Chapitre 15

Sonia vient de sortir du cabinet du médecin. En s’approchant de son auto, elle remarque qu’il y a quelque chose sur le capot, du côté du conducteur. Elle croit d’abord que quelqu’un lui a fait cadeau d’un bloc de neige. « Franchement, il y en a qui ont du temps à perdre. » La jeune femme se trouve maintenant à quelques pas de sa voiture. Elle constate alors que la masse blanche qui trône devant l’essuie-glace n’a absolument rien à voir avec la neige : il s’agit d’un ours blanc en peluche avec une boule de papier dans la bouche. Sonia sourit.

Le mot contient le message suivant :

Je pense très fort à toi.

Bonne soirée !

Simon

XXX

Sonia ne connaît aucun Simon. « Il s’est sûrement trompé de fille. » Elle prend l’ours dans ses bras et le tourne de tous les côtés, comme si le fait de l’examiner sous toutes ses coutures lui donnerait des indices sur l’expéditeur. Elle ne voit rien de spécial outre le fait qu’il est clair que le toutou ne vient pas de chez Zellers. Son poil est si doux qu’il donne envie de s’y enfouir le visage. Xavier offre ce genre de peluche à son fils, mais les enfants Pelletier recevaient des toutous au poil plus rude quand ils étaient petits. Sonia regarde attentivement autour d’elle. Le Simon en question est peut-être caché derrière son volant et il la surveille. Ou encore, il habite tout près et l’observe à distance. Peut-être surgira-t-il de nulle part et qu’il viendra se présenter à elle. Non seulement elle ne voit rien, mais il ne se produit rien non plus. La jeune fille fixe l’ours dans les yeux. Elle ne peut pas l’abandonner sur place ; ce serait un manque de respect à ce Simon qui a pris la peine d’aller l’acheter et de le laisser sur le capot de l’auto. Mais elle ne peut pas le garder parce qu’il est clair que l’objet ne lui est pas destiné. Sinon, elle aurait au moins une idée de l’identité de l’expéditeur. Sonia tient l’ours à bout de bras en s’interrogeant sur ce qu’elle doit faire. Elle observe attentivement les lieux une deuxième fois. Comme elle ne voit personne, elle décide d’emporter l’ours. La jeune femme l’installe sur le siège arrière et prend même la peine de remettre le mot dans sa bouche. Elle s’assoit ensuite derrière le volant et sourit. « J’aimerais bien savoir qui est ce Simon. »

Sonia s’arrête à la pharmacie avant de rentrer à la maison. Elle a dû beaucoup insister pour que le médecin accepte de lui prescrire une nouvelle pilule anticonceptionnelle.

— Écoutez, a dit le médecin, ça ne fait pas assez longtemps que vous avez arrêté la pilule. Il faut vous donner encore un peu de temps.

Il n’a cédé que lorsque Sonia lui a parlé de son avortement.

— Je vais vous en prescrire une nouvelle, mais seulement pour deux mois. Et je veux vous revoir avant que vous n’en ayez plus, a insisté le médecin. On décidera à ce moment-là si vous pouvez continuer à la prendre ou si je vous en prescris une autre sorte. Si quelque chose d’anormal se produit, je veux que vous m’appeliez tout de suite. Vous m’avez bien compris ?

— Oui, docteur, a répondu Sonia. Je vous remercie.

Cette dernière n’a toujours rien raconté à Jacques. Elle s’est contentée de refuser ses avances, prétextant chaque fois qu’elle devait rentrer chez elle pour faire ses travaux. Bien que Jacques se soit fait insistant, elle est restée sur ses positions. Hier, il lui a dit qu’ils devaient se parler. Pour le moment, Sonia ignore ce qu’elle fera. Elle ne souhaite pas quitter Jacques, elle tient quand même à lui, mais elle a trop peur de retomber enceinte s’ils utilisent des préservatifs. Quant à lui parler de l’avortement, il n’en est pas question. Ni maintenant, ni plus tard. Sonia ne veut jamais revivre une telle expérience à cause de la culpabilité et de la peine, aussi immense qu’un trou sans fond, qu’elle ressent. Ce serait au-dessus de ses forces. Pour l’instant, la seule issue qu’elle entrevoit, c’est de mettre fin à sa relation avec Jacques et de se tenir tranquille le temps que la nouvelle pilule fasse effet. Elle ne pourra plus jamais faire totalement confiance au condom – et pas même à la pilule, à bien y penser. Isabelle le lui a répété assez souvent : « Aucun moyen de contraception n’est sûr à 100 %. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les statistiques. » Sonia connaît une fille qui ne s’est jamais protégée et qui n’est pourtant jamais tombée enceinte. Mais Isabelle et elle-même n’ont pas eu cette chance. C’est curieux quand même : alors que le destin avait toujours souri à Sonia, les derniers événements ont ébranlé sa confiance en la vie à jamais.

