Chapitre 19

Sonia travaille d’arrache-pied pour ne pas penser à Jacques et à tout ce qui l’a amenée à rompre avec lui. Depuis, on pourrait presque dire qu’elle se noie dans la peinture. Elle passe tout son temps libre avec un pinceau dans une main et sa palette de couleurs dans l’autre. Elle ne sort plus, sauf pour assister à ses cours. Depuis qu’elle sait qu’elle exposera à Edmonton, Sonia se concentre sur ce projet. Comme la galerie lui a laissé carte blanche quant au choix des œuvres, elle a décidé de réaliser une série complète sur le thème de l’amour. La jeune femme veut illustrer les bons côtés de ce sentiment, et aussi ce qu’il génère de négatif quand il meurt ou qu’on renonce à lui. Cette fois, elle a opté pour des toiles plus hautes que larges. Elle poussera l’audace jusqu’à les présenter en duo. Le beau et le laid. Le blanc et le noir. L’extase et la désolation. La passion et le désert. La joie intense et la peine sans fond. Le plus haut sommet et la chute brutale. Sonia songe même à appeler son exposition : « Quand l’amour vient… Quand l’amour va… »

Pour une fois, le concept s’est imposé de lui-même. Sonia avait à peine terminé sa conversation téléphonique avec son oncle André qu’elle savait déjà quelle direction elle prendrait. Elle a peaufiné le tout quelques jours avant de rappeler son oncle pour obtenir son avis.

— J’adore ça, a-t-il affirmé. Si je ne me retenais pas, je te dirais de me réserver un duo. Tu vas faire un tabac.

— Attends au moins de voir mes tableaux ! s’est exclamée Sonia. Je ne suis quand même pas la première artiste à choisir l’amour comme thème.

— Je suis certain que je vais les adorer. Mais dis-moi, tu es bien sûre de pouvoir tout terminer dans les délais imposés ? Il me semble que c’est serré. Sinon, tu pourrais glisser dans l’exposition une ou deux autres de tes toiles.

— Ne t’inquiète pas pour moi, je vais y arriver.

— Je ne voudrais quand même pas que tu te tues au travail.

Même si Sonia aime beaucoup son oncle, elle n’est pas suffisamment proche de lui pour lui livrer ses états d’âme. C’est pourquoi elle a répondu :

— Pour l’instant, travailler me fait le plus grand bien.

Heureusement, son oncle André est un homme galant. Il n’a pas insisté.

— C’est toi qui le sais. J’espère que tu n’y verras pas d’inconvénient, mais j’ai promis à la propriétaire de la galerie où tu vas exposer de lui prêter la grande toile que je t’avais commandée. Tu aurais dû la voir : elle était en extase devant ton œuvre.

— Il n’y a pas de problème. En plus, ce tableau s’agencera très bien avec le thème.

Sonia laisse glisser son pinceau sur la toile au son des airs d’opéra que pousse Sylvie sans relâche pour préparer son premier spectacle solo. Quand la jeune femme en parle à ses amis, tous avouent ne pas comprendre comment elle arrive à créer dans un tel vacarme.

— Mais l’opéra n’est pas un bruit, pour moi ; c’est comme une musique de fond. Depuis que je peins, je crée dans une telle atmosphère. Je peux vous dire qu’il me manque quelque chose quand ma mère ne chante pas. Si vous l’aviez déjà entendue, vous comprendriez pourquoi j’aime tant l’entendre chanter.

Même si elle est loin d’être une connaisseuse en matière d’opéra, Sonia trouve que sa mère chante divinement. On dirait un ange. Et sa voix est encore plus belle qu’avant. La jeune femme est impatiente d’assister au spectacle de Sylvie. Xavier a engagé les jumeaux pour qu’ils posent des affiches un peu partout. François et Dominic étaient fous de joie à l’idée de gagner un peu d’argent. Comme Xavier ne fait jamais les choses à moitié, l’affiche est vraiment réussie. Chaque fois qu’elle en voit une, Sonia sourit. Elle est tellement fière de sa mère qu’elle a posé quelques affiches dans les salles où elle suit ses cours.

