffée. Et puis, il n’y a rien de mieux que de se réveiller avec l’odeur d’une tourtière qui a cuit toute la nuit.

Irma met l’eau à bouillir pour le café. Elle sort ensuite un plateau du réfrigérateur.

— J’espère que vous ne m’en voudrez pas. Comme je suis moins vaillante que Marie-Paule, j’ai acheté le dessert.

Différentes pâtisseries trônent sur le plateau. Aussitôt que Sylvie aperçoit les millefeuilles, elle se hâte d’en réserver un. Cela fait rire tout le monde.

— Je devrais peut-être attendre d’y goûter avant de parler, dit Sylvie, mais ces millefeuilles ne battront probablement pas ceux de la femme de mon père. J’ai mangé beaucoup de millefeuilles dans ma vie, mais ceux de Suzanne sont tout simplement exquis. Je me souviens encore de l’énorme millefeuille qu’elle nous a servi après un spectacle. J’en ai l’eau à la bouche chaque fois que j’y pense.

Cette réflexion concernant Suzanne et ses millefeuilles rappelle à Sylvie qu’il y a un bon moment qu’elle n’a pas rendu visite à son père. Certes, elle lui parle au moins une fois par semaine au téléphone, mais c’est bien différent que de le voir en chair et en os. Depuis le temps que son père vit à L’Avenir, Sylvie a fini par se faire à l’idée qu’il ne viendrait plus la surprendre en plein cœur de journée. De toute façon, la plupart du temps, elle ne serait même pas là pour le recevoir. Mais son père lui manque toujours autant. Quand il habitait sur l’île, elle avait l’impression qu’il était tout près alors que, dans les faits, il n’en était rien. Toutefois, ça la rassurait de savoir qu’elle pouvait sonner chez lui lorsque l’envie lui en prenait. Michel a beau lui répéter que le trajet est à peine un peu plus long qu’avant, Sylvie continue de croire que son père vit désormais très loin de Longueuil.

— Parlant de spectacle, j’aimerais bien savoir ce qui se passe avec ta carrière de soliste, s’informe Marie-Paule.

— Pour le moment, je travaille fort pour apprendre le métier. Je vous jure que ça n’a rien à voir avec les répétitions de l’ensemble lyrique dont je fais toujours partie. Il y a des jours où je me demande sérieusement si je vais y arriver. C’est fou tout ce que je dois savoir.

— Oui, mais tu vas bien finir par donner des spectacles, commente Irma. Tu ne fais sûrement pas tout ça pour rien.

— C’est certain, mais Xavier m’a dit que ma formation durerait au moins jusqu’au printemps. Cependant, toute cette partie repose entre ses mains. Moi, je me contente de chanter.

— Il faut vraiment que tu aimes ça, dit Éliane.

— Tu ne peux pas t’imaginer à quel point j’aime ça ! D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être chanteuse d’opéra. J’ai l’impression d’être en plein rêve. À cinquante-deux ans, j’ai enfin l’occasion de faire ce que j’ai toujours désiré. Franchement, je suis privilégiée. Et avoir Xavier comme professeur, c’est un cadeau du ciel. Cet homme-là connaît son métier comme le fond de sa poche et il est très respecté dans le milieu. Vous pouvez me croire, j’ai beaucoup de chance de l’avoir.

Il est dix heures lorsque Sonia et Isabelle se retrouvent seules à discuter dans le salon d’Irma. Même si elles ont des cours le lendemain matin, il n’était pas question qu’elles se quittent sans se dire quelques mots sur leurs amoureux du moment.

— Vraiment, je n’ai jamais été aussi bien avec quelqu’un qu’avec Jacques ! s’exclame Sonia.

— C’est pareil pour moi avec Christian. C’est presque trop beau pour être vrai. Je n’arrive pas à lui trouver un seul défaut. Il est gentil avec moi. Il comprend qu’on ne puisse pas se voir chaque fois qu’on en a envie. Cela ne semble même pas le déranger que j’aie un bébé. Il m’a même dit qu’il adorait les enfants. Sérieusement, je n’aurais pu mieux tomber. Christian est un homme en or.

Après une brève pause, Isabelle reprend sur un ton de confidence :

— Et il fait l’amour comme un dieu !

— Jacques aussi ! Avec lui, j’ai l’impression d’être une femme, pas une adolescente.

— Ouais ! En tout cas, j’ai bien l’intention d’en profiter le temps que ça va durer.

— Mais pourquoi parles-tu ainsi ? On dirait que tu ne veux pas que ça marche !

— J’essaie de me protéger. Christian est exactement le genre d’homme dont je tomberais facilement amoureuse. Comme je n’ai plus envie de souffrir, je garde mes distances un peu.

— Si ma tante Chantal était là, elle te dirait que quelques heures de bonheur valent la peine de courir le risque de souffrir un peu. Selon elle, il faut toujours aimer comme si c’était la première fois parce que, sinon, on est condamné à avoir mal le reste de nos jours.

— Facile à dire mais pas à faire, en tout cas pas pour moi. Je te rappelle que la dernière fois que je suis tombée en amour, je me suis retrouvée enceinte.

— Et après ? Personne ne t’oblige à retomber dans le même panneau. Et puis, tous les hommes ne sont pas comme ton Hubert.

Sonia regarde sa montre.

— Bon, il faut que j’y aille. J’ai un cours demain matin à huit heures. On se revoit en fin de semaine.