Lorsque la jeune femme rentre à la maison, tout le monde est couché. Sonia marche sur la pointe des pieds. Alors qu’elle va ouvrir la porte de sa chambre, sa mère sort de sa propre chambre au même moment.

— Alors, ces travaux ? s’enquiert Sylvie en souriant.

— Ça va, répond Sonia d’un ton neutre.

Sylvie remarque que sa fille tient un ours en peluche dans ses bras. Curieuse comme une fouine, elle s’approche et le flatte.

— Pour qui l’as-tu acheté ? Il est tellement doux, on dirait le petit frère de la girafe de Félix.

— Pour personne, répond promptement Sonia. Je l’ai trouvé sur le capot de mon auto tout à l’heure. Si tu me prépares un chocolat chaud, je vais tout te raconter.

Sylvie écoute l’histoire de sa fille avec grand intérêt. Ces choses-là n’arrivent qu’à Sonia.

— Cela ressemble à un conte de fées, commente Sylvie. Pas de saint danger que ça m’arrive.

— Mais maman, tu es mariée ! Et puis, tu as passé l’âge des ours en peluche.

— Tu te trompes. Crois-moi, on n’est jamais assez vieux pour ça. Ce n’est pas le cadeau en tant que tel qui est important, c’est l’intention. Tu as toi-même passé le temps des ours en peluche, mais je mettrais ma main au feu que tu ne voudras pas le donner à Hélène, à Jérôme ou à Félix. Tu vas probablement le ranger au fond de ta garde-robe dans quelques jours, mais tu vas le garder. Pourquoi ? Parce que chaque fois que tu vas voir cet ours, tu vas te rappeler qu’un beau jour d’hiver, un certain Simon l’a laissé sur ton auto. Même si le cadeau ne t’était pas destiné, cela t’a fait plaisir. C’est tout ce qui compte.

Sonia est émue. Des larmes perlent au coin de ses yeux. Sylvie pose sa main sur celle de sa fille.

— J’espère me tromper, mais j’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Tu ne ris plus comme avant. Tu peux m’en parler, si tu veux.

S’il y a une personne à qui Sonia refuse de confier ce qu’elle vit, c’est bien sa mère. Il faut qu’elle invente quelque chose de crédible si elle veut que celle-ci la laisse tranquille. Elle pourrait parler de tout le travail qu’elle a à faire et de la peur qui la tenaille de ne pas y arriver. Pourquoi ne pas lui raconter qu’elle dort très mal ces temps-ci et que c’est pour cette raison qu’elle a le sourire moins facile ? Finalement, la jeune femme décide de préparer le terrain au cas où elle serait obligée de quitter Jacques.

— Eh bien, commence-t-elle en tournant une mèche de cheveux entre ses doigts, tu n’aimeras pas ce que je vais te dire, mais…

Voilà que Sylvie tremble de tout son corps à la pensée de ce que sa fille s’apprête à lui dire. N’y tenant plus, elle s’écrie :

— Tu n’es pas enceinte, au moins ?

— Non ! Bien sûr que non !

— Tu m’as fait peur, avoue Sylvie en s’essuyant le front du revers de la main. Explique-moi, je t’écoute.

En son for intérieur, Sylvie remercie Dieu. Le lendemain, elle ira allumer deux lampions pour lui exprimer toute sa reconnaissance.

— Eh bien… je pense sérieusement à quitter Jacques.

En un éclair, Sylvie est debout, les mains sur les hanches.