Aux dernières nouvelles, les billets pour le spectacle se vendaient comme des petits pains chauds. Xavier a déjà dit à Sylvie de se préparer à donner un deuxième spectacle. Évidemment, celle-ci était folle de joie. De peur d’être déçue, elle ne s’informe jamais du nombre de billets vendus. Même lorsqu’elle voit Xavier, c’est un sujet qu’elle évite. Elle suit à la lettre son conseil : « Concentre-toi sur les chansons ; je m’occupe du reste. »

Malgré tous les efforts que Sonia a déployés pour convaincre ses amis de venir entendre sa mère, la jeune femme n’a vendu qu’un seul billet. Elle ne comprend pas pourquoi les jeunes de son âge détestent autant l’opéra. Même Isabelle a refusé d’acheter un billet.

— Tu m’excuseras, mais je ne peux pas m’imaginer passer toute une soirée à écouter des airs d’opéra. Ce n’est vraiment pas ma tasse de thé.

Sonia n’a pas insisté. Elle a écouté les recommandations que sa mère lui avait données à ce sujet.

— Tout le monde n’aime pas l’opéra, avait dit Sylvie. Tu peux parler de mon spectacle à tes amis, mais ne les oblige pas à acheter un billet. Pour ma part, je préfère de loin chanter devant des gens qui aiment ce que je fais plutôt que devant des gens qui cognent des clous.

— Mais tu as dit que tu ne les voyais pas, avait objecté Sonia.

— Je te rappelle que je vais me produire dans une toute petite salle, ce qui fait que j’aurai l’impression de chanter dans mon salon. Je serai très proche des gens.

— Je suis quand même désolée de voir à quel point certaines personnes ont l’esprit étroit. « Je n’aime pas l’opéra, un point c’est tout. » Pourtant, quand je creuse un peu, je me rends vite compte que c’est plus par méconnaissance qu’autre chose.

Sylvie est touchée de voir à quel point Sonia a à cœur de faire connaître l’opéra aux personnes qui l’entoure. Elle a même tenu à payer son billet comme tout le monde.

— Je sais tout ça, mais ni toi ni moi ne pourrons rien y changer. Au mieux, on peut parler de l’opéra en termes élogieux comme tu le fais. La vie va t’apprendre que souvent les gens se forgent une idée sur un sujet à partir de ce qu’ils ont glané à gauche et à droite. Souvent même, ils véhiculent des faussetés sans s’en préoccuper le moindrement.

Alors que Sonia s’apprête à donner un dernier coup de pinceau, la porte de sa chambre s’ouvre brusquement sur Junior. La jeune femme sursaute.

— Salut ! s’écrie Junior. Comme je te l’avais promis, je suis venu te chercher pour t’emmener à ma répétition. Dépêche-toi !

— Wo ! Tu aurais pu me prévenir d’avance.

— Pour que tu te trouves une excuse ? Non merci ! Fais vite ; il faut qu’on parte dans cinq minutes au plus tard.

— Mais je n’ai même pas mangé. Il faut aussi que je nettoie mes pinceaux et que je me change ! Tu ne voudrais quand même pas que je te fasse honte ?

Sonia voit bien que cette fois elle ne pourra pas se défiler. Quitte à ce qu’il arrive en retard à sa répétition, Junior l’attendra. Comme elle ne veut pas créer d’ennuis à son frère, elle lui dit :

— Indique-moi où cela se passe et j’irai te rejoindre avec mon auto.

— Comme tu veux ! Mais je t’avertis : ne t’avise pas de me faire faux bond. Il est grand temps que tu mettes le nez dehors.

Puis, sur un ton plus fraternel, il ajoute :

— À ta place, je prendrais le métro. Tu n’aurais qu’une petite marche de cinq minutes à faire. Il n’y a jamais de stationnement là où on va. Tu pourrais revenir avec moi. Nous partirons tout de suite après la répétition parce qu’Édith et moi sortons ce soir.

