L’horrible sensation de chaleur qui pique les yeux du nouveau-né et brûle ses poumons a presque disparu pour laisser place à une agréable fraîcheur et la douce certitude d’être porté par la Présence (qu’il appellerait un jour maman), la pièce (qu’il appellerait un jour la cuisine) file à toute allure, rien n’existe à part ce trajet, ni le haut et le bas, ni l’avant et l’après, ni même l’armée de doudous roses et bleus qui dominent le lieu (qu’il appellerait un jour le lit) comme des génies tutélaires et bienveillants, et l’air vibre de sons aussitôt remplacés par ce qu’il appellerait un jour envie de rirepleurerfairecaca, impression bientôt remplacée par une vague d’amour, rattrapée à son tour par une désagréable sensation de froid-mouillé tandis qu’au loin, tout au loin, quelques vibrations frappent la cochlée de l’oreille moyenne, souvenirs brumeux d’un passé amniotique déjà peuplé de ces sons qui n’ont à ce moment-là pas plus de sens ni de consistance que les éléments flous du haut (qu’il appellerait un jour le plafond), du bas (qu’il appellerait un jour le plancher) et du côté (qu’il appellerait un jour les murs).
(S’assurant que la petite mouche a trouvé le chemin de la sortie, la mère de famille ferme la fenêtre, se ravise et la laisse entrouverte : température, 21 degrés centigrades. Hygrométrie, 65 pour cent. Ensoleillement, toujours déclinant. Biocénose/zoocénose, rien à signaler, continuer à explorer, à capter, à percevoir. Altitude, 58 mètres.)