— Dis-moi que je rêve ! siffle-t-elle. Tu ne vas pas laisser un aussi bon gars, voyons donc ! Ma parole, tu collectionnes les hommes. As-tu pensé qu’ils ont un cœur, eux aussi ? Je ne te comprends pas, ma fille. Tu n’as pas le droit de jeter tes choux gras comme tu le fais. Je te préviens : un jour, tu vas payer pour ça. Parfois, j’ai l’impression que tu te prends pour la reine d’Angleterre. Vas-tu finir par trouver un homme à ton goût ? Non mais, je n’en reviens pas ! Tu agis comme une enfant gâtée. Je n’ai vraiment pas de félicitations à te faire.

Sur ces paroles, Sylvie retourne se coucher. Quant à Sonia, elle se félicite de ne pas avoir parlé de son avortement ; sinon, elle serait sûrement morte à l’heure actuelle. Sa mère lui causera des problèmes chaque fois qu’elle mettra fin à une relation amoureuse. « Ma foi, on dirait qu’elle aime mes chums plus que moi ! » Sonia va se coucher à son tour. Cette nuit-là, elle dort comme un bébé.

* * *

C’est un grand jour pour Michel, Paul-Eugène et Fernand. C’est aujourd’hui qu’ils déménagent leur magasin. Ils ont travaillé d’arrache-pied pour décorer à leur goût leur nouveau local. Et cette fois, ils ne se sont pas contentés de louer, ils ont acheté le bloc. Ils utiliseront tout le rez-de-chaussée et loueront les trois appartements de l’étage. Actuellement, ceux-ci sont tous loués – ce qui fait leur bonheur. L’ancien propriétaire les a assurés que les locataires étaient de bons payeurs et des gens tranquilles. Michel et ses associés ont l’intention de rénover les logements au fur et à mesure qu’ils se libéreront, ce qui leur permettra d’augmenter les loyers et aussi de les mettre un peu au goût du jour. Aucun des trois associés ne déménagerait dans l’un de ces trois logements, dans l’état actuel où se trouvent ces derniers. Cela a permis à Michel, Paul-Eugène et Fernand de prendre conscience de la chance qu’ils ont de posséder chacun leur maison et, bien qu’ils ne soient pas riches, de pouvoir s’offrir à peu près tout ce qu’ils désirent.

Ils ont réservé les services de déménageurs expérimentés pour ce grand jour. À cause du nombre de meubles qu’ils ont à déplacer et de la valeur de certains d’entre eux, ils n’avaient pas le choix. Et puis, aucun d’entre eux n’avait envie de forcer. De plus, même si Michel et Paul-Eugène possèdent une certaine expérience en matière de déménagement, ils se sont vite rendu compte qu’il y avait un monde entre déménager les effets d’une maison et ceux d’un commerce. Ces dernières semaines, ils ont travaillé tous les soirs pour tout planifier. Ils ont aménagé leur nouvel emplacement de manière à ce que les différents services offerts soient distincts les uns des autres. Aucune cloison n’a été érigée, mais des environnements suffisamment différents ont été créés pour que la clientèle puisse distinguer les services.

— Il faut déménager pour savoir tout ce qu’on a ! s’exclame Michel en s’essuyant le front du revers de la main. Je croyais qu’on ne verrait jamais le bout de ce branle-bas.

— Moi non plus ! renchérit Fernand. C’est fou, on vient d’emménager dans un local deux fois plus grand et j’ai déjà peur qu’on manque d’espace.

— Wo ! Wo ! réplique Paul-Eugène. Laisse-nous au moins le temps de tout placer. Ici, au moins, on va pouvoir mettre nos meubles en valeur.

— Et j’adore mon atelier. Je sais déjà comment je vais l’installer. D’ailleurs, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais revenir avec ma femme ce soir. Comme ça, demain matin je serai prêt à me mettre au travail.

Paul-Émile et Michel se regardent en haussant les sourcils. Ils n’empêcheront pas Fernand de faire du zèle, mais pour leur part ils ne se rendront au magasin que le lendemain matin.

— Tu fais comme tu veux, dit Michel. Moi, je m’en retourne à la maison.

— Moi aussi, indique Paul-Eugène. J’ai le dos en compote et je n’ai même pas forcé.