Junior saisit un bout de papier qui traîne sur le bureau de sa sœur et griffonne l’adresse dessus.

— Ne tarde pas ! On en a pour deux heures tout au plus.

Au moment où Junior va sortir, son regard est attiré par l’ours blanc de Sonia.

— C’est pour qui, l’ours ? demande-t-il.

— Il est à moi ! Je l’ai trouvé sur le capot de mon auto. C’est un certain Simon qui me l’a offert. Mais je ne connais aucun gars de ce nom.

— Bizarre… signale Junior. Le batteur de mon groupe s’appelle justement Simon. À plus tard !

Après le départ de son frère, Sonia sourit. « Cher Junior ! Malgré toutes ses occupations, il se soucie encore de moi. Une chance que je l’ai ! »

* * *

Aujourd’hui, c’est une première pour Isabelle. Elle prendra le métro toute seule avec son fils. Shirley lui a donné rendez-vous après son travail. Elles iront d’abord manger au restaurant et, ensuite, elles feront les magasins jusqu’à la fermeture. Isabelle aurait pu laisser Jérôme à Irma, ce qui aurait été moins compliqué pour elle, mais Shirley a beaucoup insisté pour qu’elle emmène le petit.

— Tu comprends, j’en profiterai pour le montrer à quelques collègues, a-t-elle dit d’un air gêné. Il y a tellement longtemps que je leur casse les oreilles avec mon petit-fils…

Il y a si longtemps qu’Isabelle souhaite que sa mère se comporte comme une vraie grand-mère qu’elle se voyait très mal lui refuser ce plaisir. C’est donc avec armes et bagages qu’Irma l’a déposée au métro de Longueuil. Heureusement, la jeune femme n’aura pas besoin de changer de ligne. Elle devra marcher un peu pour se rendre à l’hôpital où Shirley travaille mais, avec la poussette, ce sera un jeu d’enfant. Et puis, il fait un temps magnifique. Une petite neige folle tombe doucement depuis ce matin. C’est le genre de température qu’Isabelle préfère.

Occupée à installer confortablement son fils dans la poussette, la jeune femme ne remarque pas qu’à quelques pas un homme la fixe. Lorsqu’elle lève la tête, elle plonge involontairement son regard dans celui de l’homme. Quelques secondes plus tard, elle est prise d’une vague de chaleur qui parcourt toute sa colonne vertébrale. Hubert ? Il n’y a aucun doute, il s’agit bien de lui. Elle le reconnaîtrait en pleine noirceur. Isabelle espérait ne jamais le revoir, et voilà qu’il se trouve devant elle. Au nombre de personnes qui habitent sur l’île, il a fallu qu’elle tombe sur lui. La jeune femme voudrait disparaître. Et si elle faisait semblant de ne pas l’avoir vu ? Non, il est déjà trop tard. Elle pourrait se sauver en courant, mais cela est impossible car elle n’est pas seule. Isabelle est de plus en plus mal à l’aise. Revoir Hubert la bouleverse. Et le fait qu’elle soit avec son fils représente une vraie catastrophe. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que Jérôme est le portrait craché d’Hubert. La jeune femme est désemparée, et incapable de bouger le petit doigt.

D’un pas assuré, Hubert s’approche d’elle. Isabelle tremble de tout son corps. Une fois à sa hauteur, il s’agenouille devant Jérôme et lui sourit. Habituellement de nature plutôt réservée, l’enfant se met à gazouiller comme s’il avait des tas de choses à raconter à cet homme qu’il voit pourtant pour la première fois. Isabelle se sent de plus en plus mal. Plus les secondes passent, plus ses jambes faiblissent. Elle s’agrippe à la poussette de toutes ses forces.

Lorsque Hubert se relève, Isabelle est au bord de la crise de nerfs. Aussitôt qu’il constate l’état de celle-ci, il lui prend la main et dit doucement :

— Viens t’asseoir, tu es toute pâle.

Isabelle le suit jusqu’au banc le plus proche sans montrer aucune résistance. Elle se sent prise au piège. Encore sous l’effet du choc, Hubert ajoute :

— Jamais je n’aurais pu imaginer qu’il me ressemblait autant. Personne ne m’a fait un aussi beau cadeau, pas même ma femme.

Loin de rassurer Isabelle, ces mots sonnent l’alarme en elle. Comment peut-il parler ainsi puisqu’elle ne lui avait pas révélé sa grossesse ? Il faut qu’elle en ait le cœur net.

— Qui t’a mis au courant ?

Sans se préoccuper du ton d’Isabelle, Hubert raconte :

— J’ai reçu la visite d’une très belle jeune fille qui disait être ton amie. Ça faisait au moins deux mois que je n’avais pas eu de nouvelles de toi. Il me semble qu’elle travaillait dans une galerie. Tu m’excuseras, mais j’ai oublié son prénom.

Isabelle voudrait qu’il se taise. Elle en a suffisamment entendu. Et puis, elle est si fâchée qu’elle hurlerait. Comment Sonia a-t-elle pu lui faire ça ? Comment a-t-elle osé trahir son secret ? Comment a-t-elle eu l’audace de lui demander de garder le silence au sujet de son avortement après ce qu’elle lui avait fait ? « Avec une amie comme elle, je n’ai pas besoin d’ennemis. »

Quand il remarque l’expression d’Isabelle, Hubert ajoute :

— Ne perds pas ton temps à en vouloir à ton amie. Elle a fait pour le mieux dans les circonstances. Et puis, ça crève les yeux que c’est mon fils. Mais j’aurais quand même aimé que tu m’en parles. Ne serait-ce qu’en souvenir de tout ce qu’on avait vécu ensemble, cela aurait été la moindre des choses.

— Pour ce que ça aurait changé, de toute façon ! réplique Isabelle. Même lorsque tu as appris que j’étais enceinte, tu n’as pas daigné lever le petit doigt. Notre rencontre d’aujourd’hui me prouve que j’ai bien fait de ne rien te dire.

À mesure que les secondes passent, Isabelle retrouve son assurance.

— Au cas où ça t’intéresserait, je vais très bien. Et ton fils aussi. Tu vas m’excuser, mais je dois aller rejoindre ma mère.

Les deux mains sur les poignées de la poussette, Isabelle se dirige vers la sortie. Elle ne se retourne pas une seule fois. Ce n’est que dehors qu’elle est secouée par de gros sanglots. Les gens qu’elle croise la regardent d’un drôle d’air, mais elle ne s’en préoccupe pas. Elle dispose tout au plus d’une dizaine de minutes pour se composer un visage normal avant d’arriver à l’hôpital. Revoir Hubert l’a bouleversée. Même si elle savait depuis le jour où elle l’a connu qu’elle n’avait aucun avenir avec cet homme, elle ressent encore quelque chose pour lui malgré tout. Évidemment, Jérôme ne l’aide en rien à oublier Hubert. Chaque fois qu’Isabelle pose les yeux sur son fils, elle a l’impression d’avoir le père du petit devant elle. Certains jours, cela lui donne froid dans le dos.

Si Sonia se trouvait devant elle à ce moment précis, Isabelle la rouerait de coups. Elle est vraiment fâchée contre son amie. Elle sait maintenant que l’intervention de Sonia n’a strictement rien changé dans l’attitude d’Hubert, mais celle-ci n’avait pas le droit de s’en mêler. « Comment se sentirait-elle si je parlais de son avortement à Jacques ? » Ce serait très facile pour elle de téléphoner à ce dernier et de lui raconter la petite escapade de Sonia à New York. Ou mieux encore, elle pourrait en parler à Christian pour qu’il rapporte le tout au principal intéressé. Elle s’essuie rageusement les yeux avec ses gants de laine. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. » Isabelle décide de ne pas agir sous le coup de la colère.