— Je n’ai vraiment pas hâte d’avoir ton âge ! se moque Fernand. Bon, je serais aussi bien d’y aller si je veux revenir. À demain !

Assis sur le coin d’un meuble, Michel et Paul-Eugène soupirent un bon coup. Ils sont aussi fatigués que s’ils avaient travaillé au pic et à la pelle toute la journée.

— Crois-tu qu’on a bien fait de déménager ? demande Michel, l’air inquiet. S’il fallait que ça ne marche pas, on serait dans la grosse misère.

— Pour être franc, répond Paul-Eugène en haussant les épaules, je pense que oui. Mais seul l’avenir nous le dira.

— La nuit dernière, je n’ai pratiquement pas fermé l’œil.

— C’est pareil pour moi. Parfois, je me dis que je suis trop vieux pour ces affaires-là.

— J’ai la gorge toute sèche. As-tu le temps d’aller prendre une couple de bières avant de rentrer ?

— Je suis libre comme l’air ! J’ai dit à Shirley de ne pas m’attendre pour souper.

* * *

Pendant ce temps, les deux sœurs discutent allègrement alors que le petit Félix dort à poings fermés.

— Veux-tu bien la laisser tranquille avec ça ! insiste Chantal. Tant qu’elle ne sera pas mariée, Sonia a le droit de changer de chums aussi souvent qu’elle le souhaite. Ce n’est pas parce que toi tu t’es mariée avec le premier que ta fille est obligée de faire la même chose. Laisse-la vivre un peu !

— Je te ferai remarquer qu’elle est bien loin du premier. Je n’ai pas assez de doigts sur mes deux mains pour compter le nombre de gars qui sont passés chez nous depuis qu’elle a eu son premier chum. Écoute, il y en a eu tellement que je n’arrive même pas à me souvenir de leurs prénoms. Parfois, je me trompe de nom. Dans ce temps-là, Sonia ne se gêne pas pour me faire les gros yeux.

— Je la comprends. Quand on sort avec un garçon et qu’on se décide à le présenter à sa famille, on veut que tout le monde sache à quel point il est important pour nous, et unique. La dernière chose qu’on désire, c’est que notre mère l’appelle comme notre ancien chum.

— Tu ne crois tout de même pas que je fais exprès ! s’insurge Sylvie. Si elle ne changeait pas d’amoureux aussi souvent, je ne me mélangerais pas.

Chantal croit plutôt que Sylvie ne se force pas pour retenir le prénom de l’amoureux du moment de Sonia.

— Chère Sylvie, tu es vraiment de mauvaise foi quand tu veux !

— Je voudrais bien te voir à ma place.

— Ce ne sera pas nécessaire, réplique Chantal. Je suis bien placée pour savoir ce qu’il en est : tu m’as fait exactement le même coup quand j’avais l’âge de Sonia.

L’air renfrogné, Sylvie croise les bras. Elle voudrait bien riposter, mais que pourrait-elle dire pour sa défense ? Sa sœur a raison. Elle fait subir à Sonia la même chose qu’à Chantal, autrefois.

Cette dernière ne voulait pas blesser sa sœur, mais il y a des limites. Sylvie devra accepter la manière de vivre de Sonia. Même si cela va à l’encontre de ses croyances et même si elle-même n’a connu qu’un seul homme…

Un petit cri de Félix permet à Chantal et Sylvie de sortir de leur mutisme. Elles bondissent de leur chaise comme si quelqu’un venait de leur donner une tape dans le dos. Elles ressemblent à de bons petits soldats se soumettant à leur supérieur. Quand les deux sœurs se rendent compte de leur réaction, elles éclatent de rire.

— Non mais, nous as-tu vues ? déclare Chantal. On a l’air de deux belles dindes qui obéissent au doigt et à l’œil. On n’est même pas capables de le laisser pleurer pour vrai et on accourt au moindre petit gémissement.

— C’est ça être mère, réplique Sylvie. Dès que nos enfants viennent au monde, ils deviennent notre priorité absolue.