Comme elle arrive un peu en avance à l’hôpital, elle prend le temps de se calmer avant d’entrer dans l’édifice. Elle s’assure ensuite que son petit garçon est à son meilleur. Pour une fois que sa grand-mère veut le montrer, il vaut mieux que Jérôme soit impeccable de la tête aux pieds.

Aussitôt que Shirley aperçoit Isabelle et l’enfant, elle court à leur rencontre. Ce n’est qu’après avoir embrassé son petit-fils sur les deux joues qu’elle s’intéresse enfin à Isabelle. « Les parents passent toujours en deuxième avec les grands-parents. J’espère que je vais finir par m’habituer. »

— Je te remercie d’être venue jusqu’ici, dit Shirley d’une voix enjouée. Je sais que ce n’est pas simple de prendre le métro avec un enfant. Si tu n’y vois pas d’objection, je voudrais présenter mon petit trésor à quelques collègues.

— Je peux t’attendre ici si tu préfères, répond Isabelle.

— Il n’en est pas question. Viens !

Cette petite tournée avec sa mère fait le plus grand bien à Isabelle. Shirley a mis du temps à se faire à l’idée qu’elle était grand-mère bien que sa fille ne soit pas mariée. Mais depuis qu’elle a accepté la situation, il faut reconnaître que Shirley s’avère une grand-mère exemplaire. Elle vient voir son petit-fils régulièrement et, en plus, de temps en temps, elle propose même à Isabelle de garder Jérôme pour lui permettre de sortir avec son chum. D’ailleurs, plus le temps passe, plus Isabelle croit que c’est avec Christian qu’elle aurait dû avoir un enfant. Chaque fois qu’il est là, il s’occupe de Jérôme comme si celui-ci était son garçon.

— Il est adorable ton fils, lui répète-t-il souvent.

Chaque fois, ces mots lui font chaud au cœur. Isabelle fait son possible pour ne pas lui imposer Jérôme, mais il y a des moments où le petit influence forcément ses choix et son emploi du temps. Depuis qu’Isabelle sort avec Christian, ils ont dû changer leurs plans plusieurs fois parce que l’enfant était malade. Jamais Christian ne lui a fait le moindre reproche. Quand elle commence à s’excuser, il lui dit :

— Arrête ! Je savais que tu avais un fils. Passe-le-moi, je vais essayer de l’endormir.

Isabelle a beaucoup de chance de l’avoir. Si ce n’avait été de Sonia, elle serait encore en train de se morfondre et de pleurer en cachette. « Mais ça ne lui donnait pas le droit d’aller voir Hubert. Elle n’a aucune excuse. »

La mère et la fille sont ravies de leur soirée. Elles sont revenues chargées de paquets de leur virée dans les magasins. Shirley a offert plusieurs vêtements à son petit-fils et à sa fille. Isabelle est folle de joie.

— Je ne me souviens même pas de la dernière fois où je me suis payé un nouveau vêtement ! s’écrie-t-elle. Je te remercie, maman !

— Tout le plaisir est pour moi !

— Merci aussi pour tout ce que tu as acheté à Jérôme. Tu n’as pas idée à quel point ça m’aide.

Shirley sait que sa fille ne roule pas sur l’or. Entre ses études, ses travaux et son fils, il ne lui reste plus guère de temps pour travailler à l’extérieur, ne serait-ce que quelques heures. Heureusement que Paul-Eugène donne de l’argent à Irma pour payer la pension d’Isabelle et celle de Jérôme parce que la jeune femme n’arriverait pas à tout payer avec ses prêts et bourses.

— Je sais tout ça, Isabelle, déclare Shirley en posant sa main sur celle de sa fille.

Puis, les deux femmes regardent avec amour le petit Jérôme. Bien assis dans sa poussette, il dort à poings fermés depuis plus d’une heure déjà.

Sous le coup de l’émotion, Shirley ajoute d’une voix à peine audible :

— Je ne te remercierai jamais assez de m’avoir tenu tête.