— Je vois ça. Faut-il qu’on les aime pour tout sacrifier pour eux ! Mon fils a à peine quelques mois et ma vie tourne autour de lui. Je ne peux pas aller à l’épicerie quand je veux parce qu’il doit faire sa sieste. Je ne peux pas passer la balayeuse pour ne pas le réveiller. Je ne peux pas boire d’alcool parce que je le nourris. Je ne peux pas changer de savon parce que sa peau est trop fragile. Et je pourrais allonger la liste à l’infini. Depuis son premier battement de cils, c’est lui qui mène ici.

— Fais attention de ne pas trop en faire, la met en garde Sylvie. Sinon, il va te le faire payer un jour ou l’autre. J’accepte que les enfants soient ma priorité, mais pas qu’ils dirigent ma vie. Je veux bien leur donner tout ce dont ils ont besoin pour devenir des adultes, mais pas de manière exagérée. Papa disait toujours qu’il vaut mieux montrer à pêcher à quelqu’un plutôt que de lui fournir le poisson.

— C’est bien beau tout ça, mais comment doit-on agir quand on a les moyens de tout donner à son enfant ?

— Il faut se retenir de tout lui donner, justement. Lorsque j’ai hérité de mon amie Jeannine, on aurait pu octroyer de l’argent de poche aux enfants. Michel et moi en avons discuté longuement ; nous sommes arrivés à la conclusion que ce ne serait pas une bonne idée. Aujourd’hui, je sais qu’on a pris la bonne décision. Nos enfants sont débrouillards et ils connaissent la valeur de l’argent.

Chantal réfléchit. Certes, depuis qu’elle est mariée avec Xavier, son niveau de vie a considérablement augmenté. Avec son mari, elle ne risque pas de manquer de quoi que ce soit, et Félix non plus. De prime abord, elle serait tentée de donner à son fils tout ce qu’elle n’a pas eu, mais si elle se fie à Sylvie, une telle attitude serait déraisonnable.

— Tu as raison, finit par convenir Chantal. Félix ne serait pas plus heureux même si sa chambre débordait de jouets.

Sylvie est soulagée, car elle avait peur que l’argent change Chantal. Elle constate avec plaisir que celle-ci n’a rien perdu de son sens des valeurs. Cela la rend très heureuse.

— Ça te dirait de manger du pop-corn ? demande Chantal.

— C’est sûr ! s’écrie Sylvie. Une offre comme celle-là, ça ne se refuse pas.

— Figure-toi que Xavier m’a acheté une machine à pop-corn.

Pour sa part, Sylvie tient à la bonne vieille méthode de la casserole sur le feu avec un peu d’huile au fond. Elle fait la moue.

— Attends d’y goûter avant de parler, conseille Chantal. Je gage que tu vas courir t’acheter un appareil semblable en sortant d’ici.

— Il n’y a aucun risque pour moi.

— On verra bien. Veux-tu avoir du beurre fondu sur ton pop-corn ou des épices ? Avec des épices, c’est vraiment bon.

Sylvie plisse le nez.

— Depuis quand met-on des épices sur le pop-corn ?

— Fais-moi confiance. Je suis certaine que tu vas adorer ça. Moi, c’est ce que je préfère. Et c’est bien moins gras que le beurre.

Quelques minutes plus tard, les deux sœurs mangent allègrement du pop-corn. Comme Chantal l’avait prédit, Sylvie a décidé de s’acheter une machine.

— C’est bien plus sécuritaire que l’ancienne méthode, affirme-t-elle fièrement.

— J’oublie toujours de t’en parler, mais as-tu fini par en savoir plus sur le voyage de Sonia et de tante Irma à New York ?

— Non, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’ai l’impression qu’elles se sont entendues sur ce qu’elles doivent dire. Que je parle à l’une ou à l’autre, je reçois la même réponse pratiquement mot pour mot. Je suis certaine qu’elles cachent quelque chose.

— As-tu eu des nouvelles de papa dernièrement ?

— Eh bien, je suis allée le voir en fin de semaine et il était en grande forme. Il courait comme une gazelle ! Suzanne m’a dit qu’après les Fêtes, il avait souffert seulement d’un peu de surmenage.

— Tant mieux !

— Maintenant, il faut vraiment que j’y aille. Reste assise, je connais le chemin. À la prochaine !